Aux origines

Multimillénaire, l’histoire architecturale de l’Inde remonte aux étonnants ensembles d’abris sous-roche préhistoriques. Parmi eux, ceux de Bhimbetka, près de Bhopal, sont les plus impressionnants. Taillés au cœur d’énormes affleurements de grès, ces abris possèdent également des traces de peintures murales dépeignant des modes de vie que perpétuent encore les communautés villageoises vivant aux alentours du site. Les premiers établissements agricoles datent de 7000 av. J.-C., mais il faut attendre 3000 av. J.-C. pour voir se développer une authentique culture urbanisée, celle de la civilisation de l’Indus, également appelée civilisation harappéenne, du nom de son centre principal Harappa. Les villes de l’époque présentent un plan orthogonal et s’organisent autour d’un centre politique, religieux et administratif installé dans une zone surélevée par rapport aux autres quartiers artisanaux et résidentiels. Les vastes greniers en brique crue retrouvés témoignent d’une gestion agricole centralisée, tandis que les systèmes de réservoir, drainage et évacuation des eaux illustrent un souci manifeste d’hygiène publique. La cité de Dholavira dans le Gujarat en est le plus bel exemple. Elle conserve notamment un château entouré de puissantes fortifications, un centre cérémoniel et des rues bordées par des habitations de tailles différentes, témoignant d’une société déjà très hiérarchisée. La plupart des constructions de la ville sont réalisées en maçonnerie de pierre avec un noyau composé de brique crue, une technique sophistiquée assurant une grande stabilité.

Héritage bouddhique

Pays de naissance du bouddhisme, l’Inde abrite de nombreux trésors architecturaux reflétant cet héritage spirituel et religieux. Les édifices bouddhiques peuvent se répartir en trois types. Les stupas, reliquaires monumentaux, sont directement hérités de la tradition des tumulus mégalithiques composés d’un tertre abritant une sépulture et entouré d’une palissade. Le plus souvent en briques peintes ou ornées de pierres historiées (éléments décoratifs évoquant des scènes « narratives »), ces dômes hémisphériques reposent sur une plateforme circulaire et sont surmontés de la chambre des reliques, le plus souvent de plan carré et en pierre, et d’une sorte de belvédère sur lequel repose les « parasols » symboles de sainteté. Des promenoirs sont aménagés dans la plateforme afin de permettre aux fidèles de réaliser le rituel de circumambulation (marche autour du stupa suivant le sens des aiguilles d’une montre). L’ensemble est ceint de balustrades (vedika) percées de portiques (torana), tous généralement élégamment sculptés et décorés. Les sanctuaires ou chaitya ne sont pas sans rappeler les églises occidentales et leur plan basilical. En effet, ces derniers se caractérisent par une nef centrale délimitée par des rangées de piliers et flanquée de demi-nefs latérales, et qui s’arrondit telle une abside à son extrémité postérieure où se situe un petit stupa en forme de coupole. Originellement en bois, les sanctuaires qui nous sont parvenus sont en pierre. Certains ont même été directement taillés dans la roche, et ce, dès le IIIe millénaire avant notre ère. Voûtés en berceau, ouverts en façade par une large baie en fer à cheval, ces sanctuaires rupestres impressionnent par l’ampleur de leur proportion et la beauté de leur décor. Les monastères, eux, constituent de véritables centres culturels et religieux. Ceux dits excavés témoignent d’une grande habileté architecturale avec leurs dizaines de grottes abritant sanctuaires, chapelles et habitations communautaires. Les monastères de la vallée de l’Indus, eux, sont généralement construits en hauteur et surplombent un village. Leur partie supérieure abrite les temples (thakang), la grande salle d’assemblée (dukhang) et le temple des divinités tutélaires terrifiantes (gonkhang). La partie inférieure, à flanc de montagne, voit s’échelonner les habitations des moines. Parmi les trésors du bouddhisme, ne manquez pas l’étonnant héritage de l’empire Maurya et de son souverain le plus célèbre, Ashoka, qui fit graver son code éthique et spirituel dans la roche ou sur des piliers monolithes (stambha) et qui initia la construction de l’ensemble de Sanchi abritant de somptueux palais temples et monastères. Autres immanquables : les grottes d’Ajanta et d’Ellora mêlant monastères, sanctuaires et temples monolithiques taillés dans la roche ; l’incroyable site des ruines de l’Université de Nalanda où, au milieu des stupas et des sanctuaires, s’élèvent de superbes vihara (bâtiments résidentiels et éducatifs) ; ou bien encore les nombreux monastères du Ladakh appelés gompa.

Splendeurs hindoues

L’architecture hindoue applique les canons du Vastu Shastra, science de l’architecture édictant d’immuables principes de symétrie, d’alignements directionnels et de circulations des flux et des énergies. Les premiers temples, liés aux cultes brahmaniques, étaient de petites structures simples composées d’une cella (chambre de la divinité) à toit plat. Puis progressivement, les temples se sont agrandis, et leurs structures se sont complexifiées, se dotant notamment de toitures à faux étages aux formes variées. C’est principalement sous l’empire Gupta (IIIe-VIe siècle) qu’ont été développés les grands principes de l’architecture hindoue, les temples reproduisant l’ordonnancement du cosmos. La plupart des temples sont érigés sur des plateformes en pierre ou en granit dans lesquelles sont taillées des marches ou gradins permettant d’accéder au lieu saint. Le culte en lui-même se déroule dans un petit sanctuaire au cœur du temple baptisé garbhagriha (chambre-matrice). Le passage du sacré au profane se lit dans l’organisation spatiale : les fidèles passent, dans un savant entrelacs de cours et corridors, des espaces ouverts à tous et richement décorés, au saint des saints, plus sombre et austère. Des espaces de circumambulation sont également dessinés pour permettre aux fidèles de réaliser la marche rituelle autour du sanctuaire. Le temple est lui-même précédé d’un ou plusieurs mandapas, pavillons souvent à toits pyramidaux supportés par une série de piliers. Des enceintes protègent ces temples devenus de véritables complexes religieux. Mais ce sont surtout deux éléments qui attirent tous les regards : le gopura, tour-portail monumentale intégrée à l’enceinte ; et le vimana, le toit à élévation du sanctuaire. Au Nord, selon les codes du style appelé Nagara, la tour-sanctuaire possède un sikhara ou spirale conique à arêtes curvilignes avec un faîte orné d’un amalaka, pierre en forme de disque cannelé ou de coussinet de pierre côtelé. Au Sud, les temples suivent les préceptes dravidiens et offrent des vimana pyramidaux à plusieurs étages ; tandis que leurs gopura font l’objet de toutes les attentions décoratives et se voient recouvrir de milliers de sculptures et de peintures colorées. Parmi les joyaux de l’Inde du Nord, notons : l’ensemble monumental de Khajuraho, dans le Madhya Pradesh, dont les 23 temples allient art de la composition et finesse des sculptures ; le temple de Kakatiya Rudreshwara dans le Telangana, superbe structure en grès dont on admire le vimana pyramidal construit en briques poreuses légères appelées briques flottantes et qui réduisent le poids des structures du toit ; ou bien encore les splendeurs de l’Odisha où la dynastie Ganga a édifié les temples de Konark et de Puri. Parmi les chefs-d’œuvre de l’Inde du Sud, notons l’ensemble monumental de Mahabalipuram, splendeur de la dynastie des Pallava mêlant sanctuaires rupestres et temples monolithiques (rathas). Les temples du Kerala, eux, vous éblouiront par leurs sanctuaires aux toits recouverts de tuiles ou de plaques de bronze se reflétant dans les bassins ou étangs sacrés. Dans le Tamil Nadu, préparez-vous à un tourbillon de sculptures et de couleurs avec les splendeurs de la dynastie Chola comme le superbe Brihadeesvara Temple à Thanjavur dont le vimana du temple principal s’élève à 59 m de haut ; ou le Meenakshi Amman Temple à Madurai célèbre pour ses 12 gopura colorés recouverts d’une multitude de représentation de dieux et démons. Dans l’État du Karnataka enfin, ne manquez pas le superbe complexe de Pattadakal, étonnant mélange de traditions du Nord et du Sud avec ses différents vimana ; et l’incroyable ensemble monumental de Hampi, capitale du dernier grand royaume hindou de Vijayanagar, avec ses temples autour desquels s’organisaient de véritables petites cités.

Avènement de l’islam et splendeurs mogholes

Les plus anciens témoins d’une présence islamique en Inde sont les œuvres de Qutb ab Din Aybak qui, au XIIe siècle, créa le premier sultanat de Delhi. Symbole d’un étonnant syncrétisme, la mosquée Quvat al-Islam est bâtie sur la plateforme d’un ancien temple hindou, tandis que sa qibla (espace indiquant l’orientation de La Mecque) est surmontée de volumes à dômes, hindous également. Son minaret en grès rouge atteint 72 m de haut et offre une superbe alternance de nervures cylindriques et triangulaires. Baptisé Qutb Minar, cette tour monumentale est érigée comme symbole du triomphe de la foi musulmane. Importation des arcs et des coupoles, importance donnée à la symétrie et aux proportions, grande richesse décorative (inscriptions calligraphiques, arabesques, motifs floraux ou géométriques), innovations formelles comme les écrans de pierre ajourés (jali) ou les chattris (petits kiosques à baldaquins avec un toit à coupole ombelliforme) comptent parmi les grandes caractéristiques de cette architecture islamique, qui se fait tout à la fois défensive, mémorielle et décorative. À découvrir : les anciennes capitales Tughluqabad et Jahanpanah ; la ville historique fortifiée d’Ahmedabad ; ou bien encore les mosquées du Deccan. Dans le Madhya Pradesh, notamment à Mandu, princes et sultans se faisaient construire de grands palais, à l’image du Javaz Mahal qui impressionne avec ses 110 m de long surplombant deux miroirs d’eau. Une monumentalité qui annonce les splendeurs de la dynastie moghole. Le premier grand édifice de la période est le tombeau de Humayun, à Delhi, qui fait office de véritable manifeste de l’architecture moghole. Le mausolée est placé au centre d’un jardin divisé en 4 parties symétriques par 2 courants se coupant à angle droit, une tradition persane baptisée chahar-bagh. L’édifice offre également de superbes effets chromatiques entre le grès rouge, la pierre jaune locale, les insertions de marbre blanc, la brique de terre cuite et les incrustations de céramiques. Équilibre et rationalité président à la réalisation de ce mausolée dont les volumes reprennent la pureté de l’octogone. Une puissance qui atteindra son apogée avec le Taj Mahal. De l’organisation des jardins et bassins à l’alignement des bâtiments, tout est pensé pour mettre en valeur cette splendeur de marbre blanc flanquée de 4 minarets et surplombée d’une grande coupole centrale en bulbe. Ce jardin-mausolée à la « sensualité glaciale » offre une grande richesse décorative, dont les incrustations de pierres précieuses dans le marbre effectuées selon la technique dite de la pietra dura. Une fois le dessin choisi, un maître-artisan l’exécutait dans le marbre. Les pierres étaient ensuite triées, taillées, ciselées, puis encastrées et collées dans les motifs évidés ; le tout étant ensuite poli à l’aide d’un émeri doux. Les Moghols étaient également des maîtres de l’urbanisme comme en témoigne Fatehpur Sikri, cité palatiale entièrement planifiée par Akbar et abritant notamment une superbe mosquée. Dans la tradition moghole, les grandes mosquées se caractérisent par des iwans monumentaux (portail-salle voûté ouvert à une extrémité et faisant face à la qibla) et la présence d’une grande cour centrale ouverte flanquée de minarets. Les Moghols sont également célèbres pour leurs forts, tels les Forts rouges d’Agra et de Delhi, ainsi baptisés car tous deux protégés par d’imposants murs d’enceinte en grès rouge et abritant palais, mosquées et jardins. Synthèse des styles musulmans et hindous, les gurdwara sikhs sont représentatifs de la fin de la période moghole. Le plus célèbre est le Golden Temple d’Amritsar au dôme en fleur de lotus recouvert de plaques d’or et possédant un sol si précieux qu’il ne peut être balayé qu’avec des… plumes de paon !

Magnificences royales

Durant la période moghole, les royaumes indépendants du Rajasthan, du Gujarat et du Madhya Pradesh ont connu une effervescence architecturale sans pareille. Superbe exemple d’urbanisme planifié et raisonné – la ville est organisée selon un plan quadrillé avec des rues bordées de colonnades dont les croisements forment de grandes places publiques appelées chaupars et divisé en quartiers appelés chowkris –, Jaipur veut rivaliser avec les villes mogholes. Son fondateur, Sawai Jai Singh II, la dote de palais et temples taillés dans un grès rose qui donne à la ville une identité unique. À Jaisalmer, impossible de ne pas être ébloui par les oriels, balcons, vérandas et arcades richement sculptés des havelis, les demeures princières fortifiées, taillés dans des grès rose ou jaune. Dans le Madhya Pradesh, ne manquez pas la grande citadelle de Gwalior, protégée par d’imposants bastions et enceintes abritant des palais ornés de superbes bas-reliefs, panneaux en pierre sculptée et carreaux de faïence. La citadelle possède également des structures souterraines qui abritaient bains et fontaines ! Dans le Gujarat, la vieille ville d’Ahmedabad a su conserver son réseau de rues bordées de somptueuses maisons et souvent fermées par de très belles portes d’accès. La ville a su développer un style unique, s’inspirant notamment de l’architecture vernaculaire en bois. Enfin, comment ne pas évoquer l’une des villes les plus sacrées du pays : Varanasi (Bénarès). La ville de Shiva est célèbre pour ses ghâts (90 au total !), ensembles de marches et gradins permettant d’accéder au Gange, le fleuve sacré. Chaque ghât possède une couleur propre (jaune, vert, rouge…) et se trouve surplombé par les donjons et tourelles des havelis aux façades ornées d’oriels, de vérandas et colonnades, ou par des temples et sanctuaires à la statuaire très riche.

Influences européennes

L’héritage des missionnaires et colons portugais est particulièrement visible à Goa, surnommée « la Rome de l’Orient » et qui regorge de couvents, églises et monastères, au style baroque tout en mouvement et effusion décorative. La plupart de ces édifices étaient construits en blocs de latérite et revêtus d’un enduit de chaux, blanc le plus généralement. Autre bel héritage portugais : les maisons de Margao avec leurs « balcaos » ou vérandas aux jolies ferronneries ornant des façades colorées et percées de fenêtres surlignées de blanc. À Pondichéry, les villas à colonnades et fenêtres à persiennes du centre sont des héritages de la période française. Mais ce sont bien sûr les Britanniques qui laissèrent l’empreinte la plus durable. Delhi porte la marque de Sir Edwin Lutyens qui dessina une ville empreinte d’un étonnant mélange de classicisme européen, d’art décoratif hindoue, et d’architecture paysagère moghole. Au XIXe siècle, Calcutta est la plus grande ville coloniale d’Orient et impressionne par ses édifices publics tels l’hôtel de ville de style dorique, la Cour Suprême d’inspiration gothique et le General Post Office avec ses colonnes corinthiennes. Mais c’est sans doute Mumbai qui étonne le plus. Qui pourrait imaginer que la ville ne fut, au départ, qu’une juxtaposition d’îles marécageuses infestées de maladies ? Difficile de le croire quand on arpente la ville coloniale et ses joyaux du néogothique victorien. Le chef-d’œuvre de la ville est la gare Chhatrapati Shivaji (Victoria Terminus). Avec son dôme de pierre, ses tourelles et sa richesse décorative, elle est le symbole de ce style indo-saracénique ou anglo-indien puisant aux sources hindoues, mogholes et occidentales. La création de nouvelles routes et voies ferrées a également permis de construire les stations d’altitude. Les Britanniques ont reconstitué une sorte de campagne anglaise idéalisée dans ces lieux de villégiature abritant terrain de cricket, jardins botaniques et autres bungalows de loisirs. Coimbatore, Ooty ou bien encore Dharamsala (résidence actuelle du Dalaï-Lama !) comptent parmi les plus célèbres stations d’altitude. Les plantations de thé des États du Sud comme le Kerala suivent le même schéma. En matière de préservation du riche patrimoine indien, les Britanniques ont opéré une évolution radicale, passant de la mise à sac pure et simple des joyaux locaux à la création, à la fin du XIXe siècle, de l’Archeological Survey, organisme qui fait appel à de nombreux spécialistes indiens pour assurer fouilles et études approfondies et promulguer les lois de protection du patrimoine. La fin de la période anglaise est marquée par l’avènement des lignes épurées, mais non dénuées de recherches décoratives, de l’Art déco, dont on peut découvrir de très beaux exemples dans les immeubles résidentiels et les cinémas des nouveaux quartiers de Mumbai permis par la poldérisation de Backbay.

Inde moderne et contemporaine

L’Indépendance de l’Inde va s’accompagner d’une grande effervescence architecturale. Le gouvernement lance de vastes campagnes de travaux et de planifications urbaines. Nehru confie à Le Corbusier le projet de dessiner la capitale administrative de la nouvelle province du Pendjab : Chandigarh. Le Corbusier y adapte son modernisme aux problématiques climatiques locales. Brise-soleil, toits à double peau, climatisation naturelle grâce à des tours de refroidissement, miroirs d’eau rafraîchissant l’air…, l’architecte pose les jalons d’une architecture durable. En matière de style, ses volumes de béton se font plus sculpturaux et expressifs, comme le montre le Capitol Complex dont la silhouette rappelle celle d’un homme au bras levé, le fameux Modulor ou système harmonique mis en place par Le Corbusier. Mais malgré toutes ses richesses, la ville fut un échec, Le Corbusier ayant pensé sa ville et ses espaces pour l’automobile et non pour une société où les habitants se déplacent principalement à pied !

Grand maître du béton et de la lumière, Louis Kahn, lui, a imaginé l’Institut indien de management d’Ahmedabad, surnommé le « Harvard indien ». Ce lieu monumental mais empreint de spiritualité, s’organise autour de cours bordées de volumes géométriques simples offrant aux lieux une atmosphère quasi monastique. Dans ce projet, Louis Kahn fut secondé par l’une des grandes figures de l’architecture moderniste indienne : Balkrishna Vithaldas Doshi, premier et seul architecte indien à avoir été récompensé du prestigieux prix Pritzker, le Nobel d’architecture. On lui doit notamment la nouvelle planification de Jaipur ; le complexe Aranya Low Cost Housing qui offre aux plus démunis des logements dignes au sein d’une communauté organisée selon une conception urbaine mêlant espaces publics et privés ; ou bien encore le Premabhai Hall d’Ahmedabad. Autre grande figure du modernisme indien : Charles Correo, qui a développé un étonnant syncrétisme entre modernité et vernaculaire dans d’étonnantes réalisations comme les complexes artistiques de Panaji, Bhopal ou Jaipur. C’est également à lui que l’on doit la planification de la ville nouvelle de Navi Mumbai. À la même époque, au Kerala, c’est un Britannique qui se fait connaître. Laurie Baker, surnommé « le Gandhi de l’architecture », y pose les bases d’« une architecture low-cost et écologique ». Son matériau de prédilection est la brique qu’il travaille tout en courbes et en légèreté. Beaucoup de ses élégantes réalisations sont à découvrir à Trivandrum. Parmi les autres grands représentants de la modernité indienne, nous pouvons également citer Achyut Kanvinde qui mêle approche fonctionnaliste, brutalisme et emprunts assumés à la tradition comme dans le ISKCON Temple de Delhi, l’un des plus grands complexes de ce type en Inde. Raj Rewal, lui, a développé « une démarche moderniste, patrimoniale et humaniste intégrant les contraintes climatiques et les ressources matérielles locales ». C’est à Rewal que l’on doit notamment le Village des Jeux asiatiques de 1982 et le Nehru Memorial Pavillion à Delhi. Depuis les années 1990, le pays voit sortir de terre toujours plus de tours de verre et d’acier, à l’image de la World One et ses 280 m ou l’India Tower qui devrait bientôt surplomber Mumbai de ses 718 m. Une architecture qui contraste avec les gigantesques bidonvilles aux périphéries des villes et d’où émergent des habitations précaires où la tôle est reine. Entre ces deux extrêmes, nombreux sont les architectes à chercher la voie de l’équilibre, prônant des créations durables, responsables et pensées pour tous. Satprem Maini a créé l’Institut de la Terre d’Auroville où ont été élaborés des types de briques de terre compressées et des techniques de construction en terre stabilisée permettant la création de voûtes et dômes. Des briques qui côtoient le bambou dans les réalisations de Bijoy Jain, grande figure du renouveau contemporain. Le fondateur du Studio Mumbai défend une architecture pensée comme une prolongation de la nature. On lui doit de superbes villas dans l’État du Maharashtra, ainsi que l’étonnant refuge himalayen Leiti 360, destiné à redevenir poussière au fil de l’érosion du temps. La bouillonnante technopole Bangalore, elle, voit se côtoyer des bâtiments aux silhouettes futuristes et des réalisations aux lignes épurées rappelant l’architecture vernaculaire. Un mélange des genres que l’on retrouve à Hyderabad qui abrite le tout premier bâtiment certifié LEED Platinum en Inde, le label le plus exigeant en matière d’architecture durable. Complexe et unique, l’Inde ne se laisse pas facilement apprivoiser et peu d’architectes internationaux contemporains s’y sont aventurés…, mais c’était sans compter sur Zaha Hadid Architects et Foster + Partners. Les premiers sont à l’œuvre pour la construction du nouvel aéroport international de Navi Mumbai. Les seconds ont dévoilé le projet de développement d’Amaravati, future capitale de l’Andra Pradesh, pensée comme une cité idéale dont les bâtiments magistraux émergent des étendues d’eau qui la recouvrent !

Richesses vernaculaires

Emploi de matériaux locaux adaptés au climat, ordonnancement de l’habitat selon des espaces privés et publics, présence quasi systématique d’une ou plusieurs cours, sont autant de caractéristiques communes aux habitations à travers l’Inde, même si chaque région possède ses spécificités. Dans les régions montagneuses, les maisons sont recouvertes de plaques d’ardoise extrêmement résistantes aux intempéries. Les maisons du désert possèdent des murs en argile renforcés par de la paille et de la boue aux excellentes propriétés thermiques. Dans le Nord-Est, les maisons « Assam » possèdent des murs en maçonnerie de pierre ou de brique qui s’élèvent à 1 m du sol et qui supportent des cadres de bois sur lesquels sont placés des panneaux de bambou tressé puis recouverts d’un enduit de plâtre ou de chaux. Ces structures s’avèrent extrêmement résistantes aux séismes. Dans le district de Kutch, dans le Gujarat, les habitants ont développé les maisons « Bhunga ». En bois, bambou et argile, ces maisons circulaires sont décorées de très beaux motifs peints. Autres trésors vernaculaires : l’architecture en bois du Kerala. Érigées sur des plateformes ou fondations en latérite ou en granit, ces maisons de bois aux toits de tuile très pentus et à plusieurs niveaux, supportés par des piliers, offrent un superbe travail décoratif. Le long des Backwaters du Kerala comme sur les rives du lac Dhal à Srinagar (Jammu-et-Cachemire), vous pourrez également découvrir d’étonnantes structures de bois, entre maisons flottantes et embarcations, souvent transformées en gîtes ou maisons d’hôtes !