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Le respect de toute forme de vie

Pour les Hindous, la vie est sacrée. Toute forme de vie doit être respectée, tant humaine, qu'animale ou végétale. Cela repose sur la croyance que Brahma, le Dieu créateur dans la trinité hindoue, est présent dans la moindre particule de l'univers. Tout élément qui nous entoure, vivant ou non, est là pour une raison que le Dieu créateur a choisie. Ce concept figure dans les Upanishads, ces textes philosophiques rédigés entre 800 et 500 avant notre ère et qui constituent la base théorique de l'hindouisme. L'Upanishad Svetasvatara parle ainsi de Brahma : « son être est la source de tous les êtres, la graine de toute chose [...]. Il est le Dieu caché en tout être, jusque dans le pli de leur âme. Il vit en toute chose et observe toute chose. » A cette croyance, s'ajoute une conscience aiguë que tout est relié dans l'univers, que les êtres ont besoin les uns des autres et forment une chaîne. Ôtez un maillon et c'est la chaîne qui se rompt. Le jaïnisme, une religion très présente au Rajasthan, va encore plus loin. Il prône la non-violence et le respect absolu de toute forme de vie, ceci afin de mener les hommes sur le chemin de l'illumination. Les Jaïns croient que toute chose est dotée d'une âme, aussi bien les êtres vivants que l'air que l'on respire ou l'eau que l'on boit. Par conséquent, ils s'astreignent à un régime végétarien très strict. Ils ne mangent que des fruits et légumes poussant au-dessus du sol, car ainsi ils ne tuent pas la plante. Les Bishnoïs, une communauté vishnouite, vivent principalement entre Jodhpur et Bikaner. Ils suivent les 29 préceptes édictés par le gourou Jambeshwar Bhagavan au XVe siècle, qui place l'écologie au centre des actions quotidiennes. Ses concepts sont déclinés dans le « Shabda-Vani », un texte de 120 versets indiquant la route spirituelle à suivre. Parmi ceux-ci, on peut lire « si tu exprimes ta force en molestant des animaux, la fin de ta vie sera douloureuse » ou « si un arbre peut être sauvé, même au prix de la tête de quelqu'un, cela en vaut la peine ». Jambeshwar Bhagavan place la préservation de la nature au-dessus de la vie humaine. Cette injonction a pris une tournure qui a marqué l'histoire du Rajasthan. En 1730, le maharaja de Jodhpur envoie des soldats couper des arbres dans les environs pour entreprendre la rénovation de son palais. Les hommes se présentent dans des villages bishnoïs, qui les supplient de ne pas couper les arbres, car cela est contraire à leurs principes de vie. Le maharaja confirme son ordre et les soldats entament leur défrichage. Amrita Devi s'interpose en entourant un arbre de ses bras, suivie par d'autres femmes et filles du village, puis par les hommes. Les soldats, respectueux de l'ordre royal, entaillent arbres et Bishnoïs sans distinction. 363 personnes sont tuées. Apprenant cela, le maharaja, impressionné par le courage des Bishnoïs, ordonne que les zones où ils vivent deviennent des sanctuaires et qu'aucun arbre ou animal ne soit prélevé ni même blessé sur leur territoire. Plus récemment, les Bishnoïs firent condamner la star bollywoodienne Salman Khan à 5 ans de prison pour avoir participé à une partie de chasse illégale en 1998, où il abattit deux antilopes.

Le tigre, la vedette du Rajasthan

La star incontournable de la faune dans la région est le tigre du bengale, qui attire les touristes en masse dans le Parc national de Ranthambore. Le plus gros félin au monde proliférait en Inde jusqu'à l'avènement de l'empire moghol. Au XVIe siècle, l'empereur Akbar introduit la notion de trophée de chasse, qu'il pratiquait sur le dos d'un éléphant. Le gibier occupe une belle place à la table impériale, où est servie une quarantaine de plats de viande pour un même repas. L'empereur Jahangir fait consigner ses exploits de chasse. Durant ses 12 premières années de règne, il abat 86 tigres et lions. Mais ce sont les Britanniques qui vont introduire la chasse au tigre à grande échelle. Après la bataille de Plassey en 1757 qui les place aux commandes de l'Inde, ils offrent une récompense pour tout tigre tué. L'idée est de débarrasser les campagnes des animaux sauvages dangereux et donc inutiles à l'exploitation économique du pays. Avides de parties de chasse qu'ils considèrent comme un loisir élitiste, les Anglais modifient les pratiques de la chasse au tigre. Désormais, ils se placent sur le dos d'un éléphant ou une plateforme installée dans un arbre et font intervenir des rabatteurs chargés de localiser et de débusquer les tigres pour les ramener vers eux. On ne compte pas les photos prises de personnalités britanniques de haut rang et leur tableau de chasse, souvent conséquent. Chaque vice-roi des Indes se donnait pour mission de battre le record du précédent. Les maharajas ne sont pas en reste et se vantent de leurs exploits. Si le maharana d'Udaipur a abattu 500 têtes, le nawab de Tonk se flatte d'en compter 600. Le maharaja de Kota était connu pour avoir customisé sa Rolls Royce Phantom avec des projecteurs pour la chasse nocturne et une mitraillette. On estime qu'entre 1875 et 1925, ce sont 80 000 tigres qui sont abattus. En 1947, à l'heure de l'Indépendance, il n'en restait que 40 000. En 1972, un premier recensement national ne dénombre plus que 1 872 félins. Indira Gandhi, alors Première ministre, fait promulguer une loi de protection de la vie sauvage et instaure 29 sanctuaires dans le pays. Le « Project Tiger » est lancé afin de sauver les tigres de l'extinction. Le programme permet de faire remonter la population à 3 500 têtes au début des années 90. Mais la destruction de l'habitat hors des réserves et le braconnage à grande échelle met à nouveau l'espèce en grand danger. La Réserve de Sariska ne compte plus aucun tigre en 2004. Après la réintroduction de l'espèce, on en compte 20 en 2018, tandis que Ranthambore se félicite d'en dénombrer 81 en 2021. Longtemps sujet à controverse, le comptage des tigres s'effectue désormais à l'aide de caméras-pièges. Les caméras sont placées à des endroits stratégiques et se déclenchent en cas de mouvement devant la cellule. Chaque tigre arborant une robe différente, avec des rayures distinctes, les images sont étudiées avec minutie, ce qui permet d'éviter de compter un même animal deux fois.

La faune du Rajasthan

Outre le tigre, la faune du Rajasthan est diverse, notamment dans les montagnes des Aravalli et le Parc national de Ranthambore. Dans ce dernier, vous pourrez notamment observer le cerf axis en nombre (cheetal ou spotted deer), le cerf sambar, le bison indien avec ses « chaussettes » blanches (gaur), l'ours lippu (sloth bear), la hyène rayée (striped hyena), le renard (fox), le sanglier (wild boar), le chacal (jackal), le chien sauvage (dholé ou wild dog). Parmi les mammifères plus petits, vous pourrez croiser des mangoustes, appréciées pour tuer les serpents, ou l'écureuil géant (flying fox). La région sud du Rajasthan, notamment entre Udaipur et Pali, abrite une population d'environ 600 léopards. Ils peuvent régulièrement être observés à proximité du lac de Jawai. Les singes sévissent en nombre un peu partout, notamment dans les réserves naturelles ou aux abords de forteresses isolées. Au Rajasthan, il existe deux espèces aisément reconnaissables : le macaque rhésus avec son derrière rouge et l'entelle à longue queue (langur) et à la teinte argentée. Les régions semi-désertiques et désertiques sont surtout peuplées de gazelles de Benettii (chinkara), d'antilopes cervicapres (blackbuck) aux longues cornes torsadées pour les mâles et de nilgaurs (nilgai), une antilope mi-cheval, mi-vache. Ces espèces sont faciles à voir dans les environs de Jodhpur et de Bikaner.
Le Rajasthan est également un refuge pour de nombreux oiseaux migrateurs en hiver. Le meilleur endroit pour les observer est la zone marécageuse de Keoladeo Ghana, une extraordinaire réserve ornithologique à la réputation mondiale. Cette ancienne réserve de chasse du maharaja de Bharatpur a été érigée au rang de Parc national en 1982. On peut y observer plus de 370 espèces avicoles différentes, dont de nombreuses variétés de hérons et de canards, des tantales (painted stork), des ibis, des cormorans par centaines. On peut également apercevoir le calao d'Inde et son drôle de bec, avec un peu de chance. Les rapaces sont aussi présents avec les balbuzards, les faucons pèlerins, et plusieurs variétés d'aigles. Au nombre des passereaux et petits oiseaux, les bulbus font un raffût d'enfer, les timalies affichent de belles couleurs, les cailles se cachent dans les hautes herbes... Les plus chanceux verront la rare grue de Sibérie qui survole l'Himalaya à l'automne pour rejoindre le climat plus clément du Rajasthan.

La flore du Rajasthan

L'ouest et le nord-ouest du Rajasthan possède une végétation très pauvre en raison de son climat désertique et de l'absence de cours d'eau. Elle est essentiellement composée de plantes xérophytes, dont l'arwal (Cassia auriculata), le babul (Acacia arabica), l'akaro (Calotropis procera), le tumbo (Citrullus colocynthis). Quelques rares oasis fournissent un peu de fruits (oranges, bananes, mangues), mais la plupart des buissons ne présentent guère d'autre utilité qu'un peu d'ombrage et du bois pour le feu. Les cosses du khejri (Prosopis cineraria) sont utilisées dans la cuisine locale (ker sangari) et les tribus du désert connaissent les vertus des plantes médicinales, qui sont au nombre d'une centaine. Les montagnes des Aravalli, qui traversent l’État en suivant un axe sud-ouest nord-est, abritent de vastes forêts où pousse le teck, autrefois largement utilisé dans la fabrication de mobilier et de bois de construction pour les havelis et les palais rajpoutes. Environ 70 variétés d'arbres différentes ont été recensées dans le Parc national de Ranthambore, au nombre desquelles le peepal, le banian (Ficus indica), le dhak ou le khajur. Les environs en altitude de Mont Abu permettent d'observer une flore inexistante ailleurs au Rajasthan, comme les rosiers sauvages, les orchidées ou les fougères.