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Démographie

L’Inde est devenu le pays le plus peuplé au monde début 2023, devant la Chine, avec 1,4 milliard d’habitants. Les dernières données de recensement remontent à 2011, celui de 2021 ayant été reporté sine die en raison de la pandémie de Covid. L’Inde a franchi le cap du milliard en 2000 et sa population a doublé entre 1975 et 2010. Depuis, la croissance de la population ralentit. Elle était de 2,3 % dans les années 1970-1980 et se fixe aujourd’hui à 0,68 %. Ce taux laisse toutefois envisager une population de 1,5 milliard d’ici à 2030. La population indienne s’exprime à travers une grande diversité d’origines et de langues, ce qui en fait le pays le plus hétérogène. Seul le continent africain présente une diversité linguistique, ethnique et culturelle supérieure à celle de l’Inde ! La population indienne est jeune dans son ensemble, et l’âge médian est de 28,7 ans. L’espérance de vie est de 67,7 ans et seulement 5,3 % de la population a plus de 65 ans. Une étude de 2015 fait apparaître une légère augmentation du nombre de femmes par rapport au nombre d’hommes sur les dernières décennies. Il y avait 944 femmes pour 1 000 hommes en Inde en 2016. Elles vivent plus âgées, mais sont moins nombreuses à la naissance. L’interdiction de la détermination du sexe de l’enfant au cours de la grossesse a permis de faire reculer le ratio garçon/fille à la naissance. Les filles, parce qu’elles quittent leur famille au moment de leur mariage et en raison de la dot à verser, ont longtemps été perçues comme des fardeaux.

On compte 473 hab/km², ce qui fait de l’Inde le 28e pays le plus densément peuplé. De larges portions du territoire ne comprennent que peu d’habitants, notamment dans les montagnes himalayennes ou les zones tribales du centre et du nord-est. La densité de population double dans les zones labourables. Outre les grandes villes, la population indienne se concentre très nettement dans le piémont himalayen, là où les terres sont les plus fertiles. L'État le plus peuplé est celui d’Uttar Pradesh, avec près de 200 millions d’habitants pour une densité de population de 821 hab/km². Le plus densément peuplé est celui du Bihar voisin, avec 1 049 hab/km². Delhi, qui bénéficie d’un statut particulier dans l’Union indienne, compte plus de 16 millions d’habitants, soit 11 290 hab/km².

Une mosaïque ethnique

La diversité ethnique de l’Inde constitue l’une de ses plus grandes richesses. Les peuples indo-aryens, qui constituent environ 70 % de la population de l’Inde, sont en fait un éventail de peuples différents partageant une même origine linguistique. Ils seraient arrivés dans le sous-continent indien vers 2 000 avant notre ère et ont formé la grande civilisation de la vallée de l’Indus, au nord de l’Inde moderne. Les Dravidiens, qui représentent 25 % de la population, sont majoritaires dans le sud du pays. L’Inde compte 645 tribus répertoriées, rassemblées en hindi sous le terme d’adivasi. La tribu peut être définie comme un ensemble social constitué de familles rattachées les unes aux autres par des liens sociaux, économiques ou familiaux et partageant un dialecte et une culture commune. Les tribus possèdent des caractéristiques uniques qui en font des entités sociales, économiques et politiques singulières. Leur singularité est reconnue par la Constitution indienne. Les adivasis ont un nombre de sièges réservés au Parlement fédéral. Ils bénéficient d’une attention particulière avec un ministère dédié. Celui-ci est chargé de leur développement global et de la préservation de leurs spécificités. Les   sont considérés comme les peuples originels du sous-continent. Mais ils sont exclus du système de caste, et par conséquent sont placés tout en bas de l’échelle sociale. Ils sont au nombre de 104 millions environ à travers le pays, ce qui représente 8,6 % de la population (recensement 2011). La très grande majorité des adivasis vit en zone rurale et seuls 2,8 % d’entre eux habitent des zones urbaines. Le Madhya Pradesh est l'État qui compte le plus grand nombre d’adivasis en valeur absolue. Mais ce sont dans les États du nord-est et en Odisha que l’on trouve le plus grand nombre de tribus. Seuls les États du Pendjab, de l’Haryana et les Territoires de Delhi, Pondichéry et Chandigarh, ne comptent aucune tribu répertoriée. La tribu la plus importante est celle des Bhil. On la retrouve dans plusieurs États du nord et du sud de l’Inde, au travers d’une large bande qui va du Rajasthan à l’Andra Pradesh. La plus petite tribu est celle des Toto, qui vivent dans une enclave du Bengale occidental. Ils n'étaient plus que 1 385 lors du recensement de 2011, en partie à cause de leur très faible espérance de vie qui ne dépasse guère 40 ans. Si les adivasis sont très différents les uns des autres, ils ont pour caractéristique commune de faire partie des classes les plus déshéritées. Ils vivent dans des zones rurales, souvent reculées, et tirent leur subsistance du pastoralisme ou d’une agriculture traditionnelle, quand ils ne sont pas chasseurs-cueilleurs.

Outre les aborigènes, l’Inde compte de nombreux groupes ethniques aux origines parfois très lointaines. Si la mythologie diffusée par les nationalistes hindous laisse croire que les Aryens sont partis d’Inde pour se disséminer en Asie centrale et mineure jusqu’à l’Europe, les avancées scientifiques en matière de recherche à partir d’ADN ancien portent à croire le contraire. Une étude publiée en 2018 par le généticien David Reich, de l’université d’Harvard, a permis de distinguer deux grandes migrations à l’ère préhistorique. La première aurait eu lieu entre 7 000 et 3 000 ans avant notre ère. Des bergers venus du sud-ouest de l’Iran se seraient mélangés aux populations autochtones indiennes, elles-mêmes venues d’Afrique il y a plus de 65 000 ans. C’est ce mélange qui aurait donné naissance à la civilisation Harappan, dont le berceau se trouve dans la vallée de l’Indus. Vers 2 000 av. J.-C., les Aryens, venus des steppes d’Asie mineure, ont importé avec eux une langue qui pourrait être une version primitive du sanskrit, et des rites religieux qui sont à la base de l’hindouisme. Entre 50 % et 65 % de la population indienne possède des gènes provenant des Indiens aborigènes. Les incursions devenues invasions des Moghols, puis des Portugais, Hollandais, Britanniques, Français, Danois ont elles aussi laissé des souvenirs génétiques. On estime aujourd’hui que 78 % de la population possède une ascendance indo-européenne. Les Aryens, outre leurs gènes et leur langue, ont légué un patrimoine immense à l’Inde d’aujourd’hui. Les Vedas, les textes fondateurs de l’hindouisme et de l’organisation sociale, revêtent une importance cruciale dans la fondation de cette civilisation. C’est là que l’on trouve la source du système de castes.

Le système de castes

Intrigant pour le reste du monde, le système de castes est à l’origine une organisation sociale et politique mise en place par les Aryens pour contrôler les populations locales. Le terme vient du portugais casta, qui désigne la race, la lignée, l’origine. Transposé au système indien de catégorisation sociale, le mot regroupe en fait deux notions distinctes : le varna et le jati.

Les varna (ou couleurs) divisent la société en quatre groupes : les Brahmanes (prêtres), les Kshatriya (guerriers), les Vaishya (commerçants) et les Shudra (laboureurs). Une cinquième catégorie rassemble les hors-castes, les dalit, tout en bas de l’échelle sociale. Ils sont considérés comme impurs par les autres communautés. Les jati (ou naissances) correspondent à des activités professionnelles (tisserands, potiers…) ou parfois ethniques. Ainsi, il existe 3 000 jatis différents, subdivisés en 25 000 groupes. Autant dire que pour un non-Indien, il s’agit plus d’un labyrinthe social que d’une organisation. Cette catégorisation a été établie par les Britanniques lors du premier recensement de 1872. Le nom de famille permet bien souvent de rattacher un membre à son varna, voire à son jati. Les Sharma ou Pandit appartiennent à la caste des Brahmanes, les Chauhan ou Singh à celle des Kshatriya, les Gupta, Modi ou Gandhi à celle des Vaishya, les Ambedkar ou Lohar à celle des Shudra. Les Kumhar sont des potiers, tandis que les Prajapat sont des tisserands, etc.

La Constitution de l’Inde moderne (1950) interdit toute discrimination fondée sur le système des castes. Mais 70 ans de démocratie laïque n’ont pas suffi à abolir des rites sociaux millénaires. La notion de caste renvoie également à une notion de pureté. Les Brahmanes seraient sortis de la tête de Brahma, les Kshatriyas de son bras, les Vaishya de sa cuisse et les Shudra de ses pieds. Plus on appartient à un niveau élevé, plus on est pur. Par conséquent, les Indiens se marient au sein de leur caste, car épouser une personne d’une caste inférieure correspond à un déclassement social. Épouser un membre de son jati permet également de perpétuer un savoir-faire. Dans les villages, les gens vivent dans des quartiers distincts et ne se côtoient pas. Autrefois, chaque quartier possédait son puits et il était interdit de se servir dans le puits d’une autre caste que la sienne. Les dalits devaient souvent parcourir des kilomètres pour trouver un point d’eau. Ce qui, à l’origine, devait assurer une place à chacun dans la société, est devenu un système injuste et régressif. Les classes moyennes des villes semblent cependant attacher moins d’importance à la pureté pour se replier sur une stratification socio-économique, proche de celle de l’Occident. Le niveau de revenu détermine le lieu d’habitation, plus que la naissance. Certains Brahmanes vivent très pauvrement, leurs obligations rituelles leur interdisant tout commerce avec les autres groupes. Quelques intouchables (parfois convertis à l’islam ou au christianisme) ont au contraire fait fortune en se livrant à des activités jugées impures par les autres (par exemple le travail du cuir).

Les langues de l’Inde du Nord

La Constitution indienne reconnaît l’usage de deux langues, l’hindi et l’anglais pour les communications officielles. Mais aucune langue nationale n’est déterminée. Elle reconnaît également l'usage de 22 langues à travers le pays, qui sont enseignées à l’école. Ainsi, les petits Indiens reçoivent une éducation dans la langue vernaculaire de leur État, à laquelle s’ajoutent l’hindi et le sanskrit. Les parents qui en ont les moyens vont favoriser l’enseignement en anglais. En fonction de leur origine ethnique, peut s’ajouter la maîtrise du dialecte parlé à la maison. L'Étude Linguistique des Peuples de l’Inde dénombre 780 langues et dialectes, ce qui fait de l’Inde le deuxième pays le plus riche en matière de langues, derrière la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Dans le nord du pays, l’hindi est la langue avec le plus grand nombre de locuteurs. On recense également l’assamais (Assam), le bengali (Bengal Occidental et Tripura), le bodo (Assam), le dogri (Jammu et Cachemire), le gujarati (Gujarat), le kashmiri (Cachemire), le maithili (Bihar), le manipuri (Manipur), le  népalais (Sikkim), l’oriya (Orissa), le pendjabi (Pendjab), le sanskrit, le santali (Bengale occidental, Jharkhand et Orissa), le sindhi (Rajasthan, Madhya Pradesh, Gujarat) et l’ourdou (Jammu et Cachemire et Uttar Pradesh). La plupart de ces langues appartiennent à la famille indo-européenne. Mais dans le nord de l’Inde, certaines langues et dialectes appartiennent aux familles austro-asiatiques, sino-tibétaines ou tai-kadai. Le pays compte également deux dialectes indigènes, parlés par une minuscule minorité de locuteurs : le nihali (environ 2 000 locuteurs au sud du Madhya Pradesh) et le burushaski (une centaine de locuteurs au Jammu-et-Cachemire). Dans le sud, les langues sont dravidiennes, à l’origine inconnue. Comme le basque ou le hongrois, leur structure et leur grammaire ne peuvent être rattachées à aucune autre langue connue. Il existe une trentaine de langues dravidiennes, dont les plus communes sont le kannada (Karnataka), le malayali (Kerala), le tamoul (Tamil Nadu), le télougou (Telengana et Andhra Pradesh). On compte environ 250 millions de locuteurs d’une de ces langues. Chaque langue indienne possède son alphabet propre et son système d’écriture. Selon où vous vous trouvez en Inde, la connaissance de l’anglais et même de l'hindi peut s’avérer parfaitement inutile.

La diaspora indienne

La population indienne vivant en-dehors de ses frontières est la plus importante au monde. Le ministère des Affaires étrangères indien recense 32 millions d’Indiens vivant à l’étranger. Ces émigrés ont un statut particulier et reconnu par l’État. Il y a les Indiens Non-Résidents (NRI), qui sont des citoyens indiens de plein droit vivant à l’étranger. Et les Citoyens Étrangers d’Inde (OCI), qui sont des ressortissants étrangers originaires d’Inde ou dont les ancêtres sont originaires d’Inde. Le second statut permet d’obtenir un visa de longue durée, mais ne procure aucun droit de vote et interdit l’accès à l’emploi dans l’administration indienne. Ce système a été mis en place pour favoriser l’entrée dans le pays, car l’Inde ne reconnaît pas la double nationalité.

Ce sont environ 2 millions d’Indiens qui émigrent chaque année, le plus souvent pour des raisons économiques. Les 10 pays où la diaspora indienne est la plus importante à l’heure actuelle sont : les États-Unis (4,4 millions), l’Arabie saoudite (4 millions), les Émirats arabes unis (3,8 millions), la Malaisie (2,1 millions), le Canada (1,9 million), l’Afrique du Sud (1,6 million), le Royaume-Uni (1 million), l’île Maurice et l’île de la Réunion (1,1 million), le Myanmar (1,2 million) et le Sri Lanka (850 000). La France métropolitaine est loin derrière, avec environ  65 000 ressortissants d’origine indienne sur son territoire. Et on compte 1 Indien dans les États fédérés de Micronésie.

L’histoire de la diaspora indienne est très ancienne. Il est possible qu’une première vague de migration se soit produite au moment de la guerre entre Ashoka et le royaume de Kalinga, au IIIe siècle av. J.-C. A la même période peu ou prou, l’empire Chola du sud de l’Inde conquiert Sumatra et la péninsule malaise. Au Ier siècle, alors que les Han s’emparent du Yunnan, ils notent la présence d’une petite communauté indienne dans la région. En Asie Centrale, la diaspora indienne a réellement émergé au XVIe siècle. La première colonie indienne s’installe à Astrakhan, dans la Russie tsariste, en 1610. Au XVIIIe siècle, des chroniqueurs russes renseignent la présence d’Indiens à Saint-Pétersbourg et Moscou. A la même période, la communauté indienne installée en Perse fait les frais de la guerre entre Afghans et Ottomans, et se fait massacrer. A Samarcande et Boukhara, les Indiens font le commerce de l’indigo et s’enrichissent considérablement. Un voyageur britannique rapporte en 1815 que ces marchands possèdent les plus hautes maisons. Avec l’installation du Raj britannique, les Indiens émigrent aux quatre coins de l’empire colonial. Ce sont des marchands, des avocats - Gandhi a exercé en Afrique du Sud pendant 21 ans -, mais aussi une main-d'œuvre exploitable à bas coût. On trouve aujourd’hui encore une importante population d’origine indienne à Trinidad & Tobago, à la Barbade, en Malaisie, au Kenya… Aujourd’hui, les Indiens émigrent majoritairement dans les pays du Golfe pour assurer, le plus souvent, des emplois non-qualifiés. Les Indiens des classes moyennes et aisées privilégient les États-Unis et le Canada pour poursuivre des études et décrocher un emploi sur place.