Préhistoire

Les premières traces d’expression artistique de ce vaste pays d’Asie se situent dans des grottes du Madhya Pradesh, à Bhimbetka. Les pétroglyphes les plus anciens remontent aux environs de 8000 avant J.-C. Exécutés avec des pigments minéraux en majorité rouge et blanc, ils représentent des animaux et des humains dans des scènes de danse, de chasse, de combat et des activités quotidiennes comme la récolte du miel. Paons, tigres, bisons, lions, éléphants apparaissent sur les parois rocheuses.

Dans la vallée de l’Indus, à la frontière de l’Inde et du Pakistan, la civilisation harappéenne se développe vers 3300 avant notre ère. Après des siècles d’un épanouissement vraisemblablement pacifique, elle tombe dans l’oubli jusqu’aux fouilles entreprises à la fin du XIXe siècle. Ces campagnes révèlent le rôle clé de l’art de la poterie dans son expansion, notamment dans la vallée du Gange. Les plus anciennes sculptures indiennes sont produites en terre cuite et en bronze entre 2500 et 1800 avant J.-C. Modestes figures humaines dansant et animaux sont conservés au Musée national de New Delhi.

Temps anciens

Les Grecs et les Romains de l’Antiquité ont été les premiers à être fascinés par l’art indien. Peut-être parce que la sculpture occupe une place de premier ordre en Inde. Des siècles avant notre ère, les premières créations monumentales sont taillées dans la pierre. À partir du Ve siècle, la technique du bronze coulé à cire perdue, qui se sert d’un moule, est adoptée. Les hautes sculptures honorent les divinités, en particulier Shiva ou Bouddha. Le jaïnisme et l’islam influencent la création de ces divinités en pierre en lien avec les sites sacrés.

Les murs des temples s’ornent de reliefs narratifs. Sous le règne de Narashimavarman Ier, au VIIe siècle, des bas-reliefs recouvrent les murs des temples et des cavernes, encore visibles de nos jours dans la région de Chennai. Sur le site Mahabalipuram, les sculptures rupestres des Cavernes de Mahabalipuram sont la parfaite illustration de l’art populaire hindou. Dans le sanctuaire dédié à Shiva, un haut-relief montre la divinité en famille, ou en Somaskanda, c'est-à-dire avec son épouse Parvati et l'enfant Skanda. Sur la paroi nord, la déesse Durga apparaît en Mahisamardini, sa forme guerrière. Chevauchant son lion, elle pourchasse le démon Mahisa à tête de buffle. Côté sud, Vishnu est couché sur le serpent Ananta, symbole du temps infini, tandis que deux démons (le mal et l’ignorance) s’acharnent à le réveiller. Dans la caverne de Varaha 2, dont les colonnes sont soutenues par des lions à cornes, on découvre Vishnu en sanglier portant la déesse Terre émergeant des eaux. Vishnu apparaît à plusieurs endroits du site classé au Patrimoine mondial de l’Unesco en nain brahmane ou encore en berger.

Le Taj Mahal

Symbole de l’Inde à travers le monde, le Taj Mahal est édifié au XVIIe siècle. Construit entre 1631 et 1653 à Agra, ce fleuron de l’architecture indo-islamique célèbre l’amour que l’empereur moghol Shâh Jahân vouait à Mumtaz Mahal. Le majestueux édifice n’est autre que le mausolée de la troisième épouse du maharaja. Mumtaz était en vérité son premier amour, que son père lui interdit d’épouser en raison de son rang. Il lui imposa deux épouses, avec lesquelles il ne consomma pas son mariage. Au décès de son père, l’empereur put enfin s’unir à sa bien-aimée. Mumtaz lui donna quatorze enfants, avant de décéder le 17 juin 1631. Dévasté, Shâh Jahân exigea de ses architectes qu’ils bâtissent un édifice digne du paradis. Un symbole de son amour éternel.

De nos jours, le lever et le coucher du soleil auréolent de romantisme le monument en marbre blanc. Ses façades incrustées de marqueteries jouent avec la luminosité. Chaque surface est incrustée de pierres ou finement sculptée dans le stuc. Le marbre s’impose dans les parties les plus importantes.

Shâh Jahân est à l’origine d’un vaste programme de constructions.

Le premier exemple de tombe-jardin, édifié avant le Taj Mahal, se visite à Delhi. Joyau de l’époque moghole, le tombeau de Humayun est daté de 1560. L’intérieur, de plan octogonal, présente des incrustations de pierre et de marbre sur grès rouge.

Caractéristiques de l’art indien

Contrairement aux autres cultures influencées par l’Islam, l’art indien n’a jamais abandonné l’art figuratif.

La particularité de l’esthétique indienne est sa permanence. Certaines caractéristiques perdurent durant deux millénaires. L’art à vocation religieuse domine, même si la religion et la vie courante sont tellement imbriquées qu’il est difficile de les distinguer.

La figure humaine est idéalisée. Généralement représentée à l’âge adulte, elle n’expose pas de signe de vieillissement, de maladie ou de faiblesse. Pas de pudeur non plus, mais une exaltation du corps humain. Le nu est à peine voilé. La femme affiche fièrement sa sensualité, avec raffinement et douceur.

Sculpteurs et peintres indiens puisent allégrement dans le panthéon aux 33 millions de dieux. Toutefois, la grande Trinité, composée de Brahma, Vishnu et Shiva règne. Chacun revêt divers apparences et attributs en fonction du récit. En plus de quoi les croyances locales enrichissent l’éventail des incarnations. Ces avatars s’inspirent du règne animal, et des qualités inhérentes à chaque espèce.

Des traités fixent les canons à respecter. Selon ces 6 Shadanga, tout artiste se doit d’insuffler à sa création la beauté de la forme, l’harmonie des proportions, de l’émotion, l’esthétique, le réalisme, et l’équilibre des couleurs. Malgré tout, les normes n’ont jamais entravé le dynamisme de l’art indien.

Émergence du classicisme

La dynastie des Gupta (IVe-VIe siècle environ) se caractérise par le recul de la figure humaine au profit des sujets divins. Les sujets brahmaniques profitent d’une perfection graphique acquise au fil des époques. L’art reste narratif mais perd peu à peu de sa chaleur. Le style classique se répand dans toute l’Asie.

À travers l’Inde, des écoles locales s’affirment à partir du VIIe siècle. La régression du bouddhisme, qui disparaît au XIIe siècle, a des répercussions sur les arts plastiques. La religion védique qui lui succède inspire des œuvres plus mouvementées mais aussi plus grandioses.

Deux tendances se dessinent : celle qui perpétue les canons, et celle qui associe la sculpture à l’architecture.

La peinture, moins développée, s’enrichit d’influences iraniennes puis européennes. Citons les superbes fresques d’Ajanta (État du Maharashtra - du Ier siècle au VIIe siècle). Dans ces grottes, une profusion de scènes pleines de vie illustrent la vie de Bouddha dans un style à l’apogée du classicisme indien. Les peintres exécutent des portraits et des scènes de cour. Les miniaturistes illustrent les poèmes brahmaniques. Les palais sont ornés de fresques mais aussi de galeries de tableaux. À ce titre, une impressionnante collection de peintures du XIXe siècle se découvre à Cochin (Kochi), au Musée Pareekshith Thampura, ou Durbar Hall Art Gallery.

Peinture rajput

Empires et dynasties se sont succédé sur les terres agricoles du Rajasthan. La peinture s’est particulièrement développé dans cet État.

Sous la dynastie des grands Moghols (1528-1858), à dominance islamique, les ateliers de peinture se multiplient. Chaque œuvre, née d’une collaboration, est anonyme.

Plusieurs écoles de peinture émergent entre le XVIe et le XIXe siècle. Les premières sont celles de Mewār, puis de Bundi. Dominé par l’enluminure, cet art de cour s’inspire des miniatures persanes et de la gravure européenne. La peinture rajput illustre l’hindouisme (Râma et Krishna) ou, dans une moindre mesure, les sentiments comme l’amour.  Les personnages, vus de profil, sont dotés d’un œil énorme et d’un nez fin. Le fond de couleur vive est agrémenté d’éléments naturels.

Sous Shâh Jahân, deux genres sont prisés : le portrait officiel et le paysage nocturne. Dans un style froid, le souverain est montré dans une attitude figée pleine de fierté. Une palette riche est utilisée pour représenter son autorité de toutes les manières possibles, notamment debout sur un globe. Les peintres, inspirés par l’iconographie occidentale, introduisent des angelots qui déroulent des odes à sa gloire sur des banderoles. Dans les manuscrits, des éléments naturalistes inspirés des courants européens font leur apparition.

Post-colonialisme

Devenue colonie britannique au XIXe siècle, l’Inde voit s’ouvrir des écoles d’art promouvant les styles européens. L’influence s’opère à double sens. Le Britannique Horace Van Ruith dépeint la vie d’un foyer brahmane tandis que les peintres indiens découvrent une vision occidentale du romantisme.

L’année 1947 et l’Indépendance de l’Inde amorcent un tournant culturel. Les artistes se lancent dans la quête de nouveaux styles. Dès lors, leur goût pour l’expérimentation ne cessera de s’affirmer. Dès 1952, six artistes forment le Bombay Progressive Artists’ Group. Bien que de courte durée, tous les plasticiens majeurs des années 1950 s’y associent. Maqbool Fida Husain (1915-2011), fondateur de ce courant progressiste, renouvelle la peinture narrative et le cubisme. Influencé par Picasso, Husain fusionne l’esthétique indienne et les innovations du maître.

Dans le Sud, le modernisme indien arrive par le mouvement de Madras, né dans les années 1960 à Chennai. Dans le sillage de l’Indépendance, les artistes questionnent l’identité nationale. Le premier directeur indien de la Madras School of Arts and Crafts, Devi Prasad Roy Chowdhury instaure le premier cursus artistique du Sud, posant les jalons du premier courant d’art moderne. En sculpture, le mouvement est porté par S. Dhanapal. Contrairement à d’autres mouvements modernes comme le Bombay Progressive Artists Group, l’École de Madras rejette toute inspiration européenne. Durant trois décennies, ces artistes puisent dans l’histoire, la mythologie, le folklore, l’iconographie locale, pour élaborer un vocabulaire nationaliste. Figuration et abstraction coexistent. KV Haridasan (1937-2014), pionnier de l’art néo-tantrique représente la tendance abstraite ; C Douglas, peintre et sculpteur né en 1951, débute dans l’abstraction géométrique, avant de s’implanter au village de Cholamandalam où il mélange les moyens d’expression et la figuration à l’abstraction.

Amrita Sher-Gil

Pionnière des femmes artistes en Inde, Amrita Sher-Gil (1913-1941) montre que le domaine artistique n’est pas réservé aux hommes. D’origine hongroise et sikhe, Amrita Sher-Gil reçoit une éducation artistique diversifiée. À Paris, elle s’inscrit à l’académie de la Grande Chaumière,  puis aux Beaux-Arts. Elle se tourne vers la peinture au grand air. Son style se simplifie dès son retour en Inde. Là, elle représente son image de l’Inde à travers des portraits de locaux. Son style s’implante à la croisée de l’Orient et de l’Occident. Elle réalise en 1937 une trilogie du Sud de L’Inde dont Brahmacharis demeure l’une de ses œuvres les plus abouties. Son style épuré touche autant les formes que les couleurs. L’artiste n’a de cesse de bouleverser les codes, et s’attaque à la représentation de la femme dans Woman Resting on Charpoy (1940).

Ses œuvres sont cédées à la Nation après son décès, survenu à l’âge de 28 ans. Célébrée dans les années 1970 et 1980, elle est souvent citée dans les débats sur l’identité.

L’année où Amrita Sher-Gil peint son chef-d’œuvre, en 1937, la première artiste abstraite indienne Zarina Hashmi, voit le jour.

Scène actuelle

L'art contemporain indien regroupe une infinité de styles. Nombre de ces talents sont reconnus au niveau international. Anish Kapoor, né en 1954, s’installe à Londres dans les années 1970 mais continue de se revendiquer habitant de Mumbai. Dès ses débuts, son style épuré attire l’attention. L’intérêt grandit à mesure que ses œuvres posées à même le sol prennent des proportions gigantesques. Kapoor joue avec les surfaces. D’abord réfléchissantes, elles sont ensuite peintes au Vantablack, un noir qui absorbe la lumière pour créer l’illusion d’une cavité. Il est récompensé à la Biennale de Venise, puis du convoité Turner Prize.

Son contemporain Atul Dodiya se fait remarquer en 1999 avec une série sur le Mahatma Gandhi. Désormais, l’artiste introduit des images de Bollywood dans ses installations et assemblages photo.

La sculptrice Sakshi Gupta, née en 1979, recycle des matériaux du quotidien et leur confère une pointe de spiritualité à l’aide de la lumière. Certaines compositions évoquent les animaux de la mythologie indienne, comme la grandiose Some Beasts.

Superstar de l’art contemporain, Subodh Gupta est né en 1964. D’origine modeste, il se forme à la peinture avant de varier les médias. Il finit par se consacrer à la sculpture, sa thématique tournant autour de la culture indienne. Vaches et objets du quotidien sont présentées pour refléter les changements économiques de son pays.

Hors les murs

L’artiste multifacette Harshvardhan Kadam dialogue avec le public à travers l’art urbain. Il exerce son talent en peinture, que ce sur toile ou murale, dans l’illustration de livres ou dans les films d’animation. Kadam a notamment signé Song of the City sur le mur de la prison Yerwada à Pune. Avec ses 320 mètres de long pour 7 mètres de haut, il s’agit de la plus grande peinture murale réalisée en Inde. Né en 1984, Kadam dit Inkbrushnme, peint des scènes mythologiques sur les murs du monde entier.

L’art de rue est en Inde une façon de vivre. On peint des stars de Bollywood sur les rickshaws, des publicités sur les murs, et des dieux sur les devantures pour rappeler l’interdiction d’uriner dans l’espace public. Jusque dans les villages les plus reculés, peindre au grand air relève d’une tradition.

Le premier quartier de New Delhi à s’ouvrir aux street-artistes est Khirki Village. C’est là qu’un très remarqué visage de Bouddha affublé d’un masque anti-pollution a jadis été peint à côté d’une décharge. Malheureusement recouvert de peinture blanche entre-temps. Mais cela n’a pas entaché le dynamisme des locaux. Khirki abrite quantité de jeunes galeries ainsi que le Khoj, un centre d’art contemporain qui propose des résidences et des événements innovants.

Dans la capitale, la fresque la plus haute (45 mètres) et la plus iconique pare une façade de l’Hôtel de police. Le fameux portrait de Gandhi, tout sourire, est l’œuvre d’Anpu Varkey et de l’artiste allemand Hendrick ECB Beikirch. Il s’agit de la première commande officielle d’art public. Sa réalisation s’est déroulée en janvier 2014, dans le cadre du Festival St+Art Delhi. L’association St+Art India promeut l’art public dans les principales métropoles indiennes. À long terme, elle espère générer des hubs créatifs et dynamiser les quartiers. Et ça marche ! À Shahpur Jat, au sud de Delhi, dans le quartier des designers, le succès du festival est tel que ses rues se sont métamorphosées. Cafés branchés, ateliers, maisons de couture ont éclos. Bien vite, Lodhi Colony, Moolchand ou Khan Market ont contribué au développement artistique de Delhi.

À Mumbai, le festival St+Art anime le Mahim Art District et à Chennai, il fait vibrer Kannagi. Les fresques sur le thème de l’amour, la paix et la vie locale s’inscrivent en dignes héritières d’un art frappant d’humanité.