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Trésors des origines

L’histoire millénaire de l’Italie du Nord commence dans la région des Lacs italiens, et plus précisément au sud du lac d’Orta et à Castellaro Lagusello près du lac de Garde, où l’on peut découvrir les sites dits palafittiques comprenant des vestiges d’habitats néolithiques conçus sur pilotis pour s’adapter à cette région lacustre. Les Étrusques, eux, étaient de grands maîtres de l’urbanisme et de l’architecture défensive comme en témoignent, à Pérouse, les imposants murs d’enceinte en blocs de travertin ponctués de portes et arcs, dont l’étonnant Arco Etrusco orné de frises, écussons et piliers ioniques. Mais les Étrusques sont surtout connus pour la splendeur et l’originalité de leur architecture funéraire. La nécropole de Crocifisso del Tufo s’étend telle une véritable cité, alignant avec régularité ses chambres mortuaires, étonnants blocs de tuf aux toits d’herbe possédant tous les mêmes proportions. La plupart des villes d’Italie du Nord ont conservé les plans en damier hérités de la période romaine. De même, la plupart des belles piazzas italiennes ont été construites en lieu et place des forums romains, telle la Piazza del Comune à Assise dont les soubassements et le réseau routier sont un autre héritage des Romains. Ces derniers renforcèrent également les fortifications étrusques, y ajoutant de puissantes portes et des arcs monumentaux. Parmi les plus célèbres, ne manquez pas : l’Arc Trajan d’Ancône avec sa silhouette tout en marbre blanc et colonnes cannelées ou bien encore l’Arc d’Auguste de Susa. Un monumentalisme et une volonté d’impressionner que l’on retrouve dans toutes les constructions romaines, à l’image des arènes de Vérone, surnommées « l’œil de Vérone », qui peuvent s’enorgueillir d’être le 2e plus grand amphithéâtre d’Italie encore debout.

Autre site incontournable : la zone archéologique d’Aquilée où subsistent notamment d’impressionnants vestiges de la zone portuaire, une partie du forum, un complexe thermal et deux ensembles résidentiels luxueux. Maîtres en ingénierie, notamment en matière d’adduction d’eau, comme le montrent les sous-sols de la ville de Narni avec leurs vestiges de citernes et aqueducs, et grands pragmatiques, les Romains n’en étaient pas moins amateurs de luxe comme en témoignent, non loin de Sirmione, celle que l’on a surnommé les Grotte di Catullo, une villa aux dimensions impressionnantes (167 x 105 m). Mosaïques polychromes et fresques décoraient les sols et murs de ces antres du luxe. Un art du décor que l’on retrouve dans les trésors paléochrétiens qui opèrent un magnifique syncrétisme entre acquis antiques (réemploi des matériaux), inspiration byzantine (fresques, coupoles) et influence occidentale préromane (sobriété, art de la pierre, plans géométriques originaux). Les plus beaux exemples de cette architecture sont à voir à Ravenne qui offre une lecture étonnante de l’évolution de l’art de la mosaïque. Réalisées à l’aide de carrés de pâtes de verre, ces mosaïques changent d’aspect au gré des effets de modulation de la lumière. Pour créer plus d’effets, il n’était pas rare, pour réaliser les fenêtres et encadrements, d’utiliser de l’albâtre dont la blancheur éclatante reflète la lumière. Parmi les plus beaux édifices de la ville, ne manquez pas : le battistero neoniano et le mausoleo di Galla Placidia avec sa coupole décorée de sublimes mosaïques à fond bleu. Autre trésor paléochrétien : la Basilica San Lorenzo Maggiore de Milan, l’une des plus grandes églises à plan circulaire de l’Empire romain d’Occident, dont le portique monumental a été construit à partir des 16 colonnes d’un temple antique. Un art du syncrétisme que l’on retrouve à Venise qui inventa son propre style baptisé vénéto-byzantin et dont la Basilica di San Marco est la plus fière représentante. Voyez ses somptueuses mosaïques, ses 5 coupoles et ses décors de marbre et de porphyre.

Puissance médiévale

Créant un fascinant trait d’union entre les empires romain, byzantin et germanique, les Lombards font entrer l’Italie du Nord dans sa période médiévale. Leur puissance se manifesta d’abord par l’édification de nombreuses tours et fortifications. Couplée aux influences romanes, cette architecture donna ensuite naissance au style romano-lombard qui se reconnaît à ses plans à nefs et absides multiples, à l’utilisation d’effets de polychromie entre la brique et la pierre, à l’emploi de la bande lombarde (bandes verticales de faible saille reliées entre elles par de petites arcatures aveugles), et autres motifs géométriques. Ce style fut notamment porté par « les Maîtres de Côme ». Parmi leur chef-d’œuvre, notons : la Basilca di Sant’Abbondio de Côme et l’abbaye San Nicolo di Piona. Ce mélange de sobriété formelle et de recherche décorative raffinée se retrouve un peu partout en Italie du Nord, comme le prouvent le Duomo di Trento ou bien encore la Basilica di Santo Stefano de Bologne qui regroupe 4 églises dont celle du Saint-Sépulcre à l’étonnant plan octogonal bâti sur les fondations d’un temple romain.

En Toscane, Florence, Sienne et Pise vont développer leur propre langage architectural. Polychromie des marbres et des mosaïques, utilisation de formes géométriques, façades étagées de galeries et colonnades comptent parmi les éléments caractéristiques de l’école pisano-lucquoise dont la Piazza dei Miracoli de Pise est la plus célèbre des représentantes. L’école florentine, elle, se caractérise par une pureté des lignes et des volumes très largement inspirée de l’idéal classique, et par l’importance donnée à l’ornementation murale via un savant jeu de polychromie associant des marbres blanc, vert et serpentin. Le Battistero San Giovanni de Florence en est un parfait exemple. L’école siennoise, elle, se caractérise par plusieurs éléments : sobriété du décor, plan en croix latine, harmonie des lignes et effets de couleurs. Autant d’éléments que l’on retrouve dans l’Abbaye Sant’Antimo. Enfin, comment ne pas évoquer la cathédrale de Modène, joyau du XIIe siècle, où se découvre pour la première fois le travail en duo d’un architecte (Langfranco) et d’un sculpteur (Wiligelmo) qui signent leur œuvre.

Au roman succède le gothique qui se fait foisonnant, aérien et lumineux. La blancheur de son marbre et la finesse de ses décors qui rappellent de la dentelle font du Duomo de Milan l’un des symboles de ce gothique ornementé. Villes et villages se développent alors autour d’un élément central : la piazza, qui se prolonge dans des rues à arcades et portiques. Les arcades voûtées de Bologne sont des incontournables. En bois, pierre ou brique, elles servaient tout à la fois d’abri et de lieu de réunion et de commerce. A cette époque, les cités veulent illustrer leur indépendance via les broletti et palazzi della ragione, palais municipaux aux rez-de-chaussée à galeries et aux étages richement ornés. Ceux de Côme, Bergame et Padoue comptent parmi les plus beaux. Mais rien n’égalera la splendeur des palais de Venise, symboles de l’opulence bourgeoise et commerçante, dont la Ca’d’Oro, avec sa façade d’or et de marbre, est le plus bel exemple. Ce faste ne doit pourtant pas faire oublier que cette période médiévale se fait aussi défensive. San Gimignano, surnommée « la cité des belles tours » du fait des dizaines de tours fortifiées que nobles et bourgeois se firent construire, en est le parfait exemple. En Lombardie, les ricetti étaient des structures fortifiées où les habitants pouvaient protéger leurs récoltes et se réfugier en cas d’attaque. Le Ricetto di Candelo est le plus célèbre. Châteaux et rocca (forteresses) jalonnent également les reliefs du Val d’Aoste, tel le château Sarriod de la Tour, tout comme les rives des lacs, à l’image du château de Sirmione, et les paysages de l’Ombrie, dont la célèbre Rocca Albornaziana de Spolète. Un art de tirer profit de la topographie qui s’illustre aussi dans les villages des Cinque Terre. Là, les habitants ont bâti les cian, des cultures verticales étagées en terrasses planes soutenues par des murs de pierres sèches, dits muretti a secco, se déployant sur près de 7 000 km alors que la côte n’en fait que 12 !

Triomphe de la Renaissance

Les Médicis ont contribué à faire de Florence un grand centre des arts et le berceau des grands maîtres de l’architecture. Brunelleschi y invente un nouveau langage architectural qui trouve ses racines dans l’esthétique classique antique. La maîtrise de la perspective permet de contrôler les dimensions de chaque édifice et de s’assurer de leur proportion afin d’obtenir un ensemble harmonieux. L’œuvre majeure de Brunelleschi est le duomo de la Cattedrale Santa Maria del Fiore à Florence. Coupole géante de 42 m de diamètre et 100 m de haut, ce duomo est une prouesse technique sans précédent. Une double coque avec un appareil de briques en arêtes de poisson et anneaux concentriques a permis à la structure de s’autoporter au fur et à mesure de son élévation ! Alberti, lui, rédige le premier grand traité d’architecture : De re aedificatoria. Il y développe des critères qui doivent permettre d’atteindre justesse, rythme et proportion. Ces 3 critères sont la solidité, l’utilité et la beauté. Alberti a été très actif auprès de la famille Rucellai, dont il a réalisé le palais. Venise, elle, passe d’une architecture de la rigueur et de la sobriété prônée par Mario Codussi, que l’on retrouve dans la blancheur immaculée des façades en pierre d’Istrie de l’église San Michele in Isola, à une Renaissance classique dont les deux grandes figures sont Jacopo Sansovino et Andrea Palladio. Au premier, on doit notamment la Libreria Vecchia, dont les arcades rappellent celles du Colisée. Au second, qui succède à Sansovino comme proto (l’architecte en chef de Venise), on doit une architecture qui mêle idéaux humanistes et modèles antiques et que l’on peut lire dans l’église San Giorgio Maggiore. Mais c’est surtout à Vicence que va s’exprimer le génie de Palladio. Il y a notamment réalisé le Teatro Olimpico dont les gradins semi-circulaires et la loggia sont d’inspiration antique, mais dont la scène avec ses perspectives en trompe-l’œil est résolument Renaissance. Toute la Vénétie est jalonnée de centaines de villas dites « palladiennes ». Au centre de ces dernières se trouve la maison-temple rehaussée par un escalier monumental et couronnée par un fronton soutenu par les colonnes de la loggia. La demeure centrale est reliée par des portiques aux ailes latérales à vocation agricoles et souvent dotées de tours. En parallèle, la Sérénissime continue d’étendre son empire qu’elle protège avec le système de défense Stato da Terra / Stato da Mar composé notamment de structures bastionnées adaptées à l’artillerie moderne, et dont les citadelles de Bergame et Palmanova sont les plus fières représentantes. La Renaissance est également une période de grandes réflexions urbanistiques. Mantoue et Sabbioneta portent la marque de la famille Gonzague. La première est un superbe exemple de renouvellement urbain. De grands architectes comme Alberti y ont œuvré pour permettre à la ville de s’étendre harmonieusement, tout en la dotant d’infrastructures modernes, notamment en matière de génie hydraulique. La seconde est une création nouvelle dont la modernité et la fonctionnalité doivent concourir à faire de Sabbioneta la cité idéale. On retrouve cette ambition à Urbino transformée par le duc Federico de Montefeltro. Le Palazzo Ducale y impressionne avec sa somptueuse cour à arcades et son Studiolo à la marqueterie en trompe-l’œil en partie réalisée sur des plans de Botticelli. Mais c’est sans doute la ville de Ferrara qui possède l’urbanisme Renaissance le plus complexe. Conçu par Biagio Rossetti, il met l’accent sur les perspectives urbaines et la recherche de cohérence et d’harmonie. Parmi les chefs-d’œuvre de la ville, ne manquez pas le Palazzo dei Diamanti avec sa façade ornée de motifs en pointe de diamant. Au-delà de la ville sur laquelle elle règne, la famille d’Este a également imaginé un réseau de résidences nobles, appelées Delizie Estensi, conçues pour transmettre partout l’image fastueuse de la cour.

Maniérisme et baroque

Rompant de manière plus ferme avec les idéaux humanistes du Quattrocento, les maniéristes du XVIe siècle imaginent une architecture qui se libère du carcan de la mesure, de l’ordre et de la règle. Le Palais Pitti, la nouvelle demeure des Médicis à Florence, en est un bel exemple. La puissante famille va également se faire construire de nombreuses villas et jardins à travers la Toscane, marquant les débuts d’un dialogue fructueux entre nature et architecture. Une réflexion que l’on retrouve dans les joyaux du Piémont et de la Lombardie : les Sacro Monte. Opérant une élégante transition entre Renaissance et baroque, ces parcours de dévotion, aménagés sur des montagnes, se composent d’une série de chapelles représentant chacune une étape de la vie de Jésus ou du saint célébré. L’un des plus beaux est le Sacro Monte d’Orta. Certaines chapelles portent la marque d’un baroque très théâtral qui va trouver son apogée dans la somptueuse Isola Bella, île-palais des Borromées. Voyez les étagements en 10 terrasses de son jardin qui donnent à l’ensemble des allures de pyramide végétale et ses grottes décorées de tuf, stuc, coquillages et pierres brillantes ! Foisonnant, théâtral et exubérant, tel est le baroque qui imprime désormais partout sa marque.

Nouvelle capitale des Savoie, Turin devient le centre d’un pouvoir qui se met également en scène via ses demeures de plaisance qui entourent la ville. On parle d’ailleurs de « Couronne des Délices de Savoie » pour évoquer ces demeures imaginées par les plus grands architectes de l’époque, dont Filippo Juvarra à qui l’on doit la Veneria Reale. A Gênes aussi les puissants se font construire de somptueux palais. Le Palais Royal est sans conteste le plus beau. Ne manquez pas ses jardins et bassins ornés de superbes mosaïques de galets. Baptisée risseu, nom dérivé du mot français ruisseau, cette technique consiste à créer d’étonnantes mosaïques à motifs à partir de galets noirs et blancs, ramassés dans les cours d’eau voisin… Des millions de galets et plusieurs années de travail étaient nécessaires pour réaliser un seul de ces chefs-d’œuvre ! Ces palais baroques sont intégrés au système des rolli créé à Gênes au XVIe siècle. En 1576, un édit établit une liste (rollo) des plus beaux palais susceptibles de pouvoir accueillir les hôtes de marque de la République. Les demeures étaient divisées en 3 catégories selon leur degré de faste et de splendeur. Une fois la catégorie déterminée selon l’importance de l’hôte, un tirage au sort permettait d’attribuer les demeures… et tous les frais étaient à la charge des propriétaires ! Cette exubérance décorative se lit partout en Ligurie, notamment dans les villages de la côte aux hautes maisons à étages couvertes d’enduits de couleurs, eux-mêmes agrémentés d’étonnants trompe-l’œil donnant à ces modestes habitations des allures de palais. Camogli en est le plus bel exemple. A Venise, c’est le célèbre Baldassare Longhena qui emporte la ville dans un tourbillon baroque pensé pour célébrer le riche passé de la cité et le pouvoir de ses mécènes. C’est à Longhena que l’on doit les deux plus beaux palais de l’époque : la Ca’Pesaro et la Ca’Rezzonico, avec leurs escaliers monumentaux, élément essentiel de l’effet de théâtralisation baroque. Ces effets de mise en scène sont portés à leur apogée dans l’église dite des Gesuiti dont les murs sont recouverts de draperie… qui sont en réalité des effets de sculpture dans le marbre. Étonnant effet de mise en abyme que l’intégration d’effets de théâtralisation de l’espace au sein même d’un théâtre… pour l’expérimenter, rendez-vous au Teatro Farnese de Parme, tout en bois et stuc, et longtemps l’un des plus grands théâtres privés d’Europe.

Eclectisme et modernité

Après le foisonnant baroque, le XVIIIe et le début du XIXe s. se tournent vers les lignes plus sobres et harmonieuses du classicisme. Un choix en partie dû aux Autrichiens qui contrôlent de nombreuses villes en Italie du Nord. C’est à Marie-Thérèse d’Autriche que l’on doit la construction d’un des plus célèbres théâtres du monde : la Scala de Milan. La cité possède également son propre petit Versailles : la Villa Reale. A Parme, c’est à Marie-Louise d’Autriche que l’on doit la réalisation du Théâtre Regio dont la façade impressionne avec ses imposantes arcades et colonnades. Mais c’est Trieste qui conserve le plus le charme délicieusement suranné des villes de Mitteleuropa. A côté du style néoclassique se développe une série de pastiches ou revival liée à l’intérêt croissant pour les recherches historiques. A Venise, la nouvelle façade du Fondaco dei Turchi ouvre ainsi la voie à la mode néo-byzantine. Pour rappel, les case fondaci sont des palais faisant office d’entrepôts, de commerces et de résidences possédant une entrée côté terre, et une entrée sur l’eau donnant accès aux entrepôts via des portiques, et dont le piano nobile, étage supérieur, était organisé autour du portego, pièce centrale courant sur toute la façade et parfois précédé de superbes loggias ouvragées. Chefs-d’œuvre d’ingénierie, les lignes ferroviaires de l’Albula et de la Bernina s’accompagnent de dizaines de ponts, tunnels et viaducs pensés pour s’intégrer harmonieusement dans les paysages de montagnes. Un souci que l’on retrouve dans la Grande Route des Dolomites qui relie Bolzano à Cortina. Les styles historicisants et Belle Époque ornent les façades de tous les hôtels et centres de villégiature qui se développent en même temps que la route et le rail. A Merano, le Kurhaus, ou bâtiment de bain, ajoute une touche nouvelle : celle de l’Art nouveau, ou Liberty en Italie, tout en légèreté, courbes et motifs floraux. Un mélange des genres que l’on retrouve dans la ville d’eau de Montecatini Terme, dont on admire les Thermes Tettuccio avec leur portail au toit en fer forgé et leurs fenêtres en verre polychrome. Les XIXe et début XXe sont également des périodes de grande effervescence urbanistique. Milan et Turin se déploient au-delà de leurs enceintes originelles à grand renfort de larges boulevards arborés qui relient entre elles des places agrandies et sublimées par la multiplication de superbes galeries, dont les élégantes verrières sont supportées par des structures métalliques. De nouvelles villes vont également voir le jour. Crespi d’Adda est une cité ouvrière conçue pour offrir un habitat digne et confortable aux ouvriers tout en proposant des services destinés à éviter les conflits sociaux. Fondée en 1908, la cité d’Ivrée illustre, elle, comment architecture et urbanisme peuvent répondre aux nouveaux enjeux sociaux, en mettant notamment l’accent sur l’importance des espaces publics et l’aménagement intérieur des logements ouvriers. Dans les années 1920, l’architecture fasciste fait son apparition. Des bâtiments administratifs sortent de terre, écrasant de leur monumentalité classique des piazzas nouvellement construites. C’est le cas sur la Piazza Monte Grappa de Varèse avec sa Torre Civica, énorme beffroi dont la base possède un arengario (terme désignant autrefois des palais municipaux, et réintroduit par les fascistes qui apprécient le concept d’édifice public possédant un balcon d’où ils peuvent haranguer la foule). L’un des plus étonnants témoins de cette période est la Casa del Fascio à Côme. Œuvre de Giuseppe Terragni, elle fait harmonieusement dialoguer emprunts aux canons classiques et lignes rationalistes. Un mélange des genres également prisé par Marcello Piacentini qui réalise, à Gênes, la grande Piazza della Vittoria d’où émerge l’impressionnant Arc de la Victoire aux piliers ornementés et sculptés d’allégories. En Toscane, le rationalisme revêt deux visages. D’un côté celui de Pier Luigi Nervi, ingénieur et spécialiste du béton armé à qui l’on doit le Stade Artemio-Franchi aux élégants escaliers hélicoïdaux. De l’autre, celui du Gruppo Toscano, dont le chef de file est Giovanni Michelucci, qui prône l’intégration harmonieuse et naturelle d’une architecture rationaliste et organique dans le tissu urbain, comme le montre la gare de Florence, Santa Maria Novella.

Architecture contemporaine

La reconstruction d’après-guerre à Milan porte la marque des plus grands architectes. Gio Ponti, en collaboration avec Pier-Luigi Nervi, imagine notamment la Tour Pirelli, le premier gratte-ciel de la ville. Nervi offre également à Turin l’un de ses plus audacieux édifices : le Palazzo del Lavoro, tout de métal et de béton. Avec son traité théorique L’Archittetura della Citta paru en 1966, le célèbre architecte milanais Aldo Rossi (lauréat du prestigieux prix Pritzker) présente sa conception de l’architecture fondée sur l’universalisme et un rationalisme humaniste. Le quartier résidentiel de Gallaratese à Milan porte sa marque. C’est également à lui que l’on doit l’étonnant Centro Direzionale di Fontivegge à Pérouse, avec son Palais de la Région perché sur des pilotis élancés. Dans les années 1980, Gênes confie à Renzo Piano (2e italien récompensé par le Prix Pritzker) la transformation du Porto Antico. En choisissant de supprimer l’enceinte du port, Renzo Piano rend à la ville un accès direct à la mer. Depuis, le génial architecte a doté cette zone des infrastructures les plus étonnantes, à l’image du Bigo, ascenseur qui vous propulse à 40 m de haut à la manière des grues de chargement des navires. Il a également donné à l’Aquarium de superbes structures tels la bulle de verre et d’acier de la Biosphère et le parallélépipède en béton armé haut de 23 m (dont 10 sous la mer !) du Pavillon des Cétacés. Très attaché à sa ville natale, c’est tout naturellement qu’il a offert à Gênes la conception du Viaduc Gênes-Saint-Georges, navire d’acier brillant, dont les 43 piliers lumineux rendent hommage aux 43 victimes de l’effondrement du Pont Morandi qu’il remplace. A Rovereto, c’est à Mario Botta que l’on doit le Museo d’Arte Moderna e Contemporanea (MART) pensé comme « un panthéon sans façade » dont les 3 étages s’organisent autour d’une agora surplombée par une grande coupole de verre. Le Tyrol italien abrite également l’une des plus étonnantes réalisations de la célèbre architecte Zaha Hadid : le Messner Mountain Museum du Plan de Corones, prouesse architecturale blottie dans la roche pour ne pas briser l’harmonie des paysages. On doit également à Zaha Hadid l’impressionnante Tour Generali, tout en torsion hélicoïdale, qui semble danser avec la tour de verre rythmée par des surfaces bombées signée Arata Isozaki et la tour incurvée rappelant la voile d’un bateau signée Daniel Libeskind, toutes trois formant la bien-nommée Piazza Tre Torri de Milan. Parmi les autres incontournables de la cité milanaise : la Fondation Prada installée dans une ancienne distillerie réhabilitée par Rem Koolhaas, et le MUDEC imaginé par David Chipperfield (lauréat 2023 du Prix Pritzker) sur le site d’anciennes usines sidérurgiques. Les 7 stations et les 2 gares terminus du Minimetro de Pérouse, elles, ont été dessinées par Jean Nouvel. Un étonnant dialogue entre passé et modernité que l’on retrouve à Venise. La Sérénissime avait déjà accueilli les plus grands architectes dans les Jardins de la Biennale dont le cortile des sculptures du grand pavillon au toit ondulant est signé Carlo Scarpa. Et depuis, la ville continue d’accueillir les plus célèbres starchitects tels Santiago Calatrava qui a imaginé le Pont de la Constitution, Tadao Ando qui a restauré le Palais Grassi et la Punta della Dogama pour la Fondation Pinault, Renzo Piano qui a redessiné les anciens magasins de sel pour la Fondation Vedova, tandis que Rem Koolhaas et Philippe Starck, eux, ont transformé le Fondaco dei Tedeschi en temple du luxe et du design. Par petites ou grandes touches, l’Italie du Nord ne cesse jamais de se réinventer !