La musique traditionnelle
Pour plonger dans les musiques traditionnelles des régions des Lacs italiens – Piémont, Lombardie, Vénétie -, le mieux est encore de suivre à la trace les groupes folkloriques de ces pays qui, pour certains, ont accompli via leurs œuvres un travail proche de l’ethnomusicologie. Dans le Piémont, par exemple, La Ciapa Rusa a collecté et enregistré l’héritage musical rural et participé à la sauvegarde de danses anciennes comme les monferrine, alexandrine, curente ou sestrine. En 1997, le groupe se sépare, certains de ses membres formant alors Tendachënt, nouvel ensemble porté par une ambition similaire de préservation, modernisation et transmission du répertoire traditionnel. Dans la même région, on trouve également Tre Martelli, dont le répertoire s’axe aussi autour des recherches ethno-musicologiques entreprises dans le Piémont. Après quarante ans d’activités et une dizaine d’albums, le groupe est devenu une vraie institution. En Lombardie, le groupe Barabàn est réputé pour sa recherche d’équilibre entre traditions musicales du nord de l’Italie – polyphonies de la vallée du Pô, chansons archaïques des Apennins, etc. - et sensibilité contemporaine. On peut entendre dans leur musique des instruments populaires du nord de l’Italie tels que le piffero (un haubois), la müsa (une cornemuse) ou encore la vielle à roue. En Vénétie, le groupe Calicanto et l’Orchestre populaire des Dolomites sont tous deux animés par une ambition similaire et produisent des œuvres visant, elles aussi, à redonner vie au répertoire de la région.
La musique classique
La réputation de l’Italie en matière de musiques savantes n’est plus à faire. Et les régions des Lacs italiens concentrent à elles seules une bonne partie des grands noms historiques et institutions majeures du pays. À commencer par la Lombardie où réside, à Milan, la Scala, considérée comme le principal opéra d’Italie (construit en 1778). C’est aussi d’ici que sont originaires quelques-uns des plus grands directeurs d’orchestres du pays : Claudio Abbado (1933-2014) et Riccardo Chailly, tous deux passés à la tête de la Scala, sans oublier Daniele Gatti, aujourd’hui directeur de l’opéra de Rome. N’oublions pas non plus de mentionner Ricordi, prestigieuse maison de disque milanaise, dont le nom est intrinsèquement lié à la grande époque de l’opéra italien. Au nord-est de Milan, à Bergame, la grande fierté locale est Gaetano Donizetti (1797-1848). Le compositeur est très souvent mis à l’honneur dans la ville et notamment au sein du Bergamo Musica Festival qui ne rate pas une occasion de le jouer. Plus au sud, dans la vallée du Pô, on trouve Crémone, une ville réputée pour sa lutherie et ses illustres praticiens, tels que la famille Amati, la famille Guarneri et Stradivarius. Claudio Monteverdi (1567-1643), dont l’Orfeo est considéré comme le premier opéra, est également natif de Crémone.
Dans le Piémont, le Teatro Regio de Turin est la grande référence italienne en matière de musique lyrique et sans nul doute l'un des principaux temples mondiaux de l’opéra. La première de La Bohème de Puccini fut donnée ici en 1896 en présence du roi Victor Emmanuel II. Détruit par un incendie en 1936, seule sa façade est d’origine et date de 1738. La saison musicale est un incontournable pour les Turinois qui s’y rendent chaque année avec engouement. C’est également à Turin que réside l’orchestre symphonique national de la RAI dirigé depuis 2016 par James Conlon, et jouissant d’une excellente réputation. Aussi, chaque année, la ville organise conjointement avec Milan un festival de musique appelé Mito Settembre Musica qui propose des concerts de grande qualité à petits prix (classique, jazz, rock). C’est dans cette région que se tiennent également les Semaines Musicales de Stresa (au bord du lac Majeur), riche en concerts et récitals de musique de chambre ainsi que le Festival Cusiano di Musica Antica, important festival de musique baroque sur l’île de San Giulio, au centre du très beau lac d’Orta.
Du côté de la Vénétie, l’histoire musicale est évidemment très copieuse. Comme en peinture, la musique a elle aussi connu une école vénitienne. Dès le début du XVIe siècle, Venise devient une ville majeure de la vie musicale européenne, prenant la suite de Rome dont l’attractivité pour les artistes décline après le sac en 1527. Ville prospère, pilotée par un gouvernement stable, Venise devient rapidement un pôle important pour l’édition de partitions musicales. Les compositeurs affluent de toute l’Europe pour bénéficier de cette innovation et particulièrement de Flandre. Ce qui explique pourquoi les premiers représentants de cette école vénitienne sont des Flamands, Jacques Buus et surtout Adrian Willaert, qui a importé à Venise le style polyphonique de l'école franco-flamande.
Mais c’est vraiment trois décennies plus tard que la ville va connaître le paroxysme de son prestige avec la naissance d’un prodige du violon et compositeur mondialement admiré de la période baroque : Antonio Vivaldi (1678-1742). Contemporain de ce dernier mais resté dans son ombre, Tomaso Albinoni est l’autre grand compositeur vénitien du baroque italien. Chez les contemporains, la Sérénissime a aussi enfanté un grand nom : Luigi Nono (1924-1990). À la pointe de la musique nouvelle, le compositeur a traversé le sérialisme, la musique aléatoire, la musique concrète ou électronique sans jamais se rendre prisonnier d’un style. La Venise d’aujourd’hui a conservé toute son aura musicale et propose de nombreux lieux pour enthousiasmer les mélomanes. Il y a bien sûr la Fenice, une des scènes les plus prestigieuses au monde, mais aussi le Teatro Malibran ou encore la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista.
La musique populaire
À noter également que la région a été le berceau de nombreuses vedettes de la chanson italienne. Parmi elles, on peut citer des monuments nationaux tels que le crooner Adriano Celentano (24 000 Baci) qui est milanais, Umberto Tozzi (connu pour son lancinant Ti amo) qui est turinois et l’immense Paolo Conte, figure du jazz et du blues italien, originaire d’Asti. Moins connus ici mais essentiels à la culture populaire italienne, citons Giorgio Gaber (1939-2003), pionnier du teatro canzone fusionnant musique et théâtre, Ornella Vanoni (1934), dont la voix fumée a fait connaitre à des générations d’Italiens les chansons de la malavita (« pègre ») milanaise, Enzo Jannacci (1935-2013), précurseur du rock en Italie, ou encore Mina (1940), la Dalida lombarde.