Parc national de la Forêt de Casentinesi © Cristina Annibali - Shutterstock.com.jpg
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Ours brun © mauribo - iStockphoto.com.jpg

Un héritage (pré)historique

Durant la période du Quaternaire, le territoire italien n’est pas totalement englacé, laissant vivre la flore et la faune locales, contrairement aux autres régions (notamment centre et nord) du continent. En revanche, en montagne, le recul des grands glaciers a laissé une faune relique glaciaire. Puis dans un contexte de climats tempéré, semi-continental frais et méditerranéen, des sommets alpins aux côtes, en passant par la plaine du Pô, l’Italie du Nord a eu la chance de conserver longtemps une diversité naturelle supérieure. Selon l’Istituto Superiore per la Protezione e la Ricerca Ambientale (ISPRA), l’organisme d’État œuvrant pour la protection et la richesse environnementales, un grand nombre d'espèces endémiques vivent en hautes montagnes isolées, entre les reliefs de plus basse altitude.

La flore du nord de l’Italie

Aujourd’hui, un cinquième du territoire reste recouvert de forêts. Les zones alpines (Alpes maritimes ou apuanes) sont encore très boisées de sapins rouges et blancs, mélèzes, pins sylvestres ou parasols. Dans les Apennins, les forêts de conifères reculent, le sapin argenté et le hêtre résistent. Dans le Parc national de la Forêt Casentinesi, Mont Falterona et Campigna, les grands hêtres maintiennent un écosystème intact.

Les bois de conifères méditerranéens sont souvent composés de trois espèces de pins, Alep, cembro et maritime, ce dernier poussant uniquement en Ligurie et en Toscane. Les pinèdes côtières, du côté tyrrhénien et en Émilie-Romagne, ont été plantées par l'Homme mais s'intègrent bien dans l'environnement. Ces bois abritent d’autres espèces d’arbres, comme le chêne vert ou le figuier sauvage. La végétation méditerranéenne s'étend au-delà de sa zone climatique, le maquis se développant jusqu’aux grands lacs préalpins. Dans la réserve forestière du Delta du Pô, le bois de Mesola est composé majoritairement de chênes verts bien qu'il soit situé dans une région au climat tempéré, froid et humide dans la saison hivernale.

Dans la garrigue, chaque année, les fleurs et les plantes aromatiques sauvages reviennent, orchidées, iris nains, thym, origan, sarriette, sauge, romarin menthe poivrée, etc. Le Basilico Genovese, lui, relève d’une espèce importée d’Asie méridionale, d’Iran et du Moyen-Orient. Connu depuis l'Antiquité, il s’est bien adapté au climat méditerranéen, à sa forte luminosité hivernale et à sa brise marine. Les traditions des agriculteurs italiens autour de cette plante se conservent sur le versant tyrrhénien de la Ligurie et la ligne de partage des eaux. Cette plante bénie des dieux bénéficie d’un parc naturel entièrement dédié et d’une dénomination protégée au niveau européen (AOP).

Faune italienne, de nombreuses espèces endémiques

L'Italie du Nord conserve une belle biodiversité animale. Grâce à la présence des lacs, rivières, grottes, montagnes, on trouve de nombreuses espèces d’invertébrés endémiques. Quantité d’insectes, la famille des coléoptères notamment, ont formé des espèces nouvelles. Zone d'hivernage importante pour de nombreuses espèces, l’Émilie-Romagne est la région préférée des oiseaux migrateurs. A l’est de Ferrare, dans le delta du Pô, une ancienne sucrerie gagnée par la nature est devenue une Oasi naturalistica Garzaia di Codigoro, intégrée au réseau Natura 2000 en tant que Zone de Protection Spéciale. Ce domaine lacustre d'environ 8 hectares, abondant d'acacias, peupliers, saules et arbustes, accueille différentes espèces de hérons (aigrettes garzettes, noctambules, cendrés, grands blancs). Chaque année, début mars, les oiseaux reviennent en groupes pour s’y reproduire. Ayant fait l’objet d’une enquête pour la première fois en 1981 par des chercheurs de l'Université de Pavie, l’Oasis est apparue comme l'une des colonies les plus importantes d’Italie avec près de 500 nids. La nidification ne cesse d’augmenter, car les eaux des canaux de récupération et les vastes rizières sont riches en ressources alimentaires (poissons, amphibiens, rongeurs, serpents aquatiques, insectes). Grâce à une tour de guet et aux webcams, les visiteurs peuvent observer les oiseaux sans les déranger, de la parade nuptiale à la nidification. Le faucon pêcheur s’y est également établi ainsi que d’autres oiseaux vivant près de l’eau (le coucou et le rossignol de fleuve par exemple).

On retrouve dans les zones humides des trésors de biodiversité. La bonne qualité de ces environnements est liée au sort de nombreuses espèces animales. Dans les rivières, lacs et étangs, vivent quantité de poissons d'eau douce, truites, anguilles, tanches, esturgeons, brochets, lavaret, ombles chevaliers. Les amphibiens aussi possèdent de nombreuses espèces endémiques, telles que la salamandre tachetée (robe noire tachetée de jaune), localisée à l'est de Genova, les géo-tritons, membres de la famille des Plethodontidae, le proteus aveugle, qui ressemble plus à un poisson qu'à un amphibien. Les lézards Podarcis comptent différentes espèces, comme les sauriens par exemple.

Dans le cas des mammifères, bien que l’on constate la présence des espèces de petite et moyenne tailles (rongeurs, insectivores, blaireaux, lapins sauvages, lièvres, chauve-souris, etc.), de nombreuses espèces de grands animaux ont disparu ou se sont retranchées dans des zones en retrait ou inaccessibles des populations. C’est notamment le cas le long du Tessin, où vivent plusieurs espèces animales sauvages ; ainsi, l’ours brun, par exemple, est présent en petit nombre dans les Abruzzes, dans le Latium et dans quelques régions alpines.

Inversement, les populations de sangliers, bouquetins, daims ou chevaux sont si abondantes qu'elles impactent l’agriculture ou l’écosystème. Le loup, le chacal doré, le porc-épic, le renard connaissent une expansion rapide après des situations alarmantes. Dans les années 1950 et 1960, la race du loup des Apennins était considérée comme quasi éteinte. Depuis sa réintroduction, il a recolonisé presque toute son aire de répartition. On estime qu’il y a entre 1 200 et 2 600 loups en Italie, dont 100 à 150 dans les Alpes italiennes (contre 300 à 400 en France). Cette différence de proportion a souvent été avancée par les pro-loups français pour affirmer la cohabitation possible entre le prédateur et les éleveurs. Mais ces dernières années, leur augmentation et surtout leurs attaques plus nombreuses sur le bétail ont poussé le gouvernement à envisager un plan d'abattage (5 %) ; par ailleurs, environ 300 loups sont tués chaque année en Italie par les braconniers. Le Corps forestier d'État veille au grain mais manque de moyens. Le braconnage, même s’il a sensiblement diminué, cause de graves dommages sur la biodiversité, en particulier lorsqu'il est dirigé contre des oiseaux migrateurs ou contre de grands prédateurs. En automne 2022, deux premières attaques de loups sur l’Homme ont été signalées en Italie du Nord, sans faire de victimes. Les militants pro et anti-chasse n’ont pas fini de s’affronter autour de la régulation du loup.

La biodiversité en danger

S’il existe en Italie de nombreuses espèces endémiques, leur statut de conservation est presque toujours compromis. D’où l’absolue nécessité des réserves naturelles. Le premier parc national fut créé en 1923. Actuellement, la liste officielle des zones protégées en dénombre 22, dont 8 en Italie du Nord, auxquels s’ajoutent quantité de parcs naturels régionaux. Une bonne moyenne, qui ne suffit pas à endiguer la menace des activités humaines sur la biodiversité.

Les hautes montagnes alpines ont connu le taillis ou la déforestation pour la sylviculture intensive. Celles qui n’ont pas été reboisées sont soumises à une forte érosion. Il est devenu presque impossible de trouver de grands bois à feuilles persistantes méditerranéennes, car ils sont exploités pour produire le bois de chauffage et le charbon de bois. La déforestation de zones fertiles, essentiellement due à l'abandon progressif des cultures traditionnelles montagnardes, a eu des conséquences néfastes sur certaines espèces animales, les oiseaux par exemple. La monoculture nuit fortement aux perdrix grises et pies-grièches qui préfèrent les environnements « permaculture ». D’autres interventions humaines impactent l’équilibre écologique. Le plus grave étant la perte d'habitat, principalement due à l'expansion urbaine et infrastructurelle, les constructions anarchiques, qui affectent les vallées et les zones côtières, le littoral périurbain ou les dunes, que l’on rase pour construire en dur. La culture du brûlis, afin de transformer les terres boisées en pâturages, ou les incendies de forêt affectent principalement les zones côtières. Le passage du feu sur la végétation et les animaux moins vagiles (tortues, escargots) provoque la dégradation puis la désertification des terres.

Pour la faune aquatique, l'altération des cours d’eaux douces, l'extraction de sable et de gravier, la construction excessive sur les berges, les barrages sont dommageables, notamment pour la truite marbrée des rivières préalpines. Parmi les espèces les plus menacées : les esturgeons et la lamproie, autrefois fréquents dans le Pô. Dans le fleuve Pô, l’introduction d'espèces exotiques (poisson-chat, carassin, silure glane) est l'une des causes principales de l’extinction des espèces. Aujourd’hui, les espèces introduites, lorsqu’elles se sont acclimatées, prennent souvent le pas sur les espèces locales, parfois jusqu’à leur disparition.

En mer, les prairies de Posidonie, qui sont importantes pour l'équilibre écologique des zones côtières, régressent face à la construction des ports et autres travaux en mer. Le chalutage côtier illégal, l’ancrage incorrect, l’introduction d'algues invasives sur les côtes ligures et toscanes sont un réel problème. La pêche illégale, la surpêche, avec des chaluts au-delà de 50 m de profondeur - zone de reproduction des poissons –, sévit toujours, et la capture d'individus juvéniles est une menace sérieuse pour les poissons. C'est l'une des causes qui ont conduit à la raréfaction du thon rouge et de l'anguille.

La pollution est également l’une des raisons de perte de biodiversité. Dans les milieux aquatiques, le rejet de substances organiques modifie l’environnement et peut avoir pour conséquence la mort des espèces. Sans parler des produits chimiques toxiques qui détruisent les espèces d’insectes.

Finissons sur une note d’optimisme. S’il existe de nombreux oiseaux en danger en Italie, le déclin de la chasse et du braconnage ainsi que la réintroduction réussie et la protection d'espèces rares est prometteuse. En mer, l'Accord Pelagos signé par la France, l’Italie et la Principauté de Monaco (25 novembre 1999) tente de tenir ses promesses. En effet, dans les années 1980, on observa qu’un peuplement relativement important et diversifié de mammifères marins fréquentait le bassin Corso-Liguro-Provençal. En créant un sanctuaire pour les cétacés, il s’agissait d’instaurer des actions harmonisées entre les trois pays pour la protection de leurs habitats contre tout dérangement (pollution, bruit, captures et blessures accidentelles, etc.). Mais pour cela il faut négocier avec le whale watching, si populaire dans la zone, qui génère des chiffres importants pour les opérateurs. Il devrait à terme être mieux réglementé.