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Culture autochtone

Les populations autochtones sont nombreuses sur le territoire.  L’une des plus connues, la population inuit, se sensibilise à la notion d’art à partir de la rencontre avec le monde occidental. En 1906, la fondation de la Guilde canadienne des métiers d’art jouera un rôle essentiel dans l’essor d’un marché de l’art inuit.
Avant le XXe siècle, les autochtones du Grand Nord américain produisent deux catégories d’objets : usuels et rituels. L’art rituel ou chamanique comporte les masques et les sculptures. Pour rappel, le chamanisme met en relation les humains et les esprits. Lors des rites, le chamane canalise les énergies spirituelles qui l’entourent pour le bien de la communauté. La pratique chamanique débute trois millénaires avant nous (période pré-Dorset). Les objets, sculptés dans des matériaux périssables, ont mal résisté aux affres du temps. La période Dorset voit se développer des figurines à vocation religieuse, animaux et créatures surnaturelles, en ivoire, en bois, ou en pierre. Dans les années 1920, ces objets rencontrent un vif succès auprès des acheteurs occidentaux.
La période suivante, dite de Thulé, qui s’étale jusqu’à la rencontre avec les Blancs, est dominée par le thème de la chasse. Les techniques étrangères sont plus ou moins incorporées aux traditions locales. L’Alaska State Museum à Juneau regroupe photographies et productions artistiques afin d’offrir un panorama de la culture autochtone. Près de 2 000 peintures, sculptures, dessins et estampes invitent à plonger au cœur de ces cultures fascinantes. L’œuvre la plus ancienne est une aquarelle de William Ellis, réalisée au cours de l’exploration du Capitaine Cook en 1778. Elle constitue la première image de l’Alaska qui nous est parvenue.  
Les Tlingit, établis dans tout le sud-est de l’Alaska, considèrent que l’art de la sculpture cimente la tribu. Tout artiste doit connaître les symboles, les mythes, maîtriser la taille du bois et faire preuve de créativité. L’art est avant tout cérémoniel : masques, ustensiles et surtout totems. Sur les totems, les motifs relatent l’histoire et la mythologie du clan. L’un des plus connus narre l’histoire de Kets, un chasseur d’ours qui tombe amoureux d’une femelle grizzli déguisée en humain. Les missionnaires chrétiens ont tristement détruit un grand nombre de ces mâts totémiques. Et, si peu de totems d’avant 1900 ont su résister au temps qui passe, on pourra en admirer certains au Totem Heritage Center de Ketchikan. Cependant, les Tlingit continuent d’en façonner pour marquer l’entrée de lieux cérémoniels ou rappeler un événement. L’artiste tlingit Nathan Jackson (né en 1938) est salué comme le père de l’art contemporain de la côte Pacifique Nord-Ouest. Ses mâts totémiques transmettent l’identité de son peuple et revitalisent un art traditionnel qui inspire les nouvelles générations.

Les paysagistes

Les premiers peintres occidentaux connus de l’Alaska, arrivés de divers États américains, nous présentent l’Alaska d’autrefois. Sydney Laurence (1865-1940) compte parmi les artistes les plus célèbres en Alaska. Né à Brooklyn en 1865, ce peintre romantique se forme à l’art à New York, puis rejoint une communauté d’artistes dans les Cornouailles entre 1889 et 1898. C’est là qu’il commence à exposer ses œuvres, au Royaume-Uni mais aussi au Salon de Paris (1890, 1894 et 1895). En 1904, il décide de s'installer en Alaska, à Valdez, et met la peinture entre parenthèses jusqu’en 1911. A partir de 1915, il vit à Anchorage où il développe un style singulier, à la croisée de l’apprentissage américain, européen et des vastes espaces de l’Alaska. Dans ses paysages sauvages, pleins de romantisme, flottent des voiliers et des paquebots ou se dressent des totems. Grâce à ses portraits de natifs, il participe à faire vivre la culture locale. Parmi ses toiles les plus célèbres, citons sa représentation du mont McKinley vu des collines dominant la rivière Tokositna. Plusieurs toiles de l’artiste font partie de la collection de l’Anchorage Museum, à la fois musée d’art, d’histoire et d’ethnographie.
Eustace Ziegler (1881-1969) est originaire de Détroit. Homme d’Église, il s’établit en Alaska en 1909, à Cordova.  Il peint l’Alaska d’avant la ruée vers l’or, ses frontières et ses hommes avec un réalisme vibrant, aux accents impressionnistes. Figure influente de la communauté artistique de son temps, il fonde le Puget Sound group Of Northwest Painters. Une rétrospective de son travail s’est tenue à l’Anchorage Museum.
Rockwell Kent (1882-1971) se distingue par ses vastes paysages désertiques, constitués d’aplats blancs et de couleurs de terre quasi abstraits. Également architecte, explorateur, écrivain et charpentier, il sublime la nature sauvage aussi bien dans ses écrits que dans ses œuvres visuelles.

Art inuit moderne

La rencontre de ces deux mondes engendre l’émergence de l’art moderne inuit. Cette période débute en 1948, avec le voyage que James Archibald Houston effectue sur ces terres. Il flaire rapidement le potentiel commercial des créations inuits. Un millier de productions autochtones seront ainsi vendues à Montréal au cours de ce qui sera la première exposition d’art inuit. Parmi les amateurs, le beau-frère du célèbre artiste Henri Matisse, Georges Duthuit, critique d’art et collectionneur, rapporte des masques yupiks en France. Marguerite, la fille de l’artiste, lui demande d’illustrer un ouvrage sur l’Arctique. Matisse dessine 50 illustrations, d’après des portraits d’Inuits photographiés lors de la cinquième expédition de Thule en Arctique, dans les années 1920. Une vraie rencontre culturelle et spirituelle se produit. Matisse sent une forte connexion avec ces portraits, mais aussi avec les masques créés pour invoquer les esprits des animaux afin d’assurer leur retour au printemps. Chaque masque représente pour les Yupik, apparentés aux Inuits, l’inua ou yua, la force vitale d’un animal. Dans les communautés inuits, les masques sont portés pour raconter des histoires, et rendre hommage au yua à travers les rites et les danses. Une exposition a réuni en 2018, au Heard Museum de Phoenix, les portraits d’Inuits de Matisse avec les masques de l’Alaska.
Mais l’événement qui sensibilise le monde entier à l’art inuit est l’Exposition universelle de Montréal (1967). Sont ainsi révélés des dessins et des estampes regroupés sous le terme de « qimiqrunguaq ». Ces deux arts s’affirment sur la base d’un mélange de techniques qui se développe à partir de 1950. Dans le dessin, l’art est narratif et décrit des mythes ou le quotidien avec un lexique esthétique simplifié. L’estampe occupe une place à part, car elle est le fruit d’une collaboration au sein de la communauté. Le motif est souvent confié à une femme, avant d’être passé à l’encre. Les motifs, animaux, êtres imaginaires et scènes du quotidien se distinguent par la composition asymétrique, destinée à créer du mouvement et de la profondeur. La graveuse Pitseolak Ashoona (1904-1983) est l’une des premières artistes inuits à produire une œuvre autobiographique. Ses images traditionnelles sont admirées dans le monde entier.

Le sculpteur Larry Ulaaq Ahvakana

De son nom tribal Ulaaq and Sweetcharu, l’artiste est né à Fairbanks dans les années 1940. Issu de la tribu des Inupiaq, il quitte sa région natale pour devenir étudiant à la Rhode Island School of Design à Providence, puis à l'Institute of American Indian Arts de Santa Fé au Nouveau-Mexique. C’est là qu'il renoue avec ses origines et fait la connaissance de son mentor, le sculpteur apache Allan Houser. Ses œuvres sont entrées dans de nombreuses collections privées et publiques. Elles se concentrent sur les représentations animales, les figures Inupiaqs. Sculptées dans le bois, l'ivoire, le métal ou le marbre, elles ont pour ambition de diffuser l'histoire de son peuple.

Scène contemporaine

La tradition et la relation à l’environnement continuent d’imprégner l’art contemporain. Cependant, ces thèmes engendrent des propositions qui se diversifient comme on peut le constater lors de l’Alaska Biennial, événement hébergé par l’Anchorage Museum. Depuis une trentaine d’années, la foire d’art présente et soutient la création contemporaine locale : dessins, peintures, gravures, photographies, toutes les formes d’expression témoignent de la vitalité culturelle. On a pu y découvrir des personnalités telles qu’Annette Bellamy dont le travail dans le milieu de la pêche nourrit la création. Ses sculptures, qu’elles soient posées ou suspendues, font appel aux matériaux ancestraux. Gracieuses et épurées, ses œuvres ont quelque chose d’universel. Annette Bellamy expose aussi à la Rasmuson Foundation d’Anchorage. La fondation soutient les artistes à travers sa collection, ses prix assortis de bourses et ses expositions temporaires.
En Alaska, les galeries d’art sont d’une belle variété. A Anchorage, l’International Gallery of Contemporary Art (427 D Street, Anchorage) promeut un art interdisciplinaire. Son ambition est de mettre un espace de création à la disposition de la population. La découverte et l’expérimentation sont les maîtres mots de ce lieu qui regroupe quatre ateliers en plus de salles d’exposition.
Depuis plusieurs décennies, l’Aurora Fine Art (737 W 5th Ave Suite E) présente les artistes de tout l’Alaska dans leur diversité. Certains jouissent d’une réputation internationale comme la peintre pointilliste Gail Niebrugge. Née en Californie, elle tombe sous le charme de l’Alaska durant ses vacances en 1976, et n’en repartira plus. Elle peindra les paysages de l’Alaska pendant plus de quarante ans, jusqu’à son récent décès. A l’Aurora Fine Art, on peut également admirer des artistes autochtones, comme la sculptrice Susie Silook qui traite de la cause féminine à travers des idoles en ivoire et en bois.

Art public

A Anchorage, l’art mural raconte l’histoire locale et reflète la vie de la communauté. On le rencontre un peu partout. Notre florilège ? Véritable livre d’histoire, Anchorage History est une fresque de Bob Patterson située derrière le City Hall.  De l’arrivée du Capitaine Cook à nos jours, il y reprend les événements, les lieux et les personnalités qui ont marqué l’histoire de l’Alaska.
La longue peinture du Wyland Whaling Wall, qui longe Town Square Park, est l’une des 100 fresques sur le thème de la chasse à la baleine que Robert Wyland a peintes à travers le monde. Ses réalisations entrent dans le cadre de ses actions en faveur de l’environnement. Sculptée cette fois, The Last Blue Whale de Jospeh Priniciotti se dresse magistralement en face de Boney Courthouse, dans le centre d’Anchorage. Une ode à la vie !