FUTE004113.jpg
14_pf_108690.JPG
14_pf_108689.JPG

Le Yukon, un territoire hostile prisé pour l’or

La ruée vers l’or du Klondike de 1896 à 1899 est à l’origine de la renommée de cette région à la fin du XIXe siècle. C’est dans la région de la rivière Klondike, et plus précisément dans le ruisseau Bonanza, qu'en août 1896 George Washington Carmack, Dawson Charlie et Skookum Jim Mason trouvent de l'or et pensent qu'ils s'approchent du filon mère, la source principale d'où proviennent les autres gisements aurifères de l'Ouest canadien. Une autre version existe : ce serait sa femme, indienne, qui après avoir fait cuire du poisson dans une poêle partit la laver dans la Bonanza Creek. Des pépites restèrent au fond de la poêle. Cette découverte sonna le début de la ruée vers l’or du Klondike (dite aussi du Yukon ou de l'Alaska).

Un an après, en juillet 1897, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre d'or le long des camps de mineurs de la vallée de la Yukon River et parvient rapidement jusqu'en Colombie-Britannique et en Californie, régions qui se remettent à peine de plusieurs importantes ruées vers l'or dont celles de Fraser Canyon et Cariboo. Aussitôt, le Klondike et la future ville de Dawson City sont pris d'assaut par des milliers de prospecteurs fiévreux venus tenter leur chance. Les chercheurs d’or seront de tout sexe, de toute nationalité, de différentes conditions sociales et de tout âge. Ils quittèrent femme, enfants et emploi pour se lancer dans une quête dont ils ne mesuraient pas les difficultés.

Parmi eux, le jeune écrivain Jack London décrira la rudesse extrême du voyage et des conditions de vie dans ce nouvel Eldorado, perdu dans le Grand-Nord canadien. Véritable marée humaine, ils seront en tout 100 000 à venir participer à cette aventure dont presque 40 000 parvinrent jusqu’au bout de l’aventure dans la seule ville de Dawson City. Bien qu'on ait extrait du Klondike environ 390 tonnes d'or au total depuis sa découverte, peu d'entre eux s'enrichiront lors de la ruée vers l'or et la plupart de ceux qui entreprirent le voyage arrivèrent sur place alors que toutes les concessions intéressantes avaient déjà été accordées et que le filon s'épuisait déjà. La ruée fut brève et était déjà presque terminée en 1899. Beaucoup ont laissé leur vie en dépit de leurs espoirs et aspirations à devenir plus riches et posséder une vie meilleure pleine de promesses. Entre 1896 et 1899, l’équivalent de 29 millions d’or a été trouvé dans la région.

Un périple long et périlleux pour quelques grammes de métal jaune

Il faut s’imaginer les hommes à l’époque, en file indienne, chargés de leurs équipements et provisions, s’éreintant à franchir les pentes enneigées. Ils devaient affronter les autres hommes, les avalanches, le froid, la violence, la solitude, les animaux sauvages dont les ours et les loups qui rôdaient près des campements. N’importe qui pouvait partir à l’aventure, la plupart sans aucune préparation, pleins d’espoir et d’insouciance, abandonnant tout derrière eux. Venus d’aussi loin que l’Australie, le sud-est de l’Alaska fut la porte d’entrée de la ruée vers l’or du Klondike avec ceux qui arrivaient par la voie maritime, notamment depuis Seattle, Portland et San Francisco. Il fallait s’équiper de manière très stricte avant de partir dans le Klondike mais surtout il fallait y arriver ! Un an de provisions, soit près d’une tonne de matériel et de nourriture par personne était demandé afin de traverser la frontière entre les États-Unis et le Canada. Les navires en provenance du monde entier rejoignaient Skagway ou Dyea, en Alaska, les deux principaux points de départ vers les mines. Ensuite il fallait acheter un cheval, des chiens de traîneau ou trouver des porteurs pour transporter tout l’équipement. Et puis venait le départ pour le Klondike. Chaque prospecteur devait choisir entre deux options. La première, c'était d'emprunter le White Pass Trail depuis Skagway qui était le chemin le plus simple mais aussi la route la plus longue. Ce chemin pouvait être emprunté avec des chiens de traîneau, ce qui rendait le périple plus confortable. Le second chemin de prédilection était le Chilkoot Trail, ou Chilkoot Pass, le plus court (53 km) mais le plus difficile, depuis Dyea. Les deux chemins se rejoignaient sur les rives du lac Bennett, en Colombie-Britannique, porte d’entrée vers les rivières aurifères du nord, où des milliers d’hommes se retrouvaient pour la dernière partie du voyage, à tel point que le lac fut considéré comme le port le plus actif du continent nord-américain durant le printemps 1898 avec près de 10 000 campeurs. Le bateau ou radeau remplaçait les chevaux et autres porteurs pour un trajet au milieu de lacs, puis de rivières pour atteindre le fleuve Yukon. Après avoir passé les rapides de Miles Canyon surnommés Whitehorse (chevaux blancs) à cause de l’écume permanente des lieux, il fallait trouver LA bonne rivière pleine d’or pour ceux qui avaient la chance d’être toujours en vie. Une fois la concession trouvée, il suffisait de planter quatre piquets pour former un carré de 165 m de côté et en devenir propriétaire. La concurrence fut alors rude et il valait mieux se taire lorsqu’une concession « donnait ». Les assassinats passaient inaperçus ! Le climat n’épargnait personne, le froid et les intempéries eurent raison de bien d’hommes et d’animaux. Ainsi, le matin du 17 septembre 1897, une des plus grandes catastrophes attendait les chercheurs d’or. Après un été particulièrement chaud, un lac se forma au centre d'un des glaciers surplombant le chemin. L’automne pluvieux qui suivit vint grossir le lac et fit céder le barrage de glace, entraînant eau, neige et blocs de glace. Personne ne put jamais dire avec certitude combien d’hommes périrent dans cette catastrophe.

Au temps de la ruée vers l'or, la Yukon River, pourtant dangereuse, se transforma en véritable autoroute. Outre les barques et autres radeaux de fortune construits à la hâte par les prospecteurs les plus pressés ou fauchés, une véritable industrie de bateaux à aubes et à vapeur prit son essor. Il fallait emmener les candidats à la fortune jusqu'à Dawson City, en ramener les malades, les déçus, mais aussi les nouveaux Balthazar Picsou, et acheminer des tonnes de cargaison : nourriture, pour les chiens et les chevaux notamment, équipement minier, dynamite, mais également mets et tissus les plus raffinés pour les nouvelles fortunes.

Les 2 736 km de voie navigable de la Yukon River furent la voie d'accès privilégiée vers la région du Klondike et permettaient de rejoindre Dawson par deux itinéraires : le trajet Whitehorse-Dawson City depuis le sud du Yukon et le trajet St. Michael-Dawson City depuis l'extrême ouest de l'Alaska.

De ces navires à vapeur, il n'en subsiste aucun datant de la ruée vers l'or. Ceux que l'on a pu sauvegarder, comme le S.S. Klondike à Whitehorse, le S.S. Nenana sur le Pioneer Park de Fairbanks ou le S.S. Keno, sont postérieurs à la ruée mais remplissaient les mêmes fonctions. Le Keno, construit à Whitehorse en 1922, fut affecté au trajet Stewart-District de Mayo (290 km), le long du Silver Trail, la piste de l'argent. On chargeait à son bord le minerai d'argent, de plomb et de zinc extrait des mines de Mayo.

Le prospecteur de l’époque

Tout un attirail était nécessaire lorsque les prospecteurs passaient la frontière entre l’Alaska et le Canada. Un traîneau de marchandises coûtait entre 400 et 600 US$ et pesait entre 1 200 et 1 500 livres, soit entre 600 et 750 kg, parfois même jusqu'à 1 tonne ! Et impossible de voyager plus léger car la police montée canadienne vérifiait à chaque col-frontière que tous les candidats au Klondike avaient de quoi survivre pour une durée d’environ un an. Pour passer certains cols abrupts, comme le fameux Chilkoot Pass et sa pente enneigée à 60°, il fallait donc faire nombre d'allers-retours épuisants.

Dawson City, le cœur de la ruée vers l’or du Klondike

Simple campement amérindien de la communauté des Tlingits à la confluence de la rivière du Klondike et du Yukon, devenu en quelques mois une véritable ville champignon lors de la ruée vers l’or. Dawson City fut autrefois la plus importante de l’Ouest derrière Winnipeg et Seattle, tellement bien qu’elle fut la capitale du Yukon jusqu’en 1953 avant que Whitehorse soit déclarée comme telle.

Des mineurs sont encore présents dans la ville de Dawson, il est même possible de posséder une mine d’or pour 15 CAN $. 164 millions de CAN $ en or ont été trouvés ici à l’époque de la dernière grande ruée vers l’or, après celle du Colorado et de Californie. Sachez qu’il est encore possible de payer avec de l’or en plus de la monnaie actuelle à Dawson City. Autrefois très établie, elle devint un hub commercial et de nombreux magasins d’équipements ont vu le jour pour réapprovisionner les chercheurs d’or. S’ensuivirent les bars, restaurants, saloons qui animaient la ville. La ville a gardé son charme d’antan et son côté western avec ses trottoirs en bois et ses façades typiques. Bien qu’elle n’ait plus l’allure extravagante d’autrefois, il n’est pas difficile d’imaginer à quoi pouvait bien ressembler la vie à Dawson lors de cette période glorieuse. De nombreux évènements tournent encore autour de l’or et font revivre les folles aventures du passé, dont le championnat d’orpaillage en juillet. En 1959, Dawson City a été déclarée site historique national. La population de la ville est désormais estimée à 2 250 habitants, et il est étonnant d’imaginer qu’elle a atteint une démographie de près de 40 000 personnes. Ceux qui souhaitent revivre pleinement l’époque de la ruée vers l’or en se rendant jusqu'à Dawson City pourront, tout comme les aventuriers de l'époque, tenter leur chance et succomber à la fièvre de l'or. Plusieurs sites permettent aux visiteurs d'endosser l'habit boueux du chercheur d'or du Klondike et de se prendre pour un personnage des romans de Jack London, comme le lieu historique national du Canada de la concession de la découverte et la Claim #6, pour s’initier à l’orpaillage.

Dawson était surnommée le « Paris du Nord » : les charmes de la Belle Epoque mettaient du piquant et de la couleur dans la vie des mineurs. Champagne, bonne chère, bon vin, opéras et ballets faisaient partie des délices culturels offerts. Ne manquez pas le célèbre Saloon Diamond Tooth Gerties Gambling Hall, étape indispensable de votre voyage pour ressentir le côté excentrique de la ville d’autrefois. Et explorez le Dawson City Museum afin de découvrir plusieurs artefacts de l’époque retraçant l’histoire de la ruée vers l’or.

Jack London

À l’époque de la ruée vers l’or, le jeune Jack London, alors âgé d'à peine 21 ans, débarque avec d’autres milliers d’Américains dans la région du Klondike depuis San Francisco. Profondément touché par la découverte de ces grands espaces peuplés d’hommes luttant contre une nature à la fois terrible et belle, mais aussi par la culture autochtone du Nord-Ouest américain, Jack London s’inspirera de ses observations pour nourrir nombre de ses romans. Dans Une odyssée du Grand-Nord, Malemute Kid file sur son traîneau à chiens parmi les sentiers enneigés de la région de Dawson City. Dans le superbe roman Radieuse Aurore, Burning Daylight revient d’Alaska couvert d'or mais ne peut redevenir l'homme qu'il était avant. Dans L’Appel de la forêt ou encore Croc Blanc, la description des paysages et de ses habitants, hommes et animaux, ont nourri l'imaginaire de milliers de lecteurs. Pour les visiteurs pressés, les nouvelles Les Enfants du froid, Le Fils du loup, Perdre la face, Le Dieu de ses pères, entre autres, sont une plongée passionnante dans l’univers de l’écrivain et de cette époque singulière. La réplique de la cabane de Jack london se tient dans la ville de Dawson et témoigne de la présence de cet homme plein d‘espoir qui ne repartit pas plus riche, si ce n’est de ses récits d’aventure retraçant cette atmosphère avec beaucoup de fidélité. Le Jack London Museum permet de découvrir plus en détail son destin.

Un essor important pour l’Ouest canadien

Le nord-ouest du Canada doit énormément à cette dernière ruée vers l’or au niveau de son développement, tant au niveau commercial qu'au niveau de ses infrastructures et de son attraction. Cette vague migratoire et cet engouement permirent le désenclavement de ce territoire avec l’arrivée de commerces, de moyens de transport et l’afflux de personnes dynamisant le territoire.

Nombreux étaient ceux qui s’arrêtaient en chemin, faisaient demi-tour, épuisés  par le rude terrain et les privations. Ce flux migratoire fit doubler la population de Vancouver, car si seulement 40 000 migrants sont arrivés à Dawson City, 60 000 se sont arrêtés en route, notamment en Colombie-Britannique.

Cette fièvre de l'or du Klondike voit émerger de nouvelles villes comme Dawson City qui se modernise et installe rapidement l'électricité et le téléphone. Devant l’afflux croissant de chercheurs d’or et pour sécuriser leur passage, la construction d’une voie de chemin de fer fut lancée en 1898 alors que tout le monde pensait le projet complètement farfelu tant il présentait de difficultés. Le White Pass and Yukon Route Railway représente 26 mois de dur labeur et un projet d’une valeur de 10 million de dollars. Quatre grands magnats contribuèrent à son aboutissement dont Samuel Graves, John Hislop, E.C Hawkins et Michael J.Heney. Au cours de l'été 1899, le chemin de fer White Pass and Yukon Route, longeant le White Pass Trail, fit son arrivée au lac Bennett. Avec l'avènement du train de la vallée voisine de la White Pass en 1899, le Chilkoot Trail tomba en désuétude, tout comme la ville de Dyea. Les travaux furent achevés en 1900, avec environ 180 km de rails, un challenge relevé qui coûta la vie à de nombreux hommes et animaux. Un train touristique circule toujours aujourd'hui sur le tracé original de la voie ferrée du White Pass classé au patrimoine international du génie civil depuis 1994.