Graines fraiches de cacao. shutterstock - Aedka Studio.jpg
Des agricultrices nettoient les fèves de cacao avant de les sécher. shutterstock - BOULENGER Xavier.jpg

Le cacao, késako ?

Le cacaoyer donne environ 80 cabosses par an qui mettent 4 à 6 mois à mûrir. Chacune compte une quarantaine de graines, fermentées 6 à 8 jours puis nettoyées et séchées pendant deux semaines au soleil pour obtenir des fèves de cacao. Elles sont ensuite envoyées à l’usine pour leur transformation. La torréfaction à environ 120 °C dure 20 à 30 minutes pour les purifier des corps étrangers, avant de les concasser, broyer et affiner. On obtient une pâte de cacao qui après pressage donnera du beurre et de la poudre de cacao. Mélangés à du sucre et/ou du lait en poudre donneront du chocolat, noir, au lait ou blanc. A Abidjan, on trouve deux chocolatiers locaux qui utilisent du cacao 100 % ivoirien aux saveurs exotiques.

Les douceurs de Suzanne.  Suzanne Kabanni, seule femme maître-chocolatier d’Afrique de l’Ouest, propose dans sa boutique plus de 350 références de chocolats aux saveurs exotiques : coco grillé, gianduja, riz soufflé, arachide et caramel, crème pistache, café ou vanille, praliné gingembre confit, nougat, noix de cajou, caramel gingembre, cannelle noisette... Du choix et de l’originalité.

Mon Choco. Unique en Afrique de l’Ouest pour sa confection crue, les fèves de cacao bio sont séchées à la lumière du soleil, concassées à vélo et l'emballage est en papier recyclé. Dirigée par une franco-ivoirienne l'équipe constituée à 80 % de femmes a pour ambition de mettre en valeur le travail des planteurs, qui ne sont pas toujours rémunérés à leur juste valeur. Chocolats au caramel lait de coco, sésame, praliné à la noix de cajou, ganache passion… le choix est alléchant.

L’histoire du cacao en Côte d’Ivoire

Le cacaoyer est un arbre originaire d’Amérique du Sud qui a été importé en Afrique par les colons à partir du XIXe siècle. En 1939, la production ne dépassait pas 55 000 tonnes. Elle est véritablement née sous l’impulsion de Félix Houphouët-Boigny, eux-mêmes planteur et créateur du premier syndicat d’agriculteurs ivoiriens en 1944, avant de devenir le Père de la nation à l’indépendance en 1960. La production triple alors pour atteindre 300 000 tonnes en 1970. Historiquement développées dans le sud-est du pays (Abengourou, Akoupé) les productions intensives ont vu le jour dans le sud-ouest du pays (Daloa, Soubré, San Pedro) attirant de nombreuses populations du nord du pays, mais aussi du Burkina Faso et du Mali.

Mais au début des années 1980, le prix du cacao s’effondre, privant l’État de sa capacité redistributrice. Le sort s’acharne avec une sécheresse qui ravage 250 000 hectares de café et de cacao en 1984. En 1987, le pays achète alors au double du prix du marché le cacao aux planteurs. Mais Houphouët-Boigny se voit contraint de suspendre le remboursement de la dette du pays de 10 milliards de dollars, puis de baisser de moitié le prix d’achat du cacao aux planteurs pour l’aligner sur le cours mondial, rompant le contrat de confiance qu’il avait passé de facto avec les paysans qui constituaient sa base. Il décide de geler les exportations afin de forcer les cours mondiaux à augmenter. Mais il doit accepter les plans d’austérité du FMI et de la Banque mondiale, dégraisser la fonction publique. En novembre 1989, il se résigne à liquider son énorme stock de cacao aux grands négociants, à la moitié du prix acheté…
Mais les années de crise politico-militaires perturbent la filière jusqu’à la stabilisation politique sous l’ère Ouatarra.  En 2011, une première réforme remet l'État au centre de la filière et encourage l'investissement dans des plantations vieillissantes, le Conseil Café Cacao est créée, un prix minimum garanti est réinstauré, tout comme un système de vente anticipée de 80 % de la récolte.

La filière équitable

Aujourd'hui, près de 200 coopératives de cacao équitable, rassemblant plus de 120 000 producteurs sont certifiées. La labellisation doit répondre à trois critères simples, mais indiscutables : pas de travail des enfants, un revenu minimum décent pour les paysans, un respect des normes réglementaires et une transparence sur les pesticides utilisés. Le commerce équitable (qui ne représente malgré ses progrès que 10 % de la production nationale) totalise 150 000 tonnes en 2018, contre 25 tonnes en 2004 ! Les exportateurs et les coopératives bénéficient d’une prime en plus du prix conventionnel fixé, entre 40 millions et 250 millions de FCFA (60 000 à 380 000 euros). Les primes accordées reviennent aux deux tiers à la coopérative et aux exportateurs, un tiers aux villages permettant la construction d'écoles et de dispensaires, l’achat de pompes à eau et de panneaux solaires qui améliorent les conditions de vie des planteurs et de leurs familles. Mais la part du cacao équitable reste marginale dans la production nationale et les salaires ne sont pas augmentés.

Un prix d’achat toujours trop bas

Le cacao pèse actuellement 10 % du PIB ivoirien, 40 % des recettes d’exportation, fait travailler un million de producteurs et vivre près de 5 millions de personnes directement et indirectement. On y compte plus de 250 000 hectares plantés en cacao, San Pedro est le premier port cacaoyer du monde. Mais malgré cela, les cours mondiaux toujours trop bas font que les producteurs de « l’or brun » sont les plus pauvres de Côte d’Ivoire et n’empochent que 20 % des bénéfices. Actuellement le prix est de 750 FCFA le kilo, soit 6 % de la valeur totale du secteur chocolatier international, des miettes.

En juin, les gouvernements de la Côte d’Ivoire et du Ghana (60 % de la production mondiale à eux deux) ont décidé de suspendre les ventes de fèves pour les récoltes 2020 et 2021 tant que les négociants, les transformateurs et les chocolatiers refusaient de se soumettre à un prix plancher de 2 600 dollars la tonne. Dans le même temps, le Conseil café-cacao (CCC), le régulateur de la filière cacao de Côte d’Ivoire a décidé de plafonner à 2 millions de tonnes dès 2020 pour faire remonter les cours et fixer ainsi un prix plancher acceptable pour les producteurs, en stoppant le renouvellement des plantations actuelles. Un prix plancher à 1 100 FCFA pourrait donner l’espoir à près de 20 % de la population (les producteurs et leurs familles) d’obtenir des conditions de vie décentes et arriver à un niveau économique acceptable pas seulement avec des améliorations matérielles, mais aussi salariales.