Kiyoshi Kurosawa, qui a remporté le Lion d’argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise de 2020. shutterstock.com - Denis Makarenko.jpg
Décors du Kyoto Studio Park. shutterstock.com - twoKim studio.jpg

Les débuts

Le 7e art japonais est d’abord intimement lié au monde du théâtre et la région du Kansai en est le premier acteur. En effet, on décèle les premières traces du cinéma japonais en 1896, à Osaka, où il est d’abord diffusé dans les salles de théâtre avec des présentateurs de marionnettes. Les premières séances ont lieu à l'époque dans des salles s'appelant katsudō-shashin, « photos actives ». À partir de 1910, un style théâtral appelé rensageki émerge et mêle le théâtre aux projections vidéos. Le rensageki est très vite populaire dans la région du Kansai, où la production d’images servant aux spectacles semble être un domaine rentable. En 1923, le Kansai acquiert un atout de taille, malgré des circonstances un peu dramatiques : les studios Shōchiku initialement basés à Tokyo déménagent à Kyoto à la suite du grand tremblement de terre qui a frappé la capitale. À l’instar de studios de cinéma comme Nikkatsu, Toei ou Daiei, Shochiku est considéré comme l’une des sociétés de production les plus en vogue entre 1950 et 1970. Considérée comme le premier âge d’or du cinéma japonais, cette ère voit de nombreux réalisateurs sortir de l’ombre, comme Osamu Tezuka, réalisateur originaire de la préfecture d’Osaka. Tezuka voit sa carrière décoller dans les années 1960, période durant laquelle le réalisateur fonde son premier studio d’anime, Mushi Production. Sous Mushi Production, Tezuka réalise des séries animées comme Astro Boy, Le roi Léo ou encore le long-métrage d’animation Princesse Saphir. Après dix ans d’activité, les studios Mushi font faillite et Tezuka se concentre alors sur son autre société Tezuka Production. Grâce à cette société, le producteur réalise dans les années 1980, le remake en couleurs de sa propre série Astro Boy, qu’il renomme Astro, le petit robot, œuvre devenue culte depuis lors auprès des fans de mangas des quatre coins du globe.

De Oshima Nagisa à Naomi Kawase

Le nombre de films japonais chute dans les années 1970-1980 en raison de la disparition progressive des majors, les grandes firmes nationales de production. Seule la persévérance de réalisateurs indépendants permet au cinéma nippon de sortir la tête de l'eau. À retenir entre autres, L'Empire des sens d’Oshima Nagisa, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 1976, ou Furyō, du même réalisateur, avec David Bowie (1982). Nagisa, originaire du Kansai retrouve Cannes en 1994 avec Max, mon amour (avec Charlotte Rampling et Victoria Abril), œuvre en lice pour la Palme d’or, avant de mettre fin à sa carrière en 1999 avec Tabou (présenté à Cannes dans la même catégorie), en raison de sa paralysie. Au Kansai, la fin des années 1990 marque un essor de popularité à l’international pour la nouvelle génération de cinéastes : Kiyoshi Kurosawa (de la ville de Kobe) réalise le remarqué Cure en 1997, la même année où Naomi Kawase remporte la Caméra d’or à Cannes pour son œuvre Suzaku. Au Festival de Cannes de 2003, Kurosawa présente Jellyfish, tandis que Kawase revient avec le long-métrage Shara, dont l’intrigue se passe à Nara, ville dont est originaire la cinéaste. Naomi Kawase devient dès lors l’une des personnalités japonaises favorites du prestigieux Festival. En 2007, elle y remporte le Grand prix pour son œuvre La Forêt de Morgan et en 2013, elle devient membre du jury, présidé cette année-là par Steven Spielberg. Parmi les œuvres récentes de Kawase,  on retrouve Vers la lumière (2017), Voyage à Yoshino (2018) ou encore True Mothers (2020), toutes applaudies par la critique. Kiyoshi Kurosawa, quant à lui, remporte le Lion d’argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise de 2020 pour son œuvre Les Amants sacrifiés. Ces dernières années, on remarque également les longs-métrages Mr Long (2017, sélectionné pour l’Ours d’or à Berlin) de Sabu (originaire de la préfecture de Wakayama) ainsi que The Doorman (2020) de Ryuhei Kitamura, avec Jean Reno et Ruby Rose.

Kansai, la muse

Si les cinéastes originaires du Kansai prennent peu à peu une place importante dans le monde du 7e art, la région est, à elle seule, l’une des stars du milieu. En effet, les paysages de différentes villes du Kansai semblent être des décors parfaits pour de nombreux réalisateurs venus du monde entier. À commencer par Yakuza, de Sydney Pollack, sorti en 1974, dont le tournage se déroule dans plusieurs villes du Japon comme Kyoto, Osaka ou Tokyo. Film devenu culte depuis lors, Yakuza inspire de nombreuses œuvres, notamment Black Rain, en 1989, de Ridley Scott, avec Michael Douglas et Andy Garcia. Ce thriller policier est en grande partie tourné à Osaka, où le quartier de Dotonbori et son bâtiment Kirin Plaza (utilisé comme Club Miyako) collent parfaitement à l’atmosphère sombre du film. En 2003, Le Dernier Samouraï, avec Tom Cruise, se tourne entre autres dans la préfecture d’Hyogo et au Temple Chion-in à Kyoto. Deux ans plus tard, on retrouve un peu de Kyoto dans le magnifique Mémoire d’une Geisha, où l’on aperçoit le sanctuaire Fushimi Inari-taisha, au temple de Kiyomizu, ainsi qu’à celui de Yoshimine-dera. La ville de Kobe, quant à elle, accueille les tournages d’œuvres comme Virgin Snow (2007) d’Hang Sang-Ye, Outrage (2010) de Takeshi Kitano ou encore Memories Corner (2012) d’Audrey Fouré. Plus récemment, on aperçoit la préfecture d’Osaka dans les films Equals (2015, avec Kirsten Stewart et Nicholas Hoult) de Drake Doremus et Manhunt de John Woo, sorti en 2017.

Festivals du Kansai

Pour finir, le Kansai est le chef-lieu de plusieurs évènements en lien avec le 7e art. À commencer par le Kansai Queer Film Festival (KQFF), l’un des festivals les plus attendus de la région, présentant diverses œuvres axées sur la lutte LGBTQI+, comprenant la sexualité et les questions de genre. En 2019, le festival fête sa 14e édition et des films internationaux, comme Rafiki (Wanuri Kahiu), Billie and Emma (Samantha Lee) ou encore Yo, imposible (Patricia Ortega), sont présentés dans plusieurs salles de Kyoto et d’Osaka. La ville de Nara, quant à elle, a célébré la 10e édition de son Nara International Film Festival. Avec comme directrice exécutive Naomi Kawase, ce festival voit le jour en 2010 et propose plusieurs ateliers cinématographiques à des réalisateurs en herbe, venus du Japon ou d’ailleurs, des enfants ainsi que des étudiants. Enfin n’oublions pas que, pour un peu d’amusement, la ville de Kyoto possède son parc d’attractions spécial « cinéma », le Toei Uzumasa Eigamura, plus communément appelé Kyoto Studio Park.