Musée Thorvaldsen © Dennis Jacobsen - shutterstock.com.jpg
Fresque dans le quartier de Nørrebro signifiant   Nous aimons  Nørrebro © Thorir Ingvarsson - shutterstock.com.jpg

Les pionniers

La création de l’Académie des beaux-arts en 1754 par Frédéric V signa la naissance d’une école nationale : formés au pays, de jeunes artistes partirent ensuite étudier en Italie, bien souvent à Rome. Ce fut le cas de Nikolai Abildgaard (1743-1809). Sculpteur et architecte, il imposa le style néoclassique puisant ses sujets dans la mythologie gréco-romaine. Son contemporain et ami Jens Juhel (1745-1802), également formé à Rome, devint le portraitiste de la cour, et du gratin de Copenhague, à partir de 1780. Néanmoins, c’est le sculpteur néoclassique Bertel Thorvaldsen (1770-1844) qui inaugura l’essor de l’art danois. Longtemps fixé à Rome, il s’affirma comme le maître de la sculpture. Passionnés de corps idéalisés, précipitez-vous au Musée Thorvaldsen de Copenhague.

Deux autres noms sont à retenir. Le peintre Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783-1853), formé à Paris auprès de Jacques-Louis David. Il excella dans le tableau historique, les marines, ainsi que dans le portrait officiel. Mais son importance se révéla surtout dans son enseignement basé sur la peinture de plein air. Carl Gustaf Pilo (1711-1793), né en Suède, travailla majoritairement au Danemark en tant que peintre de la cour et directeur de l’Académie. En plus des portraits officiels, il exécuta des scènes de genre d’inspiration hollandaise.

L’âge d’or

La génération suivante est parfois qualifiée de « romantisme national ». Les artistes s’attachèrent à peindre paysages, monuments et scènes populaires danois. Cette tendance est représentée par Christen Købke (1810-1848) qui prit pour sujet de prédilection une Copenhague alors rurale, ou par Wilhelm Marstrand (1810-1873) aux scènes de genre volontiers caustiques. Johan Thomas Lundbye (1818-1848) et Peter Christian Skovgaard (1817-1875) se consacrèrent plutôt au paysage. Malheureusement, l’exaltation des valeurs nationales ne permit pas à l’art danois de séduire l’Europe et encore moins Paris, alors capitale mondiale de l’art.

L’âge d’or danois de 1750 à 1900 est majoritairement exposé au musée national des Beaux-Arts (Statens Museum for Kunst). Plus généralement, le SMK présente la création occidentale du XIVe siècle à nos jours. Ne manquez pas l’Allée des sculptures, un passage couvert qui relie les deux bâtiments du musée. Dans l’aile consacrée au XXe siècle, l’évolution vers la modernité, l’expressionnisme, le surréalisme et l’art contemporain, est traitée à travers les œuvres de Per Kirkeby, Danh Vo et Ursula Reuter Christiansen. Tout aussi exceptionnelle, la Glyptothèque Ny Carlsberg détient une riche collection d’œuvres de l’Âge d’or aux côtés de créations de Gauguin, Matisse ou encore Rodin dans sa partie moderne. Passez par son département de sculptures qui couvre toute l’histoire de l’art de l’Antiquité au XXe siècle.

Refus de l’académisme

Tandis que l’École de Skagen perpétuait une tendance plus folklorique, Anna Ancher (1859-1935), Peter Severin Krøyer (1851-1909) et Theodor Philipsen (1840-1929) s’orientèrent vers l’Impressionnisme. Nombre d’artistes danois partis à l’étranger s’initièrent aux courants novateurs. Notamment Emilie Mundt (1842-1922), peintre et féministe danoise, qui réalisa des tableaux à quatre mains avec Marie Luplau. Ensemble, elles fondèrent à leur retour une école d’art destinée aux femmes peintres.

Dans ce contexte, Wilhelm Hammershøi (1864-1916) dénote avec son réalisme empreint de mystère, de vide et de poésie. Il prenait pour modèles ses proches, souvent sa femme dépeinte dans leur intérieur. Devenu mondialement connu, ses œuvres sont visibles dans plusieurs musées de la ville. La Collection David expose 14 de ses peintures dans sa partie consacrée à l’art moderne danois qui rassemble peintures, sculptures et céramiques réalisées entre 1880 et 1950.

Autre rébellion anticonformiste, l’Exposition libre, variante du Salon des refusés, fondée en 1881 par Jens Ferdinand Willumsen (1863-1958), Peter Hansen (1868-1928) et Johannes Larsen (1867-1961). Ces peintres furent les premiers à utiliser la photographie pour enrichir leur démarche picturale. Adoptée dès ses balbutiements au Danemark, la photographie divisa jusque dans les années 1970 : était-ce une technique ou un art à part entière ? Pour Willumsen, Peder Severin Krøyer et Laurits Andersen Ring, elle permettait d’accéder à des détails réalistes qui étaient ensuite retranscrits en peinture.

Entrée dans le XXe siècle

Au tournant du XXe siècle, les scandales se succèdèrent : en 1918, avec Vilhelm Lundstrøm (1893-1950), le premier cubiste danois dans ses natures mortes avec oranges et ses nus, suivi par Edvard Weie (1879-1943) évoluant vers l’abstraction où allait s’illustrer Eljer Bille (1910-2004). L’expressionnisme importé d’Allemagne eut pour principaux représentants Oluf Høst (1884-1966), le sculpteur Astrid Noack (1888-1954) et le peintre Jens Søndergaard (1895-1957). Ce dernier, membre du groupe Grønningen, se forma en France et en Italie avant de se spécialiser dans les paysages dont les couleurs vives traduisaient la fulgurance de ses émotions.

Richard Mortensen (1910-1993) fut également membre de l’association de Grønningen. Sa peinture expressionniste atteignit son apogée durant la guerre. Pionnier de l’art abstrait, il s’intéressa de près au travail de Kandinsky et de Miró avant d'opérer un détour par le surréalisme.

Surréalisme et CoBrA

À son tour, le surréalisme choqua profondément le puritanisme danois. Les toiles de Wilhelm Freddie (1909-1995) furent d'ailleurs confisquées en 1937 par la police.

Mouvement majeur des pays nordiques : CoBrA créé en 1948 à Paris par le peintre danois Asger Jørn, l’écrivain belge Christian Dotremont et le sculpteur néerlandais Karel Appel. Le nom CoBrA rappelle leurs villes d'origine respectives : Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Rejoint par d’autres artistes (pour le Danemark, Erik Thommesen, né en 1916, et Henry Heerup, 1907-1993), ce mouvement avait pour ambition de faire bouger l’art académique en dérangeant le regard du public. Son but était de promouvoir un art populaire authentique et réaliste. Art primitif, expression spontanée : il s’agissait de libérer les forces créatrices du peuple. Le groupe s’est officiellement dissous en 1951, mais les artistes qui s’en réclamaient ont presque tous connu un grand succès.

Face à ce mouvement, le sculpteur Robert Jacobsen (1912-1993) représenta avec Mortensen le « concret non figuratif ». En parallèle « l'expressionnisme figuratif » de facture plus traditionnelle, mais dénonçant les dérives de la société moderne, se développa avec Wiig Hansen (1922-1997) et Anne Haugen (née en 1932). Personnalité marquante, Per Kirkeby (né en 1938) se fit remarquer dans les années 1960, époque de révolte marquée par les happenings de Bjørn Nørgård (né en 1947).

Vers demain

Durant la seconde moitié du XXe siècle, New York donnait le ton. Les Danois adoptèrent, eux aussi, les courants qui traversaient le monde : hyperréalisme avec Niels Strøbeck (né en 1944), minimalisme et art conceptuel (Stig Brøgge, Mogens Møller), pop art, art vidéo, installation. Sous l’influence américaine, la photographie accédait enfin au statut de discipline artistique. L’exposition New American Photography, accueillie par le Bella Center de Copenhague en 1971, présenta les photographes majeurs des années 1950 et 1960 comme Diane Arbus ou Harry Callahan. En 1973, s’ouvrit à Copenhague la « Galerie pour la photographie créative » (Galleriet for Creativ Fotografi) qui encouragea la photographie expérimentale. Kristen Klein et ses paysages, Per Bak Jensen et ses images méditatives, Nanna Bisp Büchert dans un genre plus conceptuel. Le Musée national de la Photographie regroupe pas moins de 18 millions de photographies d’intérêt historique ou artistique. Plus récent, le Centre Photographique (Fotografisk Center) expose tous les ans une sélection de photographes danois émergents.

Parcours street art

Le street art s’est établi plus tardivement à Copenhague que dans d’autres capitales occidentales. Parmi ses spécificités, chaque fresque bénéficie souvent d’une façade entière. Ces œuvres géantes revitalisent des quartiers délaissés quand elles ne dissimulent pas des sites en construction. Bien que présent dans toute la ville, l’art urbain se concentre essentiellement dans deux quartiers : Vesterbro et Nørrebro.

Vesterbro est une vaste galerie d’art à l’accrochage dynamique. Amusez-vous à localiser le splendide cosmonaute en apesanteur, l’immense bouquet de fleurs blanches qui pousse sur un toit ou le couple mixte, nu dans un jardin qui n’est pas sans évoquer un nouvel Éden. Dans ce quartier autrefois industriel, et en particulier dans le Meetpacking district, galeries d’art et bars branchés se sont établis dans les abattoirs reconvertis.

Dans Nørrebro, le Bananna Park constitue une oasis de calme et de créativité. Entre les jeux pour enfants et le bloc d’escalade gardé par des singes acrobates (peints), certaines fresques sont signées par des street-artistes de renom. Signalons l’Yggdrasil de Chr Hansen, un gigantesque arbre stylisé qui ne perd jamais ses feuilles. Non loin, le Superkilen abrite un projet artistique qui réunit des pièces du monde entier. Le but est de refléter la diversité sociale en égayant le mobilier public : une fontaine orientale, des bancs brésiliens et une table de ping-pong espagnole se côtoient dans la verdure.