Le  Smørrebrød © Ann_Zhuravleva - iStockphoto.com.jpg
Le risalamande © Wila_Image - shutterstock.com.jpg

Les habitudes culinaires des Danois

Si le morgenmad (petit déjeuner) est assez solide, à base d’œufs, de charcuteries et de pain, le frokost (déjeuner), plus frugal, est pris le plus souvent à l’extérieur sous forme de sandwichs, smørrebrød, ou encore hot-dogs vendus dans les pølsevogn. Dès le retour des beaux jours, les Danois aiment particulièrement déjeuner dans les parcs et la plupart des restaurants ont des terrasses ouvertes. L’aften (dîner) est généralement constitué de plats chauds, qui sont plus rares au déjeuner.

Certaines soupes constituent des entrées appréciées comme la gule ærter, un épais potage de pois cassés que l’on sert avec du porc salé. Plus légère, la hønsekødssuppe est un bouillon de poule servi avec des melboller (petites boulettes de farine), des boulettes de viande et des légumes. Sinon, laissez-vous tenter par des tarteletter, des tartelettes généralement salées, préparées avec des garnitures variées, même si traditionnellement on les garnit d’un mélange appelé høns i asparges, une farce crémeuse au poulet et aux asperges.

L’en-cas roi : le smørrebrød

Parmi tous ces en-cas, celui que les Danois ont magnifié au point d’en faire un véritable emblème de leur cuisine : le smørrebrød, qui se traduit littéralement par « beurre et pain ». Il se compose d’une fine tranche de pain noir que l’on recouvre d’une garniture salée. Les classiques proposent crevettes, hareng, poisson fumé (saumon, anguille, flétan, haddock), œufs brouillés, rôti froid (saltkød), etc. Le tout est souvent assaisonné de mayonnaise. On en recense plus de deux cents variétés et il s’en invente de nouveaux chaque jour. Le smørrebrød doit d’abord être coloré et alléchant, certains sont décorés avec une grande finesse.

Le pain généralement utilisé est le fameux rugbrød, à base de seigle au levain, assez dense, également emblématique de la cuisine danoise. D’autres pains sont également utilisées comme le franskbrød (pain blanc ou pain français !), le rundstykker, petit pain rond individuel (au blé ou multi-grains) ou encore le birkes horn, variante locale du croissant. En plus des garnitures classiques, on peut y ajouter le gravad laks (gravlax), du saumon mi-cuit au sel et parfumé à l’aneth ainsi que plusieurs types de charcuterie dont le célèbre salami danois (spegepølse), le pâté de foie (leverpostej) ou encore le rullepølse, un jambon roulé parfumé aux herbes.

Les fromages sont aussi populaires : le fromage frais (hytteost), le samsø, le vesterhavsost et le molbo, proches du gouda, le mycella (un bleu), ou encore le havarti, connu pour sa texture à la fois fondante et légèrement granuleuse. Sans oublier diverses garnitures à base de choucroute, crudités, coleslaw (salade crémeuse de chou et de carotte râpée), etc.

Viandes ou poissons

Bien que les Danois apprécient de plus en plus le bœuf et le poulet, le porc représente environ la moitié de la viande consommée dans le pays. Traditionnellement servi à Noël, le flaeskesteg med rødkål, est un savoureux rôti de porc dont la couenne est grillée et croustillante. On l’accompagne généralement avec du chou rouge confit (rødkål) et des pommes de terre caramélisées (brunede kartofler). Plus simple, le stegt flæsk med persillesovs est composé de bacon grillé servi avec des pommes de terre vapeur et une sauce crémeuse au persil. Le æbleflæsk, un plat de lard aux pommes est une spécialité très ancienne, tout comme le boudin noir (blodpølse). Les saucisses (pølse) sont très communes au Danemark et on retrouve diverses sortes, fumées, fraîches ou sèches. La plus savoureuse est probablement la medisterpølse, une saucisse au couteau, finement épicée. La kartoffelsalat ou salade de pommes de terre – assaisonnée de mayonnaise et d’oignon haché – est souvent servie en accompagnement.

On savoure également à Noël, d’autres viandes comme les traditionnels oie (stegt gås) et canard rôti (stegt and), farcis de pommes, de pruneaux et parfumés de thym, bien qu’ils aient été progressivement remplacés par le porc, plus accessible et meilleur marché. Le påskelam (agneau de Pâques) est grillé aux herbes et à l’ail. Le bœuf est aussi populaire et le bøf béarnaise – servi avec des frites – est présent sur toutes les cartes de restaurant. Le culottesteg est un rôti de surlonge de bœuf aux herbes, servi avec pommes de terre et salade verte. Le pariserbøf s'apparente au steak tartare mi-cuit, servi sur une tranche de pain de seigle toastée, que l’on décore d’un jaune d’œuf cru et de condiments : câpres, oignon cru, cornichons, persil ciselé. Très populaires, les frikadeller (fricadelles) sont des boulettes de viande hachée, moitié bœuf, moitié porc et les fiskefrikadeller, le poisson remplace la viande.

En effet, avec quelques 7 300 km de côtes entre la mer de Nord et la Baltique, sans compter les îles Féroé et le Groenland, les produits de la mer sont traditionnellement communs dans la cuisine danoise. Le cabillaud, pêché aux confins de la mer du Nord, est préparé poché, apprêté au beurre fondu et assaisonné de sauce moutarde (rémoulade en langage local). Le rødspættefilet est un filet de plie façon meunière (fariné et rissolé). Le hareng ou sild est servi en smørrebrød, mariné en saumure (spegesild), fumé (røget sild), frit (stegte sild i eddike). On dénombre plus d’une vingtaine de préparations. Le sol over Gudhjem – littéralement le « soleil sur Gudhjem », un village de l’île de Bornholm – est une recette de hareng fumé avec jaune d’œuf cru et des radis, de la ciboulette, des oignons, le tout sur du pain noir. Sinon les petites crevettes de la mer du Nord accompagnées d’une sauce cocktail (rejecocktail) sont servies en apéritif, tout comme les huîtres, très appréciées des Danois.

Une belle carte de desserts

Pour un petit pays, le Danemark possède une belle diversité de pâtisseries et de viennoiseries. Le spandauer, un type de chausson feuilleté souvent fourré de crème ou de chocolat, le kringle – répandu en Europe du Nord – sorte de large bretzel feuilleté garni de pommes ou de pâte d’amande et nappé d’un glaçage blanc, sans oublier les fastelavnsboller, de petites brioches fourrées de crème fouettée, nappées de chocolat. À noter que généralement ces viennoiseries ne sont pas servies en dessert mais au cours du goûter avec une boisson chaude.

En dessert, on préfère les entremets qui sont légion, d’autant plus que les Danois semblent vouer un culte assez passionnel à la crème fouettée que l’on retrouve partout. On peut citer l’æblekage, une verrine composée de couches de compote de pomme, de biscuits écrasés et de makroner (une meringue parfumée à l’amande), couronnée de crème fouettée et parfois de gelée de groseille (æblekage med flodeskum dans ce cas). Sinon, le très frais citronfromage est une mousse citronnée allégée de blancs d’œufs en neige, que l’on décore de... crème fouettée. Le karamelrand est simplement une crème aux œufs aromatisée au caramel, parfois moulée en forme d’anneau. Le fløderand ressemble plus à un bavarois, très blanc, aromatisé à la vanille que l’on sert en été avec des fruits rouges, ou avec des fruits en conserve le reste de l’année.

Sinon les classiques pandekager, des crêpes fines à la française, sont servies avec des garnitures variées. La rødgrød med fløde est une soupe estivale à base de fruits rouges (fraises, mûres, framboises et rhubarbe). Plus frugal, mais néanmoins populaire, le koldskål, du babeurre (lait fermenté) sucré, servi bien froid en été avec des petits sablés appelés kammerjunker. Le risalamande est une recette de riz au lait vanillé, lié avec de la crème fouettée – encore ! – et saupoudré d’amandes hachées, servi froid avec une sauce aux cerises (kirsebærsovs). On le sert le plus souvent le soir de Noël. Autre dessert festif, l’impressionnant kransekage : un empilement de biscuits à l’amande en forme d’anneaux décoré de glaçage blanc. Ce gâteau en forme de sapin est servi pour les grands événements.

Pour finir, on retrouve quelques classiques de la pâtisserie comme le gåsebryst, une génoise couronnée d’un dôme de crème fouettée et de confiture, camouflées sous une fine couche de pâte d’amande ou le othellolagkage, un gâteau multicouche composé de génoise, de glaçage au chocolat et de pâte d’amande.

Les boissons

Toutes ces pâtisseries sont dévorées avec du café. Les Danois en sont fous : ils en consomment environ 8,7 kg par an et par habitant, faisant d’eux les quatrièmes plus gros consommateurs au monde. Le café noir classique est le plus commun, mais évidemment la plupart des cafés servent aussi des expressos, des latte ou des cappuccinos. Le chocolat chaud (kakaomælk) est aussi très apprécié. En été, on sirote traditionnellement le hyldeblomstsaft, une boisson sucrée à la fleur de sureau, servie à l'occasion chaude en hiver.

De tous les alcools consommés au Danemark, la bière, appelée øl, est de loin la plus populaire depuis des millénaires. Carlsberg et Tuborg sont deux grands producteurs danois avec une exportation notable, concurrencés depuis quelques années par Royal Unibrew. Autre alcool emblématique, l’akvavit aussi appelé snaps. Cet alcool de pomme de terre titrant à 40° est aromatisé avec des graines d’aneth et de carvi. Le mjød est l’hydromel légendaire des Vikings, composé d’eau et de miel fermenté titrant 10 à 18°. En hiver, on apprécie le gløgg ou vin chaud, à base de vin rouge, brandy et xérès rehaussé de raisins secs et d'amandes. Épicé de clous de girofle et de cannelle, il est indissociable de Noël. Quant au vin – de plus en plus populaire – il est très majoritairement importé, bien qu’une production nationale – très localisée – dans la péninsule du Jutland se développe.

Le renouveau gastronomique du Danemark

Depuis 2004, l’avènement de la «nouvelle cuisine nordique» a révolutionné la gastronomie danoise et remis les produits oubliés au goût du jour. Les plats traditionnels ont été redécouverts et/ou revisités et mis en avant. 2004 fut l’année d'ouverture par le chef René Redzepi de NOMA, classé en 2010, 2011, 2012 et 2014 « meilleur restaurant au monde » par la revue britannique Restaurant. Le Danemark compte 48 établissements étoilés dont 5 petits nouveaux en 2023.

Ce chef de renom travailla d’abord au Bulli en 1999, restaurant espagnol cinq fois nominé au titre de meilleur restaurant du monde, situé à proximité de Barcelone, puis aux USA et au Danemark avant de s’associer à Claus Meyer – un auteur culinaire danois que l’on considère souvent comme la ponte de la « nouvelle cuisine nordique » ou Det nye nordiske køkken. Le NOMA (3e macaron Michelin en 2021) ouvrit ses portes dans un ancien entrepôt, transformé en Maison de l’Atlantique Nord, un centre culturel dédié à cette région du monde. Situé dans le quartier Christianshavn, près de la place du Commerce du Groenland, ce bâtiment servait initialement à stocker les marchandises venant de toutes les régions du Grand Nord. Dans les assiettes, traités avec talent, caviar de Finlande, oursins des Féroé, foie de cabillaud ou encore bœuf mariné aux airelles s'associent aux champignons, aux légumes-racines oubliés, aux baies sauvages ou encore au lichen, aux jeunes pousses de pin et à la mousse. Ainsi la carte qui varie selon les saisons est un hommage à la nature et les assiettes ressemblent à des paysages. En 2024, NOMA va fermer ses portes pour se réinventer en laboratoire culinaire !

Inspirés par René Redzépi, de jeunes chefs danois, de plus en plus nombreux, ont ouvert leur propre restaurant. Aujourd’hui, la capitale compte 14 restaurants étoilés Michelin. En 2022, le ​Geranium, mené par le chef Rasmus Kofoed, devenait Meilleur restaurant du monde. La plupart de ces restaurants ont favorablement modifié les habitudes alimentaires des habitants. Habitués aux hamburgers, paninis, pizzas et autres plats rapides à emporter, les Danois redécouvrent les smørrebrød et les autres spécialités traditionnelles avec bonheur et fierté. On peut affirmer que depuis près de vingt-cinq ans, Copenhague est véritablement devenue un laboratoire où se déguste le meilleur de la cuisine nordique. Aujourd'hui, le chef Bo Bech a ouvert son nouveau BOBE quand le chef Rasmus Munk bouscule les codes dans son nouvel établissement, l'Alchimiste. Sa cuisine aborde les thèmes de l'actualité : la politique, l'écologie, la sociologie... et cela peut déranger !