Salon d'une maison Danoise © ExperienceInteriors - iStockphoto.com.jpg
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Quand la rencontre du bois et de la lumière crée l’harmonie

Le bois est le fil conducteur du mobilier scandinave, il apporte une note chaleureuse aux pièces de vie où l’ambiance cosy contrarie la froidure des jours de neige. Il est vrai que les forêts dominent le paysage à perte de vue, le bois est donc un matériau facile à se procurer qui permet, par ailleurs, de s’occuper dans l’attente du retour des beaux jours éclatants de soleil ! D’une certaine façon, les conditions environnementales expliquent la palette des décors intérieurs où les nuances claires et les harmonies de gris dominent. Une manière de compenser les longs mois d’hiver baignés dans l’obscurité, à la recherche de la lumière. L’absence de volets ou de rideaux aux fenêtres joue un rôle précieux. Quand la clarté venue de dehors fait défaut, la rue s’illumine depuis les intérieurs où le goût très prononcé pour les éclairages doux, filtrés par le papier ou l’opaline, s’affirme. Un sentiment de bien-être vous enveloppe à peine le pas de porte franchi… et ça, c'est hygge !

Le premier âge d’or du design danois

Tout a commencé au début des années 1930 avec les recherches menées par Karre Klint (1888-1954), considéré comme le père du design danois. Ce contemporain du Corbusier s’est essayé à rationaliser les besoins de l’homme dans son quotidien ; il s'intéresse à la fonctionnalité du meuble ou de l’objet utilisé. Petit à petit, il va établir une normalisation ergonomique en développant son propre Modulor, enseigné par la suite à l’École du meuble, une section intégrée aux Beaux-Arts de Copenhague. Même si son œuvre reste empreinte d’académisme et privilégie le savoir-faire artisanal, elle a néanmoins posé les bases du mobilier du XXe siècle. Le travail du bois reste, certes omniprésent, mais il s’associe parfaitement avec d’autres matières telles que le cuir ou le textile. Chef-d’œuvre du genre, sa Safari chair encore et toujours indémodable.

Créée en 1936, elle fut la pionnière du meuble en kit à monter chez soi, vendue entièrement démontée dans une petite caisse pour l’expédition. Elle revisite les Indian Roorkhee Chairs, des fauteuils pliants, très légers et faciles à transporter tout en étant ultra-résistants, utilisés aux Indes par l’armée britannique au tournant des années 1890. Autres pièces phares lancées quelques années plus tôt, en 1933 : la «chaise longue de pont» ou le tabouret pliant qui demeurent des références de l’histoire du mobilier.

Quant à la lampe The Lantern, familièrement appelée Le Klint, vous la trouverez un peu partout à Copenhague, aussi bien chez les particuliers que dans les lieux branchés. Née en 1944, cette suspension reste très appréciée pour la douce lumière non éblouissante qu’elle diffuse et la poésie de son pliage. Fabriquée à l’origine en feuilles de papier, elle est produite depuis 2007 en feuilles de PVC, grâce au relooking de Kim Weckstrom Jensen, et existe désormais en version XXL. Vous en rêvez ? Un petit détour par la Boutique Le Klint saura combler votre envie.

Design et architecture : de grandes signatures

Modernisme et notoriété internationale furent apportés par Arne Jacobson (1902-1971), véritable touche-à-tout honoré de plusieurs prix internationaux pour son travail sur le textile, la décoration intérieure, le design ou l’architecture. C’est dans ce domaine qu’associé à l’architecte Flemming Lassen, il démarra sa carrière en gagnant le concours de la Maison du futur en 1929. Cette maison circulaire, Fremtidens Hus, était complètement visionnaire pour l’époque. Elle offrait les dernières avancées technologiques dont beaucoup sont aujourd’hui développées par le domaine de la domotique : ouverture automatique de la porte du garage à l’approche de la voiture, aspiration intégrée dans le paillasson de l’entrée de la maison pour nettoyer les saletés apportées par les chaussures, antenne sur le toit destinée à capter l’électricité transférée sans câblage, écran plat dans le salon central…

Cette modernité ne pouvait se passer du rapport à la nature, source infinie d’inspiration pour Jacobson, féru de botanique et de jardinage. Les jeux de lignes courbes ainsi que le sens du détail marquent le style du célèbre designer.

De cet attachement au monde organique vont naître des assises universellement connues. La chaise Fourmi, the Ant dessinée en 1952 pour la cantine de l’entreprise Novo Nordisk détonna ! Elle fut la première chaise moulée produite en grande quantité du Danemark. Une ligne de contour simple, optimisée et rationalisée afin d’être parfaitement adaptée à la vie moderne et à une production industrielle. Puis vinrent un œuf et un cygne… Egg chair aux formes rondes et enveloppantes, ou le fauteuil Swan aux ailes déployées, tous deux mis au point par un bricolage assidu dans le garage de sa maison de Klapemborg en 1958. Egg chair fut réalisée pour le hall et les salles de réception du SAS Royal hôtel de Copenhague. Sa forme parfaite apportait confort et bulle d’intimité dans des espaces souvent saturés de bruit.

Le Radisson Blu ou SAS Royal Hôtel fut précurseur de cette dynamique de l’équilibre entre fonction et lignes. Premier gratte-ciel de Copenhague, son projet fou intégrait architecture et design dans l’ensemble des éléments de l’hôtel - des couverts du service de table aux poignées de porte - comblant par là même tous les désirs créatifs d’Arne Jacobson. Il est considéré comme son chef-d’œuvre, son Gesamtkunstwerk. On ne se lasse pas des lampes de table AJ dont le piètement ingénieux fut conçu pour poser un cendrier.

Avis aux amateurs de vintage, la chambre 606 du Radisson Blu Royal est la chambre témoin entièrement conservée dans son jus. Pour la réserver, prenez-vous-y à l’avance car elle est très convoitée !

Plastique, mousse polyuréthane et fibres de verre : des matériaux inspirants

Les années 1960 et 1970 vont déborder d’idées de plus en plus audacieuses en utilisant des matériaux composites issus du monde de l’automobile, des équipements industriels ou des matériels de sport. Le post-modernisme va puiser dans la culture populaire une envie de superficialité et un intérêt grandissant pour la couleur. Désormais « Form follows fun » remplace le « Less is more » des décennies précédentes. Folk, humour, coloris… sont incarnés par Verner Panton (1926-1998).

Sa prédilection pour les assises de tous types (tabourets, fauteuils, chaises, etc.) va le faire entrer dans le panthéon du design avec sa chaise éponyme, la fameuse Panton, reconnaissable entre mille par sa silhouette monolithique en S avec assise suspendue. Première chaise en plastique moulée par injection. Une prouesse technique possible grâce à l’investissement de la maison Vitra. Au fil des années, sa production a suivi l’amélioration des matières synthétiques afin de lui assurer résistance et pérennité : fibres de verre laquées, plastique Baydur, plastique ABS et polypropylène. Fun, pop et sympathique, la suspension Flowerpot-VP1 se décline depuis 1964 en coloris vitaminés. Son nom fait référence au Flowerpower triomphant de la nouvelle génération Peace and love. Une autre vision de la nature !

Les années 2000 et le renouveau

Mondialisation, technologie digitale et soif de solutions durables, tels sont les nouveaux défis des designers. En plus d’être fonctionnel, l’objet doit être éthique et durable. La promotion du Made in Danemark va se voir renforcée. Local, régional, naturel et fait-main sont des notions majeures. La modularité est un autre mot-clé des spécificités du design danois. Pouvoir, à partir de formes préétablies, créer du sur-mesure : c’est le leitmotiv de la maison Montana, fondée en 1982 par Peter J. Lassen, réputée pour son système d’étagères et de meubles à caissons ouverts ou fermés, avec un goût immodéré pour la couleur. Au total, 45 coloris permettent de personnaliser l’ameublement de chaque pièce de la maison. Tout nouveau, tout beau, le Montana showroom vous attend pour faire le plein d’idées à quelques mètres de Nyhavn !

En 2008, de retour de Bali, nourrie par l’artisanat local, Trine Bøttger développe sa propre ligne d’objets pour la maison, un subtil mélange scandinave et balinais. Encoded mixe les cuirs de vache tressés, les ceintures de sécurité recyclées et le bois de teck non traité aux lignes épurées du classique danois. Le showroom s’est installé dans le quartier branché en pleine mutation de Vesterbro, à l’entrée de l’ancienne brasserie Carlsberg, autre institution danoise !

Pas de travail des créateurs sans le soutien des éditeurs

Maison d’édition incontournable, Louis Poulsen Lighting manufacture, depuis 1892, des luminaires haut de gamme, dont ceux signés par Poul Henningsen, ou plus récemment en 2019, la suspension OE Quasi d’Olafur Eliason composée de deux polyèdres imbriqués avec pour matière première de l’aluminium recyclé à 90 %. Faites une halte au magnifique showroom du quartier de Christiana, aménagé dans d’anciens entrepôts. Une visite au pays des lumières garantie !

House of Finn Juhl, depuis 2001, s’est vu confier un héritage fabuleux : la réédition des meubles créés par Finn Juhl (1902-1989). À ce jour, 40 pièces sont façonnées dans le respect de celui qui souhaitait que les éléments structurels de ses pièces donnassent l’impression de flotter. De la légèreté avant tout. Un esprit de sculpteur animé par le mouvement et la vie, par une carrière d’artiste et d’historien de l’art contrariée. « L’art a toujours été ma principale source d’inspiration. Je suis fasciné par les formes qui défient la gravité et créent une légèreté visuelle », disait-il. Chacune de ses pièces, en plus d’être une référence à l’art contemporain, porte le souffle du minimalisme japonais. De cette combinaison sont nées Chair Chieftain et Grasshopper-Sauterelle qui, en dépit d'avoir 70 et 80 ans, n’ont pas pris une ride !

Un design toujours plus innovant, toujours plus original, toujours plus visionnaire

Depuis 2019, un étonnant îlot arboré d’un tilleul flotte sur le port de Copenhague. Un nouveau genre de parc public vient de voir le jour, après une intense réflexion urbanistique menée sur la Copenhague du futur, avec des questions sur : « Comment occuper l’espace public ? » ou « Quelles sont les fonctions de l’espace public ? », et une prise en considération du contexte d’une capitale où l’urbanisation s’intensifie chaque jour davantage, notamment aux abords du port qui sera confronté d'ici à quelques années aux futures montées des eaux, conséquence du réchauffement climatique.

Ce prototype baptisé Copenhagen Islands 1 ou CPH-Ø1 de 20 m² est un ponton flottant construit en mélèze, un bois traditionnellement utilisé en construction nautique pour sa résistance à la salinité de l’eau. D’autres modules vont bientôt compléter cette nouvelle ville flottante et pourront accueillir différents services : cafés, saunas, aire de jeux… Un Waterworld où la science-fiction est devenue une réalité comme au café de Green Island (près de Kalvebod Brygge).

Pour en apprendre davantage, que faire ?

Une visite du Designmuseum Danmark s’impose. Une muséographie chronologique, des pièces originales d’hier et d’aujourd’hui et surtout la possibilité de les essayer ! Quoi de mieux lorsqu’on pense, on rêve, on vit design !

Un après-midi shopping dans les grands magasins ? Magasins du Nord et Illum débordent de rayons dédiés au design 100 % danois, of course ! L’occasion de découvrir la toute jeune marque rraawii, déjà connue pour ses céramiques dessinées par Nicholai Wilgh Hansen : des pichets, bols, saladiers, vases aux lignes cubistes et couleurs monochromes embellissant l’objet usuel ; Zone et ses accessoires de salle de bains ou de cuisine que l’on collectionne tant leur look simplissime rend addict ; ou encore Vipp et ses poubelles tellement belles qu’on ne veut pas les cacher… à tel point qu’elles sont exposées dans les collections du MoMA de New York. Petit rappel historique : la première poubelle Vipp fut créée en 1939 pour les besoins du salon de coiffure de Marie, épouse de son inventeur, Holger Nielsen. Un succès immédiat car elle était dotée d'une pédale. Une super idée très pratique et hygiénique !