Carl Nielsen © Janusz Pienkowski - shutterstock.com.jpg

La musique classique et le théâtre

La musique danoise est largement influencée par l’Allemagne : la plupart des compositeurs danois du XVIIIe siècle furent des immigrés allemands appelés à la cour royale, comme Mogens Perdersøn (vers 1580-1623) ou l’organiste Dietrich Buxtehude (1637-1707), compositeur fécond qui, lors de son séjour à Elseneur entre 1660 et 1668, créa et anima les « concerts du soir » organisés dans la ville jusqu’en 1810. C’est également le cas, au début du XIXe siècle, de Christoph Weyse (1774-1842), célèbre pour ses romances ou de Friedrich Kuhlau (1786-1832), connu pour ses nombreuses pièces pour flûte et pour sa musique de théâtre – dont celle d’Elvehøj considérée comme la première pièce danoise.

Durant « L’Âge d’or danois », création de la Société de musique (1836) - une institution s’employant à promouvoir la musique danoise - et du Conservatoire royal de musique du Danemark, fondé quelques années plus tard, en collaboration avec le compositeur Johann Hartmann (1805-1900). Hans Cristian Lumbye (1810-1874), surnommé le « Strauss du Nord », fut nommé chef d’orchestre du Tivoli lors de son inauguration (1843) et se dédia à la diffusion de la musique de ses confrères. Alors à la tête du conservatoire, Niels Gade (1817-1890) participa à la formation de jeunes musiciens de talent tels que Victor Bendix ou Thomas Laub (1852-1927). Ceux-ci développèrent un style, qualifié parfois de « nationaliste », qui rejetait l’influence postromantique allemande et puisait son inspiration dans la tradition nordique. Ce nationalisme musical valut au brillant compositeur Rued Langgaard (1893-1952), malgré le caractère novateur de sa musique, de rencontrer l’incompréhension générale. Autre élève illustre de Niels Gade formé au Conservatoire, Carl Nielsen, devenu l’icône du classique danois, compositeur de renommée internationale, auteur de six symphonies et de plusieurs opéras dont Maskarade (1906), considéré comme l’opéra national danois.

De la génération suivante, il faut citer Vagn Holmboe (1909-1996), ne serait-ce que pour son influence sur les musiciens contemporains. Cette génération se détacha de l'esthétisme moderne nordique, qui limitait les champs de la composition, en renouant avec l’Europe centrale. Parmi les artistes majeurs, Per Nørgård, créateur du « sérialisme organique », Ib Nørholm et Pelle Gudmundsen-Holmgreen. Ces avant-gardistes entraînèrent après les années 1960 une brutale réaction par une « nouvelle simplicité ». Le foisonnement musical actuel du pays (certains parlent même de « deuxième Âge d’or ») fut facilité par la loi sur la musique votée en 1976, destinée à aider les compositeurs, à subventionner les orchestres symphoniques, les théâtres produisant des opéras de chambre, les solistes, etc. C’est dans ce cadre qu’a été édifié le magnifique Opéra national, inauguré en 2005 avec une œuvre d’un compositeur danois, Poul Ruders. Très appréciées au Danemark, les symphonies et la musique de chambre de ce dernier sont sans doute les œuvres contemporaines les plus jouées à l’international. En 1994, la création à Copenhague d’un « opéra alternatif » au succès prodigieux contribue également à l’essor de la musique danoise marquée notamment par les œuvres exigeantes de Bert Sørensen (né en 1958), de Karsten Fundal (né en 1966) ou d'Hans Abrahamsen (né en 1952), ou plus récemment, le compositeur et pianiste Frederik Magle dont l’approche très libre et métissée reflète la pratique de la jeune génération danoise.

Tout l’amour que portent les Danois à la musique classique se ressent dans l’architecture de l’Opéra de Copenhague. Bijou signé Henning Larsen, il surplombe l’eau sur son petit îlot avec prestance et dégage sobriété et élégance grâce à ses lignes et matériaux. Disposant d’une belle salle pouvant accueillir plus de 1 500 mélomanes, l’endroit est le lieu de résidence de l’Orchestre royal du Danemark (dirigé depuis 2021 par le chef italien Paolo Carignani). Autre ensemble prestigieux du pays : l’Orchestre symphonique national du Danemark fondé en 1925. Dirigé par l’Italien Fabio Luisi (autrefois au Metropolitan Opera), il est l’orchestre créateur de plusieurs œuvres, de Niels Viggo Bentzon, Marius Constant (Cyrano de Bergerac, 1988), Peter Maxwell Davies (Salomé, 1977), Pelle Gudmundsen-Holmgreen (Symphonie no 1, 1968), Anders Hillborg (Four Transitory Sorlds, 2009) et joue à la salle symphonique de Copenhague construite par Jean Nouvel. Appelé « Koncerthuset » en danois, le lieu est inclus dans le vaste ensemble architectural de la DR-Byen, le siège de la Société́ danoise de la radiodiffusion nationale. L’auditorium principal, d’un orange velouté, dispose de 1 800 fauteuils ; des panneaux amovibles modulent l’acoustique d’un espace déployé sur plusieurs niveaux. Un must pour les amateurs de musique classique.

Un mot sur le théâtre danois

Méconnu en France (et peu, voire pas joué) Karl Adolph Gjellerup est l'un des grands auteurs du pays, à la fois poète, dramaturge et romancier récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1917. Le dramaturge danois, Adam Gottlob Oehlenschläger (1779-1850), précurseur du renouveau poétique danois, est l’auteur de l’hymne national et du texte de l’Aladdin (1805) de Carl Nielsen, régulièrement mis en scène au Nouveau Théâtre Royal (appelé Skuespilhuset ou « The Playhouse »). Dessiné par Boje Lundgaard et Lene Trandberg, il a été inauguré en 2008. Il se compose de trois belles salles et d’un grand hall ouvert sur l’eau. Quant au Théâtre Royal (Kongelige Teater) il accueille en résidence la troupe du Ballet royal danois.

Le jazz

Le jazz fit irruption à Copenhague en 1923 lorsque le musicien Valdemar Eiberg enregistra les deux premiers morceaux du genre « I've Got a Cross-Eyed Papa » et « In Bluebird Land ». Très vite, les Danois furent séduits. Le musicien classique Erik Tuxen (1902-1957) fonda un orchestre local. Quelques musiciens se firent alors connaître, incarnant ce premier âge d’or du jazz danois tels que les célèbres pianistes Leo Mathisen (1906-1969) ou Kjed Bonfils (1918-1984). Réduit à l’underground durant l’occupation allemande, le jazz revient avec Max Brüel (1927-1995), représentant du be-bop, et le bassiste Erik Moseholm (né en 1930). Mais c'est l’effervescence du début des années 1960, liée à la création du Jazzhus Montmartre, qui fit entrer la capitale danoise dans le gotha international. L’ambiance et l’aura du lieu (ainsi que l’atmosphère de la capitale) y attirèrent de nombreux musiciens américains tels que Stan Getz, Dexter Gordon ou Ben Webster. À leur contact, une formation danoise constituée de Kenny Drew, du bassiste Niels-Henning Ørsted-Petersen (dit NHØP) et du batteur Axel Ried se fit connaître. Le free-jazz a pour représentant John Tchicai, un immense avant-gardiste –  ainsi que le compositeur et trompettiste Palle Mikkelborg (né en 1941).

Passé au second plan après l’irruption du rock et de la pop, le jazz danois a cependant survécu grâce aux subventions du gouvernement et à un noyau de passionnés. Les vétérans étaient toujours là et de nouveaux noms sont apparus : le saxo ténor Bent Jædig (né en 1935) et ses jeunes disciples, Hans Ulrik (né en 1966) et Jacob Dinesen (né en 1968). NHØP fit école auprès de plusieurs remarquables contrebassistes parmi lesquels Mads Vinding (né en 1948) et Thomas Ovesen (né en 1965). Le guitariste Pierre Dørge (né en 1946) faisait parler de lui avec son New Jungle Orchestra, de même que le violoniste Kristian Jørgensen (né en 1967), tandis que le bon vieux style « New Orleans » survivait grâce au tromboniste Ole « Fessor » Lindgren (né en 1938). Aujourd’hui, la scène danoise est toujours aussi fournie, menée par une jeune garde particulièrement dynamique. Parmi eux, citons le guitariste Hasse Poulsen (Danois installé à Paris), le très élégant pianiste Magnus Hjorth ou – plus pop et excentrique – Jeppe Zeeberg.

Si cette âme jazz se retrouve partout dans les artères de Copenhague, rien ne vaut un passage par le fameux Jazzhus Montmartre pour goûter à son prestigieux passé. Toujours en place, on ne fait pas club plus légendaire en ville. Depuis ses débuts en 1959, il a accueilli des monstres sacrés tels que Dexter Gordon, Stan Getz ou Kenny Drew. Après avoir été fermé en 1995, le club a rouvert ses portes à une nouvelle adresse et, de nouveau, les musiciens de renom s’y bousculent. Autre haut lieu du jazz à Copenhague, le Copenhagen Jazz House. Amateurs de jams live et de jazz improvisé, La Fontaine est l'adresse tout indiquée. Citons aussi le Palæ Bar qui peut convier quelques bons groupes dans une très bonne ambiance. Et ne manquez pas le Copenhagen Jazz Festival. Grand rendez-vous du jazz international, l’événement anime chaque année les rues, cafés et clubs de Copenhague en juillet. Au programme, plus de mille concerts en dix jours – la plupart gratuits – avec beaucoup de jazzmen danois et de grands invités du monde entier.

Les musiques actuelles

Contrairement au voisin suédois, le Danemark n’a pas donné de vedettes internationales durables tant dans le domaine du rock que de la pop, en dépit d’une scène actuelle très active (avec MØ ou Oh Land comme figures de proue). Parmi les pionniers, le groupe de folk-rock psyché Steppeulvene (Les Coyottes) apparu en 1967 avec son album Hip est clairement la première icône de la pop culture danoise. Il faut également citer Savage Rose avec sa chanteuse Annisette Hansen, groupe formé en 1958 et toujours actif de nos jours. Dans les années 1970, c’est Gasolin’, un groupe de rock issu du quartier de Christianshavn, qui a défrayé la chronique et son album Midt om Natten (1983) détient toujours le record des meilleures ventes. L’époque voit aussi l’apparition d’auteurs-compositeurs-interprètes dont les plus connus sont Sebastian (né en 1949) et Anne Linet (née en 1953).

Par la suite, le groupe Pretty Maids, formé en 1981, a connu quelques succès internationaux, mais rien à côté d’Aqua et du succès planétaire de son Barbie Girl en 1998 : plus de 28 millions de disques vendus dans le monde avant que le groupe ne disparaisse, en 2001, emporté par la fin des boys band et de la « bubblegum dance ». Aujourd'hui, la pop danoise, souvent très noble et bien produite, est particulièrement appréciée dans le monde. Une scène gouvernée par les femmes où l’on croise les bijoux de folk sombre d’Agnes Obel, l’électro-pop d’Oh Land dont Elton John est fan (rien que ça) ou encore cette machine à hits qu’est MØ.

Ville très portée sur l’électronique, citons aussi un pur produit de Copenhague, le label Posh Isolation, très chic maison d’électro, new wave et avant-garde. Label qui est d’ailleurs lié à la grande figure de l’underground local, Elias Bender Rønnenfelt, considéré comme le Nick Cave danois et leader du groupe de punk rock Iceage. Des artistes à écouter les yeux fermés. Citons également la synth-pop indé du duo First Hate, leur morceau Girls in the Club a fait danser les fans jusqu'à Paris, où ils viennent régulièrement investir les petites salles.

Les scènes à connaître

Copenhague est une ville pour tous les amoureux de musique et les amoureux de toutes les musiques. De nombreuses adresses conviennent à un large éventail de goûts. Parmi eux, le Børneteater est à surveiller. Plus petite salle de Christiania, mais aussi la plus underground, elle programme de très bons concerts de hip-hop, rock ou électro. C’est aussi le cas de Spillestedet Stengade dans le quartier branché de Nørrebro. Plus électroniques, deux adresses très populaires : le Vega, très design, installé dans un ancien siège de syndicats, et le Rust, dédié́ aux « clubaholics », toujours l'une des meilleures boîtes du quartier (Nørrebro), si ce n’est de la ville.

Enfin, la saison estivale est naturellement criblée de festivals dont celui de Roskilde, considéré comme le Woodstock de l’Europe du Nord, abonné aux affiches XXL (on a pu y voir Iggy Pop, Rita Mitsouko, David Bowie ou Daft Punk…), Distortion Festival en juin, rendez-vous électronique très couru et très agréable, qui se déroule dans les rues de la capitale, ou Strøm, réputé pour sa programmation hyper pointue.