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Origines antiques

Pour découvrir les origines antiques de la région, c’est hors de la ville qu’il faudra vous rendre. A Carmona, ville d’origine néolithique, subsistent quelques vestiges intéressants du passage des légendaires Romains qui y érigèrent murailles et nécropole. Mais c’est à Italica, ville de naissance des grands empereurs Trajan et Hadrien, que se trouvent les plus impressionnants vestiges. La cité peut s’enorgueillir d’abriter le plus grand amphithéâtre elliptique d’Espagne. A cette prouesse architecturale s’ajoutent des thermes antiques, mais aussi les vestiges de maisons, rues et système de canalisations témoignant d’une implantation urbaine particulièrement bien planifiée. Pour compléter ce voyage antique, ne manquez pas les moulins à eau romains d’Alcala de Guadaira et les vestiges du pont romain d’Utrera. A Séville même, vous pourrez apercevoir les vestiges d’un impressionnant aqueduc et les colonnes et statues d’Hercule et Jules César sur l’Alameda.

Splendeurs maures et trésors de la Reconquête

Si les Maures sont présents à Séville depuis le IXe siècle, époque à laquelle les premières pierres de l’Alcazar (forteresse) sont posées, c’est surtout la grande dynastie des Almohades qui marqua la ville de son empreinte au XIIIe siècle. Les murailles de la ville, dont on aperçoit encore des pans entiers, notamment dans le quartier de la Macarena, étaient originellement longues de 6 km, rythmées par 162 tours et 14 portes. Une architecture défensive que l’on retrouve également dans les Alcazars de Carmona et Alcala de Guadaira dont les silhouettes crénelées aux puissants appareillages de pierre dominent le paysage. La célèbre Torre del Oro de Séville, qui doit son nom aux carreaux de céramiques dorés qui la recouvraient originellement, est sans doute le plus bel exemple d’une architecture almohade qui mêle défense (la tour servit de modèle aux tours de guet et donjons des châteaux forts !) et art du décor. Le style almohade se caractérise par une recherche de rigueur, de rationalité et d’équilibre et l’emploi de motifs abstraits ou géométriques, notamment l’étoile et le polygone. Une sobriété qu’exprime à merveille la Giralda, ancien minaret de la Grande Mosquée de Séville autrefois simplement surmonté de 3 sphères dorées. Malgré sa transformation en cathédrale, des éléments de la mosquée originelle subsistent, notamment les très belles arcatures en fer à cheval couronnées d’élégants alfiz moulurés et le Patio de los Naranjos dont le rafraîchissant bassin servait aux ablutions des fidèles. Le quartier de Santa Cruz conserve également l’effervescence de la médina originelle avec ses dédales de ruelles étroites, de placettes et de passages voûtés… un quartier qui deviendra ensuite la Juderia, bouillonnant quartier juif médiéval.

L’héritage maure de Séville se lit également dans les élégants patios des maisons et dans les jardins paysagés imaginés comme des oasis de fraîcheur. Une vision de l’architecture qui impressionna les Rois Catholiques… voilà qui explique pourquoi la Reconquête s’accompagna d’un étonnant syncrétisme entre art islamique et art gothique. Les souverains espagnols employèrent en effet de nombreux artistes maures pour édifier églises et palais. C’est le triomphe du style mudéjar. Les églises San Marcos, San Pablo et Santa Marina sont en briques et possèdent de magnifiques plafonds à caissons appelés artesonados, héritage de la tradition islamique. L’Alcazar, dont le noyau dur fut construit par le roi Pierre Ier, porte la marque du mudéjar. Voyez les arcades recouvertes de marqueteries de cèdre, de carreaux de céramiques et de dentelles de stucs du Patio de las Doncellas, le plafond à artesonados du Salon Charles Quint et surtout la coupole en cèdre du Salon de Embajadores ornée des portraits des rois… superbe preuve de ce syncrétisme ! Le Palais de Don Pedro, lui, est tout à fait unique en son genre. Il ne porte pas la marque des Almohades, mais celle des Nasrides, puissante dynastie qui régna sur Grenade du XIIIe au XVe siècle. L’émir de Grenade « prêta » ses artisans au roi, qui se fit construire ce palais aux élégants patios et à la richesse décorative éblouissante (azulejos, bois polychromes…). Mais ce syncrétisme ne doit pas faire oublier les objectifs de la Reconquête qui trouve dans la cathédrale de Séville son expression la plus grandiose. Chef-d’œuvre du gothique, l’édifice impressionne par ses dimensions : 136 m de long, 83 m de large et 56 m de haut dans sa partie authentiquement gothique. Vitraux, piliers fasciculés (composés de 5 colonnes collées les unes aux autres), étonnante salle capitulaire elliptique, voûte en étoile… le gothique se fait ici flamboyant. Enfin, ne faites pas l’impasse sur la Casa de Pilatos, mêlant un style résolument gothico-mudéjar (patio, stucs, azulejos, artesonados…) avec des éléments d’une Renaissance naissante (loggia à l’italienne, escalier au dôme ouvragé…)

Age d’or de Séville

Les XVIe et XVIIe siècles marquent l’âge d’or de Séville. C’est à cette époque que la ville reçoit le monopole des échanges avec le Nouveau Monde et devient par là même un centre économique et culturel de premier ordre. Cette effervescence se pare d’abord des atours d’une Renaissance appelée plateresque du fait de ses décors finement ciselés qui rappellent le travail d’un orfèvre (platero). Le plus beau représentant de ce style est l’Hôtel de Ville (Ayuntamiento) dont la façade se pare de volutes, arabesques, guirlandes, bossages et se trouve rythmée par des colonnes aux chapiteaux sculptés, des balustrades et jeux d’arcatures. Les blasons et armoiries s’y comptent également en nombre. En 1574, le Comte de Barajas fait assainir et drainer les marais pour y faire naître la promenade paysagère de l’Alameda de Hercules… le premier jardin public d’Europe ! La transition entre la Renaissance et le baroque se fait d’abord sobre, voire austère, dans un style baptisé herrerien, du nom de son grand représentant Juan de Herrera. Les Archives générales des Indes en sont les plus belles représentantes. Ordonnancement et symétrie y règnent en maître et tout décor superflu en est exclu. A cette élégante sobriété succède un foisonnement décoratif baroque. A Séville, c’est Leonardo de Figueroa qui imprime sa marque à grand renfort de colonnes torses, coupoles aux tuiles vernissées, revêtements de céramiques colorées et de frises, bustes et angelots. Parmi ses œuvres les plus célèbres, ne manquez pas : le Palais San Telmol’Hospital de los Venerables, l’église del Salvador – superbe église-halle tout en verticalité et dont voûtes et décors reposent sur 20 monumentaux piliers de pierre –, et l’église San Luis de los Franceses. Parmi les autres superbes témoins de ce foisonnant baroque, n’oublions pas l’église de la Magdalena avec sa coupole couleur mandarine piquetée de céramiques bleu vif et ses chapelles croulant sous les fresques et dorures et l’église tout en dorures de l’Hospital de la Santa Caridad. En parallèle de cette abondance décorative, Séville se fait plus sobre sous l’impulsion des ordres monastiques qui la transforment, au XVIIe siècle, en véritable ville-couvent. La ville abritait alors des centaines de monastères. Aujourd’hui, une dizaine subsiste, dont le Monastère San Clemente organisé autour d’un superbe cloître à double galerie d’arcades, elles-mêmes soutenues par des doubles colonnes toscanes aux cimaises de bois. Le Musée des Beaux-Arts de la ville s’est lui-même implanté dans un ancien couvent dont la structure organisée autour de cloîtres et patios a été conservée. Nous voilà bien loin de l’effervescence qui règne sur la Plaza de Toros de la Real Maestranza qui abrite sans doute les plus belles arènes du pays. Si elles ne furent officiellement terminées qu’au XIXe siècle, les arènes portent la marque du baroque tardif du XVIIIe que l’on peut lire dans les murs chaulés de blanc et rehaussés d’encadrements et corniches ocre et rouges, dans la Porte du Prince flanquée de tourelles aux toits de tuiles et surmontée de frontons à volutes, pilastres doriques et balustrades, et surtout dans le Balcon du Prince avec son foisonnement de colonnes et blasons.

Folies historicistes

Le XIXe siècle sévillan est marqué par l’avènement des styles néo et plus particulièrement le style néo-mudéjar dont le plus bel exemple est le Pavillon San Telmo ou Costurero de la Reina imaginé en 1890 par Juan Talavera de la Vega, dont on admire les tourelles crénelées et surtout la superbe bichromie de briques rouges et blanches, chère à l’art islamique. C’est à la même époque que la princesse Marie-Louise d’Orléans fait don à la ville d’une partie des Jardins du Palacio de San Telmo pour y permettre la création d’un parc aménagé par le bien nommé Jean Forestier ! Choisie pour accueillir la grande exposition hispano-américaine de 1929, Séville se pare alors des atours d’un historicisme, tutoyant parfois le pastiche, qui s’accompagne également d’un intérêt retrouvé pour les Arts décoratifs, notamment la céramique. Le Parc de Maria Luisa, où se déroule l’exposition, se dote alors de fontaines, bassins et autres gloriettes. Parmi les édifices les plus étonnants construits à cette occasion, notons l’incontournable Plaza de España, immense hémicycle de 200 m de diamètre ponctué de 48 bancs pour 48 provinces ! Voyez la façade de briques rouges de son édifice principale, soulignée de balustrades, ornée de belles céramiques et rythmée de galeries aux arcatures en plein cintre reposant sur des colonnes de marbre. Autre incontournable : le Pavillon Mudéjar, œuvre d’Anibal Gonzalez, inspirée de l’Alcazar et qui se déploie en demi-lune devant un canal qu’enjambent des ponts couverts d’azulejos. L’Estacion de la Plaza de Armas, elle, opère une élégante transition entre historicisme et modernité, avec sa façade associant les briques et les céramiques néo-mudéjares au verre et au fer de l’architecture industrielle. Cette effervescence néo se poursuit dans les décennies suivantes, comme le prouve la Basilique de la Macarena, temple néo-baroque de 1949 abritant, dans une alcôve d’argent ciselé, la célèbre Vierge de la Macarena. Mais, comme toute l’Espagne, la ville va connaître une période de stagnation architecturale et culturelle durant la dictature franquiste.

Effervescence contemporaine

Les années 60 marquent une période d’embellie pour la ville. L’école d’architecture est officiellement créée et une fièvre constructrice s’empare de la cité… malheureusement la spéculation immobilière transforme rapidement cette embellie en menace pour le patrimoine. Des pans entiers de quartiers sont détruits pour faire place au neuf. Il faut attendre les années 70 et la fin de la dictature pour que la ville prenne conscience des richesses de son patrimoine et des nécessités de le protéger. Les années 80, elles, sont marquées par la préparation de l’Expo92, l’exposition universelle consacrée aux grandes découvertes et au futur de l’innovation que la ville accueillera sur l’île de la Cartuja. La préparation de l’événement agit comme un véritable coup de fouet sur la ville. Construction et prolongement d’autoroutes, réfection du réseau routier, création de nouvelles gares TGV, construction de l’aéroport San Pablo imaginé par le célèbre Rafael Moneo… la ville se transforme. Les grands symboles de ce renouveau sont les 6 nouveaux ponts enjambant les eaux du Guadalquivir. Impossible de manquer l’arc parfait du Pont de la Barqueta, le baldaquin géométrique surplombant toute la longueur du Puente de Chapina, et le pylône de 138 m de haut et incliné à 58° soutenant les 13 paires de câbles de l’impressionnant Puente del Alamillo conçu par le célèbre Santiago Calatrava. L’un des plus célèbres pavillons de l’exposition est le Pavillon de la Navigation imaginé par Guillermo Vazquez Consuegra, grande figure de l’architecture sévillane. Sa couverture métallique, ses grandes poutres de bois s’élançant sur une portée de 40 m et ses formes convexes sont inspirées de l’architecture navale et des hangars portuaires. Autre incontournable : l’Estacion de Santa Justa, créée par Antonio Cruz et Antonio Cortiz et récompensée par le Prix National d’Architecture pour son traitement sobre des matériaux, son intérieur diaphane savamment organisé et pour la maîtrise des proportions et des niveaux de lumière. Brique, béton et structure métallique sont employés ici pour évoquer la dynamique du mouvement. Pour contrer les éventuels critiques que pouvait soulever un tel événement, la ville a imaginé le projet Cartuja93 visant à reconvertir le plus grand nombre de pavillons en structures d’accueil pour entreprises et laboratoires. Pour s’y installer, ces derniers devaient prouver leur caractère non polluant et surtout assurer une présence jusqu’en… 2033 ! Aujourd’hui, Guillermo Vazquez Consuegra continue de réinventer sa ville dans des projets étonnants comme le CaixaForum de Sevilla dont la marquise d’acier argenté surplombe l’incroyable espace souterrain accueillant le centre culturel ; le Parc Magallanes, authentique régénération urbaine avec réimplantation de verdure et ingénieux système de récupération des eaux de pluie ; ou bien encore la rénovation du très beau Musée Archéologique dont l’architecte a repensé les espaces intérieurs, redonnant à l’édifice sa splendeur originelle. Parmi les autres réalisations contemporaines incontournables, notons également : l’insolite Musée de la Céramique de Triana imaginé par AF6 Arquitectos se déployant sur l’ancien site de la fabrique de poterie et dont les façades aveugles sont entièrement couvertes de niches abritant des poteries ; et bien sûr le Metropol Parasol du berlinois Jürgen Mayer, étonnante structure de bois de 150 x 75 m et de 28 m de haut soutenue par 6 piliers se déployant en structures nervurées censées rappelées les voûtes de la cathédrale mais que les habitants ont rebaptisé champignons ! Depuis 2011 et le scandale qui suivit la construction de la Tour Pelli, tour elliptique de 180 m de haut aux parois recouvertes d’aluminium couleur terracotta dont les proportions menacèrent un temps la ville de déclassement à l’Unesco, Séville s’est engagée à ne plus construire aucun gratte-ciel afin de protéger son patrimoine et de prôner sobriété et durabilité… les mots d’ordre du très beau projet « nuage de pergolas » imaginé par le célèbre architecte danois Bjarke Ingels et grand gagnant de la compétition lancée dans le cadre du projet eCitySevillan visant à décarboner l’île de la Cartuja, destinée à fonctionner ensuite uniquement avec des énergies renouvelables. L’avenir de Séville sera écologique !