Découvrez SÉVILLE : Tous les feux du Flamenco

Musique, chant, danse, poésie... au-delà de tout cela, le flamenco c’est aussi une façon d’être et de voir le monde qui a été classée patrimoine immatériel de l’humanité en 2010. Depuis l’ouverture du premier café cantante, café chantant à Séville, l’historique « Café de Silverio » et l’invention des spectacles de flamenco, le flamenco comme style musical est longtemps resté très orthodoxe. Mais depuis quelques années, de nouveaux cantaores et guitaristes ont vu le jour et lui ont offert un nouvel élan. Parfois accompagné par des orchestres, d’autres instruments de musique ou se mêlant à des styles différents provenant du jazz, de la musique latino-américaine ou de la musique arabe. A Séville, il s’appréciera dans les nombreux tablaos, héritiers des cafés cantantes, en fréquentant les peñas, cercles d’amateurs ou dans certains bars. Et pour les plus chanceux, à l’occasion de la Feria d’avril ou lors de sa biennale, tous les deux ans. 

Les chemins du Flamenco

Né dans la Basse-Andalousie, à l’intérieur d’un triangle historique reliant Malaga, Cadix et Séville, le flamenco existe sous sa forme actuelle depuis le XVIIIe siècle. De nombreuses hypothèses courent sur son origine mais on estime le plus souvent qu’il est issu de la fusion entre la culture des Gitans venus d’Inde et celle du monde andalou. Malgré tout, on y trouvera aussi  des éléments byzantins provenant de l’Eglise espagnole primitive ainsi que des influences arabes datant du Moyen Age et il n’a de fait été vraiment formalisé qu’au début du  XIXe siècle. Il a d’abord été chanté dans la rue, sur les lieux de travail puis lors des fêtes religieuses. C’est à Séville qu’a été créé en 1842, le premier café cantante qui va rapidement essaimer dans toute l’Andalousie. Entraînant à la fois sa professionnalisation et la prise de conscience de l’existence de cet art chez les classes les plus aisées. D’abord interprété majoritairement par des Gitans, le flamenco est peu à peu sorti de ses limites ancestrales pour devenir parfois un spectacle de plus en plus commercial, se réduisant à une sorte d’exhibition folklorique de cabaret, destinée à la consommation d’un public non averti. En marge de ce courant commercial rejeté par nombre d’Espagnols et d’Andalous, le vrai flamenco faisant vibrer l’âme des Gitans n’a jamais cessé. Dans les réunions familiales et les peñas des villes et des villages, des groupes d’amateurs ont continué à perpétuer la tradition du cante, de la guitarra et du baile en marge de toute visée commerciale.

Au rythme du Flamenco

Aujourd’hui, trois éléments caractérisent cet art : le chant, la guitare et la danse. Ils seront accompagnés de la rythmique des palmas (battements de mains) et du taconeo (jeu de pied) de la danseuse ou du danseur auxquels peuvent s’ajouter les tempos, des cajónes (des caisses en bois – à l’origine des caisses à savon – sur lesquelles sont assis les percussionnistes). Selon les rythmes et les régions d’Andalousie, différents types de chants (palos flamencos) sont apparus, les plus connus s’appelant bulería, soleá, alegría, fandango, jaleo… Si les formes les plus importantes du flamenco sont du domaine commun, elles peuvent aussi être liées à un contexte religieux (comme les saetas de la Semaine sainte ou les villancicos flamencos de Noël), à un environnement socio-professionnel (les martinetes de la forge, les mirabrás du marché aux légumes ou les carceleras des prisons). Il existe aussi des chants dits de ida y vuelta (« d’aller et retour ») originaires d’Amérique latine et réintégrés au répertoire flamenco, tels que la colombiana, la milonga argentine, ou la rumba et la guajira cubaines. Les artistes doivent posséder les formes communes et, dans la mesure de leur talent, en développer leur propre version.

Les promoteurs du Flamenco

Jamais figée dans son expression, l’interprétation du flamenco n’a cessé d’évoluer, tout en demeurant fidèle aux structures de base. Chaque génération a ainsi contribué à l’enrichir et à la renouveler, lui imprimant la marque de sa créativité et des influences propres à son époque. En 1922, le premier concours de cante jondo, le chant flamenco dans sa version primitive, organisé à Grenade avait contribué à lui accorder ses lettres de noblesse. Soutenu par des artistes et des intellectuels comme Manuel de Falla ou Federico García Lorca, le flamenco y a gagné sa reconnaissance officielle. Celle-ci fut confirmée par le talent de quelques artistes exceptionnels qui sont aujourd’hui devenus des « classiques ». Parmi lesquels on peut citer pour le chant, les Sévillans Manolo Caracol, Cantaor de flamenco de la première moitié du XXe siècle dont les palos les plus connus sont la zambra et le fandango ; la Niña de los Peines, l’une des plus grandes voix du Flamenco dont la statue orne la plaza Alameda de Hercules; Antonio Mairena, chanteur exceptionnel, mais aussi grand connaisseur de toutes les formes de flamenco et pour la guitare, bien sûr Niño Ricardo, considéré comme le meilleur guitariste accompagnateur de tous les temps et dont Paco de Lucia, peut-être le plus grand artiste flamenco, disait « Ricardo a été notre maître à tous ». Par ailleurs, des interprètes comme Paco de Lucía pour la guitare, Camarón de la Isla pour le chant, ou Antonio Gades et Cristina Hoyos pour la danse, ont marqué la période récente de leur empreinte, à tel point que tout artiste contemporain se doit, d’une certaine manière, de situer sa démarche par rapport à la leur. Tout au long du XXe siècle, le flamenco s’est ainsi construit. On le doit aussi à des cantaores comme Antonio Chacón, Manuel Torre ou à Pastora Pavón dite La Niña de los Peines, qui ont donné corps aux chants andalous, tout en se permettant d’élargir les styles de flamenco.

A la recherche de l'esprit du duende

Pour assister à un spectacle authentique, nous vous conseillons de lire la presse locale ou de consulter les affiches, en choisissant de préférence les spectacles annoncés par les affiches les plus « modestes ». Lors d’un séjour à Séville et dans sa province, n’hésitez pas à vous renseigner sur les peñas locales, des cercles et des associations de passionnés qui perpétuent la tradition et restent très vivantes, notamment à Utrera et Ecija. Mais sachez qu’une forme d’intransigeance sied aux amateurs locaux de flamenco. Pour le puriste, trop de programmation nuit au flamenco, dont l’essence même ne se décrète pas. S’il est nécessaire d’attendre parce que l’instant n’est pas propice, alors il faudra s’armer de patience jusqu’au moment parfait. L’amateur doit partir en quête de l’esprit du flamenco, et prendre son temps en dégustant du fino (un vin blanc sec), en attendant que survienne le duende, la catharsis artistique des Andalous. Pour cela, entrez dans certains bars ou peñas pour connaître leur programmation, souvent aléatoire. Si un écriteau précise que l’entrée et le bar sont réservés aux adhérents, n’hésitez pas malgré tout à en pousser la porte. En réalité, tous les visiteurs sont les bienvenus s’ils ont l’esprit tourné vers le flamenco puro. A Séville comme dans toute l’Andalousie, le flamenco prend aussi corps et peut-être surtout au moment des ferias. Séville lance le mouvement lors de sa feria d’avril durant lequel les femmes danseront la « Sevillana », une danse flamenca typique de la ville et les autres villes et villages suivront, pratiquement tout au long de l’été, avec un autre rendez-vous à Séville, la Velà de Triana qui, fin juillet, multiplie les spectacles de flamenco, dans les bars ou sur les places. L’autre temps fort du flamenco, ce sera la biennale du Flamenco, une feria que la ville dédie à cet art tous les deux ans (années paires) entre septembre et octobre et qui durant un mois vous permettra de voir de superbes spectacles et des artistes renommés. Si vous n’avez pas la chance de séjourner à Séville durant ces périodes, vous aurez toujours la possibilité d’aller visiter le Musée du Baile Flamenco Cristina Hoyos. Inauguré en 2006, c’est le premier et à ce jour le seul musée de la danse Flamenco au monde et une excellente entrée en matière dans ce domaine. Vous saurez tout de son histoire, de sa technique, de ses costumes... via des expositions interactives. Vous pourrez aussi y assister à des spectacles qui vous permettront de voir à l’œuvre les meilleurs talents du moment.

De tablao en tablao ou de bar en bar

Ces tablaos flamencos sont les héritiers directs des anciens cafés cantantes. Ils se sont développés dans les années 1960 en s’inscrivant dans un mouvement de recherche du flamenco des origines et ces lieux, à l’ambiance intime, ont contribué au maintien et à la restauration de l’art du flamenco. A Séville, vous trouverez de nombreuses salles qui proposent des spectacles à heure fixe, avec ou sans dîners-spectacles. A tout seigneur tout honneur, c’est dans le quartier de Santa Cruz, non loin des Real Alcazares et des jardins de Murillo que vous trouverez le plus ancien de tous, le tablao Los Gallos. Depuis 1966, la salle a vu passer des artistes emblématiques du flamenco comme La Paquera de Jerez de la Frontera, Gabriela Ortega ou encore Antonio Mairena et Antonio Fernández Díaz dit Fosforito et la restauration du lieu menée il y a quelques années a permis d’en conserver l’ambiance. Beaucoup moins ancien puisqu’il n’a ouvert qu’en 2012, la Casa de la Guitarra, a accueilli moins de vedettes mais donne à voir des spectacles de bon niveau, et, toujours dans le même quartier mais vers l’église de Santa Maria la Blanca, la cultissime Carbonaría, qui s’apparente plus à un bar qu’à un tablao, continue à être le repère d’un flamenco un peu plus alternatif et populaire. Dans un autre quartier de Séville, proche des arènes, vous trouverez un tablao qui a pris le nom du quartier où il se situe, El Arenal. Il propose un spectacle de flamenco capable de vaincre les éventuelles réticences à l’encontre de ce type de spectacle. Oubliez le repas, ce qui est à conseiller de manière générale, et prenez quelques tapas pour vous concentrer sur le flamenco, dispensé par d’excellents guitaristes et de très bons danseurs. La décoration, recréant l’âge d’or des tablaos et l’éclairage d’El Arenal participe également à l’attraction du lieu. El Patio Sevillano est un autre des points de référence du flamenco dans la ville de Séville. Situé sur Paseo de Cristóbal Cólon, non loin des arènes de la Maestranza et de la Torre de Oro, il propose un spectacle soigné dans un décor affichant des œuvres d’art intéressantes et présentant tout le charme d’un tablao andalou. A noter, en plus du spectacle, on peut y suivre des cours de flamenco ou des workshops et assister à des spectacles privés. En ralliant le quartier sévillan de la Macarena, vous serez bien inspiré de rallier l’une des peñas les plus cotées de Séville, si ce n’est la plus cotée : la Peña Flamenca Torres Macarena. Située à quelques mètres de l’arc de la Macarena, cette peña fondée dans les années 1970 a accueilli de grands artistes comme José de la Tomasa, El Cabrero, El Chozas, Pedro Bacán, Chocolate et maintient intact son amour du flamenco. Ensuite, vous pourrez vous rendre au tablao El Palacio Andaluz qui vous permettra de découvrir la tradition flamenca sur une adaptation innovatrice de Carmen de Bizet, dans un décor grandiloquent. 

Et plus... si affinités

A Séville, comme dans toute l’Andalousie, cette véritable culture populaire a ses boutiques spécialisées, ses artisans luthiers et ses écoles. Au cours d’un séjour, vous pourrez si ce n’est vous vêtir de pied en cas comme des danseurs de flamenco, ou tout au moins acquérir l’un des éléments de leur parure, bijoux, peignes, châles... Ou pourquoi pas acheter une guitare flamenca, ce qui impliquera un budget beaucoup plus important. Sans devenir non plus danseuse ou danseur émérite, vous trouverez dans le guide de nombreuses adresses qui vous proposent des initiations au flamenco, voire des formations de longue durée, pour les accros. A l’instar de la Fondation Critina Heeren ou du Taller Flamenco.

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