Trésor d'Atrée sur le site de Mycènes © Peter Maerky - Shutterstock.com.jpg
Le temple d'Héphaïstion © ColorMaker - Shutterstock.com.jpg
Le village de Vathia possède une architecture typique de la région du Magne © Apostolos Giontzis - Shutterstock.com.jpg
La forteresse médiévale de Chlemoutsi © Maria Sbytova - Shutterstock.com.jpg

Les « temps obscurs »

C’est à la civilisation minoenne de Crète que l’on doit les premiers palais-cités, complexes structures comportant lieux de vie, de culte et de pouvoir organisés autour d’une cour centrale et s’étageant sur plusieurs niveaux, l’ensemble de ces éléments étant reliés par d’étonnants corridors labyrinthiques. Les vestiges du Palais de Cnossos en Crète témoignent de cet art maîtrisé de l’architecture en plein âge de bronze. Mille ans plus tard suivront les palais-citadelles mycéniens. Érigés en hauteur, ils sont ceints de fortifications en appareil dit « cyclopéen » du fait de la monumentalité des blocs de pierre qui les composent. A l’intérieur, les palais s’organisent autour d’une vaste pièce à foyer central entourée de 4 colonnes soutenant le toit, précédée d’un vestibule et d’un portique. Les Mycéniens sont également célèbres pour leurs tholos princières, ces tombes circulaires, précédées d’un long couloir, construites en encorbellement et surmontées d’énormes blocs de pierre. Les plus beaux vestiges de cette civilisation mycénienne sont à voir à Mycènes et Tirynthe.

Essor de l’architecture grecque antique

A l’époque archaïque, le temple domine la cité. Au départ essentiellement de brique crue et de bois, ce dernier, désormais rectangulaire et périptère (entouré d’un péristyle à une rangée de colonnes), est de plus en plus souvent érigé en pierre. Certains temples, comme le temple d’Apollon à Thermos ou celui d’Héra à Olympie, présentent déjà la répartition des espaces qui sera reprise aux siècles suivants : pronaos (entrée ou vestibule) – naos (sanctuaire contenant la statue de la divinité, souvent à 3 nefs) – opisthodome (porche postérieur symétrique). C’est à cette époque que se développent les ordres grecs. L’ordre dorique s’illustre par sa simplicité. Massives et trapues, les colonnes y jouent un rôle porteur, ne possèdent aucune base et leurs chapiteaux sont vierges de tout décor. On le retrouve surtout dans les temples de Grèce centrale et du Péloponnèse. L’ordre ionique, au contraire, se manifeste par son élégance et sa légèreté. Les colonnes sont plus graciles, reposent désormais sur une base et leurs chapiteaux se parent de deux volutes. On le trouve surtout dans les îles égéennes et en Asie Mineure. La période archaïque se traduit également par de grands travaux d’ingénierie, notamment en matière d’adduction d’eau (tunnel-aqueduc de Samos) et de soutènement des terrasses.

L’époque classique représente l’âge d’or de l’architecture grecque, caractérisée par une quête du rationnel et de l’harmonie. Une grande importance est donnée à la recherche des proportions idéales et les architectes, pour souligner la majesté des édifices, n’hésitent pas à réaliser quelques corrections optiques sous forme d’incurvation et d’infléchissement des lignes, afin d’éviter les impressions d’affaissement ou de trop grande verticalité. Les palais sont désormais de marbre, à l’image de l’Héphaïstéion et du Parthénon. Ce savant jeu de robustesse et de légèreté est souligné par une décoration raffinée mêlant les ordres dorique (extérieur) et ionique (extérieur) et en y ajoutant un troisième ordre, l’ordre corinthien, avec ses feuilles d’acanthe et ses colonnes crénelées, comme dans le temple d’Athéna Aléa à Tégée. Les trésors, petits édifices votifs recevant les offrandes, permettent aux architectes de laisser libre cours à leur imagination, notamment à travers une décoration tout en moulures et frises sculptées.

L’époque hellénistique est celle de la monumentalité et du faste. Désormais, les temples - dont les portiques s’allongent, doublent leur travée et gagnent un étage - ne sont plus les seuls bâtiments phares de la cité. Théâtres, salles du conseil et gymnases se multiplient. Des thermes font même leur apparition. Cette période est également marquée par une montée de l’individualisme. Désormais, les riches et puissants décorent leurs villas avec luxe pour montrer leur réussite. Ces maisons s’organisent autour d’une cour centrale entourée d’un péristyle. Les décors en mosaïque y sont d’un grand raffinement. Ce faste et cette richesse hellènes se manifestent particulièrement en Macédoine où les souverains se font ériger d’imposants palais en hauteur, comme à Vergina et Pella. L’architecture militaire n’est pas en reste : forteresses et remparts impressionnent tant par leur robustesse que par l’élégance de leur appareil à bossage et contribuent, selon Aristote, autant à la protection qu’à l’embellissement des villes, comme à Messène ou Rhamnonte. En parallèle se développe un urbanisme raisonné qui présidera à la construction de nouvelles villes, telles Olynthe ou Le Pirée. L’urbaniste Hippodamos de Milet conçoit un schéma directeur sous forme de plan géométrique par lequel la ville se trouve quadrillée par des rues rectilignes qui se coupent à angle droit, formant des îlots de même dimension comprenant 8 maisons. L’urbaniste sépare également les zones et fonctions de la ville (zone commerçante, zone militaire, zone cultuelle et publique, zone d’habitation) pour en faciliter la lecture.

Grèce byzantine

Du IVe au XVe siècle, la Grèce fait partie de l’Empire byzantin. Cette période, que l’on qualifia souvent d’obscurantisme médiéval en opposition à la grandeur éclairée de l’Antiquité, a pourtant donné à la Grèce de superbes témoins d’un étonnant syncrétisme où l’architecture se fait le lien entre cultes païens et traditions chrétiennes. Désormais religion officielle, le christianisme a besoin de nouveaux édifices pour marquer sa puissance. Les temples sont trop exigus, il faut des édifices plus vastes pour accueillir les fidèles. Les chrétiens vont donc développer de nouvelles solutions architectoniques sur les structures gréco-romaines existantes. Les thermes servent de modèles aux baptistères, les mausolées des empereurs inspirent les sanctuaires, tandis que colonnes et chapiteaux soutiennent les voûtes. Quant aux basiliques - qui servaient jusqu’alors de marchés couverts, places publiques et cour de justice -, elles deviennent des églises. Elles devaient permettre à l’assemblée de se tourner vers l’autel… et c’est ainsi qu’est né le plan longitudinal ou plan basilical avec sa salle centrale entourée de colonnades. Puis la Grèce va progressivement adopter un plan centré en croix grecque. A la croisée du transept, la coupole (toujours décorée du Christ Pantocrator, le tout-puissant) repose sur un tambour percé de fenêtres qui s’appuie lui-même sur 4 voûtes en berceau dessinant les bras égaux de cette croix grecque. L’architecture byzantine se caractérise également par l’utilisation de la brique, facile d’emploi et permettant une plus grande souplesse et le recours aux courbes et aux voûtes et par un jeu d’alternance en façade entre les couleurs foncées de la brique et les teintes claires de la pierre, créant des bandes ou motifs géométriques, technique héritée des Romains. La décoration est extrêmement raffinée, comme en témoignent les somptueux décors de mosaïques et fresques colorées. A Thessalonique, l’église Agia Sofia est un bel exemple de cette splendeur byzantine, tout comme les églises de Mistra, dont certaines mêlent de façon étonnante un plan basilical au sol et un étage à plan en croix grecque. On voit aussi se développer de puissants monastères protégés par des reliefs escarpés, à l’image des Météores, surplombant les alentours du haut de leur piton rocheux. Les Byzantins étaient également maîtres en matière d’architecture militaire, comme en témoignent les vestiges des remparts de Thessalonique qui fut longtemps la deuxième ville de l’empire.

Dans le Péloponnèse, ancienne Morée, vous pourrez également admirer d’étonnantes forteresses franques, notamment celles de Chlemoutsi et Mystra. Rien d’étonnant à cela puisqu’en 1204, Geoffroi de Villehardouin, alors en route pour les croisades, décide de s’y établir car Constantinople est déjà tombée aux mains des croisés. Après d’âpres luttes contre les Byzantins, les Francs imposent leur système féodal et font ériger de puissants châteaux organisés autour de grandes cours bordées de salles hautes. Des forteresses qui retourneront par la suite sous bannière byzantine tout en conservant leur caractère « franc ». Encore un étonnant syncrétisme.

Influences ottomanes et vénitiennes

Du XVIe au XIXe siècle, la Grèce est intégrée au puissant Empire ottoman. De nombreuses églises byzantines sont transformées en mosquées, adaptant ainsi des sanctuaires chrétiens aux rites de l’islam. Pour les mosquées construites de toutes pièces, les Ottomans privilégient des proportions modestes, les mosquées se limitant bien souvent à une salle de prière. Hammams, bazars et caravansérails jalonnent le territoire. À Athènes, on peut encore voir les vestiges de la mosquée Fethiye et des bains turcs. A Trikala, la mosquée au minaret aujourd’hui tronqué est l’œuvre du grand architecte ottoman Sinan. La ville a également conservé de beaux exemples de maisons ottomanes à encorbellements en bois, tout comme Varousi, Thessalonique et Didymotique. Enfin, à Kevala, vous pourrez admirer un superbe complexe restauré comprenant mosquée, medersa, minarets et hammam, surplombé de 18 coupoles.

L’insatiable République de Venise, puissance maritime et commerciale régnant sur la Méditerranée, a dominé le Péloponnèse de 1684 à 1715, y laissant son empreinte symbolisée par les légendaires lions de Saint-Marc. Ces félins de pierre veillent aujourd’hui encore sur la forteresse de Nauplie et les citadelles de Méthoni et Corinthe, d’anciens comptoirs commerciaux, dont on peut encore voir les enceintes successives et les portes imposantes.

Si les plus anciens exemples remontent à l’époque byzantine, c’est surtout au XVIIIe siècle que se développe un habitat très particulier dans la région du Magne, dont la société est tout entière organisée en clans qui se livrent une guerre sans merci. Voilà qui explique les maisons-tours et tours de guerre qui jalonnent le paysage, une architecture militaire locale étonnante que vous pourrez découvrir dans les villages de Kita et Vathia par exemple.

Néoclassique et modernisme

1821, la Grèce est libérée du joug ottoman et célèbre son indépendance. La jeune nation cherche à redonner à ses cités leur caractère authentiquement grec. Il est alors décidé de faire table rase du passé ottoman. Le roi Othon Ier, ancien prince de Bavière, fait venir de nombreux architectes étrangers qui vont importer le style néoclassique. Ce style, qui reprend tous les codes de l’architecture antique (colonnes, pilastres, frontons, monumentalité…), permet aux Grecs de refermer la parenthèse ottomane en renouant avec leur passé le plus glorieux. C’est particulièrement visible à Athènes, devenue capitale en 1834. Nouveaux quartiers et nouvelles artères font leur apparition, tandis que de superbes bâtiments officiels voient le jour sous l’impulsion de l’architecte danois Theophil Hansen, à qui l’on doit l’Académie (dont les colonnes ioniques sont inspirées de l’Erechthéion), la Bibliothèque nationale en marbre (inspirée du style dorique du temple d’Héphaïstos), ou bien encore l’Université. Le néoclassique va être très prisé dans tout le pays jusque dans les années 1920, y compris dans les demeures privées qui se couvrent de colonnes, caryatides et autres ornementations antiques.

En 1933, au large d’Athènes, la désormais célèbre Charte d’Athènes est signée à l’occasion du 4e congrès du CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne). Manifeste du mouvement moderniste et théorie d’un urbaniste fonctionnaliste, cette charte reprend tous les points édictés par Le Corbusier, alors figure clé du CIAM. De nombreux immeubles, à Athènes notamment, portent la marque de ce modernisme : utilisation du béton armé, absence d’ornementation… Un grand programme avait même été initié par le ministère de l’Éducation pour populariser le modernisme et contrer les vives critiques dont il faisait l’objet du fait de son aspect austère. Ce programme consistait notamment en la construction de nombreuses écoles. Dans les années 1950, sous la pression démographique constante, l’urbanisation des villes, surtout Athènes, se fait de façon quelque peu anarchique, les constructions réalisées à la va-vite côtoyant d’immenses barres d’immeubles sans âme. Puis les années 1960 ont vu fleurir un certain nombre d’édifices de style international, dérivant du style fonctionnaliste et moderniste initié par Le Corbusier. Les murs-rideaux de verre font leur apparition sur les premiers gratte-ciel du pays, tandis que sortent de terre des bâtiments aux lignes sobres et géométriques mêlant béton, verre et acier. Parmi les plus emblématiques de la période, notons l’ambassade des États-Unis à Athènes de Walter Gropius, le Terminal Hellenikon Est de l’aéroport d’Athènes réalisé par Eero Saarinen et l’Hôtel Hilton d’Athènes.

Architecture contemporaine

Galvanisé par l’organisation des JO d’Athènes en 2004, le pays a repensé sa capitale pour la rendre plus agréable aux visiteurs. Son centre a fait l’objet d’une profonde réhabilitation avec une promenade piétonne reliant l’ensemble des sites archéologiques, une extension du réseau de métro et la construction d’un nouvel aéroport. A cette occasion, l’architecte Santiago Calatrava a donné à la ville son complexe olympique reconnaissable à son toit ultra-moderne de verre laminé (pouvant refléter les rayons UV) et d’acier suspendu par des câbles à une grande arche. En 2009, Bernard Tschumi, en collaboration avec Michel Fotiadis, signe le Musée de l’Acropole. Sur le modèle du Parthénon, dont il reprend le même nombre de colonnes, le musée, tout de verre, d’acier et de ciment gris, s’organise autour d’une cella et dispose d’un sol en verre dévoilant les fouilles archéologiques souterraines. Si le musée a suscité de nombreuses critiques, on peut malgré tout souligner ce lien qu’il crée avec l’histoire. En 2016, Renzo Piano réalise le Centre culturel de la Fondation Stavros Niarchos. Bâti sur une colline artificielle, il offre une superbe vue sur la mer. Avec son toit couvert de panneaux photovoltaïques et l’importance donnée à la lumière et à la ventilation naturelle, le centre se fait durable. Stimulés par la crise qui a poussé à plus de créativité, les architectes grecs d’aujourd’hui multiplient des projets tout en sobriété s’intégrant parfaitement dans l’environnement, se plaçant ainsi dans la droite ligne du célèbre architecte Nicos Valsamakis, réputé pour son minimalisme discret et élégant. Enfin, nombreux sont ceux à lancer des projets de concertation avec les habitants afin d’imaginer la ville de demain, plus verte et plus humaine.