Alexis Tsipras, premier ministre de la Grèce jusqu'en juillet 2019 © Alexandros Michailidis - SHutterstock.com .jpg
Marbres de Parthenon © mark higgins - Shutterstock.com.jpg

Les tensions avec la Turquie

Depuis la création de la Turquie en 1923, celle-ci entretient des rapports compliqués avec la Grèce, parfois jusqu’à l’affrontement comme lors de la crise chypriote de 1974, mais aussi avec des moments d’apaisement, comme en 1999, lorsque les deux États s’étaient entraidés après de graves séismes. Mais l’arrivée au pouvoir de Recep Erdoğan, en 2003, à Ankara, s’est traduite par une détérioration des relations. Alors que les vieilles querelles au sujet de Chypre ou du découpage des frontières persistent, de nouveaux dossiers brûlants sont apparus. Depuis le début de la « crise des réfugiés », en 2015, la Grèce accuse la Turquie de vouloir la déstabiliser en laissant passer un nombre trop important de migrants. Et le coup d’État raté contre Erdoğan, le 15 juillet 2016, est venu encore aggraver les choses. L’homme fort d’Ankara exige en effet le retour des centaines de militaires et d’opposants politiques turcs accueillis par la Grèce. Mais, au-delà des actes provocateurs de part et d’autre, il faut noter que les deux pays sont membres de l’Otan et que la Turquie est un partenaire économique primordial pour la Grèce (3e client, 9e fournisseur). Quant aux deux peuples, très proches culturellement, ils semblent entretenir des meilleures relations que jamais... en tout cas si l’on s’en tient au nombre croissant de touristes : les Grecs visitent les vestiges byzantins d’Istanbul/Constantinople et les Turcs profitent des plages de Chios ou de Chalcidique.

Un désintérêt pour les Balkans

La résolution du conflit de vingt-sept ans sur le nom de la Macédoine du Nord en 2018 ne doit pas faire oublier que la Grèce n’entretient que des rapports très distants avec ses trois voisins européens des Balkans. D’ailleurs, l’accord de Prespa signé avec Skopje, mal digéré par la majorité des Grecs, a coûté son poste de Premier ministre à Alexis Tsipras en 2019. Il faut dire que les Grecs connaissent mal leurs voisins, ne les visitant le plus souvent que pour faire du ski en Bulgarie, jouer au casino à la frontière de la Macédoine du Nord et… importer illégalement du cannabis d’Albanie. Quant aux échanges commerciaux (licites), ils demeurent faibles, y compris avec la Bulgarie, seul autre membre de l’UE dans la région. Pire, Athènes est toujours théoriquement en guerre avec Tirana depuis 1941. Le fait qu’aucun accord n’ait été signé pour mettre fin à cette absurdité démontre bien le désintérêt de la Grèce pour les Balkans. Depuis la fin des régimes socialistes en 1991, Athènes a en effet perdu de nombreuses occasions d’apparaître comme un « grand frère » auprès de ses voisins aux démocraties fragiles. Seule Thessalonique, ancien premier port des Balkans, a tenté de jouer ce rôle en nouant des relations d’amitié avec les ex-ennemis de la guerre froide. Mais ce fut une démarche marginale, entreprise par Yannis Boutaris, atypique maire de la deuxième ville de Grèce de 2011 à 2019. La nouvelle équipe d’élus et de businessmen qui gère la cité et son port semble avoir d’autres priorités. Un rapprochement n’apparaît désormais possible que grâce à des projets européens ambitieux, comme l’intégration de l’Albanie et de la Macédoine du Nord à l’U.E. Une telle initiative aurait l’avantage de désenclaver la Grèce, toujours isolée au sud-est de l’Europe.

La querelle des marbres du Parthénon

Cela peut paraître anecdotique au vu des graves problèmes que connaît la Grèce depuis 2009, mais la restitution des frises, frontons et métopes du temple athénien par le Royaume-Uni est une question de fierté nationale. Volés par Lord Elgin en 1801-1802, le pays réclame leur retour depuis 1832 et a toujours essuyé des refus de la part du British Museum qui détient 50 % des sculptures du monument grec le plus célèbre. Un conflit moins connu existe aussi avec le Louvre, qui possède trois fragments des métopes du temple. La Grèce a beau être l’un des pays les plus en pointe en matière de préservation du patrimoine antique, elle est victime de l’arrogance des anciennes puissances coloniales. Et malgré le lancement de travaux de restauration du Parthénon en 1977 et l’inauguration du somptueux musée de l’Acropole en 2009, les Britanniques affirment toujours que les marbres sont plus en sécurité chez eux. Il faut dire qu’ils constituent les pièces maîtresses du British Museum, contribuant à attirer les touristes à Londres. Dernière vexation en date, en 2023 : alors que le British Museum envisageait un « prêt à long terme » des marbres à la Grèce, le gouvernement britannique a démenti tout projet de restitution de ce trésor antique. «  Je ne pense pas qu’elles devraient retourner en Grèce », a déclaré la ministre de la Culture conservatrice, Michelle Donelan, en janvier 2023. « Elles appartiennent au Royaume-Uni, où nous avons pris soin d’elles depuis longtemps. » Affaire à suivre...

L’équation délicate de la démographie

Le pays doit faire face à la fois à une baisse de sa population et à un afflux de réfugiés. En théorie, l’arrivée de nouveaux habitants devrait permettre de pallier la baisse des naissances et l’exode des Grecs vers l’Allemagne. C’est d’ailleurs déjà plus ou moins le cas, avec des secteurs entiers fonctionnant grâce à la main-d’œuvre étrangère : agriculture, pêche, bâtiment, etc. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Depuis la crise de 2009, le thème de l’immigration a fait resurgir les vieux démons des dictatures d’extrême-droite avec le parti néo-nazi Aube dorée obtenant jusqu’à 10 % des voix. La question dépend aussi des immigrés eux-mêmes : veulent-ils rester en Grèce ? Pour les Albanais arrivés dans les années 1990, la réponse est « oui », et ils l’ont prouvé en se fondant rapidement dans la société. Mais pour les 10 000 réfugiés afghans, syriens ou somaliens qui débarquent chaque semaine en Grèce, c’est « non » dans 92 % des cas. S’ils restent et travaillent ici – dans des conditions souvent inhumaines – c’est parce qu’ils n’ont pas le choix, rêvant, eux aussi, d’Allemagne ou d’Amérique. Grâce au soutien des ONG, l’État tente à présent d’aider quelques familles de réfugiés à s’intégrer. Or, la Grèce doit à tout prix trouver un équilibre face à la bombe à retardement que constitue le financement des retraites. Alors que la population vieillit, les solutions doivent être rapides et multiples : non seulement intégrer de nouveaux habitants, mais aussi faire revenir les jeunes Grecs partis vers l’Europe du Nord.