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Une société solidaire

Dans les villages et les quartiers, mais surtout au sein des familles, c’est la solidarité qui a permis à la société grecque de tenir face à la crise de 2009 : le tonton qui vous trouve un travail, le voisin qui apporte à manger à la vieille dame du 5e étage, le cousin parti en Allemagne qui finance les travaux du restaurant familial, etc. Il est vrai que les liens sociaux ont aussi beaucoup souffert de cette même crise qui a fait grimper l’individualisme et exploser bien des structures traditionnelles. Mais la solidarité grecque est toujours palpable, comme à Lesbos, l’un des principaux points d’entrée des réfugiés en Grèce, où de nombreux îliens transportent et nourrissent gratuitement les nouveaux arrivants, et peu importe si c’est illégal.

La Philoxenia comme précepte

Ce terme signifie « amour des étrangers » et désigne un sens très poussé de l’hospitalité. Si c’est devenu un nom pour bien des hôtels, c’est surtout une tradition orientale qui perdure. Pas toujours dans les grandes villes ni dans les zones les plus touristiques, mais dès qu’on est à la campagne, on peut se retrouver invité pour le café ou le repas par de parfaits inconnus. Et cela est encore plus vrai si vous voyagez avec des enfants. Idem, au restaurant avec des amis grecs, où il vous sera très difficile de payer ou de partager la note. La philoxenia a aussi retrouvé ses lettres de noblesse avec ces familles prenant sous leur protection les réfugiés arrivés en nombre depuis 2015. Ce sens de l’hospitalité pas du tout calculé demeure un des atouts de la Grèce : même après près d’un siècle de tourisme de masse et de vagues d’immigration successives, les Grecs mettent encore souvent un point d’honneur à bien recevoir l’étranger.

La table au cœur des rapports sociaux

La Grèce et la France ont au moins une chose en commun : ce sont les deux nations où l’on passe le plus de temps à table. Les Français sont les champions du monde avec 2h13 en moyenne par jour, talonnés par les Grecs avec 2h11. Ici, le repas est l’occasion de commander/cuisiner beaucoup et de ne pas tout finir, de parler, de boire, d’être en famille ou avec des amis, parfois de faire du business ou de passer une soirée romantique. Bref, c’est une tradition bien ancrée. Mais on ne reçoit guère à la maison, on préfère inviter au restaurant. Le repas typique est convivial. Toutefois, sachez-le, ici tout le monde pioche en chœur dans les plats, salades et assortiments de mezzedes. Autre différence appréciable, dans les tavernes, hors des zones les plus touristiques, le dessert est généralement offert. Il ne faut pas le demander (c’est malpoli), mais il arrive après l’addition sous la forme de pastèque, de raisin ou d'une petite douceur.

L’importance de la famille

Les pedia (mot qui a notamment donné « pédiatre ») sont ici de petits rois. Car même s’ils en ont très peu (1,3 enfant par femme en moyenne), les Grecs sont fous des bambins. Les leurs, il les couvent, les couvrent de cadeaux ou de sucreries. Et même quand leurs rejetons sont devenus adultes, ils continuent de les gâter avec des petits plats préparés par maman ou un appartement acheté par papa. D’un côté, c’est très bien, puisque si vous voyagez avec des enfants, l’accueil sera partout plus chaleureux. D’un autre côté, c’est assez terrible car c’est désormais toute une génération de jeunes Grecs qui est pourrie gâtée… et victime d’un des taux d’obésité les plus élevés d’Europe. Autre aspect néfaste de cet amour encombrant : les parents veulent à tout prix que leur progéniture réussisse à l’école. Aussi, dès le primaire, beaucoup d’enfants se retrouvent assommés par des cours du soir – les redoutables frontistiria – pour lesquels les familles dépensent sans compter.

À la retraite, les Grecs restent souvent habiter près de leurs enfants afin de leur venir en aide avec leurs enfants à leur tour et les repas. S'ils en ont la possibilité et les moyens, ils retournent vers leur île ou leur région natale. Les retraités ne voyagent pas à travers l'Europe comme les Français mais préfèrent se tourner vers leur foyer et les tâches ménagères. Les hommes retrouvent leurs amis de toujours au kafenion du quartier pour jouer aux cartes, et partager un mezze tout en sirotant un ouzo. Le dimanche, la taverne réunit les familles et les amis autour d'une table. Lorsque la vieillesse s'installe, l'aïeul est à son tour pris en charge par ses enfants.

La toute-puissance du patriarcat

Outre le vénérable patriarcat œcuménique de Constantinople qui régit la vie religieuse des orthodoxes, les Grecs sont surtout soumis à un autre patriarcat, l’ordre social paternel. Toute sa vie, dans toutes ses procédures administratives, à la banque et pour créer une entreprise, le citoyen grec – homme ou femme – ne sera reconnu que par rapport à son père. Et il en va de même, bien sûr, pour l’épouse, presque inexistante d’un point de vue légal. C’est un des signes qui dit qu’ici, on est en Orient. Le père décide, le reste de la famille exécute. Comme dans tous les pays orientaux, il existe une autre lecture de cette répartition des rôles : les femmes tiennent les rênes, laissant aux hommes l’impression du pouvoir. N’empêche, ce sont bien les hommes (politiques) qui ont conduit le pays au chaos à plusieurs reprises, comme en 2009, par exemple. Les hommes encore qui se réunissent pour jouer au tavli (backgammon) au kafenion, café traditionnel où ne s’aventurent jamais les femmes. Mais le patriarcat se délite lentement avec la hausse du nombre d’enfants nés hors mariage, ou encore avec la création d’une union civile, en 2015, y compris pour les couples homosexuels.