Mikis Theodorakis © Alexandros Michailidis - Shutterstock.com.jpg
Bouzoukis © BDphoto - iStockphoto.com.jpg
Statue de Markos Vamavakaris sur l'île de Syros © Andronos Haris - Shutterstock.com.jpg
Danseurs folkloriques © Ververidis Vasilis - Shutterstock.com(1).jpg
Joueur de laouto traditionnelle © Michalakis Ppalis - Shutterstock.com.jpg

La musique classique

Existe-t-il une musique classique ou savante grecque ? Voilà la question qui a longtemps taraudé de nombreux experts et artistes locaux. Très schématiquement, la période ottomane en Grèce (entre les XVe et XIXe siècles) cantonne le pays à la musique byzantine ecclésiastique. Il faut attendre la création du Conservatoire d'Athènes en 1871, et surtout un homme, Manolis Kalomiris (1883-1962), pour envisager l’établissement d’une « école nationale grecque » en musique. Dans le même esprit qu’un Bartok en Hongrie, Kalomiris rêvait d’une musique nationale, basée sur les chants populaires. Considéré comme la figure de proue de la musique savante grecque du XXe siècle, il a surtout marqué celle-ci par la création d'institutions importantes (dont le Conservatoire national) plus que par ses compositions (redécouvertes après sa mort). Son héritier le plus direct est sans aucun doute Nikos Skalkottas (1904-1949). Figure révérée, cet élève de Schoenberg concrétise le rêve de Kalomiris avec les 36 Danses grecques où il marie folklore local et avant-garde musicale. À l’international, le nom le plus prestigieux dans le domaine musical est de loin Mikis Theodorakis (1925-2021). Célèbre auteur de la musique du film Zorba le Grec, on connaît moins ses cinq opéras, quatre ballets et sept symphonies traversés par une écriture puissante, pleine de démesure. Theodorakis fut aussi le chef de file du « Éntekhno », ce mouvement des années 1950 introduisant des mélodies et rythmes folkloriques grecs dans la musique orchestrale. Moins connu, plus contemporain, Thanos Mikroutsikos (né en 1947) demeure un grand nom de la musique atonale qui a grandement participé à la libération formelle de la musique grecque. Et il serait injuste de parler de musique classique grecque sans aborder les artistes Mitropoulos et Xenakis. Dimitris Mitropoulos (1896-1960), le Mahler du pays, fut un pianiste étonnant, une personnalité hors-norme et un chef d’orchestre exigeant. Plus contemporain, Yannis Xenakis (1922-2001) était quant à lui un grand musicien de recherche, célèbre pour ses travaux sur l’électroacoustique auxquels la musique actuelle doit énormément.

Pour écouter de la musique classique ou de l’opéra en Grèce continentale, le plus simple est de suivre la carrière de Mýron Michaïlídis. Grand chef d'orchestre grec, il a élevé vers l’excellence chaque lieu et ensemble dont il a eu la direction. Entre 2004 et 2011, Michaïlídis est directeur artistique général de l'Orchestre symphonique d'État de Thessalonique dont il a renouvelé la programmation et redoré le blason. Pour voir ce dernier, il faut se rendre au Thessaloniki Concert Hall, petit bijou d’architecture dominant la mer, réalisé par l’architecte japonais Arata Isozaki. Michaïlídis a ensuite été directeur artistique de l'Opéra national de Grèce à Athènes entre 2011 et 2017. Tour de force (pour ne pas dire de magie), en pleine crise grecque, il sauve l’institution de la banqueroute, renouvelle son public, sa programmation ainsi que sa réputation. On y voit des coproductions internationales avec de grands théâtres lyriques européens, des maîtres (Verdi, Wagner ou Puccini) impeccablement mis en scène ou des œuvres grecques contemporaines. C’est sous son impulsion que l’Opéra national a déménagé de l’Olympia, son théâtre historique du centre d'Athènes, vers la Fondation Stavros Niarchos, un centre des arts de la scène ultra-contemporain, dessiné par Renzo Piano. Autre nom à suivre : Byron Fidetzis. Ce chef d’orchestre a beaucoup travaillé autour du répertoire grec et le voir diriger l’Orchestre national d'Athènes ou l’Orchestre symphonique national de Thessalonique offre un panorama intéressant sur le répertoire local. Lieu emblématique d’Athènes, impossible aussi de ne pas citer le Megaron Moussikis, le « Palais de la Musique ». Complexe moderne, inauguré en 1991, il programme le meilleur de la musique classique et de l'opéra international. C’est dans ce joyau moderne à l’excellente acoustique que l’on voit les stars mondiales, la programmation est donc à surveiller de près. Et des stars mondiales justement, le pays en a vu naître quelques-unes. Côté solistes, citons le pianiste Dimitris Sgouros ou le violoniste virtuose que les orchestres s’arrachent, Leonidas Kavakos, sans oublier le très charismatique chef d’orchestre Teodor Currentzis, « l’enfant terrible du classique », réputé pour ses interprétations radicales. Et il y a bien entendu Maria Callas, « la Callas », soprano magnifique qui passionna les foules autant sur scène qu’en dehors. La diva demeure aussi célèbre pour l’intensité de ses interprétations, l’étendue de son registre, la tessiture de sa voix, que pour sa liaison tumultueuse avec l’armateur Aristote Onassis. Abandonnée pour Jackie Kennedy et ayant perdu sa voix, elle est morte isolée en 1977. Depuis, le mythe Callas ne cesse de vivre et le trentième anniversaire de sa mort en 2007 fit l’objet de grandes manifestations à Athènes.

Les musiques traditionnelles et populaires

Dès que l’on parle de musiques traditionnelles ou populaires en Grèce, viennent immédiatement en tête des images de « sirtaki » ou des échos de bouzouki, la mandoline grecque. Si ces deux aspects monopolisent l’imaginaire, un monde d’une profondeur fabuleuse se dissimule derrière. Carrefour de la Méditerranée, envahi à maintes reprises, l'histoire du pays est imprimée dans ses musiques traditionnelles et populaires. Cela s’entend dans la richesse de ses influences, à la fois slaves, turques, vénitiennes ou arabes. Si toutes les îles, par leur passé, connaissent des folklores propres, la Grèce dans son ensemble partage trois grands piliers musicaux : le dimotiko, le rebetiko et le laïko.

Le dimotiko, c’est le chant populaire grec le plus ancien. Il est communément divisé en deux mouvements, l'akritique, datant du IXe siècle, et le klephtique, courant durant toute l'occupation ottomane, de la fin de la période byzantine au début de la Révolution grecque de 1821. Ce dernier style est particulièrement intéressant d’un point de vue documentaire car il relate une part importante et sombre de l’histoire grecque (via des histoires d'amour, d’exil, de liberté, de mort...). Le dimotiko est aussi l’occasion d’entendre tous les instruments typiques de la musique folklorique : la gaida (cornemuse),  la lira, le laouto (le luth grec), le tambouras (un autre luth grec), le daouli (tambour)…

Le rebetiko. Mais le genre grec emblématique par excellence, d’ailleurs classé patrimoine culturel immatériel de l’humanité, c’est le rebetiko. C’est par lui que la musique populaire a pris son essor, au début des années 1960. Ce « blues grec », chant des déracinés, des exclus, des marginaux, est né dans les cafés souterrains du quartier du Pirée à Athènes ainsi qu’à Thessalonique, dans les années 1920. Il raconte le quotidien fait de pauvreté, de douleur, de faim ou de toxicomanie des « Micrasiates », ces réfugiés grecs expulsés d’Asie Mineure en 1922. Une très belle musique gorgée de spleen qui a connu son heure de gloire entre les mains de Vassilis Tsitsanis, Markos Vamvakaris ou Marika Ninou. Écouter du rebetiko est un rituel, un incontournable du voyage en Grèce. Pour en trouver, direction le vibrant quartier d’Exarchia à Athènes. Ici, trois excellentes adresses ne déçoivent jamais : Aggelos restaurant caché à l’étage d’un vieux bâtiment, avec du bon rebetiko (et parfois quelques voix connues du genre), le pétillant Trichordo et son groupe maison, ou Kavouras, une charmante gargote conviant de très bons artistes locaux. Autrement, le brut et sombre Hamam de Petralona est considéré comme une des meilleures scènes rebetika en ville.

Le laïko est apparu plus récemment. Signifiant « populaire », le mot désigne un style de musique pop, descendant du rebetiko, apparu dans les années 1950 et 1960. Il a évolué avec le temps et qualifie désormais la pop moderne grecque dans son ensemble (il peut même s’entendre comme synonyme de « mainstream »). Véritable variété locale, le laïko a porté deux stars dans les années 1960 : Stelios Kazantzidis et Manolis Angelopoulos. Parmi les grands noms de la musique grecque contemporaine, son plus illustre ambassadeur fut Manos Hatzidakis (1925-1994). Célèbre compositeur des Enfants du Pirée, il est aussi le découvreur de Nana Mouskouri et a fait voyager le rebetiko. Il est, avec Melina Mercouri, de ces artistes qui ont donné une dimension internationale aux airs grecs. Depuis les années 1980, les grands noms de la musique populaire grecque sont Dionysis Savvopoulos, Charis Alexiou, Nikos Papazoglou, Giorgos Dalaras ou le rockeur Vassilis Papakonstandinou. Pour goûter à toutes les musiques populaires grecques, comme le laïko, Pontiki est un incontournable à Kypseli. Sinon le Melodeion, à Lavrion, centre culturel dédié à la musique grecque – qu’elle soit populaire, rock ou contemporaine – est également une excellente adresse.

Le jazz

Sans pour autant parler de « renouveau jazz », la Grèce a porté ces dernières années quelques noms très remarqués sur la scène internationale. Parmi les plus importants, on peut noter le contrebassiste Petros Klampanis, le grand vibraphoniste Christos Rafalides ou Vassilis Tsabropoulos, passionnant pianiste, aussi très actif dans le classique contemporain. En Grèce, il n’y a pas de traditions jazz et le folklore local ne s’y est jamais vraiment marié (comme en Hongrie par exemple). Mais comme partout le genre a ici de nombreux adeptes. Ainsi, chaque année depuis 2001, la capitale accueille le Athens Technopolis Jazz Festival, évènement porté sur les nouvelles formes de jazz et les nouvelles scènes mondiales. Toujours gratuit, ce rendez-vous très prisé se tient à Technopolis, une ancienne usine à gaz reconvertie en musée et centre culturel. Autrement, les amateurs de jazz adoreront The Zoo, bar un poil excentré qui mérite le détour pour son ambiance, Half Note, plus vieux jazz club de la ville et point de chute des gros groupes de passage en ville, ou encore le Spiti Art bar, un incontournable avec de bons groupes et un très joli cadre.

Les musiques actuelles

Après plus d’une décennie de crise et de politique d’austérité, les difficultés à maintenir un projet artistique à flot dans le pays sont innombrables. Et pourtant, beaucoup d’artistes ont fait le choix de ne pas s’expatrier. Parmi ceux qui alimentent la scène locale et tout en cultivant une reconnaissance internationale, on peut citer Dimitris Papadatos (connu comme Jay Glass Dubs), Panagiotis Melidis (aka Larry Gus) et surtout le duo Keep Shelly In Athens. Trois entités connues à l’étranger, trois projets de musique électronique. Et ce n’est sans doute pas dû au hasard. Le pays a regorgé d’artistes visionnaires dans le domaine par le passé comme Vangelis (compositeur de la B.O. de Blade Runner) dans les années 1980 ou Léna Plátonos, une pionnière et fierté locale. L’importance de la musique électronique dans la jeune création actuelle peut aussi s’expliquer de deux manières. La première est que le genre est quasi systématiquement instrumental. Sans parole, il transcende la barrière de la langue et s’exporte très facilement. Et puis la musique électronique est souvent une bande-son de la vie nocturne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Athènes et Thessalonique sont particulièrement vivantes la nuit. Dans la capitale, c’est bien simple, on n’a que l’embarras du choix. Un des lieux les plus prisés de la scène artistique locale (et du public) est Six D.O.G.S. Niché dans le quartier de Monastiraki, l’endroit propose des évènements quasiment tous les soirs et parvient à réunir la crème de l’électronique locale et internationale avec une petite inclination pour l’avant-garde. Unique en ville. Un autre incontournable des nuits blanches athéniennes, c’est Booze Cooperativa. Décoré comme nul autre avec ses longues tables en bois, ses bancs, ses expos photo et son atmosphère néo-indus, Booze détonne dans le paysage local. Arty et LGBT-friendly, même dans sa programmation (par ailleurs très vaste : électro, pop, hip-hop, etc.). Lui aussi singulier, lui aussi néo-industriel, lui aussi adoré des Athéniens : le Romantso. Cette ancienne imprimerie reconvertie en espace de coworking, bar et club compose une programmation exigeante faite de talents locaux. Une bonne adresse pour goûter au meilleur de la création locale. La programmation la plus pointue de la scène locale revient haut la main au bien-nommé Temple. Situé à deux pas de Technopolis dans Gazi, l’endroit compose des nuits comme on ne pensait en voir qu’à Berlin.

À noter que la capitale jouit aussi d’une très belle scène rock (particulièrement « stoner rock »). On en écoute au Kyttaro, un centre névralgique pour le genre depuis 1970 situé vers Exarchia ainsi qu’au Gagarin 205.

Enfin, n’oublions pas qu’il fut un temps où l’on venait d’Athènes pour profiter des nuits de Thessalonique. Hideuse et froide pour certains, la ville se dévoile la nuit sous un nouveau jour : festive, décontractée, jeune, métissée. Désormais, si la vie nocturne bat toujours son plein, la qualité des événements proposés n’égale pas ceux d’Athènes.

La danse

Fait amusant, le sirtaki n’est pas une danse traditionnelle, mais elle est l’est devenue avec le temps. Créée en 1964 par Jean Vassilis (sur une musique de Théodorakis) pour le film Zorba le Grec de Michel Cacoyannis, elle s’inspire néanmoins d’une danse traditionnelle, le hasápikos (ou hasaposerviko) de Constantinople mais n’existait pas à proprement parler avant ça. La danse traditionnelle la plus célèbre du pays n’est donc pas « traditionnelle ». Et pourtant des danses folkloriques, en Grèce, il y a en a énormément – on en dénombrerait même 10 000 différentes sur tout le territoire. Et si elles sont le reflet des spécificités régionales, elles partagent un socle commun. Par exemple, à l’instar du syrtos, de nombreuses danses sont exécutées en rond. En effet, à l’origine, en formant un cercle, les danseurs entendaient se protéger des influences néfastes. Parmi les danses régionales remarquables, dans le Péloponnèse on trouve le tsakonikos, reconnaissable par sa ronde qui s’achève en formation labyrinthique. En Thessalie, on voit des karagouna aux costumes fabuleux. Dans l’Épire, on danse le tsamiko, entre hommes seulement et en se tenant la main à hauteur d’épaule. Et en Macédoine, il n’est pas rare d’assister à une anastenaria, rituel de la marche sur le feu accompagné de chants et de danses.

L’histoire de la danse classique en Grèce est incarnée par une figure majeure : Tatiana Mamaki. Elle fut chorégraphe de l’Opéra national, fonda l’École de ballet d’Athènes et permit à la danse grecque de rayonner hors de ses frontières. Aujourd’hui, le Ballet national grec est entre les bonnes mains de Konstantinos Rigos. Directeur de l’institution depuis 2018, il entreprend de donner une lecture grecque contemporaine à de grands classiques (Le Lac des cygnes) tout en valorisant des piliers du patrimoine local comme Hatzidakis. Côté danse contemporaine, le pays jouit de quelques chorégraphes adorés à l’international et réputés pour l’intensité et l’ingéniosité de leur proposition, comme Dimitris Papaioannou ou Toúla Limnaios. Pour savourer la danse contemporaine locale, le mieux est de se rendre à la Fondation Onassis d’Athènes. Gigantesque complexe de 18 000 m2 entièrement dédié à l’art (danse, théâtre et arts plastiques), aux tarifs particulièrement accessibles, l’endroit s’est imposé à un moment où la capitale manquait cruellement de salles de spectacle d’envergure.

Le théâtre

Si l’on cherche le berceau du théâtre occidental, on atterrit forcément en Grèce. D’Eschyle, père de la tragédie, à Sophocle et ses dilemmes moraux en passant par Euripide, qui a bouleversé l’écriture du récit héroïque, le théâtre moderne doit énormément à la Grèce antique. Eclipsé par l’importance de son aïeul, le théâtre grec contemporain est moins remarqué mais certainement pas moins remarquable. Des dramaturges comme Iákovos Kambanéllis, Dimítris Dimitriádis (jadis mis en scène en France par Patrice Chéreau), Níkos Kazantzákis (auteur du roman qui a inspiré Zorba le Grec), Yánnis Mavritsákis (joué en France à l'initiative d'Olivier Py) ou encore Lèna Kitsopoùlou portent l’écriture grecque dans ce qu’elle a de plus diverse et vivante sur la scène internationale. Et si la crise de 2008 et ses coupes budgétaires ont laissé supposer une baisse d’activité ou de qualité, le théâtre grec contemporain s’est, à l’inverse, redynamisé, porté par une nouvelle génération d’acteurs et de metteurs en scène surprenants et audacieux.

Une des meilleures adresses du pays reste le Théâtre National de la Grèce. Fondé en 1930, il visait à l’époque la promotion de la culture grecque à travers des productions de théâtre grec ancien. Sous l’impulsion de son actuel directeur artistique Dimitris Lignadis, l’endroit se tourne désormais aussi vers la dramaturgie moderne et le théâtre expérimental. Autre très bel endroit en ville, le Théâtre Poreia propose des mises en scène actuelles et efficaces de textes qu’ils sont toujours les premiers à jouer. Et, comme pour la danse contemporaine, la Fondation Onassis est un point d’ancrage important du théâtre contemporain grec. Le succès est inébranlable, les représentations ont souvent lieu à guichets fermés. Mais l’épicentre du théâtre en Grèce demeure le Festival d’Athènes et d’Epidaure. Dirigé par Yorgos Loukos, il est un des plus denses et beaux festivals de théâtre européens et sa programmation propose d’excellents textes et auteurs. Les représentations se déroulent dans les lieux les plus prestigieux de la capitale, dont l'Odéon d'Hérode Atticus sur la silhouette illuminée de l’Acropole. Il est bon de se renseigner car assister à une pièce antique ou à un ballet contemporain sur ces gradins de marbre plurimillénaires est une expérience tout simplement unique.