Synagogue à Bucarest © Ungvari Attila - shutterstock.com.jpg
Cathédrale patriarcale de Bucarest © Olena Z - shutterstock.com.jpg
Amulettes porte-bonheur pour la fête des  Mărțișor  © Gabriela Beres - shutterstock.com.jpg

Une orthodoxie dominante

Les orthodoxes sont très majoritaires : ils représentent 86,45 % de la population, selon le dernier recensement de 2011. L’Église orthodoxe roumaine est la deuxième du monde orthodoxe, après l’Église russe. Reconnue comme autocéphale (indépendante) depuis 1885, elle a été élevée au rang de patriarcat en 1925. Les Roumains sont le seul peuple latin de confession orthodoxe et, selon la légende, l’un des plus vieux peuples chrétiens, évangélisés à partir du Ier siècle par l’apôtre André. La Constitution de 1991 garantit la liberté religieuse et ne proclame aucune religion d’État. Mais dans les faits, l’Église orthodoxe et l’État sont intimement liés : ainsi, les hommes politiques s’affichent volontiers dans les cérémonies religieuses et le patriarche bénit le président, lors de son investiture. De nombreuses salles de classe affichent un crucifix ou une icône, même si depuis 2015, l’inscription aux cours de religion, très souvent apparentés à du catéchisme orthodoxe, n’est plus automatique. L’Église orthodoxe jouit d’un prestige important dans la société : selon les sondages, c’est l’institution dans laquelle les Roumains ont le plus confiance, après l’armée. Elle fait volontiers entendre sa voix dans les débats de société, comme à l’occasion du référendum autour du mariage homosexuel (qui s’est toutefois soldé par un échec, seuls 20 % des électeurs s’étant déplacés aux urnes). Autre signe de son ambition : fin 2018, la gigantesque cathédrale du Salut de la nation roumaine, la plus grande du monde orthodoxe, a été inaugurée derrière le palais du Parlement. Financé en grande partie par des deniers publics, ce projet faramineux, encore inachevé, fait toutefois grincer beaucoup de dents.

Une mosaïque de confessions

À l’image de sa diversité ethnique, la Roumanie recense une grande variété de religions : dix-huit cultes sont reconnus et soutenus financièrement par l’État. Selon le recensement de 2011, les catholiques (roumains ou hongrois) représentent 4,6 % de la population. La majorité se trouve en Transylvanie, ainsi qu’en Moldavie. Les protestants, eux, constituent au total près de 7 % de la population. Ils sont principalement issus de la minorité hongroise, divisée entre calvinistes et unitariens, et de la petite minorité saxonne (luthériens, 0,1 %). Mais les cultes néoprotestants, évangéliques, pentecôtistes, baptistes et autres adventistes du septième jour ont connu un développement assez marqué depuis 1989. Représentant près de 2 % de la population, les pentecôtistes constituent même la quatrième communauté religieuse du pays. Il existe également des gréco-catholiques (0,8 %), des musulmans (0,3 %) et des juifs (0,1 %). Les gréco-catholiques sont nombreux dans le nord et l’ouest. Cette Église, née après l’intégration de la Transylvanie à la monarchie (catholique) des Habsbourg, à la fin du XVIIe siècle, est unie à Rome, mais continue de suivre le rite oriental. Également appelée Église uniate, elle était la deuxième confession du pays, mais, déclarée illégale en 1948, elle a fait l’objet d’une répression féroce. Aujourd’hui encore, elle peine à récupérer les biens qui lui ont été confisqués sous le communisme. Les musulmans, en majorité issus des minorités turques et tatares, se concentrent en Dobrogea et à Bucarest. Ils pratiquent un islam sunnite. La population juive, qui s’élevait à 750 000 personnes en 1930, ne comptait plus que quelque 3 000 membres en 2011, principalement à Bucarest.

Le revival de l’après-Ceauşescu

Sous le régime communiste, toute religion était théoriquement interdite. Dans les faits, même les apparatchiks passaient à l’église pour les baptêmes, mariages et enterrements. L’Église orthodoxe a elle-même joué un rôle trouble, encore tabou, pendant la dictature, taxée de complaisance, voire de complicité avec le régime. Ce qui n’a pas empêché Ceaușescu de raser une vingtaine d’églises à Bucarest, dans les années 1980. Plusieurs autres ont même été déplacées, camouflées dans des impasses ou étouffées entre deux immeubles. Après la Révolution, les religions ont connu un regain de ferveur. Beaucoup d’édifices ont été rénovés, les nouvelles constructions ont fleuri : sur les quelque 27 000 lieux de culte que compte le pays, un tiers date d’après 1989.

La religion au quotidien

La religion fait partie intégrante de la vie des Roumains. Le baptême et le mariage sont des étapes quasi incontournables : ne pas être baptisé est extrêmement rare, tout comme le sont les mariages civils. De nombreuses fêtes religieuses marquent l’année et les multiples périodes de jeûnes (post) sont encore assez suivies, notamment chez les personnes âgées. Les plus importantes se situent avant Pâques, Noël et la Sainte-Marie. Tous les produits d’origine animale (viande, lait, œufs…) sont alors proscrits. Il n’est pas rare, non plus, de voir les gens se signer en passant devant une église. Toutefois, les fidèles ne sont pas si nombreux à se rendre régulièrement à la messe. Si la foi est vive dans certains milieux, la religiosité roumaine semble surtout liée à l’identité et à l’attachement aux traditions.

Une année rythmée par les fêtes

Un grand nombre de célébrations rythment l’année roumaine. Pour la plupart religieuses, elles sont souvent associées aux cycles de la nature, au calendrier rural et à des rites très anciens, dont le caractère païen s’exprime encore avec vivacité.

Noël et nouvel an. Si Pâques est la célébration la plus importante du calendrier orthodoxe, les fêtes de fin d’année font aussi l’objet de riches traditions, mêlant rituels religieux et ancestraux. Il s’en dégage une ambiance magique. Pendant toute la période de Noël (Crăciun), jusqu’au nouvel an (Anul nou), les enfants vont de maison en maison pour chanter des cantiques traditionnels, appelés colinde. Ils peuvent être réalisés en costumes, accompagnés d’instruments ou de chorégraphies. Les colindători sont récompensés par de l’argent, des noix ou des colaci (brioches traditionnelles). La tradition du colindat a été inscrite en 2013 au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. À la campagne, des rituels très anciens subsistent, pour le passage à la nouvelle année. Se confondant parfois avec le colindat, ils visent à chasser les mauvais esprits ou à invoquer de bonnes récoltes. Les enfants font la tournée des maisons munis d’une minicharrue (plugușorul) ou de la sorcova, une baguette ornée de fleurs artificielles, en prodiguant des vœux de santé et de prospérité aux habitants. Dans certaines zones, notamment le Maramureș et la Bucovine, des processions masquées et costumées arpentent encore les villages, en chantant et en dansant. Ils comptent dans leurs rangs des hommes déguisés en chèvre (symbole de fertilité), en ours (symbole de renaissance) ou en cheval (symbole du soleil). En Bucovine, on y trouve aussi d’autres figures du village comme les anciens, l’ivrogne ou les bourgeois, gentiment moqués à cette occasion. À Comănești, en Moldavie, les habitants revêtent même de véritables peaux d’ours. Comme partout en Europe, le père Noël (Moș Crăciun) apporte aussi des cadeaux aux enfants roumains, le soir du 24 décembre. Cela n’a pas toujours été le cas : sous le communisme, le mot Crăciun, jugé trop religieux, fut banni du vocabulaire et le père Noël rebaptisé Moș Gerilă (père Gel). Le repas est composé de plats à base de porc : sarmale, piftie, etc. À la campagne, la tradition veut en effet qu’on égorge un cochon pour Noël. On mange aussi le cozonac, sorte de brioche garnie. Les plus pratiquants vont à la messe de minuit. La nouvelle année est célébrée durant la nuit du 31 décembre au 1er janvier, dans tout le pays. On boit beaucoup, on se rassemble sur les grandes places des villes malgré le froid et chacun tire de petits feux d’artifice depuis sa cour ou le toit de son immeuble. Le ciel de Bucarest s’enflamme alors de milliers d’étincelles colorées.

Fêter les saints. Plusieurs saints (sfânți) importants sont fêtés au cours de l’année. Ces jours-là, on félicite aussi les personnes qui portent le prénom de l’un de ces saints et on leur offre des cadeaux. Le 23 avril, la Saint-Georges (sfânt Gheorghe) marque le début de l’été pastoral. C’est à partir de ce jour que les bergers emmènent les troupeaux dans la montagne. Pour chasser les mauvais esprits, les empêcher de voler le lait ou de rendre les animaux malades, on accroche des rameaux sur les portes et les fenêtres des maisons et des étables. Le 21 mai, on fête Constantin et Elena, les saints empereurs de Constantinople. Ce jour-là, il ne faut pas travailler la terre : on dit que ceux qui vont aux champs connaîtront une invasion d’oiseaux nuisibles. La fête qui coïncide avec la naissance de saint Jean-Baptiste, le 24 juin, est appelée Sanziene ou Drăgaica. Liée au solstice d’été, elle a des accents païens et des racines très anciennes. Elle célèbre l’explosion de la nature, la fécondité. Dans la nuit du 23 au 24, on allume de grands feux pour chasser les mauvais esprits. On dit que le ciel s’ouvre et entre en contact avec le monde terrestre. Les Sanziene, considérées comme de bonnes fées des champs, chantent et dansent. C’est le meilleur moment pour cueillir les plantes médicinales, aux pouvoirs décuplés par les Sanziene. La Saint-Élie (Ilie), le 20 juillet, sonne le milieu de l’été pastoral. Autour de cette date sont organisées des foires traditionnelles. C’était autrefois l’occasion de faire des affaires et des rencontres, voire de trouver l’âme sœur et de conclure un mariage. Le 26 octobre, saint Dimitri (Dumitru), patron des bergers, apporte l’hiver. Les moutons doivent être rentrés de la montagne, à cette date. Dans la nuit du 25 au 26, des feux sont allumés dans certaines localités, comme à Mățău, où se trouve la plus haute colline du pays. Un rituel, là encore, très ancien. Le 30 novembre, on fête André (Andrei), patron de la Roumanie. La nuit du 29 au 30 est réputée magique. Les jeunes filles peuvent voir en rêve leur futur époux. Mais les revenants rôdent aussi : pour s’en protéger, on accroche de l’ail aux fenêtres.

Mărțișor et Dragobete. Voilà deux traditions qui n’ont pas de connotation religieuse. La fête des Mărțișor, le 1er mars, marque l’arrivée du printemps. Elle est très populaire : ce jour-là, tout le monde s’offre des sortes d’amulettes porte-bonheur, ornées de deux fils tressés : l’un rouge, l’autre blanc, symbolisant l’hiver et le printemps. De nombreux étals de babioles fleurissent sur les trottoirs à cette occasion. Célébré le 24 février, Dragobete est l’équivalent local de la Saint-Valentin, patron de l’amour. Autrefois, les jeunes filles et garçons passaient cette journée ensemble, moment propice à la formation des couples. Tombée en désuétude, cette fête connaît un regain de popularité ces dernières années.