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La beauté magnétique des monastères peints

Chefs-d’œuvre de peinture murale, les monastères peints de Bucovine ont de quoi envoûter. Nichés au creux de douces et vertes collines, cernées par d’épaisses forêts, ils sont enveloppés d’une atmosphère mystique, propice à leur contemplation. Les fresques colorées qui recouvrent les murs extérieurs de ces églises sont uniques en Roumanie, et même en Europe. Étonnamment bien conservées, elles émanent d’un phénomène artistique singulier, qui s’est épanoui dans la région pendant quelques décennies, au cours du XVIe siècle. Ces monastères et leurs églises ont été érigés, pour beaucoup, pendant le règne exceptionnellement long de Ștefan cel Mare (1457-1504). La légende dit que le voïvode en fit construire une quarantaine, pour chacune des victoires emportées sur les Turcs. Les historiens lui en attribuent plutôt une vingtaine. D’autres ont été fondés par de riches boyards et autres personnalités de l’époque, qui les utiliseront comme nécropoles familiales. Le fils de Ștefan cel Mare, le prince érudit Petru Rareș (1527-1538 et 1541-1546), a poursuivi l’œuvre paternelle, bâtissant à son tour plusieurs édifices religieux et initiant le cycle des fresques. Rescapés de cet âge d’or moldave, huit de ces monastères sont classés par l’Unesco : Arbore, Humor, Moldovița, Pătrăuți, Probota, Voroneț, Sucevița et Saint-Jean-le-Nouveau à Suceava. Leur architecture mêle héritage byzantin (plan trilobé) et influences gothiques (contreforts). Outre l’ambition artistique, les fresques, qui recouvrent également les murs intérieurs, étaient destinées à enseigner la Bible aux paysans illettrés et à entretenir leur foi, à une période où les Ottomans menaçaient la Moldavie et où progressait la Réforme protestante. Véritables bandes dessinées religieuses, elles retracent des scènes bibliques : le Jugement dernier, l’arbre de Jessé, l’échelle du Paradis, etc. Exécutées dans un style byzantin, elles incluent aussi de nombreuses références populaires locales : ainsi, la venue du Christ est annoncée avec un bucium, cet instrument utilisé par les bergers du coin pour rassembler les moutons. On y reconnaît par endroits les paysages environnants, des motifs folkloriques… Certaines peintures extérieures ont subi les outrages du temps. Mais la plupart ont été remarquablement conservées. Les couleurs surprennent par leur vivacité : le bleu intense de Voronet, le rouge et le doré d’Humor, le vert d’Arbore… D’ailleurs, leur technique de fabrication n’a pas encore été totalement élucidée. Les monastères peints sont généralement ouverts de 9h à 18h, tous les jours. Le droit d’entrée tourne autour de 1 €. Ils se visitent idéalement en voiture. De nombreuses agences locales proposent également des circuits à la journée. Certains sont accessibles en transports en commun, depuis Suceava, Vama ou Gura Humorului. Des chemins de randonnée relient certains d’entre eux, notamment entre Sucevița et Moldovița.

Les églises en bois, chefs-d’œuvre paysans

Elles sont l’emblème du Maramureș, dont elles ont fait la renommée. Les églises en bois (biserici din lemn) étonnent et impressionnent, par leur humble beauté, leur silhouette élancée et leur résistance au temps. Ces monuments d’architecture traditionnelle sont l’expression de la spiritualité paysanne et du génie artisanal populaire. Civilisation du bois, le Maramureș a cultivé un savoir-faire transmis de génération en génération, dont les églises en bois sont la manifestation la plus spectaculaire. Chaque village en compte au moins une, ancienne ou récente. Huit de ces édifices, considérés comme particulièrement exceptionnels et représentatifs, ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Ils sont situés à Poienile Izei, Rogoz, Plopiș, Ieud, Budești, Desești, Bârsana et Șurdești. Beaucoup d’autres méritent la visite : citons par exemple les églises en bois de Botiza, Breb ou encore Călinești, ou bien celles, modernes, des monastères de Bârsana et de Săpânța.

Érigées aux XVIIe et XVIIIe siècles, souvent à la place d’églises plus anciennes détruites lors de la dernière grande invasion tatare de 1717, leur architecture aux proportions harmonieuses combine les styles : leur plan suit la tradition byzantine, tandis que les hautes tours-clochers témoignent d’une influence gothique. La plus impressionnante est celle de Șurdești, qui atteint 54 m. Ces flèches, dressées sur une base étroite, contribuent pour beaucoup à la silhouette caractéristique de ces « cathédrales de bois », comme elles sont surnommées. Leur aspect monumental est accentué par leur emplacement, souvent plantées au sommet d’une colline et entourées de beaux cimetières. Construites selon des méthodes traditionnelles, sur le principe de l’empilement des poutres, elles sont parfois dotées d’une galerie extérieure (appelée privdor). Les toits, simples ou doubles, sont faits de bardeaux de bois. À l’extérieur, les murs, les encadrements des ouvertures ou encore les balustrades sont sculptés d’ornements : cordes tressées, motifs végétaux, etc. L’intérieur, lui, est couvert de peintures murales, réalisées dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe, une période d’effervescence artistique, pendant laquelle des maîtres locaux, issus du milieu paysan, ont parcouru la région pour peindre murs, iconostases et icônes. Les deux plus célèbres sont Alexandru Ponehalschi et Radu Munteanu. Leur style suit la tradition post-byzantine, réinterprétée dans un genre naïf. Au XIXe siècle, l’influence baroque et rococo, venue d’Europe occidentale, se fait également ressentir (à Bârsana et Șurdești, par exemple). Les thèmes sont ceux de la tradition orthodoxe, au premier rang desquels le Jugement dernier, mais les références populaires sont nombreuses : on reconnaît çà et là des costumes, des motifs folkloriques, des paysages du Maramureș, des scènes de la vie villageoise de l’époque… Parmi les peintures les mieux conservées, mentionnons celles de l’église de Desești, où ont officié tant Ponehalschi que Munteanu. Devenues pour certaines trop étroites pour la communauté du village, elles ont été remplacées, pour le culte, par de nouvelles constructions, parfois en bois elles aussi. D’autres accueillent encore les paroissiens, revêtus de leur costume traditionnel, les dimanches et les jours de fête.