Village de Rimetea © CalinStan - iStockphoto.com.jpg

Au quotidien

Pour les salariés, le temps de travail est fixé à quarante herues par semaine. À l’école, la journée dure quatre à cinq heures pour les élèves de primaire, six à sept pour les collégiens et les lycéens. Dans bon nombre d’écoles, la place manque et il faut se partager les locaux : les uns ont cours le matin, les autres l’après-midi. Il n’y a pas d’heures fixes pour les repas. D’ailleurs, les restaurants sont souvent ouverts en continu, du matin au soir. Le déjeuner peut être rapide et léger : les citadins vont volontiers au kiosque du coin, acheter un covrig (des sortes de bretzels) ou un pateu (feuilleté salé). Le week-end, les Roumains des villes aiment se promener au parc ou dans les centres commerciaux. Aux beaux jours, les barbecues (grătar) en pleine nature sont très populaires. Le dimanche, de nombreux Roumains partent s’installer pour la journée au bord d’un lac, dans une vallée ou tout autre coin de verdure : on grille des saucisses (mici) et on boit de la bière, en écoutant de la musique et en bavardant. Un mot est même apparu pour parler des adeptes de cette pratique devenue phénomène de société : on les appelle les grătariști. Quant aux vacances, elles se passent le plus souvent au bord de la mer Noire, un réflexe qui subsiste de la période communiste, qui a donné naissance à de grandes stations balnéaires. À l’époque, chacune était dédiée à un public spécifique : Costinești pour les étudiants, Neptun pour les cadres du parti… La jeunesse actuelle préfère Vama Veche, tout au sud, haut lieu de la fête. De plus en plus de Roumains voyagent à l’étranger, notamment pour rendre visite à leurs proches.

Passages obligés à l’église

Pour les Roumains, très croyants et orthodoxes à 86 %, le baptême (botez) est quasi systématique. La cérémonie se déroule en général quelques semaines après la naissance. L’enfant, nu, est entièrement plongé dans l’eau bénite par le pope. Le mariage (căsătorie ou nuntă) est un événement social très important. On invite beaucoup de monde et on dépense beaucoup d’argent, pour organiser une grande fête. La cérémonie civile, à la mairie, est vite expédiée. L’office religieux est bien plus long : le prêtre lit des prières et des passages de la Bible. Puis il place des couronnes sur la tête des époux, bénissant ainsi leur mariage. Le couple fait trois fois le tour de l’autel, symbole d’éternité, et embrasse l’iconostase. Le banquet, très copieux, s’étire sur toute la nuit et s’accompagne de musique, encore souvent jouée par des lăutari, joueurs de musique traditionnelle. Pendant le repas, on sacrifie à une tradition qui n’a, elle, rien de religieux : on « kidnappe » la mariée, parfois emmenée dans un bar ou une boîte, et l’on demande une rançon à son époux (de l’alcool ou de l’argent). Les rites funéraires sont nombreux. Durant les trois jours suivant le décès, le défunt repose à son domicile, pour que parents et amis viennent se recueillir. Lors de l’enterrement (înmormântare), le cercueil traverse tout le village pour être porté à l’église, puis au cimetière. Après l’enterrement, on organise une pomană, repas où l’on sert des plats simples comme le riz pilaf à la poule et le colivă, une préparation traditionnelle à base de blé bouilli. Plusieurs autres pomeni sont organisées par la suite, en mémoire du mort : quarante-cinq jours et six mois après l’enterrement, puis tous les ans pendant sept ans.

Une société traditionnelle qui change

Les Roumains restent attachés à un modèle familial traditionnel. C’est l’un des pays d’Europe où l’on se marie le plus et où l’on divorce le moins. Les familles monoparentales sont rares. Cependant, les choses changent, le concubinage se développe et les jeunes se marient de plus en plus tard. Le modèle patriarcal prime encore. Les tâches domestiques sont très largement dévolues aux femmes, beaucoup moins bien représentées que les hommes en politique et dans les hautes sphères économiques. Quant à l’homosexualité, elle n’a été dépénalisée qu’en 2001 et l’homophobie reste encore répandue. La situation des LGBTQ s’est toutefois améliorée ces dernières années.

L’âme des villages

Malgré l’urbanisation forcée sous le communisme et l’exode rural, le village (sat) reste l’âme de la société et de la culture populaire roumaines. Environ 47 % de la population vit en dehors des villes, un taux énorme comparé à l’Europe de l’Ouest. On assiste même, depuis quelques années, à un retour vers les villages. Des citadins, lassés des conditions de vie en ville ou chassés par le chômage, se replient vers les campagnes où, au moins, on peut cultiver un lopin de terre pour sa propre consommation. De nombreux habitants des villes entretiennent encore des liens forts avec leur village d’origine. On s’y rend pour les fêtes, pour les vacances, pour pique-niquer. Chaque maison constitue un petit monde autosuffisant : chacun cultive ses légumes et un peu de céréales, élève quelques bêtes, distille sa țuica, fait son foin… Les meules, les charrettes, les animaux en liberté, les villageois qui discutent sur un banc ou qui revêtent leur costume traditionnel le dimanche : ces images d’Épinal charment les visiteurs, qui trouveront aussi à la campagne un fort sens de l’hospitalité. Mais nombre de villages restent encore à l’écart du réseau routier, ou sans chaussée goudronnée. Ils n’ont parfois pas d’eau courante ni d’égouts. Le puits à l’entrée de la maison ou les toilettes au fond du jardin sont encore une réalité. Des milliers de foyers ne sont toujours pas raccordés à l’électricité.

En ville, la vie en bloc

Sous le communisme, les grandes barres d’immeubles en béton ont poussé comme des champignons dans toutes les villes, et même parfois en campagne. Aujourd’hui, ces blocs, comme on les appelle, abritent toujours une grande partie de la population urbaine. Viața la bloc est d’ailleurs devenu une expression courante. C’est aussi le titre d’un tube des années 1990, qui décrit le quotidien dans ces immeubles : l’ascenseur en panne, les cafards dans la cuisine, les coupures d’eau chaude ou les radiateurs qui ne fonctionnent pas… À l’intérieur, les appartements sont souvent petits, mal insonorisés. Les blocs sont plus ou moins agréables, selon qu’ils ont été rafraîchis ou pas. À Bucarest, ils forment souvent des quartiers vivants, entourés de commerces, agrémentés de grands arbres et d’aires de jeux.