Site archéologique de Histria © porojnicu - iStockphoto.com.jpg
Le Château de Hunedoara © ANAND RAVEENDRAN - shutterstock.com.jpg
Cathédrale du monastère Curtea de Argeş © Pilat666 - iStockphoto.com.jpg
Palais Brukenthal à Sibiu © Christian Draghici - shutterstock.com.jpg

Les vestiges antiques

Quiconque s’intéresse à l’architecture très ancienne s’enthousiasmera en Roumanie, à commencer par les incontournables forteresses daces des monts d’Orăștie. Situées dans le comté de Hunedoara, leur construction date des premiers siècles avant et après Jésus-Christ. C’est à cette époque que Sarmizegetusa Regia occupait le statut de capitale de l’État dace, juste avant l’invasion par les Romains. Les différentes constructions sont un mélange de concepts et de techniques de l’architecture militaire et religieuse et les six ouvrages défensifs que peuvent aujourd’hui découvrir les visiteurs sont extrêmement bien préservés, et prennent place au cœur d’un site naturel exceptionnel et verdoyant.

Si les Grecs étaient réputés pour leurs constructions épatantes, ils n’ont pas manqué de marquer le territoire roumain de leur empreinte, notamment sur le littoral de la mer Noire, au VIIe siècle av. J.-C. La cité d’Histria est aujourd’hui le plus beau témoignage de cette époque et le plus important site archéologique roumain. On y observe des vestiges de thermes, des basiliques et des magasins qui ont été découverts en 1914 à l’occasion de fouilles. En visitant le musée adjacent, on peut aussi admirer de très belles colonnes qui ont été déplacées pour être protégées.

Architecture locale, influences byzantines et occidentales

Au cours du Moyen Âge, le pays subit, bien qu’à des niveaux très différents, l’influence des courants occidentaux et byzantins.

C’est de cette époque que datent les réalisations les plus spectaculaires de l’architecture populaire : église en bois du Maramureș, des Apuseni, monastères, manoirs princiers… En Transylvanie, les matériaux et techniques utilisés à l’ouest de l’Europe sont rapidement adaptés. Ainsi, l’église Noire de Brașov ou le château de Hunedoara seront inspirés du style gothique. La Transylvanie est une des régions les plus fascinantes de la Roumanie d’un point de vue architectural. De ville fortifiée en ville fortifiée, on constate la façon originale avec laquelle elles ont été édifiées. Les monuments religieux sont alors localisés de manière centrale et le développement urbain semble toujours se faire en respectant cet élément. Les villes de Brașov, Sibiu et Sighișoara en sont de parfaits exemples.

En Moldavie, les influences étrangères sont moins visibles. Il en va de même en Valachie, où l’architecture locale s’inspire largement du style byzantin et ignore les courants occidentaux (le monastère de Curtea de Argeș, par exemple). À partir du XVe siècle, on assiste à l’émergence du style moldave, à travers les innombrables monastères construits sous les princes Étienne le Grand (Ștefan cel Mare, mort en 1504) puis Petru Rareș (mort en 1546). Le style moldave combine à merveille l’architecture locale, les éléments gothiques et la structure byzantine. Couvertes de riches peintures, les façades de ces monastères sont vraiment exceptionnelles. Ainsi, le monastère de Voroneț, situé non loin de la ville de Gura Humorului, présente un plan tréflé et des peintures intérieures qui ont été ajoutées au moment de la construction au XIVe siècle. Les peintures extérieures ont, elles, vu le jour le siècle suivant. Elles évoquent des scènes religieuses allant de la création du monde au Jugement dernier. Un autre très bel exemple de l’architecture moldave est le monastère de Probata. Les peintures extérieures illustrent là aussi des scènes du Nouveau et de l’Ancien Testament. De 1996 à 2001, l’église a fait l’objet de restaurations, la bâtisse étant considérée comme la plus représentative des églises moldaves.

On ne peut citer Étienne le Grand sans mentionner son implication dans la construction d’un grand nombre de forteresses en pierre en Moldavie. Des lieux comme les forteresses de Suceava, de Neamț et de Soroca ont très bien résisté aux tentatives d’invasion et aux sièges imposés pour afficher aujourd’hui une architecture encore flamboyante.

Le style brâncovan

Au XVIIe siècle, on construit toujours autant de monastères, mais on bâtit également des demeures princières, des châteaux. La Renaissance italienne inspire les architectes locaux. C’est à cette époque qu’apparaît le style brâncovan, du nom du prince bâtisseur Constantin Brâncoveanu (1664-1714). Ce style s’inspire largement de l’architecture traditionnelle locale et y mêle des éléments vénitiens et orientaux. Parmi l’ensemble des monuments qui ont été érigés dans le style brâncovan, il faut citer le monastère de Hurezi, l’un des plus célèbres et inscrit sur la liste du patrimoine de l’Unesco. On y note des vérandas inspirées des vérandas paysannes, mais ornementées d’éléments de décorations de la Renaissance italienne comme des loggias. Le palais de Mogoșoaia en est un autre très bel exemple. Située à 15 km du centre de Bucarest, cette prestigieuse demeure possède des façades de brique rose où prennent place de très belles fenêtres aux arcades trilobées. Les loggias aux colonnes torsadées contribuent à donner à ce lieu le sentiment immédiat d’être à Venise. Mais l’on parle bien ici du style brâncovan, style aux influences diverses, et qui reste propre à la Roumanie. Pour démontrer l’importance du style et l’influence de l’homme sur l’ensemble du territoire, d’autres monuments du style se trouvent dispersés dans le pays. Ainsi, le monastère de Sâmbăta de Sus en Transylvanie et celui de Brâncoveni en Olténie sont d’autres joyaux à ne pas manquer.

En route vers le XXe siècle

À l’aube du XVIIIe siècle, les villes s’agrandissent et on construit plus de bâtiments résidentiels ou administratifs que de complexes religieux. Le style baroque domine largement en Transylvanie, comme en témoigne le palais Brukenthal de Sibiu. Au XIXe siècle, les bâtiments classiques et romantiques font leur apparition. Toutefois, les révoltes locales, les sursauts de nationalisme et l’union du pays favorisent le retour au goût du jour de l’architecture traditionnelle. Parallèlement, la Roumanie, fascinée par la France, reprend les styles éclectiques ou classiques en vogue à Paris, comme le montre par exemple l’Athénée roumain de Bucarest. De grands architectes français sont alors invités à exprimer tout leur talent dans le pays. C’est d’ailleurs pour cela que le surnom de « Petit Paris » est donné à la cité. Ce goût pour l’imitation de ce qui se fait ailleurs en Europe se repère également dans de splendides constructions comme le château de Peleș. Construit à base de pierres, de briques et marbre, il reflète un parfait mélange de styles, dont la Renaissance italienne, le gothique, le rococo français et le baroque allemand. Certains n’hésitent pas à dire qu’il s’agit de l’un des plus beaux châteaux au monde.

Les bâtiments modernistes et fonctionnalistes font leur apparition dans le centre de Bucarest : le building Tehnoimport est un remarquable exemple d’architecture moderniste, typique des années 1930, dont Marcel Iancu et Horia Creangă étaient les précurseurs en Roumanie. Le cinéma Patria (ex-immeuble ARO), sur le boulevard Magheru, en est un autre bel exemple.

L’ère Ceauşescu

Accroissement voulu de la population et systématisation forcée : la période communiste sera marquée par l’édification de vastes quartiers de blocs d’habitations standardisés, par la construction de rigides centres civiques dans chaque préfecture, par la destruction de milliers de maisons anciennes et de villages traditionnels.

Les vieux centres de nombreuses villes disparaissent partiellement ou entièrement (Bucarest) au profit d’édifices administratifs monumentaux. Les quartiers-dortoirs fleurissent alors en périphérie des villes, avec de gigantesques blocs de bâtiments hauts de huit à dix étages, comme on peut en voir dans les quartiers de Giurgiului, Titan et Taberei, en marge de la capitale roumaine. Des quartiers qui n’ont en outre que peu d’intérêt en termes d’architecture, mais qui répondent à un besoin de logements. Et pour son programme d’urbanisme, Nicolae Ceaușescu s’inspire de l’URSS, dont les grands ensembles répondent parfaitement à la nécessité de loger les personnes issues du milieu rural et qui viennent gonfler les effectifs des industries.

Aujourd’hui, les villes roumaines ont bien du mal à se détacher de ce modèle. Certes, on y redécouvre le charme d’anciennes demeures, que l’on rénove, mais le gros des investissements va surtout à la construction de prétentieuses tours de verre, sans charme ni originalité.

Architecture rurale

En visitant les différentes régions du pays, on mesure la richesse et la diversité de l’architecture populaire dans l’habitat et la construction des églises : variété des matériaux (bois, pierre, glaise…), des formes (bâtiments verticaux, horizontaux), présence de cours fermées ou non, de portails. Bien que les matériaux modernes soient venus remplacer les traditionnels, on voit encore dans les campagnes des maisons en branchages entrelacés et enduits d’argile, des toits de tuiles de bois, de chaume (seigle ou blé) plus ou moins hauts, de jonc (dans le delta). Ainsi, de part et d’autre du territoire, et lors d’escapades vers les contrées rurales, on peut avoir la chance de tomber sur une maison rurale roumaine de plain-pied ou composée d’un ou deux étages. Les pierres et le bois sont les principaux matériaux qui ont été utilisés. Construites dans les zones de montagnes, on peut à l’occasion en apercevoir en plaine. Le toit forme une avancée qui protège du soleil, ou de la pluie en fonction des saisons. Le porche est aussi un élément très important dans la maison rurale roumaine. Il est soigneusement décoré avec des fleurs ou des feuilles de vigne. La maison pirogue (ou bordei) est le plus ancien type d’habitation rural roumain. Il s’agit d’une habitation semi-enterrée, paysanne par excellence, construite avec des murs en terre où étaient plaquées des planches en bois, tandis que le toit incliné était lui recouvert de chaume.

L’architecture est influencée par le climat, par les besoins économiques (élevage, viticulture…) et par les matériaux disponibles : le bois des forêts dans le Maramureș, les pierres des anciennes forteresses daces remployées pour les maisons et églises de Densuș ou Strei, la glaise dans les plaines, sans oublier les divers savoir-faire apportés par les envahisseurs successifs.

Pour apprécier cette diversité, si on n’a pas le temps de parcourir tout le pays, il est conseillé de visiter les musées du Village en plein air de Bucarest ou de Sibiu, par exemple, où sont reconstitués les différents types de maisons, églises et bâtiments ruraux.

Un patrimoine architectural à préserver

Bucarest est une capitale à laquelle on ne peut associer un genre à proprement parler. On peut même facilement reconnaître en parcourant ses différents quartiers que c’est une cité aux mille visages. À travers son architecture, c’est son histoire qu’on lit, et la manière dont les civilisations, les courants artistiques et les influences extérieures ont joué un rôle important dans le visage qu’elle reflète aujourd’hui. De l’Empire ottoman, en passant par la fascination pour l’architecture française et les pastiches des grands ensembles russes, on peut au détour d’une rue poser les yeux sur un arc de triomphe, une splendide église orthodoxe ou bien encore une large barre d’immeubles d’inspiration soviétique.

La Roumanie surprend par sa richesse architecturale. Certains bâtis ont même une valeur inestimable. Malgré les trop rares initiatives locales et les programmes internationaux de valorisation du patrimoine encore balbutiants, la liste des monuments historiques à rénover est encore longue. Trop souvent, on préfère laisser des bâtiments centenaires se dégrader pour en construire de nouveaux. Même si l’argent est le problème majeur, cela vient également de l’indifférence des autorités locales.