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La musique traditionnelle

Territoire à l’identité très marquée – la réputation de sa gastronomie a par exemple dépassé les frontières du pays –, l’Alentejo possède une tradition musicale au caractère bien trempé. Un des éléments qui traduit le plus puissamment ce sentiment d’identité et d’appartenance est le Cante Alentejano. Ce chant polyphonique emblématique est pratiqué par des chœurs d’hommes a capella, généralement à deux solistes (aigu et grave), accompagnés d’un chœur (jusqu’à trente voix en différents groupes). La mélodie débute en principe avec la voix grave, suivie par l’alto qui, dans un registre plus aigu, reproduit la mélodie. L’alto dirige la chorale de sa voix qui domine l’ensemble tout au long du chant. Les strophes se répètent en canon à volonté. Cette répétition, ainsi que le tempo lent et l’existence de nombreuses pauses, donne au Cante Alentejano cette monotonie si typique.
Un vaste répertoire de poèmes traditionnels accompagne les mélodies. Les thèmes des chansons sont souvent assez nostalgiques, on parle du mal du pays (la fameuse saudade), de l’amour, de la nature... Mais il n’est pas rare d’entendre des chansons comiques, voire ironiques.
Le Cante Alentejano est, avec le fado, la seule tradition musicale portugaise classée au patrimoine mondial immatériel de l’humanité par l’Unesco. A la différence du fado, cela dit, il n’a pas encore été « commercialisé » et s’avère donc plus rare à voir en concert. Cela étant dit, on le retrouve souvent lors des foires régionales mais il peut être également entonné de manière spontanée à la fin d’un repas dans une tasca. C’est par exemple le cas de la Casa Do Vinho E Do Cante à Ferreira do Alentejo. Installé au sein de la taverne la plus iconique de la ville, celle de Zé Lelito, ce musée a pour but de maintenir la mémoire des tavernes traditionnelles de l’Alentejo, ainsi que le patrimoine culturel comme la production du vin, la poésie populaire et le Cante Alentejano. Comme un voyage immobile dans le temps.
Les frontières régionales du Portugal sont poreuses et il est tout sauf rare de croiser des traditions des terroirs voisins dans l’Alentejo. À commencer par celles de l’Algarve et son fameux corridinho, danse exécutée en ronde particulièrement entrainante (le nom vient du verbe courir) et toute en accordéon. Dansé en couples se déplaçant toujours côte à côte, le corridinho voit ses participants former un cercle avec les femmes à l'intérieur et les hommes à l'extérieur. Aussi, quelque soit le style folklorique joué en Algarve, certains instruments sont souvent privilégiés comme les castagnettes, le cavaquinho - petite guitare typique -, le triangle ou encore le pandeiro, un instrument semblable au tambourin.
Très associé à l’Andalousie, le fandango est une spécialité partagée avec le Portugal – particulièrement la région du Ribatejo. À la fois style musical et danse traditionnelle de couple (mixte ou non), le fandango se distingue par ses mouvements vifs, sa légèreté et son rythme continu de castagnettes. Avec un tempo en accélération constante, les danseurs marquent le mouvement en frappant du talon.
Dans le même esprit, on peut également voir dans l’Alentejo de la vira, danse de couple originaire de la région de Minho (mais pratiquée sur tout le territoire), marquée par son rythme, pas très loin d’une valse, mais en plus rapide, de la chula, originaire du nord du Douro, jouée au violon et à l’accordéon et possible ancêtre de la samba brésilienne ou encore le bailarico, danse de couple tournante et sautillante exécutée les bras en l’air.
Dans l’imaginaire portugais, un artiste incarne particulièrement l’Alentejo : Vitorino Salomé. Plus communément appelé Vitorino, ce musicien originaire de Redondo a largement ouvert sa discographie impressionnante au folklore de son Alentejo natal. Né dans une famille de musiciens, il devient ami de Zeca Afonso et s’installe à Lisbonne dès ses 20 ans, où il s’associe à la nuit, aux assemblées et aux plaisirs bohèmes. Il émigre en France, étudie la peinture et, pour survivre, fait la plonge dans les restaurants. Il laisse finalement tomber la restauration pour se consacrer à la musique et entame une carrière qui va s’avérer particulièrement fructueuse. Toujours proche de ses racines, ces dernières années Vitorino conviait des chœurs de Cante Alentejano à l’accompagner sur scène.
La région regorge d’occasions d’approcher son folklore. Par exemple, le dernier week-end de juin, à Alvito, se déroule la Festa Do Barão, une plongée à l’époque des barons d’Alvito avec jongleurs, banquet nocturne et musique et danse. Autrement à Beja, la foire Ovibeja et la fête populaire Rural Beja sont largement ponctuées aussi de danses traditionnelles.

Le fado en Alentejo

Loin d’être le pré carré des Lisboètes, le fado est un trésor national que l’on chérit sur l’ensemble du territoire, y compris dans l’Alentejo. Dérivé de « fatum », qui en latin signifie « destin », ce chant à la poésie rugueuse est l’expression même de la saudade, mélancolie aigre-douce singulièrement portugaise. Ses origines prêtent encore à débat, et nul n’est bien certain d’où il vient : goualante de ports, évolution locale du chant mauresque, complainte gitane ou modulations vocales issues des rythmes brésiliens rapportés ? Un peu de tout cela vraisemblablement. Depuis des siècles, le fado est une vraie chanson populaire qui sort des tripes de l’enfant ou de l’adulte qui l’entonne – et qui étreint celui qui se laisse conquérir. Généralement chanté par une femme vêtue de noir accompagnée de musiciens à la guitare, le genre est à tout jamais immortalisé par la plus célèbre des fadistas, Amália Rodrigues, immense vedette éteinte en 1999 et enterrée au panthéon national. De son vivant, la chanteuse pouvait ainsi émouvoir un auditoire jusqu’aux larmes tant son style chargé d’humanité venait appuyer le timbre subtil de sa voix.
Aujourd’hui, le fado est donc loin de simplement appartenir au patrimoine. Chaque génération s’en est emparé et a vu d’excellents artistes le maintenir vivant comme Madredeus et la voix bouleversante de sa fantastique chanteuse Teresa Salgueiro, Camané, considéré un temps comme « le plus grand fadista depuis Amália Rodrigues », des pointures épatantes comme Dulce Pontes, Mariza ou Cristina Branco ou encore les grandes voix de la nouvelle génération : Ana Moura et Cuca Roseta.
Dans l’Alentejo, quelques noms ont compté à l’échelle nationale, voire internationale. Parmi eux, citons Janita Salomé, frère de Vitorino qui en a composé, Francisco José, chanteur moins connu (à tort) natif d’Évora, Linda de Suza (oui, LA Linda de Suza) qui est alentejana et a chanté du fado ou encore António Zambujo, succès plus récent du fado, venant quant à lui de Beja.
Pour entendre à coup sûr du fado dans l’Alentejo, il est conseillé de se rendre à la Casa De Vinhos E Petiscos de Comporta, restaurant affilié à une célèbre épicerie gourmet du même nom et organisant régulièrement des nuits de fado, ou encore au Café Alentejo dans l’Alto Alentejo, bar-restaurant qui propose du fado sur scène.