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06_La Vallée du Douro © LuisPortugal - iStockphoto.com.jpg

Les vignes d'Alentejo

Si l’on en croit les vestiges de l’époque romaine, il y a toujours eu du vin en Alentejo. Dans les ruines de São Cucufate, à proximité de Vidigueira, on a découvert des pressoirs romains et même… mis au jour des pépins de raisin ! Il est vrai que la vigne profite de l’ensoleillement très élevé de la région et de son climat méditerranéen, chaud et sec. Le vignoble et les oliviers occupent les terres les plus pauvres, les autres étant réservées à l’élevage et à la culture des céréales. Outre la serra de São Mamede (1 025 m) et dans une moindre mesure les monts Portel et Ossa, l’Alentejo est avant tout une grande plaine méridionale dépourvue de reliefs, où s’étendent les immenses propriétés des quinta (ferme). Dans les régions de viticulture, il est aussi souvent question d’herdade et de monte (domaines), et bien sûr d’adega (cave à vin, cellier…). L’essor et le succès des vins d’Alentejo sont relativement récents : la viticulture était encore il y a peu dominée par les grandes caves coopératives, mais l’entrée du pays dans la Communauté européenne (janvier 1986), le recours progressif aux techniques modernes de fabrication et de conservation du vin ont permis au vignoble alentejano de conquérir le cœur… et le palais des amateurs du monde entier.

La dénomination d’origine contrôlée (DOC) alentejano comprend huit sous-régions : Portalegre, Borba, Évora, Granja-Amareleja, Redondo, Reguengos, Vidigueira et Moura. Le vignoble de Portalegre, le plus septentrional et peut-être le plus original, est constitué de multiples parcelles de vieilles vignes qui s’agrippent aux flancs de la Serra de São Mamede. Celui de Borba s’étend sur 3 500 ha, le long d’un axe reliant Estremoz à Terrugem, il produit des vins frais et élégants. Borba, Redondo, Evora et Reguengos forment le cœur du vignoble alentejano, une terre qui donne des vins équilibrés, entre douceur et puissance. L’Adega de Redondo est une coopérative puissante née il y a plus de 60 ans, qui regroupe près de 200 producteurs pour près de 2 000 hectares de vignobles et produit chaque année de 9 à 12 millions de litres de vin ! Sa marque la plus connue, Porta da Ravessa, au rapport qualité-prix excellent, a vu le jour à la fin des années 1980 et reste l’un des vins les plus consommés du Portugal. Plus au sud, les sous-régions de Granja-Amareleja, Moura et Vidigueira, aux terres arides et plus pauvres, donnent naissance à des vins suaves et plus ardents. La Lezíria do Tejo abrite des vignobles qui existaient avant même la naissance de l’État portugais. Les blancs y sont très fruités et les rouges ont une saveur plus suave que dans le reste de l’Alentejo. C’est la région qui produit le plus de blancs ainsi que le meilleur rosé du Portugal. Exception faite de ces vins du Tage et des alentours de Vidigueira, l’Alentejo est avant tout le royaume des vins rouges. Outre le bien connu cabernet sauvignon, l’appellation utilise des cépages autochtones qui se nomment trincadeira, touriga nacional, tempranillo ou castelão… Des vins à la robe rubis ou grenat, intenses, le plus souvent corsés et légèrement astringents, qui peuvent faire penser aux crus du Languedoc et se montrent parfaits pour les viandes et les fromages. Les blancs sont aromatiques, légers et frais, ils accompagnent avec bonheur les grillades de poissons dont sont friands les Portugais. Bom apetite !

Le vin d'amphore

L'histoire nous apprend que le Tage fut autrefois la ligne de partage entre la civilisation de la barrique, au nord (le bois des forêts), et celle de l'amphore, au sud (l'argile du sol). C'est ainsi qu'il y a 2 000 ans, les Romains introduisirent au Portugal – et en particulier en Alentejo, la technique du « vinho de talha », un vin élevé non pas en fût, mais à l'intérieur de jarres d'argile. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les principes de la vinification en contenants de terre cuite ont peu évolué depuis le Ier siècle de notre ère. Sans doute parce qu'ils sont naturels et donc relativement simples ! Ici, pas besoin de pressoir : après la vendange, préalablement foulée, le raisin débarrassé de la rafle (la « queue » de la grappe) est entreposé dans de grandes jarres (800 à 1 200 litres), où la fermentation démarre entre 24 et 48 heures plus tard. Elle dure une quinzaine de jours, pendant lesquels on brasse quotidiennement le moût à l'aide d'une sorte de pelle de bois en forme de T, afin que la peau et les pépins, immergés, libèrent arômes, couleurs et saveurs. Profitant de la porosité naturelle des jarres, on prend soin de les arroser très régulièrement avec de l'eau, ou bien de les envelopper dans une toile de jute ou un linge humide, ce qui permet de contrôler la température à l'intérieur du pot. L'ouverture des jarres est célébrée joyeusement dans tout l'Alentejo, autour du 11 novembre, au moment des Festas de São Martinho. À cette occasion, on retire la bonde en liège placée près du fond de la jarre et on la remplace par un robinet : le vin est bon à boire ! Dans les tavernes, on place simplement son verre sous le robinet en croquant des châtaignes ; dans les caves, on en remplit des jarres propres avant la mise en bouteilles, qui intervient au début de l’année suivante. Autrefois, les paysans qui possédaient un vignoble, même minuscule, avaient tous un pot en argile réservé à leur consommation personnelle…

Le vinho de talha, un temps sur le point de disparaître, fait aujourd'hui l'objet de toutes les attentions des viticulteurs d'Alentejo, qui inventent de nouveaux procédés et en affinent les méthodes, en fonction des goûts et de la tradition locale. C'est un vin nature, qui ne fait l'objet d'aucune intervention chimique lors de sa production. Son marché est en pleine expansion, notamment au Brésil et aux États-Unis. En France, certains viticulteurs commencent même de tester la technique sur leurs propres récoltes ! C'est un vin doté d'une structure simple, aromatique, où domine le fruit et qui accompagne avec bonheur le gibier, les coings et les noix. Peu d’acidité, de la rondeur et un faible degré en alcool, ce qui peut surprendre dans un climat méditerranéen. Il peut se boire jeune, mais son processus oxydatif promet une intéressante capacité de vieillissement. Les principaux cépages utilisés pour créer le vin d'amphore sont l’aragonês, l'alicante bouschet et le trincadeira, les blancs utilisent principalement les cépages antão vaz, diagalves, et manteúdo. Le vinho de talha fait désormais la fierté de l'Alentejo, notamment dans la région de Vidigueira, et s'est déclaré candidat à la liste du Patrimoine immatériel de l'humanité de l'UNESCO.

Organiser ses visites

Visiter les caves d’Alentejo permet d’approcher la magie qui transforme en quelques mois de travail de la nature et des hommes, un fruit juteux en nectar des dieux… C’est l’occasion de goûter aux crus locaux, de comprendre les techniques de production et parfois d’assister à la mise en bouteille et aux interventions humaines. Mais ce peut être aussi le prétexte à de longues promenades entre les vignes, à pied ou en vélo, un panier de pique-nique à portée de mains. À la période des vendanges (entre août et octobre), il est aussi envisageable de participer aux vendanges et même d’aider au foulage. La plupart des domaines qui sont accessibles à la visite proposent des dégustations, d’autres peuvent vous accueillir pour la nuit, certains disposent même d’un restaurant. Le site des Rotas dos vinhos do Alentejo (www.vinhosdoalentejo.pt) permet de choisir en connaissance de cause. Dans tous les cas, il est recommandé de prendre les informations au préalable et de réserver : arriver sans prévenir dans un domaine, c’est risquer de ne pas pouvoir être convié à une dégustation et de repartir sans avoir pu acheter de bouteille. Le mieux est de faire appel aux services chargés de la promotion des vins de l’Alentejo, Rotas dos vinhos do Alentejo (Evora), qui vous aidera à organiser une route des vins sur mesure et vous proposera une première dégustation (5 €). L’organisme dispose d’un espace « œnotouristique » unique au Portugal, où les visiteurs sont invités à voyager à travers l'histoire du vin dans la région. On y évoque (en français, sur demande) les sols et les cépages, les efforts de développement durable et bien entendu la star locale : le vinho de talha et ses traditions ancestrales. Mais il y a d’autres manières de percer les secrets du vin, par exemple en se rendant à Redondo, où le Museu do Vinho tient lieu d’office de tourisme, ainsi qu’à l’Enoteca, qui dispose d’une splendide salle de restauration, toute de briques et de pierre de taille, du sol au plafond… On peut aussi participer aux fêtes qui marquent la fin des vendanges, comme la Fête du vin et de la vigne, à Borba, en novembre. Un circuit spécial est organisé à cette occasion, il est encadré par la confrérie des œnophiles de l’Alentejo. Si vous êtes de passage en hiver, c’est à Vila de Frades qu’il faut être : ce village proche de Vidigueira est considéré comme la capitale du vinho de talha et organise des concours entre vignerons. À Cabeção, chaque année en décembre, ce sont plus de soixante producteurs qui proposent leurs vins et des dégustations de vin nouveau sont organisées dans toutes les ruelles du village, dans une ambiance très bon enfant…

Route des vins de l'Alentejo, Place Joaquim António de Aguiar, nº 20-21, Article 2146, 7001-901 Évora - Portugal. Tél. : (+351) 266 746 498 ou 266 746 609. rota@vinhosdoalentejo.pt  www.vinhosdoalentejo.pt

Le vin au Portugal

L’Alentejo n’est pas, bien entendu, la seule région vinicole du pays : le Portugal est le onzième producteur mondial de vin et fait partie des dix premiers en matière de superficie de production ! Si vous avez l’occasion de vous asseoir au comptoir d’un bar à vin, si vous voulez offrir une bouteille ou bien si vous tenez à briller lors d’une conversation avec un amateur de vin (portugais ou non), voici quelques informations à savoir sur le vignoble lusitanien. Du nord au sud et de l’océan à la montagne, le pays abrite de très nombreux vignobles produisant des vins bien différents. La culture viticole du Portugal est riche et inattendue : c’est ici que naît le porto, le vinho verde, le vinho de talha, élevé dans des jarres de terre cuite en Alentejo… C’est ici, aussi, que l’on trouve la plus grande variété de cépages indigènes. Au point que les viticulteurs eux-mêmes ne savent pas toujours ce qui est planté sur leurs parcelles !

Quand les autres grands pays de vin en Europe comptent sur une dizaine de cépages locaux pour assurer l’essentiel de leur production, quand les vignobles du Nouveau Monde privilégient une poignée de cépages internationaux (malbec, cabernet sauvignon, chardonnay…), le Portugal revendique fièrement près de 400 cépages autochtones ! Ils ont pour nom tempranillo, touriga nacional, trincadeira, alicante bouschet, fernão pires, castelão… On les assemble selon les goûts et la tradition locale. Le système d'appellation portugais est comparable au nôtre : 15 régions bénéficient de l'appellation D.O.C. (Denominaçao de Origem Controlada), les autres ont droit à l'appellation I.P.R. (Indicacao de Provenienca Regulamentada). Les « vinhos regionais » désignent les vins de pays, les « vinhos de mesa » les vins de table. Au regard de leur qualité moyenne, qui tend à augmenter régulièrement depuis des années, les vins portugais sont encore accessibles à des prix très convenables. Vous prendrez vite l’habitude de distinguer les principaux d’entre eux :

Le porto. Le porto voit le jour sur les berges du Douro. Il fait l'orgueil de la viticulture portugaise : une magnifique vitrine pour le pays et la ville dont il porte le nom. Il s’agit d’un vin « muté » : on y ajoute de l'eau-de-vie au moment de la fermentation. L'histoire veut que ce soit un marchand anglais, Jean Beardsley, qui, au XVIIIe siècle, eut l'idée d’ajouter de l'eau-de-vie de vin pure dans les vins qu'il transportait vers l'Angleterre, afin d’augmenter leur degré d'alcool et leur permettre de mieux supporter le voyage en bateau ! On distingue deux types de porto rouge : le tawny et le ruby, avec plusieurs niveaux de qualité.

Le vinho verde. L’autre vedette du pays. Contrairement à ce que son nom laisse croire, ce n’est pas nécessairement un vin vert. Vinho verde est une dénomination d’origine contrôlée que l’on retrouve de la vallée du Douro au Minho, au nord-ouest du pays. Il s’agit de vins rouges, blancs ou rosés qui ont la caractéristique d’être légèrement pétillants : on dit parfois qu’ils « frisent » sur la langue. Des vins à consommer frais, qui font le délice des apéritifs estivaux et accompagnent joliment les salades, les plats de poisson et les fruits de mer.

Les vins du Dão. Le Dão est un fleuve et une zone se trouvant au sud du Douro, au centre-nord du Portugal. L’endroit est protégé des vents de l’Atlantique par une couronne de montagne ; les vignobles s’étagent sur les pentes, entre 400 et 700 m d’altitude. Certains des rouges les plus fameux du pays viennent de cette région : ils sont réputés être corsés, veloutés, leur saveur est intense et équilibrée. Le Dão produit aussi des vins blancs, rosés et pétillants.

Les vins de la Lezíria do Tejo. À proximité du Tage, la terre est fertile et le climat méditerranéen. Certains vignobles, ici, existaient avant même la naissance de l’État portugais. Les vins du Tage font appel à des cépages traditionnels, comme le castelão, avec des cépages non autochtones comme le merlot. Les blancs sont très fruités et les rouges se démarquent des vins de corps, comme ceux de l’Alentejo, avec une saveur plus suave. C’est la région qui produit le plus de blancs ainsi que le meilleur rosé du Portugal !