Mont Makalu © Daniel Prudek - Shutterstock.com.jpg

Un relief tourmenté par le choc de deux plaques tectoniques

Il y a 70 millions d’années, la masse énorme du continent Gondwana (plaque tectonique indienne) achève une longue traversée qui l’a menée depuis le sud de l’Afrique jusqu’à l’Eurasie. Le choc qui s’ensuit au cours des millénaires suivants est le plus puissant que notre terre n’ait jamais connu. Le Gondwana glisse sous la plaque continentale, soulevant les fonds marins à des altitudes prodigieuses. Au hasard d’un sentier d’altitude, vous pouvez parfaitement découvrir un fossile marin : à l’origine, le Tibet était bel et bien une mer, la Thétys, dont les sédiments sont encore apparents. Mais le gigantesque carambolage ne s’arrête pas là : le sous-continent indien poursuit ses formidables coups de boutoir souterrains à une vitesse estimée aujourd’hui à 2 cm par an. Comprimées entre les deux masses continentales, les roches granitiques s’échappent et montent en altitude pour donner naissance au fil des millénaires, à la chaîne himalayenne. Il y a cinq millions d’années, ses crêtes atteignaient 3 000 m. Aujourd’hui le Népal est une zone de fort risque sismique et quatorze sommets dépassent les 8 000 m. Ce sont, d’ouest en est, le Nanga Parbat (8 125 m), le K2 ou Chogori (8 611 m), K3 ou Phalchen Gangri, les Gasherbrum I (Hidden Peak 8 068 m) et II (8 035 m), le Dhaulagiri (8 167 m), l’Annapurna (8 091 m), le Manaslu (8 156 m), le Shishapangma ou Gosainthan (8 013 m), le Cho Oyu (8 153 m), l’Everest (8 850 m), le Lhotse (8 571 m), le Makalu (8 481 m), le Kangchenjunga (8 598 m).

5 régions naturelles sur un étagement extrême d’altitude

De la forêt vierge au désert d’altitude, le Népal est un gigantesque escalier. En une centaine de kilomètres à peine, cet escalier vous mène des plaines torrides de l’Inde au froid arctique de la Grande Chaîne, avant de redescendre de façon abrupte au niveau du plateau tibétain. Sur un trajet sud-nord relativement court, se succèdent des climats, une végétation, une faune et des modes de vie d’une variété exceptionnelle. Dans cet étagement, on a coutume de distinguer cinq grandes régions naturelles qui correspondent à cinq paliers : le Teraï qui est une zone tropicale de faible altitude non loin de la grande plaine du Gange ; les Siwalik qui sont les premières formations montagneuses que l’on rencontre en allant du sud vers le nord, les crêtes de faible altitude séparent de larges vallées couvertes de forêt vierge et cette région est peu habitée ; vient ensuite le Mahabharata Lekh, une chaîne de montagnes intermédiaires ; le plateau népalais qui est le cœur du pays, la région la plus riche, peuplée et développée, on y trouve les grandes villes du Népal ; et enfin le Grand Himalaya ou chaîne himalayenne qui est la zone de haute et très haute montagne, 9 sommets y dépassent les 8 000 m. On y trouve cependant des forêts et des cultures jusqu’à 4 000 m, des pâturages au-dessus.
La plaine du Teraï et les piémonts Siwalik, qui s’étirent au sud du massif, donnent une idée du paysage naturel disparu depuis longtemps en Inde : grandes forêts tropicales peu peuplées par l’homme, où ont subsisté le rhinocéros unicorne, le tigre, l’antilope et, il y a encore peu, la malaria. Passé les Siwalik, on entre dans le Moyen-Pays, traversé au Népal par la chaîne du Mahabharat. Cette zone est directement sous le régime de la mousson qui s’accentue au fur et à mesure que l’on se dirige vers l’est et que l’on se rapproche du golfe du Bengale. Là sont enregistrés les records mondiaux de précipitations (12 m par an en moyenne à Cherapunji) à l’est de la frontière népalaise, dans les collines du Meghalaya au sud de l’Assam. Selon les altitudes, le milieu naturel varie du subtropical à l’alpin, en passant par le tempéré. Jusqu’à 2 000 m d’altitude, le gel et la neige sont inconnus. Notez que cette zone se situe à la latitude de la Mauritanie. 90 % des pluies tombent entre juin et octobre. Elles transforment radicalement le paysage : le jaune aride laisse place au vert tendre. Mais la mousson est capricieuse ; elle aime parfois se faire attendre, compromettant les récoltes, ou au contraire emportant cultures, villages et routes lorsqu’elle se déchaîne. Les problèmes d’érosion sont souvent préoccupants : la multiplication des champs cultivés et le recul de la forêt ont fragilisé les pentes et, de fait, les glissements de terrain se multiplient. En effet, cette zone d’altitude moyenne, de 700 à 2 000 m, était, jusqu’à ces toutes dernières années, la partie la plus peuplée de l’Himalaya, avant que les montagnards en quête de terres ne se ruent, à partir de la seconde moitié du XXe siècle, vers les plaines débarrassées du paludisme. 40 % des forêts qui recouvrent encore le territoire du Népal se réduisent d’année en année au bénéfice de la culture du riz et du maïs.

Une hydrographie aussi tourmentée que le relief

Conséquence du choc des continents : les mers et les rivières sont soumises à l’évolution chaotique du relief. Des lacs d’eau salée persistent sur le plateau tibétain. Des rivières suivent un curieux tracé parallèle aux lignes de crêtes, avant de trouver une issue vers l’océan en creusant de gigantesques canyons. Il en résulte aussi une série de cuvettes (Katmandou, Pokhara...) où l’eau est restée emprisonnée avant de s’échapper à la faveur d’un effondrement. Les légendes en ont gardé le souvenir : le dieu Manjushri libéra d’un coup de sabre les eaux de la vallée de Katmandou, donnant naissance à la rivière Bagmati.

Les principales rivières du Népal prennent leur source sur le plateau tibétain avant de franchir la formidable barrière de l’Himalaya et de déboucher dans la plaine indienne où elles deviennent d’importants affluents du Gange. Antérieures à l’érection de la chaîne, elles ont creusé d’innombrables sillons dans les montagnes moyennes qui forment l’essentiel du territoire népalais avant de pouvoir s’écouler en basse altitude en franchissant le dernier obstacle que constituent les Mahabharat Lekh. Le réseau hydrographique se compose de trois bassins principaux. À l’ouest, la Karnali est formée par la confluence de la Mugu et de la Humla au nord, puis par celle de la Seti et de la Bheri plus au sud. Dans le centre du pays, la Gandaki regroupe Kali Gandaki, Seti, Marsyendi, Buri Gandaki et Trisuli, tandis que la Sapta Kosi, à l’est, forme un ensemble de sept rivières, comme son nom l’indique, avec la jonction de la Sun Kosi, des Bhote Kosi, Tamba Kosi, Dudh Kosi et, enfin, l’Arun et la Tamur. Il suffit de voir le canyon creusé par la Kali Gandaki, entre la trentaine de kilomètres qui séparent deux sommets de plus de 8 000 m, pour imaginer la puissance de ces rivières dont le débit est multiplié par dix en période de mousson.