Découvrez le Sénégal : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

Lorsque l’on parle de musique sénégalaise, nous vient forcément en tête l’image du visage de Youssou N’Dour. « Roi du mbalax » – l’esthétique nationale – l’artiste éclipserait presque par son succès l’ensemble de la création locale, pourtant si riche. Du hip-hop à Dakar au jazz à Saint-Louis – et son immense festival – en passant par le blues mandingue ou les musiques traditionnelles jouées à la kora et aux sabars, il faut plus d’un voyage pour embrasser pleinement la culture musicale du pays. Comme dans beaucoup d’autres endroits du globe, la musique sénégalaise avance en funambule sur la fine frontière entre tradition et modernité. Ici, l’art est à la fois un reflet de la société contemporaine et en même temps, un lieu où préserver et valoriser l’héritage culturel. Ainsi dans la musique contemporaine, on croise souvent – pour ne pas dire tout le temps – des sonorités, rythmes ou percussions, vieux de plusieurs siècles.

Musique traditionnelle

Instrument parmi les plus symboliques du pays, le tam-tam qui servait autrefois à communiquer est aujourd'hui un ingrédient des cérémonies. Son rythme, axé sur la répétition des sons, pousse l'auditeur à la transe. Le tam-tam le plus réputé du Sénégal est le sabar, très fin et tout en longueur, qui se joue à la main et avec une baguette. Terme wolof, sabar désigne à la fois l'instrument, un style de musique, une forme de danse et une fête traditionnelle. Une troupe complète ne comprend pas moins de sept musiciens jouant des sabars différents et s'accordant tous sur le nder, le sabar en chef. Parmi les grands percussionnistes, il est indispensable de retenir Doudou Ndiaye Rose, classé « Trésor humain vivant » en 2006 par l'Unesco (rien que ça) et créateur du gorong yéguel, un sabar se jouant assis. Toujours côté percussion, citons aussi le tama, d'origine sérère, et que l'on appelle également le « tambour parlant » (ou doum doum) car il se joue avec une baguette qui peut moduler les sons comme une voix, et joue un rôle important dans les rythmiques de basses.

On trouve par exemple le tama dans le njuup, cette musique sacrée puisant son origine dans la religion sérère, et plus particulièrement dans les sons et chants qui accompagnent le rite de passage du ndut. C'est du njuup que descend le fameux mbalax, genre national.

« Pincez tous vos koras, frappez les balafons ». Le fait que cette phrase introduise le Lion Rouge, l'hymne national du Sénégal (écrit par Léopold Sédar Senghor) résume à lui seul l'importance de ces instruments emblématiques dans le cœur des Sénégalais. La kora est une harpe-luth mandingue à 21 cordes, dont on retrouve les premières traces dès la fin du XVe siècle en Afrique sahélienne (Sénégal, Mali, Gambie, Guinée, Sierra Leone...). Elle est parente d'autres harpes-luths très populaires comme le bolon (à trois cordes) ou le n'goni (de 4 à 7 cordes). La facture de l'instrument se constitue d'une calebasse, caisse de résonance sur laquelle est fixé un manche central cylindrique en bois de santal ou en acajou. Les cordes de nylon sont réparties en deux rangées parallèles sur un chevalet perpendiculaire à la table d'harmonie en peau de vache. Deux baguettes situées de part et d'autre du manche permettent au musicien de tenir l'instrument dont les cordes sont jouées avec le pouce et l'index de chaque main. Les vedettes de l'instrument dans le pays sont Lamine Konté (1945-2007), un des griots les plus populaires de la culture mandingue, et dans une veine traditionnelle Toumani Diabaté (1965-2024) ou Ballaké Sissoko. Plus modernes, Ali Boulo Santo et surtout le grand Djeli Moussa Diawara (demi-frère de Mory Kanté) ajoutent des effets ou marient l'instrument à des genres comme le jazz, le blues, le flamenco ou la salsa. Citons également, le compositeur Jacques Burtin qui a introduit la kora dans l'univers orchestral de la musique contemporaine. L'abbaye Saint-Benoît de Keur Moussa, dans les environs de Dakar, est célèbre pour son atelier de fabrication de kora, qui produit depuis le début des années 1970 des instruments respectant les traditions de la confection. Un beau rendez-vous pour entendre quelques-uns des meilleurs musiciens de cette région du globe est le Festival de Folklore et de Percussions de Louga. Un must.

L'autre instrument iconique, c'est le balafon, ce xylophone composé d'un support en bois ou en bambou, sur lequel sont disposées des calebasses surmontées de lattes de bois de tailles croissantes.

Aussi, quelque part entre traditions poétique et musicale, les griots sont le verbe du Sénégal, son Histoire, sa bibliothèque et le mètre-étalon de sa chanson. Ces bardes sont toujours très présents et comptent même dans leur rang quelques vedettes comme Ablaye Cissoko (surtout connu en tant que jazzman, mais se définissant comme « un jeune griot mandingue ») ou Lamine Konté, le grand joueur de kora. Il n'est pas rare d'entendre des griots lors de certaines occasions et des entités comme la Maison de l'Ecotourisme de Palmarin proposer d'emmener des voyageurs dans les soirées où ils officient.

Musique populaire

Pilier de l’identité sénégalaise, on pourrait presque résumer l’expression musicale populaire locale au mbalax. Omniprésent et facilement identifiable, le genre naît dans les années 1970, fusion de rythmes et instruments traditionnels (dont le njuup) et de genres plus modernes comme le zouk, le funk ou le jazz. Mais c’est une décennie plus tard, dans les années 1980, que le mbalax explose avec le succès international de Youssou N’Dour, le maître du genre. Outre ce dernier, le mbalax compte quelques grands noms comme Baaba Maal aussi surnommé « roi du yéla » (musique de l’ethnie toucouleur dont il est membre) ainsi qu’Ismaël Lô, un des musiciens les plus médiatisés d’Afrique, passé par le mbalax, mais plus folk, soul et jazz. Aujourd’hui, le genre continue à évoluer et se marie au coupé-décalé, à la pop ou au hip-hop.

Aussi, depuis les années 1960-1970 un courant d’influences latine et occidentale a irrigué la musique sénégalaise. C’est à cette époque et dans ce contexte qu’un grand groupe sénégalais voit le jour : Orchestra Baobab. Si la première heure de gloire du groupe date des années 1960 où il est connu dans toute l’Afrique de l’Ouest, il va connaître un succès en deux temps. Dans les années 1980, les nouvelles icônes telles que Youssou N’Dour et Xalam ainsi que la vague du mbalax emportent tout sur son passage. L’Orchestra Baobab fait face à une traversée du désert. Mais c’était sans compter sur un certain Nick Gold, directeur de World Circuit et spécialiste des retours sur le devant de la scène d’anciennes gloires (la renaissance du Buena Vista Social Club, c’est lui). Il organise leur retour en 2001, réédite leur album Pirates Choice et le succès frappe de nouveau à la porte. L’occasion pour le monde entier et les jeunes générations de re(découvrir) cette musique incroyablement chaloupée, métissage d’influences du monde entier, chantée en wolof, français ou espagnol. S’ils sont programmés sur scène, c’est à ne manquer sous aucun prétexte !

Et des scènes, le pays n’en manque pas, à commencer par le Centre Culturel Blaise Senghor de Dakar, plutôt dynamique et parfois bien programmé. Sinon, l’Institut français de Dakar, stratégiquement implanté au cœur de la ville, a su proposer aux Dakarois une offre culturelle riche et variée. Tout au long de l’année, l’Institut français accueille de grandes personnalités dans tous les domaines artistiques et c’est notamment ici qu’ont débuté et se sont produits les plus grands musiciens, à l’image de Youssou N’Dour, Ismaël Lô, Cesaria Evora, Tiken Jah Fakoly et bien d’autres. Autre grand lieu culturel en ville, le Théâtre National Daniel Sorano propose, outre les représentations du Ballet national et les pièces de théâtre, de nombreux concerts de musiciens et chanteurs sénégalais plus ou moins connus. En province, on conseillera le Centre Culturel Cisko de Cap Skirring, sans aucun doute l’adresse la plus intéressante pour sortir en ville et voir des concerts.

Le jazz

Si la « mbalaxmania » ne dégonfle pas, dans le Sénégal d’avant Youssou N’Dour, le jazz était roi (ou presque). Parlez-en à de vieux Dakarois et vous verrez à quel point leur culture jazz est étoffée. Demeure sur place un public passionné et surtout des créateurs à l’imagination débordante. Parmi eux, Ablaye Cissoko est un des plus courus. Tout du moins à l’internationale puisque sa réputation à l’extérieur du pays dépasse malheureusement sa renommée au plan national. Grand joueur de kora – qu’il « taquine » depuis l’âge de 2 ou 3 ans – Ablaye Cissoko dirige aujourd’hui une grande formation sénégalaise de jazz : le Saint-Louis Jazz Orchestra. D’autres jazzmen du pays à connaître sont Mor Thiam (le père du rappeur Akon) fabuleux percussionniste, Ali Boulo Santo, virtuose de la kora ou Herve Samb, guitariste qui a le vent en poupe.

Evidemment, lorsque l’on parle jazz au Sénégal, on pense immédiatement au Festival International de Jazz de Saint-Louis. C’est ici que chaque année se produisent les plus grands noms du jazz depuis son lancement en 1993. Autrement, au Plateau à Dakar, on trouve dans la cave de l’hôtel Le Djoloff, un club de jazz où sont organisés le week-end des concerts de qualité. Notons également qu’à Cap Skirring, le New Bayonnais est le spot incontournable non seulement pour prendre un bon petit déjeuner à la française, mais aussi pour des concerts de musique diola ou de jazz.

Le rap

Existe-t-il un recoin du monde qui n’ait pas été touché par le hip-hop ? Le Sénégal ne fait pas exception, la jeunesse urbaine locale y ayant trouvé un véhicule idéal pour s’exprimer. Les pionniers des années 1990, Didier Awadi et Amadou Barry (alias Duggy Tee) – et leur groupe, le fameux Positive Black Soul (PBS) désormais séparé – ou Daara-J, groupe du célèbre Faada Freddy, sont toujours très populaires et côtoient de jeunes prodiges comme Dip Doundou Guiss, étoile montante du rap sénégalais. Dans l’ensemble, les textes – chantés en wolof, français ou anglais – sont truffés de jeux de mots puisés dans la sagesse populaire et dénoncent les torts, les tares et les travers de la société et ses dirigeants.

Danse

En tête des danses sénégalaises, on trouve bien entendu le fameux sabar, terme qui désigne à la fois la danse, l’instrument et la fête organisée à l’occasion d’un mariage ou d’un baptême. Avec le temps, le répertoire traditionnel du sabar, ses lieux de représentation et ses fonctions ont évolué, mais ses gestes demeurent, à la fois sensuels, physiques et acrobatiques.

Aussi, la scène de danse contemporaine est plutôt active au Sénégal. L’Ecole des Sables – aussi appelée Centre international en danses traditionnelles et contemporaines africaines – fondée à Toubab Dialaw par l’illustre Germaine Acogny, a formé toute une génération de danseurs chorégraphes dans le pays à sa « technique Acogny », synthèse des danses traditionnelles d’Afrique de l’Ouest et des danses classique et moderne occidentales. Une référence incontournable au niveau continental et international. La discipline bénéficie d’ailleurs à Saint-Louis d’un festival de belle ampleur, le Festival Duo Solo Danse, qui, durant trois jours et trois nuits, propose de nombreuses représentations chorégraphiques contemporaines de qualité.

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