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Masques traditionnels © Philippe Prudhomme - stock.adobe.com.jpg

Art traditionnel

L’art africain traditionnel combine toutes les formes de la création. Arts plastiques, musique et danse imprègnent le quotidien au même titre que l’ornement des corps. De fait, l’art, qui est en réalité un concept occidental, reste intimement lié à la religion jusqu’à une époque récente. Chaque œuvre s’enracine dans son lieu d’origine de même que les rites qui lui sont associés. Les cultures diola, peul, malinké et wolof dominent le pays. Ces derniers ont notoirement laissé des masques semainiers, série représentant chaque jour de la semaine.

Dans ce cadre, la sculpture sur bois occupe un rôle essentiel, aux côtés de l’élaboration d’objets, par exemple en métal, en textile ou en perles. La peinture corporelle complète l’art des masques, des bijoux, la musique, la coiffure et les statues décoratives. Contrairement à ce qu’on a longtemps cru, l’art n’est pas anonyme, les créateurs ajoutant un petit signe distinctif sur chaque pièce. Par chance, la photographie a permis de documenter nombre de ces manifestations éphémères de l’imaginaire.

Pop art sénégalais

Dès le XIXe siècle, la peinture sous verre, ou fixé ou encore souwèr en wolof, offre un moyen de contourner les interdictions de représentation figurative émanant de l’Islam. Typiquement sénégalaises, ces scènes de la vie quotidienne sont figées sur une matrice en verre. Les images sont composées de couches superposées dans un ordre inversé, en commençant par le dessus. Ainsi l'artiste commence par signer, puis dessine les personnages et termine par le fond ou le décor.

Les fixés ont longtemps fait office de photographie bon marché. Gora Mbengue compte parmi les plus populaires des « souwéristes » traditionnels. Les thèmes ont peu évolué avec le temps, jusqu’à la génération montante, incarnée par Serigne Diagne et Germaine Anta Gaye qui se tournent vers l’abstraction.

Les tableaux en sous-verre sont particulièrement visibles à Dakar le long des avenues André-Peytavin et Georges-Pompidou, dans le centre-ville. Ce sont généralement des copies faites au calque, puis reproduites au Rotring sur le verre, mais le prix des fixés de qualité peut paraître prohibitif.

Citons par ailleurs la création par la récup’ d’objets, élevée au rang d’art au Sénégal. Nulle part ailleurs vous ne verrez une telle maîtrise du détournement d’objets pour reconstituer véhicules ou personnages typiques.

Ecole de Dakar

Encouragé par le président Léopold Sédar Senghor, ce mouvement de renouveau artistique s’épanouit de pair avec l’indépendance, entre 1960 et 1974. Parmi les figures de proue de la première génération, le politicien Amouda Ba, le peintre Seydou Barry, le figuratif Alpha Walid Diallo ou encore Seyni Awa Camara, née vers 1945 en Casamance.  Sculptrice et potière sénégalaise, Seyni demeure une autodidacte, inclassable et acclamée pour ses personnages en terre cuite.

En 1966 le premier festival des arts nègres jette les bases d’un style spécifiquement sénégalais représenté, entre autres, par le peintre abstrait Mor Faye ou Moussa Babacar Sy. Bien vite, une peinture et une sculpture contemporaines s’ébauchent et des noms s’imposent entre 1970 et 1980. Parmi les révolutionnaires, la Gorée de Souleymane Keïta et de Moustapha Dimé, les géants d'Ousmane Sow, avec un petit faible pour l'abstrait, celui de Serigne Mbaye Camara, de Viyé Diba, de Seyni Gadiaga ou de Djibril Ndiaye. Ils se distinguent par l’emploi de tons chauds, de rouges, d’ocres sahéliens et de bleu fertilité. Cette peinture s'exporte vers l'Europe du Nord, séduite par les contrastes, et les Etats-Unis où la nostalgie des aïeux africains fait recette.

Nouvelle génération

Un second souffle créatif rebondit sur l'héritage de l’Ecole de Dakar. Les thématiques se font plus urbaines, le style plus graphique, ou résolument abstrait. Cette nouvelle vague chamboule aussi bien la peinture (Ndoye Douts, Soly Cissé, Modou Dieng) que la sculpture (Ndary Lô). Citons Alioune Diagne, né en 1985, fondateur du mouvement figuro-abstro qui ambitionne de « construire une image figurative à partir d’éléments abstraits ». De près, le spectateur perçoit sur la toile une kyrielle de motifs géométriques tandis que de loin, apparaissent les personnages, danseurs, femmes peules ou parisiennes.

De nos jours, la peinture règne en maître au Sénégal. Elle égaie aussi naturellement les devantures des commerces que les bus ou les affiches publicitaires. Le dessin de style naïf domine l’espace public. Beaucoup s'improvisent artistes et pas seulement par souci d'esthétisme. Il faut savoir que la moitié de la population est aujourd'hui encore touchée par l’illettrisme et dans ce contexte, l’art s’impose comme un moyen de communication accessible à tous. De là, il n’y a qu’un pas jusqu’au street art.

Terre de l’art urbain

La capitale sénégalaise bénéficie d’un climat grandement favorable qui lui a permis de se constituer une scène culturelle florissante, notamment dans le quartier populaire de Médina. C’est dans cette partie défavorisée, mais incroyablement bouillonnante de la ville que Docta a fait ses premiers pas.  Pionnier de l’art urbain sénégalais, il aborde à travers ses peintures murales des sujets politiques, de santé et d’éducation. Selon lui, le message à transmettre passe avant l’aspect visuel.  L’essentiel est de communiquer, tout en intégrant l’œuvre à son environnement. Dans ce but, il commence par nettoyer les abords et demander l’autorisation des habitants, toujours ravis de voir leurs murs revalorisés.

Docta a accompli un long chemin depuis ses premiers graffitis. Outre sa réalisation d’une fresque dans l’atrium du musée Guggenheim de Bilbao, l’artiste chapeaute le Festi Graff, lancé avec son association Doxandem Squad. Chaque année, la manifestation d’art urbain la plus incontournable du continent africain rassemble une quarantaine de graffeurs aux côtés de danseurs, slameurs, DJ et créateurs d’une vingtaine de nationalités.

Dans ce milieu masculin, Dieynaba Sidibé, alias Zeinixx, met son art au service de la cause des femmes sénégalaises. La première graffeuse du pays appose son « blaze girly » sur les murs de Dakar, de la Corniche jusqu’au stade Pikine, en passant par la façade de l'ambassade des Etats-Unis. Aujourd’hui, sa renommée dépasse les frontières du continent africain.

Tendances actuelles

« Les pouvoirs publics ne prennent pas conscience de cette effervescence et ne la soutiennent pas, contrairement aux nombreuses initiatives privées, déplore Marina Sow, à la tête de la maison Ousmane Sow. Elle n’a pas attendu les aides officielles pour transformer la demeure de son père en musée, inauguré lors de la 13e biennale Dak’Art. Consacrée exclusivement aux artistes vivant sur et hors du continent, la manifestation d’art contemporain a été instituée par l’Etat du Sénégal en 1989 faisant d’elle la pionnière du genre sur le continent. Durant un mois, la foire réunit 75 artistes issus d’une trentaine de pays. A cela s’ajoute le festival off, dispersé sur 320 sites.

Comme partout, la création sénégalaise s’expose dans les galeries, principalement concentrées à Dakar. Et pour compléter ce panorama, il est bon d’accorder du temps à la Galerie nationale d’art et au musée Théodore Monod d’art africain de l’IFAN. Saluons la galerie Cécile Fakhoury, la plus importante d’Afrique, basée à Abidjan, Dakar et Paris. Egalement la galerie Atiss, fondée par Aïssa Dione qui a lancé la carrière de l’éclectique Soly Cissé, désormais coté à l’international. Mais en Afrique, les collectionneurs peu habitués à passer par un intermédiaire se rendent directement dans les ateliers des artistes. N’hésitez pas à frapper à leur porte pour prendre le pouls de la scène artistique contemporaine.

L’art photographique

Le Musée de la Photographie de Saint-Louis offre à l’art photographique un lieu digne de son histoire sur le sol africain. Centre d’archives et de promotion, ce musée resitue la ville de Saint-Louis au cœur des échanges entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique.

La photographie arrive en Afrique avec les explorateurs puis les colons européens qui trouvent ainsi un moyen de témoigner de leurs découvertes sur le Vieux Continent. Ceux qui s’installent en Afrique souhaitent immortaliser leur nouveau mode de vie. C’est ainsi que des studios européens ouvrent au début du XXe siècle à Saint-Louis. Les Sénégalais embauchés comme assistants se forment sur le tas à l'usage de l'appareil photographique.

L'essor de la photographie se produit durant l'entre-deux-guerres. Le premier photographe sénégalais, Meïssa Gaye, né en 1892, intègre le métier en 1923 à Dakar, à la même époque que d'autres grands noms de la photographie sénégalaise, tels que Mama Casset et Amadou Gueye dit « Mix Gueye ». Il est alors de bon ton de se faire photographier chez soi paré de ses plus beaux atours, ou de se rendre dans un studio renommé pour se faire tirer le portrait un jour de fête ou au retour d'une pêche fructueuse. La religion musulmane, majoritaire au Sénégal, ne s’oppose pas au portrait photographique. Bien au contraire, il est bien vu de se faire photographier pendant la prière à la mosquée.

L’explosion de studios à Dakar comme à Saint-Louis permet aux classes populaires d'accéder à cette pratique. L'âge d'or des portraitistes sénégalais s'étale de 1950 aux années 1980. La population se presse pour prendre la pose au Studio Diop, à l’African Studio ou au Tropical Photo. Les photographes appuient leur renommée sur leur talent artistique, et plus sur la seule maîtrise technique. Adama Sylla fait partie des premiers artistes à s’aventurer à l’extérieur pour documenter son quartier de Guet N'Dar à Saint-Louis ou les paysages de sa région.

De jeunes artistes se présentent comme les héritiers de cette tradition de portraitistes. Les images d’Omar Victor Diop racontent une Afrique urbaine et fashion. A l’instar d’Elise Fitte-Duval, Antoine Tempé ou Fabrice Monteiro, nombre de photographes étrangers choisissent de s’établir à Dakar, la capitale artistique d’Afrique de l'Ouest.