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L’art des premières nations

Les Canadiens ont hérité des premiers occupants leur art de vivre en symbiose avec la nature. De nos jours, la reconnaissance des peuples autochtones passe notamment par la mise en valeur de leurs traditions artistiques. A Vancouver, les totems rappellent la complexité d’un patrimoine indissociable de sa mythologie. Les promeneurs ne manqueront pas de flâner dans Stanley Park pour admirer ces sculptures en bois fièrement érigées en pleine nature. Le MOA ou Musée anthropologique de Vancouver invite à mieux cerner l’identité culturelle du Canada à travers sa collection unique au monde. La vie des Premières Nations est retracée à travers des totems mais aussi des œuvres d’art dont des sculptures inuites sur pierre ou sur os et des gravures. Les vitrines d’artefacts et d’objets usuels couronnent ce vaste aperçu de l’univers des Amérindiens.

Jusqu’au XIXe siècle

Le peintre Paul Kane (1810-1871), né en Irlande et mort à Toronto, accomplit un véritable travail documentaire en peignant la vie des peuples de son époque.

Pour retracer les étapes de la culture du nord-ouest du continent, le Musée Glenbow de Calgary croise une approche historique et artistique. Illustrations réalisées par des artistes itinérants, scènes de chemin de fer sponsorisées par Canadian Pacific Railway, explorateurs de l’Arctique se succèdent dans ses salles. Bien que les gravures et les dessins soient plus nombreux, tous les moyens d’expression participent à cet exposé qui raconte le Canada du XIXe siècle à nos jours. Une autre partie rassemble des objets de cultures du monde entier ainsi qu’une collection de pierres précieuses et de minéraux. Il faut rappeler que le peuple inuit regroupe en réalité une grande variété d’ethnies dispersées sur un immense territoire. Leurs créations peuvent être classées en deux groupes : objets usuels et rituels. A la fin des années 1940, l’art fut considéré par les Inuits comme une solution à leurs profondes difficultés économiques. Ils entreprirent de produire des sculptures en ivoire et en stéatite afin de les écouler sur les marchés. Peu après, ils s’initièrent à la gravure. Plusieurs communautés adoptèrent cette discipline pour vendre des représentations dans les coopératives. Les artistes marquants sont Norval Morrisseau, Alex Janvier et Gerald Tailfeathers. Le Musée Glenbow possède une belle collection d’art inuit du début de l’art dit commercial, dont des sculptures et des gravures de Cape Dorset.

Vers le XXe siècle

Le passage au XXe siècle se caractérise par l’expression individuelle et la liberté stylistique. Dans la première moitié du XXe siècle, les artistes d’Alberta sont influencés par leurs pairs venus enseigner dans la région. Des associations d’artistes professionnels et des écoles spécialisées voient le jour, favorisant l’éclosion d’une génération d’artistes locaux. Le paysage reste le thème majeur mais les courants qui révolutionnent l’art en Europe imprègnent peu à peu le style canadien. Ainsi l’expressionnisme, le surréalisme et le cubisme s’ajoutent aux précédentes inspirations.

Aux alentours de 1950, les principales influences se déplacent vers les Etats-Unis, à commencer par l’expressionnisme abstrait. L’abstraction, dans ses formes les plus diversifiées, atteint alors l’Ouest canadien. Cependant, dans cette partie du monde, l’abstraction évoque plus volontiers la nature que nulle part ailleurs.

La collection permanente de l’Art Gallery de Vancouver inclut des artistes majeurs du XXe siècle dont les peintres du Groupe des Sept, Jeff Wall ou encore Marc Chagall. Les nombreuses peintures de l’artiste native de Victoria, Emily Carr (1871-1945), figure incontournable de la peinture moderne canadienne, constituent une excellente approche de sa vision de la nature et du peuple indigène de la Colombie-Britannique. Signalons également la peintre canadienne Sophie Pemberton (1869-1959) qui fut la première femme à recevoir le Prix de l’Académie Julian. Sur les quatre étages, l’art ancien a sa place aux côtés des périodes plus récentes.

Toujours à Vancouver, la Galerie Chali-Rosso expose une collection éclectique d’une surprenante qualité. On retrouve dans cet espace à l’élégance rare tellement de maîtres que cela semble irréel : Dali, Renoir, Rembrandt, Matisse ou encore Picasso. Et, pour ne rien gâcher, l’entrée est gratuite.

Plus récemment

Dans les années 1970, les thèmes à caractère social dominent la scène artistique. Le monde occidental est questionné à travers des notions d’identité, d’origine et de genre. De nouveaux moyens d’expression tels que l’art vidéo, les installations ou la photographie prennent le pas sur les beaux-arts et traitent de sujets profonds.

Edward Burtynsky (né en 1955 dans l’Ontario) compte parmi les photographes majeurs du Canada. Réputé pour ses paysages industriels, il ne cesse de dénoncer les effets de l’activité humaine sur l’environnement. Ses grands formats intitulés « paysages altérés » proposent une vision ironique de l’opposition nature-culture. Tout en sublimant la beauté des terres sauvages, ses images montrent les conséquences dramatiques du progrès sur la nature. L’une de ses séries les plus frappantes porte sur le sable bitumeux dans le nord d’Alberta. Ses photographies ont intégré les collections d’une cinquantaine de musées. Il est notamment représenté par la Galerie Paul Kuhn de Calgary.

Art autochtone contemporain

Le Musée Bill Reid de Vancouver est l’un des rares lieux culturels se consacrant aux œuvres contemporaines des Autochtones de la côte nord du Canada. Sa collection est animée par des expositions temporaires réservées aux jeunes artistes indigènes. Le musée doit son nom au peintre, sculpteur, orfèvre et écrivain canadien Bill Reid (1920-1998) d’origine haïda. Pour rappel, les Haïdas forment une communauté autochtone de la Colombie-Britannique. Selon le célèbre anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss, Bill Reid a littéralement sauvé la culture haïda. Bill Reid débute sa carrière à l’âge de 30 ans, dans l’objectif de faire revivre la tradition artistique des Haïdas. C’est grâce à son intervention que les mâts totémiques des îles de la Reine-Charlotte purent être sauvés. Ils trouvèrent ensuite leur place devant le Musée d’Anthropologie de l’UBC à Vancouver. Ce même musée accueille à présent son imposante sculpture datée de 1973, Le Corbeau et les premiers hommes, qui représente l’origine de la communauté haïda. Pour la petite histoire, dans la mythologie haïda, le corbeau engendra l’humanité en libérant les humains enfermés dans une immense coquille de palourde. Les voyageurs qui feront halte à l’aéroport international de Vancouver auront la chance de contempler sa majestueuse sculpture Esprit de Haïda Gwaii.

Dans la zone touristique de l’île de Granville, la galerie Eagle Spirit est dédiée aux artistes amérindiens contemporains. Elle est réputée pour promouvoir uniquement des peintures et des sculptures authentiques.

De nos jours

Les artistes de l’ouest du Canada aiment unir leurs forces. Pionnière en la matière, la Contemporary Art Gallery est la dernière galerie de ce genre encore en activité à Vancouver. Indépendante, elle s’attache à favoriser l’accès à la culture au plus grand nombre, mais cela ne l’empêche pas de faire preuve d’exigence dans sa programmation. Un nouvel accrochage est proposé toutes les six semaines pour valoriser un artiste ou un mouvement local.

Autre lieu collaboratif, l’Arts Off Main Gallery est tenu par neuf artistes et artisans qui aiment brouiller les frontières. La coopérative met en valeur aussi bien des peintures, des gravures, des photographies que des poteries. Parmi ses fondateurs, Danielle Louise compose des abstractions colorées, Lee Sanger aspire à devenir une Miss Van Gogh, Tanya Boy s’est spécialisée dans l’aquarelle et Tom Antil dans les paysages d’inspiration pointilliste.
Le Musée Rennie de Vancouver propose des visites guidées gratuites. Il faut néanmoins prendre rendez-vous pour bénéficier d’une présentation éclairée de la collection de Bob Rennie, un promoteur immobilier qui a élu résidence dans le quartier asiatique. Le musée invite régulièrement des artistes prestigieux tels que Martin Creed, Mona Hatoum ou encore Yoko Ono qui est venue y installer son Mend Piece.
A Manitoba, le Jardin des sculptures offre un supplément verdoyant à la galerie d’art de la Maison des artistes visuels francophones. La fondation, ouverte à toutes les disciplines, se veut le reflet de l’âme de la communauté. Elle soutient plus particulièrement les jeunes artistes par le biais d’ateliers et de résidences.

Un jeune art urbain

Le street art n’est autorisé à Vancouver que depuis très peu de temps. Quelques graffitis ont lentement éclos dans les rues avant que la première grande fresque ne se montre aux yeux du public. Parmi les pionniers, le mystérieux artiste local iHeart dispersait avant l’heure des créations au pochoir qui étaient régulièrement effacées. Mais tout a changé en 2016 grâce au Vancouver Mural Festival. Cette association officielle a pour mission d’apaiser les tensions sociales en faisant la part belle aux communautés artistiques. Son action s’inscrit en partie dans le cadre de la politique de réconciliation avec les Premières Nations. Désormais, l’art urbain a officiellement sa place grâce au dévouement des organisateurs du festival qui travaillent en collaboration avec la Ville. Les artistes, essentiellement venus du Canada mais aussi des quatre coins du monde, sont sélectionnés sur dossier. Ils planchent sur le sujet de leur choix. Seul impératif : obtenir l’autorisation du propriétaire du support que ce soit un mur, le sol, une poubelle ou n’importe quelle surface inspirante.
Des œuvres immenses émergent également en dehors du festival. Le centre-ville de Vancouver réserve actuellement des pépites de tous les styles aux chasseurs d’art public. Bien souvent, des murs entiers se parent de peintures multicolores. Nous vous conseillons de garder l’œil ouvert en toute circonstance.

Deux zones à explorer au cours de vos balades dans la ville : au nord de Broadway Avenue et de Main Street. Les petites rues perpendiculaires ne demandent qu’à dévoiler leurs trésors. D’autres graffitis vous attendent entre Mount Pleasant et Olympic Village. Le festival propose une carte des œuvres urbaines mais elle ne les recense pas toutes. A présent, Vancouver est le lieu d’une véritable explosion de street art qui n’attend plus les festivals.

Quelques pistes pour les passionnés. Les premières œuvres publiques en grand format apparues à Vancouver sont probablement les silos peints d’Ocean Concrete sur l’île de Granville. A voir également : la magnifique fresque Canada Secret Mountains (au 325 West 4th avenue), peinte par l’artiste international Okuda San Miguel ; les Lady Mermaids de Chazillah / Nik Martin ; la palissade bleue réalisée par Khelsilem qui a inscrit en langage musqueam (un peuple de Colombie-Britannique) : "Est-ce notre terre ?".