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Éclats du passé

Dans le village de Birka se découvre un passé de légende : celui des Vikings. Au programme : fortifications et tumuli funéraires et bien sûr, reconstitution de maisons longues, ces grandes maisons rectangulaires à la silhouette de navire renversé et à la structure mêlant ossature en bois et revêtement de terre et de chaume. Gamla Stan, la « vieille ville » de Stockholm, elle, bruisse encore des échos du Moyen Âge avec ses ruelles étroites et pentues, ses escaliers et petites places et ses maisons à pignons rappelant qu’à cette époque, la ville était sous l’influence de la Hanse germanique. Parmi les bâtiments phares de ce Moyen Âge, ne manquez pas : la cathédrale, Storkyrkan, avec ses trois nefs, ses épais piliers de brique et ses belles croisées d’ogive gothiques ; l’église de Riddarholmskyrkan à l’austère et majestueuse silhouette de brique ou bien encore le donjon du château de Kunsliga. Au XVIe siècle, sur ordre des Vasa, la ville est placée sous la protection de la forteresse de Vaxholm à l’élégant appareillage de pierre. Au XVIIe siècle, la ville connaît un nouvel essor et s’agrandit selon un nouveau tracé urbain aux grandes rues rectilignes. Un renouveau qui se fera sous les ors et l’exubérance du baroque et sous les traits de crayon d’une grande famille d’architectes : les Tessin. Tessin l’Ancien est indissociable du somptueux château de Drottningholm. Imaginé selon le plan baroque dit « entre cour et jardin », le palais déploie un puissant corps central de 160 m de long et 50 m de large entre une grande cour d’honneur et un jardin organisé autour d’un axe central et peuplé de fontaines et autres agréments paysagers. Stucs, moulures, pilastres et sculptures ornent ses façades. Une puissance décorative que l’on retrouve dans les très belles demeures privées, à l’image du Palais de Wrangel avec sa cour à galerie, ses jardins en terrasse et son superbe portail sculpté. Tessin le Jeune, lui, laissera libre cours à son talent dans le Palais Royal de Stockholm avec ses somptueuses ailes circulaires, son jardin inspiré des villas italiennes, sa silhouette polychrome et ses façades dont la décoration célèbre le pouvoir (arc de triomphe, statues…). Au XVIIIe siècle, après la Guerre du Nord, la ville va délaisser l’exubérance baroque pour la sobriété du classicisme, comme le montrent les galeries, théâtre et bibliothèque du château de Drottningholm qui prend alors des allures de Versailles suédois. La ville se dote également de nouveaux quartiers, telle la zone résidentielle de Malmen, tout en géométrie et en symétrie.

Des styles, une nation

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, Stockholm se transforme sous les effets combinés de la révolution industrielle et d’une croissance urbaine exponentielle. Inspiré des idéaux hygiénistes, le nouveau plan d’urbanisme prévoit de grandes avenues arborées et de grandes esplanades pour plus d’air et de lumière. En parallèle, un vaste programme de construction est lancé, notamment en matière d’édifices publics à vocation culturelle et sociale comme les musées, les écoles et les hôpitaux. Tous se parent alors des atours de l’éclectisme, à l’image du National Museum au style inspiré des Renaissances vénitienne et florentine ou du Musée Hallwyl sis dans un palais oscillant entre gothique vénitien et Renaissance espagnole. À ce foisonnant éclectisme va succéder le Romantisme-National. Mêlant nouveautés formelles, influences « néo », inspirations Arts and Crafts et traditions vernaculaires, ce style étonne et détonne. Le chef de file de ce mouvement est Ragnar Östberg à qui l’on doit l’un des plus célèbres édifices de Stockholm : l’hôtel de ville, réinterprétation libre des hôtels de ville médiévaux, mêlant harmonieusement gothiques hanséatique et vénitien avec ses pignons à redents, sa silhouette de brique rouge émaillée de noir et blanc, ses arcades, baies, et loggias et bien sûr ses somptueuses cours et places intérieures, tel le Hall Doré dont les murs sont recouverts de 18 millions de tesselles d’or. L’autre grand témoin de ce style est… le Stade olympique ! Cette période marque également le développement de nouveaux quartiers résidentiels arborés où fleurissent les belles villas d’architectes. La Villa Lagercrantz étonne par sa silhouette résolument médiévale… tout comme la Villa Bonnier, signée Ragnar Östberg, tout en brique rouge. La Villa Tallom, entièrement en bois et aux résilles formant un élégant décor, est une belle synthèse d’artisanat, d’architecture de bois et de classicisme, et une fière représentante du Romantisme-National. Une identité suédoise qui est célébrée dans toute son originalité au Parc de Skansen, musée ethnographique regroupant des centaines d’habitations traditionnelles. Cette exaltation de l’identité suédoise va trouver son apogée dans le mouvement appelé Swedish Grace et dont Gunnar Asplund est le plus célèbre représentant. Ce style néoclassique épuré et rigoureux se lit dans la pureté des volumes de la Bibliothèque de Stockholm, souvent surnommée « la Maison d’Asplund » ou bien encore dans la Maison des Concerts de Stockholm, œuvre d’Ivar Tengbom, dont on admire le portique soutenu par d’élégantes colonnes corinthiennes stylisées. Ne manquez pas non plus l’autre grande réalisation de Gunnar Asplund : le superbe cimetière de Skogskyrkogärden, symbiose parfaite entre nature et architecture, avec sa chapelle boisée et ses alignements de sépultures inspirés des cimetières médiévaux.

Triomphe de la modernité

L’Exposition de Stockholm de 1930 marque un tournant en matière stylistique. Le Swedish Grace est abandonné au profit du fonctionnalisme. Ivar Tengbom réalise deux édifices clés de ce mouvement : le siège de la Société Esselte et le Citypalatset pour la banque Sydbanken. Longues rangées de fenêtres, sommet composé de trois étages en retrait formant une structure en escalier et prédominance du béton et du verre caractérisent ces représentants de la modernité. Dans les années 1950, Anders Tengbom, son fils, poussera plus loin encore ce modernisme en rejetant toute ornementation et dimension esthétique. La période d’après-guerre est aussi celle d’un grand renouveau urbain. Le centre historique se voit en grande partie transformé, ses ruelles étroites et enchevêtrées faisant place à de larges avenues piétonnes. En parallèle, le Parti Social Démocrate lance un grand programme de construction, baptisé « Programme Million », dont l’ambition est de créer un million de logements modernes, confortables et à un prix raisonnable. L’urbaniste et architecte Sven Markelius va jouer un rôle clé dans la planification des nouveaux quartiers destinés à accueillir ces nouveaux logements. Il s’agit pour lui de développer un environnement urbain d’un nouveau genre regroupant emplois, logements et commerces. C’est ce qu’il appelle le modèle ABC. Les quartiers de Vällingby et de Skärholmen en sont deux grands exemples. Autre création phare de Markelius : les gratte-ciel de Hötorget dans le quartier de Normalm. Ces 5 immeubles de 72 m de haut portent la marque du style international avec leurs panneaux de verre et d’aluminium posés directement sur l’ossature du bâtiment. Avec sa puissante et austère silhouette de béton, véritable manifeste du brutalisme, l’école d’architecture de Gunnar Henriksson a souvent écopé du titre de bâtiment le plus laid de la ville… avant de se voir classé parmi les monuments historiques à préserver ! 25 ans plus tard, c’est le célèbre architecte Ricardo Bofill qui suscitera nombre de débats avec son projet de 400 logements et équipements publics sur l’île de Södermalm, dont le bâtiment principal en arc de cercle a été surnommé « l’Arche » par les habitants. Aujourd’hui, la ville fait le pari de la durabilité et de la protection de l’environnement. En 2010, la ville fut d’ailleurs sacrée première « Capitale Verte » de l’Union européenne ! Partout se multiplient les villas écologiques aux matériaux naturels et aux lignes sobres se fondant dans l’environnement ; elles ont sans aucun doute puisé leur inspiration dans le concept de Naturhus imaginé dans les années 1970 par Bengt Warne et consistant à entourer la maison d’un écrin de verre isolant pour une consommation raisonnée de l’énergie. La ville multiplie également les réhabilitations et requalifications d’anciens quartiers industriels en éco-quartiers tel Hammarby Sjöstad dont les maisons sont pourvues de panneaux solaires, de systèmes de récupération des eaux de pluie et de transformation des déchets en combustibles. Sa grande tour de verre, la Sthlm 01 Tower, est devenue le symbole de ce renouveau durable. Autre superbe création : Artipelag, la galerie du designer Björn Jakobson réalisé par Johan Nyren, dont on admire la silhouette en planches de pin rigides et béton gris et le toit en plantes grasses. À Stockholm, durabilité et respect de l’environnement riment avec gestes créateurs forts ! Voyez donc l’étonnante Kallbadhus de Sandell Sandberg, cercle de 125 m de diamètre s’inspirant d’un lys géant et dont la façade de verre donne l’illusion de la transparence. Voilà comment sublimer la tradition des bains en Suède ! Le grand architecte suédois Gert Windgardh, célèbre pour son style mêlant fonctionnalisme, high-tech et néobaroque tout en couleurs et formes audacieuses, a laissé son empreinte dans la ville avec le K:fem Department Store de Vällingby, boîte laquée sur plusieurs couches et dont le verre laiteux se fait progressivement transparent pour laisser apparaître une peau rouge. On lui doit également la Victoria Tower, dont la silhouette de verre domine la ville de ses 117 m. Parmi les autres grandes créations contemporaines, ne manquez pas le Pont d’Arsta (pont ouest) dont la belle silhouette aux dix piles peintes de rouge Falun (symbole de la Suède par excellence) est l’œuvre de Norman Foster ; ou bien encore le très bel immeuble 79&Park réalisé par Bjarke Ingels, dont la forme tout en courbes s’adapte à la topographie et crée de superbes perspectives sur la nature environnante. Le respect de l’environnement toujours !