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L’art des Amérindiens

Les premières formes d’expression artistique sont les fresques dessinées par les Amérindiens dans les grottes. Le Texas, en particulier la région du Bas-Pecos près de la frontière mexicaine, a révélé des milliers de dessins incisés ou peints sur la roche. Datés de l’époque précolombienne (4 000 ans), ces pétroglyphes placent un animal en figure centrale. Pour cette raison, les archéologues les relient volontiers à des rituels de chasse.

Parmi les plus célèbres, l’abri du chamane blanc présente une superbe composition narrative polychromique.  Figures fantastiques et symboliques s’entrecroisent sur cette œuvre de plus de huit mètres de long. De récentes études ont démontré qu’elle illustre les mythes cosmogoniques des peuples d’Amérique centrale, notamment des Aztèques.

Vers l’art moderne

Les Espagnols sont à l’origine d’un art religieux au Texas au 17e siècle. Les œuvres étaient destinées à décorer les missions.

Le peintre-explorateur George Catlin (1796-1872) multiplie les voyages à travers l’Amérique pour peindre la vie quotidienne des Indiens. Catlin s’immerge au cœur des tribus pour documenter au mieux la culture indigène. Il rassemble son patient travail pictural pour fonder l’Indian Gallery en 1838. Rappelons que le Texas n’est à ce moment-là pas encore rattaché aux Etats-Unis.

Le doyen des peintres texans, Frank Reaugh (1860-1945) s’inspire de la faune et de la flore locales. Les grandes plaines font partie des thèmes que le Dean traite en dessin, en peinture mais aussi en photographie. Il ouvre l’une des premières écoles d’art à Dallas.

L’art moderne fait son entrée par le biais de fresques abstraites, dont celles de Seymour Fogel. Né à New York en 1911, ce peintre et sculpteur expressionniste se tourne ensuite vers l’abstraction. Il établit alors son studio dans une grange à Austin. Le Texas lui commande plusieurs peintures murales pour ses bâtiments publics dans les années 1950 et 1960.  Il rentre à New York en 1959 après avoir influencé l’émergence du mouvement d’art moderne texan. À découvrir au Modern Art Museum of Fort Worth.

Le sculpteur Charles Umlauf, né en 1911, enseigne à partir de 1941 à l’Université d’Austin. Il fait don à la ville de son atelier et de sa maison devenus l’Umlauf Sculpture Garden and Museum. Entre néo-classicisme, expressionnisme et lyrisme, une soixantaine d’œuvres réparties dans un jardin qui accueillent de nombreux événements culturels.

Robert Rauschenberg

Le célèbre enfant du pays voit le jour en 1925 à Port Arthur. Précurseur du Pop Art, Rauschenberg grandit dans une famille modeste. Il intègre l’armée, et s’inscrit en parallèle à des cours d’art au Kansas. Peinture, sculpture, histoire de l’art, musique, mode, tout passionne le plasticien qui poursuit sa formation à Paris en 1948. Deux rencontres marquent ses débuts : le précurseur de l’expressionnisme abstrait Willem De Kooning et la peintre Susan Weil qu’il épousera en 1950 et qui lui servira souvent de modèle.

De retour aux Etats-Unis, il collabore avec le compositeur John Cage et le chorégraphe Merce Cunningham dont il restera très proche. Lors de sa première exposition, en 1951, ses White Paintings, ou monochromes blancs visant à réduire la peinture à l’essentiel, reçoivent un accueil tiède. Mais en 1952, il participe à ce qui est considéré comme le premier happening de l’histoire de l’art avec John Cage, au Black Mountain College. L’événement sans titre réunit plusieurs domaines artistiques. La même année, il entreprend un long voyage avec Cy Twombly, au cours duquel il se lance dans les collages hétéroclites qui seront l’une de ses signatures.

À son retour, Rauschenberg s’installe à New York. Sa relation avec le peintre Jasper Johns influence ses recherches « néo-dada » autour de la frontière entre l’objet d’art et l’objet usuel. Alors qu’il poursuit sa collaboration avec Merce Cunningham, il devient en 1964 le premier artiste américain primé à la Biennale de Venise. En 1975, après un voyage en Israël, il explore son travail en photographie. Le Centre Pompidou lui consacre une exposition en 1981.

Il renoue avec la peinture mais l’applique sur le métal, afin de renvoyer l’environnement au spectateur. Rauschenberg, qui connaît le succès de son vivant, se fait mécène et distribue une partie de sa fortune à des œuvres caritatives. L’artiste s’éteint en 2008 dans son immense atelier de l’île de Captiva en Floride.

Marfa et l’avant-garde

Les grands espaces du Texas se prêtent aux installations monumentales.

L’artiste Donald Judd (1928-1994) érige la bourgade de Marfa en centre culturel. Judd publie en 1965 Specific Objects, l’un des manifestes fondateurs de l’art minimaliste. D’abord peintre expressionniste, Judd épure son esthétique pour proscrire toute référence à toute figure identifiable. Pour ses objets en trois dimensions, il se lance dans la quête de lieux leur garantissant une installation optimale.  Dans ce but, il acquiert tout d’abord un immeuble de cinq étages à New York. Mais ses sculptures occupant de plus en plus d’espace, il prend la direction de l’ouest. C’est ainsi qu’en 1971, il réaménage un vaste ranch à Marfa, Texas, pour le transformer en espace d’exposition. Il y établit définitivement sa résidence à partir de 1972 puis achète un morceau de désert, devenu la Chinati Foundation. Ce centre d’art conceptuel abrite de nos jours, entre autres, des œuvres de Carl André, Richard Long, ou encore Claes Oldenburg.

À Marfa, l’avant-garde percute la culture Far West. Les galeries et installations d’art contemporain en plein air se multiplient, comme l’œuvre Prada Marfa, parodie d’une vitrine de luxe conçue par le duo scandinave Elmgreen & Dragset. Installée en plein désert, à 45 km au nord-ouest de la ville.

Sculpture en plein air

Peu après, en 1974, au nord du Texas, un millionnaire d’Almarillo soutient la réalisation de Cadillac Ranch. Cette sculpture monumentale imaginée par Chip Lord, Hudson Marquez et Doug Michels, est construite à proximité de l’ancienne Route 66, sur un terrain désertique à mi-chemin entre Los Angeles et Chicago. Financée par Stanley March, elle se présente sous la forme de dix Cadillac au nez enfoncé dans le sable. Les épaves des voitures, plantées dans le sol en l’état, laissent les visiteurs libres d’ajouter leurs marques ou même de voler certains éléments. La visite est gratuite, ce qui fait de Cadillac Ranch à la fois une œuvre de Land Art, de street art, un manifeste dadaïste contre la société de consommation mais aussi une installation faisant référence aux mégalithes.

Les Cadillac sont repeintes au fil des années, pour marquer des événements ou apparaître dans des clips, pubs et autres documentaires. Ces vedettes indémodables sont désormais déclinées en version numérique.

Dans tout le Texas, les sculptures se découvrent dans l’espace public ou dans des parcs à sculpture. Dédié à la sculpture contemporaine, le Nasher Sculpture Center à Dallas (dans le quartier des arts du centre-ville) réunit un musée et un jardin de sculptures qui abrite une installation de la série Sky Space de James Turrell. Elle consiste en chambres lumineuses qui invitent à vivre une expérience de la lumière en totale immersion. Il en existe plus de 75 à travers le monde. Le musée conçu par Renzo Piano présente des sculptures de Brancusi, Calder, Matisse, Henry Moore, Rodin et bien d’autres.

À Houston, la sculpture Broken Obelisk (1963-1967) de Barnett Newman se dresse devant la Rothko Chapel. Haute de 7,50 m, l’obélisque inversé s’inspire des codes de l’Egypte ancienne, tandis que la chapelle, commandée à Rothko par les collectionneurs Jean et Dominique de Ménil, a pour vocation d’être un lieu de méditation au cœur d’une collection de peintures.

Graffitis & Co

Désignée capitale des arts visuels du Texas, la petite ville de San Angelo regorge d’attractions culturelles. De nombreuses galeries d’art se nichent dans les rues du centre historique. À explorer pour repérer des talents régionaux.

Dans les rues, tous les ans au mois d’octobre, le concours artistique en plein air attire les foules. Et tout au long de l’année, en plus des deux musées à ciel ouvert gratuit, le street-art fait vibrer ses couleurs. L’association Art in Uncommon Spaces chapeaute les manifestations artistiques dans l’espace public. Elle est notamment à l’origine de la cinquantaine de fresques qui se déploient tout au long de Paintbrush Alley, dans le centre-ville de San Angelo.

Les mosaïques et les sculptures s’affichent quant à elles sur San Angelo Riverwalk et Red Arroyo Trail. Les amateurs d’installation se dirigeront vers City Park et Concho Community Park. De là, au bord de la rivière Concho, un crochet par le Museum of Fine Arts de San Angelo est une excellente occasion de se plonger dans les influences mexicaines et l’art colonial en plus de la création texane.

Le Pop’Art Museum, dans un ancien bowling, prolongera joliment la découverte haute en couleur de San Angelo.

À Austin, un terrain vague entouré d’immenses murs de béton était destiné à un projet immobilier, sur Baylor Street, jusqu’à ce que Shepard Fairey s’en empare. D’autres street-artistes ont rejoint le pape de l’art de rue, et transformé la parcelle en œuvre évolutive. La HOPE Outdoor Gallery est rapidement devenue l’une des plus grandes galeries à ciel ouvert du continent. En 2021, la HOG a dû déménager près de l’aéroport, au 741 Dalton Lane.

À Houston, la communauté de graffeurs affiche fièrement sa diversité. Toutes les origines ethniques et sociales se partagent l’espace public. Une première série de 10 peintures murales a été commandée en 2022 pour égayer la ville. Pour n’en citer que quelques-unes, sur la façade du Four Seasons Hotel (1115 Austin St., Houston, TX 77002), Emily Ding a peint un paysage bucolique intitulé Loving Houston ; Social Equity, le cycliste géant de Case Maclaim pédale sur Scanlan Building (405 Main St.) ; le romantique Sharing the World d’Ana Marietta, embellit Cotton Exchange Building (202 Travis St.) Des titres semblables à de douces promesses…

L'art au Nouveau-Mexique

L'Etat a suscité intérêt et fascination auprès de nombreux artistes de talent. En 1915, c'est même un mouvement global qui a émergé. Appelée Taos Society of Artists, cette colonie fut fondée par plusieurs peintres attirés à partir des années 1890 par la richesse historique et ethnographique du pueblo, mais aussi par la beauté des paysages de la région de Taos. Au cœur de ce mouvement, différents courants artistiques ont pu s'exprimer en toute liberté participant à la richesse d'un écosystème et à la diffusion de la culture amérindienne qui a largement dépassé les frontières de la ville, de l'Etat voire même du pays. Les membres fondateurs de cette société d'artistes étaient Joseph Henry Sharp, Bert Geer Phillips, Ernest Leonard Blumenschein, William Herbert Dunton, E. Irving Couse et Oscar E. Berninghaus. Certaines de leurs oeuvres sont exposées au Taos Art Museum at Fechin House. Mabel Dodge Luhan, riche mécène, joua un rôle important dans la promotion de cette organisation qui attira dans ce nord du Nouveau-Mexique d'autres artistes talentueux. Comment ne pas citer la moderniste Georgia O'Keeffe. Considérée comme une des peintres majeures du XXe siècle, elle est née à Sun Prairie, dans le Wisconsin, a fréquenté l'avant-garde artistique à New-York, avant de découvrir le Nouveau-Mexique à partir de 1929 et finir par s'y installer définitivement. C'est d'ailleurs à Taos qu'elle réalisera l'une de ses œuvres majeures : The Lawrence Tree. Le Georgia O'Keeffe Museum lui est consacré à Santa Fe et les plus inconditionnels pousseront jusqu'à Abiquiú visiter la maison où elle mourut en 1986, la Georgia O'Keeffe Home and Studio. Dorothy Brett, peintre d'origine britannique, tombera elle aussi amoureuse de l'Etat et plus particulièrement de Taos où elle séjournera de 1924 jusqu'à sa mort en 1977. Tommy Wayne Cannon, connu sous le nom de T. C. Cannon, fut également un artiste amérindien à l'aura internationale. Il perdit malheureusement la vie en 1978 à Santa Fe à l'âge de 31 ans des suites d'un accident automobile. Et ce n'est que quelques artistes parmi une multitude de peintres et sculpteurs qui trouvèrent l'inspiration dans les paysages et scènes de vie de cet Etat.