Découvrez la Corée du Sud : Architecture (et design)

La Corée du Sud est un pays de contrastes. D’un côté, elle concentre une population toujours croissante dans des villes bourdonnantes, au premier rang desquelles Séoul. De cette tentaculaire mégalopole, on aperçoit d’abord les gratte-ciel et les immeubles uniformes. A l’ombre de ces géants de verre et de béton se trouvent temples et palais, témoins d’une culture coréenne, qui a toujours su résister et renaître de ses cendres malgré les invasions et destructions. De l’autre, la Corée du Sud offre un visage plus discret, forteresses, temples et tombeaux royaux ayant trouvé dans ses mystérieuses montagnes et forêts des écrins d’exception. La campagne, elle, abrite villages et maisons traditionnels, fiers représentants de cette culture ancestrale. Et aujourd’hui, une nouvelle génération d’architectes fait rimer tradition et innovation, modernité et singularité. Alors, à vous maintenant de découvrir le riche patrimoine du Pays du Matin Calme !

Aux origines

L’histoire architecturale de la Corée remonte à la préhistoire. A l’Amsa-dong Prehistoric Stellement Site de Séoul, vous pourrez découvrir les fondations des toutes premières maisons semi-souterraines, autour desquelles de nombreux objets et outils ont été retrouvés, tandis que le parc du site offre de superbes reconstitutions de huttes d’adobe (brique de terre mêlée de paille et séchée au soleil), un matériau que les Coréens n’auront de cesse d’utiliser par la suite. Mais les plus étonnants témoins de cette préhistoire sont les dolmens coréens dont les plus connus se trouvent sur l’île de Ganghwa. Leur présence en Asie -alors même que ces structures se trouvent principalement en Europe du Nord- étonne encore les chercheurs. En Corée, ces dolmens sont de trois sortes : en forme de table (grandes pierres levées coiffées par une dalle plate) que l’on retrouve à Ganghwa ; en structure basse avec une simple dalle supportée par deux petites pierres que l’on trouve au Sud et enfin en structure simple avec une dalle recouvrant directement la chambre funéraire. Autant de témoins de premières formes architecturales déjà très élaborées.

La période des Trois-Royaumes se caractérise par une très nette influence de la Chine en matière architecturale. Parmi les caractéristiques chinoises phares, notons : l’influence de la géomancie et du feng-shui dans la recherche d’un équilibre parfait avec la nature, les plans centrés sur cours (notamment les palais avec leurs cours en enfilade), les fondations sous forme de plateforme en brique ou pierre, le travail de la charpente en bois avec structures de piliers et linteaux sur plusieurs étages (notamment les pagodes), des avant-toits dépassant les piliers de soutien et un important travail décoratif avec treillis des fenêtres de façades, toitures  de tuiles laquées ou vernissées et présence de gargouilles représentant les protecteurs célestes. Les grands édifices de la période sont des temples et des forteresses. Du Royaume de Baekje nous sont parvenus notamment le très beau temple de Popchu-sa avec sa pagode centrale à 5 étages ou bien encore l’impressionnante forteresse de Bukhansan avec ses 8km de remparts. Le Royaume de Goguryo a laissé lui aussi de nombreuses forteresses montagneuses et des temples copiant les pagodes chinoises en bois. Le plus bel exemple en est la Salle de la Vie Eternelle du temple Buseok-sa, qui est considérée comme l’une des plus anciennes structures en bois du pays. Enfin, le Royaume de Silla non unifié a laissé, lui, un témoin unique en son genre : l’observatoire astronomique Chemseongdae avec sa tour composée de 365 pierres (tels les 365 jours) et ses 12 pierres de soubassement (tels les 12 mois).

L’âge d’or du Royaume de Silla

L’unification du Royaume de Silla correspond à une période de grande effervescence culturelle et architecturale. C’est l’âge d’or de la Corée et celui d’un large développement du bouddhisme. Les souverains font ériger de nombreux temples et financent les études des moines en Inde et en Chine… deux pays qui continueront ainsi à influencer l’architecture des temples. Ces derniers partagent tous des éléments communs : l’iljumun ou la première grande porte du temple avec ses piliers coiffés de tuiles, le sacheonwangmun ou la deuxième porte protégée par les statues colossales des 4 protecteurs célestes représentant les 4 points cardinaux, le beopdang ou salle de lecture que l’on traverse pour accéder aux pagodes abritant les cendres des moines éminents. Viennent ensuite le daeungjeon ou le sanctuaire principal consacré à Bouddha, le myeongbujeon ou salle du jugement et enfin le sansingak contenant le portrait de Sansin, le dieu légendaire de la montagne. Le plus célèbre temple de la période est le temple Bulguk-sa avec ses deux pagodes de pierre Seokgatap et Dabotap (exemple unique de pagode ornée d’escaliers et de balustrades). Parmi les autres grands témoins de la période Silla, notons : le sanctuaire de Seokguram avec sa grotte artificielle dont il ne faut surtout pas manquer la chambre funéraire principale de plan circulaire et surmontée d’une coupole et le temple Songgwang-sa. La capitale du Royaume de Silla était Gyeongju, aujourd’hui souvent surnommée « le musée sans murs » tant elle regorge de trésors. Vous aimerez vous promener dans l’enchevêtrement de ses ruelles étroites aux maisons basses dont les toitures en tuiles reluisent. Aujourd’hui la ville et sa vallée sont surtout connues pour abriter le plus grands nombres de tumuli ou tertres funéraires du pays. Les grandes figures de l’époque se faisaient en effet ériger de superbes chambres funéraires en pierre qui étaient ensuite surmontées d’un monticule de terre, lui-même souvent entouré de nombreuses sculptures protectrices. Le Tumuli Park est à ne surtout pas manquer. Habité durant l’époque moderne, le site a été débarrassé de toutes ces maisons et a retrouvé aujourd’hui son statut de trésor national.

Du royaume de Goryeo à la dynastie Joseon

Du Royaume de Goryeo ne nous sont malheureusement parvenus que peu de témoins, la plupart des édifices ayant été réalisés en bois. De plus une grande partie de ces témoins se trouvent aujourd’hui en Corée du Nord. Mais on sait malgré tout que les édifices de l’époque ont porté des influences mongoles (du fait des différentes invasions) et encore une fois chinoises notamment en matière de toiture (gâbles, avant-toit, faîtière incurvée).

La dynastie Joseon, en revanche, a laissé bien plus de témoins. Cette période se caractérise par la prédominance du néoconfucianisme. En matière architecturale, cela se traduit par une recherche de fonctionnalité et de frugalité. Pour répandre ce nouveau courant de pensée à travers le pays, on construit de nombreuses écoles locales ou hyanggyo. Cette période est également marquée par l’avènement d’une nouvelle classe sociale qui va jouer un rôle majeur en architecture : l’aristocratie yangban (lettrés et militaires) dont les membres vont remplacer les écoles locales par de véritables académies (seowon). Ils se font également ériger de très belles demeures avec toiture de tuiles incurvée reposant sur de lourdes poutres, murs en adobe, balustrades patinées et portes en bois ciselé. De très beaux exemples sont à voir à Andong. Autre caractéristique de ces maisons, la présence d’enceintes protectrices, permettant le respect de l’intimité et une forme d’intériorisation du culte familial prôné par le néoconfucianisme. Il s’agit là de répliques à petites échelles des puissants murs d’enceinte entourant les palais de l’époque dont les plus beaux sont à voir à Séoul. Ne manquez pas le Palais Gyeonbok et son étonnante salle de banquet, et surtout ne ratez pas le Palais Changdeok et ses jardins secrets, les Biwon, dont on admire notamment le pavillon en forme d’éventail se reflétant à la surface de la superbe pièce d’eau. Fontaines et pavillons jalonnent tous les plus beaux jardins du pays, un art indissociable de la culture du pays et intimement lié à la pratique religieuse.

Occupation japonaise et après-guerre

En remplacement du patrimoine coréen qu’il n’a eu de cesse de détruire, l’occupant japonais a construit de nombreux édifices publics et de multiples infrastructures avec au total des milliers de kilomètres de routes et de chemins de fer, une prouesse dans un pays aussi compact et montagneux. L’une des interventions les plus tristement symboliques de cette occupation fut la construction d’un palais du gouverneur entre la grande porte et la salle du trône du Palais Gyeonbok, une manière de couper le lien entre le monarque et son peuple. Fort heureusement, cet édifice fut détruit en 1995. En réaction à cette occupation, une certaine forme de résistance s’est mise en place avec la préservation ou la construction de nouvelles hanoks, les maisons traditionnelles de plain-pied aux murs d’adobe et aux toits de tuiles en argile organisées autour d’une cour et pensées pour s’intégrer parfaitement à leur environnement. En les préservant, les habitants en ont fait les vecteurs de la fierté coréenne. Les quartiers d’Insa-dong et Bukchon de Séoul en conservent de très beaux exemples. Longtemps menacées, elles sont aujourd’hui protégées, notamment dans les villages folkloriques. Certains sont d’origine, d’autres ont été reconstitués, mais dans tous les cas, ils permettent de se familiariser avec les modes de vie traditionnels coréens. Parmi les villages les plus connus, notons Namsangol Hanok Village et le très authentique Hahoe.

Après-guerre, le pays est en ruine. Il faut tout reconstruire. Si les régions montagneuses, du fait de leur topographie contrainte, gardent un urbanisme relativement maîtrisé, le reste du pays souffre d’une urbanisation quasi anarchique. La population ne cesse de croître et il faut à tout prix trouver à la loger. Barres et tours de béton sortent de terre, créant des perspectives vertigineuses et écrasantes. La première série d’immeubles est érigée dans le quartier de Mappo à Séoul en 1962. Si l’on peut critiquer leur aspect esthétique, on ne peut nier le fait qu’ils apportent un confort certain, comparé aux conditions de vie rudimentaires dans les campagnes. Et les Coréens semblent les avoir parfaitement adoptés, les transformant en villages dans la ville. Cette croissance urbaine s’est aussi accompagnée de la création de villes-satellites aux larges avenues et aux immeubles à perte de vue, tandis que les géants de l’économie coréenne ont créé en parallèle leurs propres villes, à l’image d’Ulsan baptisée la ville Hyundai. Les entreprises prenaient alors en charge toutes les constructions, y compris celles des écoles et des zones résidentielles. La prospérité économique se lit alors partout, et la N Seoul Tower, avec ses 236 m, en devient l’un des emblèmes.

Epoque contemporaine

Les Jeux olympiques de 1988 ont mis un coup de projecteur sur la Corée qui a repensé ses infrastructures, tout en se dotant d’un complexe et d’un parc olympique gigantesques. L’emblème choisi pour les JO est un dérivé d’un motif traditionnel coréen, le « sam t’aeguk » très souvent utilisé dans l’architecture et dont les trois tourbillons représentent l’harmonie du Ciel, de la Terre et des Hommes. Le grand symbole de la période est le stade olympique réalisé par l’architecte Kim Swoon-Geun, à qui l’on doit également le Musée National de Jinju. Autre personnalité phare de l’architecture coréenne : Moon Hoon aux réalisations souvent subversives à l’image de sa maison Lollipop à Yongin en forme de…sucette, ou bien la maison Panorama à Cheongju avec sa façade en accordéon. Ses créations les plus récentes sont plus sobres, faisant la part belle au béton notamment, mais gardent toujours un brin de fantaisie comme sa résidence à 4 étages surnommée le Hibou de Busan. Moon Hoon a ouvert la voie à une nouvelle génération d’architectes cherchant à lutter contre l’uniformité des barres de béton en imaginant une architecture plus humaine, mêlant fonctionnalité et intégration à l’environnement, à l’image de l’immeuble The Rabbit de Séoul imaginé par l’agence SoA ou bien encore l’étonnante RW Concrete Church dans le quartier de Byeollae. Cette église aux formes géométriques simples et entièrement en béton a été imaginée par l’agence Nameless Architecture qui mêle art et design avec succès. L’agence UNStudio, elle, a repensé entièrement le célèbre building de l’Hanwha en créant une façade dynamique conçue pour minimiser l’impact environnemental. Bien sûr, l’époque contemporaine a vu aussi pousser de nombreux gratte-ciel dont la Lotte World Tower et ses 555 m est l’un des plus impressionnants du pays (même si elle sera sans aucun doute détrônée par la future Tower Infinity à Incheon dont la façade sera équipée de LED et de caméras qui filmeront l'environnement de la tour et qui renverront ensuite les images sur la tour elle-même afin de la rendre invisible…tout un programme !), ainsi que de nombreux centres commerciaux (dont le Lotte World) qui ont également leurs pendants souterrains (le sous-sol de Séoul est parcouru de kilomètres de galeries commerçantes souterraines avec de véritables rues piétonnes, à l’image des Nagwon Arcade), mais de véritables réflexions sont menées aujourd’hui pour repenser la ville et y faire revenir la nature. C’est ainsi que le lit de la rivière Cheonggyecheon à Séoul a été restauré. Jusqu’alors entièrement bétonné, il a été réhabilité. Les berges ont été pavées et de charmants petits gués surplombent désormais l’eau. Malgré quelques contestations, l’ensemble est devenu un lieu de promenade apprécié des habitants de Séoul. Autre beau projet à venir, la réhabilitation du pont autoroutier construit dans les années 70 et tombé depuis en désuétude. Un grand concours a été lancé pour le transformer en une agréable promenade arborée…ou comment se réinventer sans détruire. Enfin, ce tour d’horizon ne serait pas complet sans l’évocation des créations des grands noms de l’architecture internationale. Dominique Perrault a réalisé une étonnante extension de l’université EWHA avec deux bâtiments symétriques partiellement enterrés aux toits transformés en promenade. Zaha Hadid a repensé le centre de Séoul en imaginant la Dongdaemun Design Plaza, complexe multifonction dont l’édifice principal est une sorte de vaisseau spatial argenté aux courbes élégantes et au toit végétalisé. Tandis que le LEEUM ou Samsung Museum of Art a confié la réalisation de trois de ses bâtiments à Mario Botta, Jean Nouvel et Rem Koolhaas. Le premier s’est inspiré de la porcelaine traditionnelle coréenne, le second a imaginé un design innovant en verre et acier inoxydable, tandis que le troisième a imaginé une structure en béton noir qui semble flotter dans les airs. Etonnant !

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