L’Oural

La région la plus à l’ouest : jusqu’à la fin du XVIe siècle et la conquête de l’Est par les mercenaires Cosaques, après l’Oural, il n’y avait rien… Cette chaîne de montagnes (le mont Narodnaïa culmine à 1 894 m) d’orientation méridienne s’étire sur près de 2 000 km, entre la mer de Kara (zone arctique) et les steppes du Kazakhstan. Elle marque traditionnellement la frontière entre l’Europe et l’Asie. Sa superficie est de 1,8 million km², où vivent environ 18 millions de personnes. Le nord, situé au-delà de 64° de latitude, est soumis au climat de la toundra (froid extrême). Ce sont les parties centrales et méridionales, très boisées, les plus développées. Un sous-sol riche en matières premières (pétrole, fer, bauxite, amiante, chrome, platine, or) a fait d’elle, dès le XVIIIe siècle, le siège d’une puissante industrie, aujourd’hui sur le déclin. Le gisement de sel gemme, situé dans la région de Perm, représente à lui seul près de la moitié des ressources mondiales. L’Oural compte quatre villes de plus de 1 million d’habitants : Perm et Ekaterinbourg, au centre, situées respectivement au kilomètre 1434 et 1814 du Transsibérien ; Tcheliabinsk et Oufa au sud. À environ 200 km de cette dernière se trouve la Réserve naturelle de l’Oural du Sud (Yuzhno Uralskiy zapovednik), créée en 1978, qui abrite environ 1 300 espèces végétales et 260 espèces de vertébrés. Elle inclut le mont Iamantaou (République de Bachkirie, 1 640 m) à l’équivoque réputation : certains théoriciens du complot y voient le pendant russe de la célèbre Zone 51. Il abriterait un immense complexe militaire souterrain de l’époque Brejnev.

La Sibérie occidentale

La plus grande région de plaine de la planète (2,7 millions km²). Elle s’étend de l’est de l’Oural au fleuve Ienisseï (3 800 km ; se jette au nord dans la mer de Kara). Il est pourtant le plus court de la région, qui est également arrosée par l’Ob (5 410 km) qui alimente la gigantesque centrale hydroélectrique de Novossibirsk, et son affluent, l’Irtych (4 248 km). Entre eux se trouve l’une des plus vastes zones marécageuses du monde, le marais de Vassiougan (53 000 km²). Les deux cours d’eau prennent leur source dans le massif de l’Altaï, qui clôture la Sibérie occidentale au sud-est sur environ 2 000 km.

L’Altaï, surnommé la Suisse ou Tibet russe, compte plusieurs 4 000, dont son point culminant, le mont Katoun (4 506 m). Il compile, outre des pics vertigineux, plateaux d’altitude, plaines, moyenne montagne, steppes d’herbe sèche et autre sombre taïga. Amateurs de cartes postales époustouflantes, rendez-vous en road trip sur la route de la Tchouïa (ou R-256, ou M-52, liaison Novossibirsk-Biysk, avec vue sur les sommets enneigés). Pensez également à fouler du pied la région de Kyzil-Tchin, la Mars de l’Altaï. Une teneur élevée en mercure lui donne cette fabuleuse couleur rouge et, à vous, l’impression d’avoir quitté la Terre. La région abrite la réserve de biosphère du Grand-Altaï, créée en 2017 et transfrontalière avec le Kazakhstan (UNESCO) : 1,5 million d’hectares dédiés à l’élevage et au fourrage, des activités confiées à ses 24 000 habitants.

Dans les années 1930, un inépuisable gisement de nickel (toujours exploité) conduit les autorités staliniennes à fonder le Goulag Norillag, cité-bagne secrète, depuis rebaptisée Norilsk et… toujours fermée. C’est l’une des légendaires villes polluées du Grand Nord (175 000 hab., 69° de latitude). Dans les années 1960, la Sibérie occidentale devient une vaste zone de production d’hydrocarbures (pétrole dans l’Ob moyen et gaz naturel au nord). Aussi la région est-elle très développée. Près de 15 millions de personnes y vivent, particulièrement dans les grandes cités industrielles (et pas moins charmantes) d’Omsk (km 2 711 du Transsibérien ; 1,17 million hab.) et de Novossibirsk (km 3 336 ; 1,58 million hab.). Ne ratez pas la joyeuse Tomsk, et ses quartiers de bois, première ville universitaire de Sibérie (570 000 hab.). Vous explorez la Sibérie occidentale aisément en train, en rayonnant autour de la ligne transsibérienne, particulièrement au départ de Novossibirsk, hub ferroviaire d’importance.

La Sibérie orientale

Un peu moins peuplée (9,1 millions hab.), la région est… immense. Elle s’étend de l’Ienisseï (kraï de Krasnoïarsk, dans lequel vous logez pratiquement l’Union européenne) à la Lena. Le fleuve prend sa source tout au sud, dans la chaîne des monts Baïkal, et se jette 4 400 km au nord, dans la mer des Laptev, très enclavée, donc très froide (navigation possible en brise-glace l’été jusqu’en septembre). D’autres fleuves coulent ici, dont l’Angara (1 779 km), l’un des innombrables « fils » du lac Baïkal. C’est l’une des particularités de la région : un patrimoine hydraulique exceptionnel et de gigantesques barrages que vous pouvez visiter.

La Sibérie orientale constitue géologiquement le plateau de Sibérie centrale, reliefs de faible altitude (500-700 m) ceinturés au sud-ouest par les monts Saïan (dont le Mounkou Sardyk, 3 492 m, situé à la frontière russo-mongole) et au sud-est par les chaînes des Iablonovy et des Tcherski, moins vertigineuses (à l’est du lac Baïkal). La richesse des sous-sols est colossale : étain, charbon (près de 50 % des réserves de la Russie), cuivre, mica (un gisement plutôt rare), lignite, or. Leur exploitation ne date pas d’hier – elle est d’ailleurs historiquement associée aux travaux forcés et au fameux exil en Sibérie. De très nombreux dissidents, dont les Décembristes, ont été incarcérés dans le kraï actuel de Transbaïkalie, autour de Chita (344 000 hab.), où diverses katorga avaient été implantées dès le XVIIIe siècle.

Krasnoïarsk (1,07 million hab.) est une étape importante du Transsibérien (km 4 098) : la cité, certes ultra moderne, au lourd passé industriel (notamment nucléaire, puisqu’elle a abrité deux sites sensibles, non cartographiés, Kasnoïarsk-26 et 45), dispose d’un très joli centre-ville. La célèbre Irkoutsk, deuxième ville en population (km 5 185, 623 000 hab.), est surnommée le « Paris de Sibérie », un rayonnement culturel qu’elle doit aux révolutionnaires Décembristes. Extrêmement touristique, elle constitue l’accès le plus populaire au merveilleux lac Baïkal (station balnéaire de Listvianka, à environ 70 km au sud). La biodiversité exceptionnelle de la plus ancienne et plus profonde réserve d’eau douce de la planète a mené à la création de plusieurs zones protégées, dont la réserve Baïkal-Lena (Baïkalo-Lenski zapovednik, rive nord) et le Parc naturel de Zabaïkalski (rive sud-est, qui abrite la fabuleuse péninsule du Nez sacré). C’est à Oulan-Oude, capitale de la Bouriatie (km 5 641, 430 000 hab.), que la ligne de chemin de fer Transmongol démarre. De Oulan-Oude, vous accédez à la rive sud du lac Baïkal, beaucoup plus sauvage (et beaucoup moins visitée).

Enfin, très éloignée, au nord-est, plantée sur la plaine de la Lena, se trouve Iakoutsk, capitale de la République de Sakha/Iakoutie, bâtie sur le permafrost (308 000 hab., plus grande ville du monde de ce type et par ailleurs la plus froide). On y accède difficilement en train (ligne Magistrale-Amour-Iakoutie, reliée au Transsibérien et au BAM), mais très facilement en avion. Dans cette région, on extrait 1/5e de la production mondiale de diamants : c’est ici que se situent les célèbres (et photogéniques) mines à ciel ouvert de Mir (500 m de profondeur, fermées en 2001) et d’Oudatchnaïa (toujours en activité, 3e plus profonde du monde). D’importants gisements d’or sont exploités depuis plus récemment.

L’Extrême-Orient

La diversité des environnements y est telle qu’elle en donne le tournis… La région dispose de quatre entrées maritimes. Au nord et nord-est, elle s’ouvre sur les mers de Sibérie orientale et de Tchouktches (océan glacial Arctique), toutes deux situées en zone polaire. À l’est et au sud-est se trouvent les mers de Béring, d’Okhotsk et du Japon, froides, mais soumises à l’influence tropicale du Pacifique. Elles sont extrêmement poissonneuses, avec 800 espèces répertoriées (200 sont pêchées industriellement, dont le saumon, le hareng, la morue, la perche ou le kijoutch).

À terre, à l’est de la Lena, une succession de reliefs. Les monts de Verkhoïansk, enneigés à l’année, culminent à 2 959 m (mont Mous-Khaïa). Le massif comporte des gisements de charbon, argent, plomb et zinc. Toujours vers l’est, sur près de 1 000 km, se trouvent les monts Tcherski, situés de part et d’autre du cercle polaire. Ils s’étendent jusqu’à la vallée de l’Iana et le plateau d’Oïmiakon (république de Sahka/Iakoutie). Ces deux massifs montagneux, pourtant habités, enregistrent des records de froid chaque année. Ils sont traversés par le fleuve Indighirka (1 726 km), qui se jette dans la mer de Sibérie orientale. Cette série de reliefs se clôture par les monts de La Kolyma (environ 500 km), moins escarpés, et la mer d’Okhotsk. La Kolyma compte plusieurs gisements aurifères (certains sont encore en activité) : c’est pourquoi les autorités soviétiques y ont implanté l’un des Goulags les plus meurtriers de l’histoire, actif jusqu’en 1953 (visites guidées organisées par les agences de tourisme). On y accédait par le petit port de pêche de Magadan, devenue une importante plateforme de transit pénitentiaire. Aujourd’hui, la ville (92 000 hab.) fait encore rêver les chercheurs d’or et les pêcheurs. Surtout, elle détonne par son architecture raffinée, inspirée de Saint-Pétersbourg. Amateurs de sensations fortes et de sport auto, rendez-vous sur la Route des os, ou route R504, qui relie Magadan et Iakoutsk (2 032 km, 20 ans de travaux. Elle tire son nom des milliers de prisonniers du Goulag morts sur le chantier) : la voie, redoutable, est gelée pratiquement toute l’année.

Sur la carte, vous observez une péninsule septentrionale : il s’agit de la Kamtchatka, incluse à la ceinture de feu du Pacifique. Ici, que de bouillonnement : une vingtaine de geysers, 170 volcans, dont une quarantaine sont actifs (le plus haut, Sa Majesté le Klioutchevskoï, ordinairement recouvert de névés, culmine à 4 835 m. Dernière éruption en 2005), la fosse océanique kourilo-kamchatskaïa, vertigineusement profonde (10 540 m), séismes et autres tsunamis réguliers ! Au sud, vous apercevez l’archipel des Kouriles, qui se déploie jusqu’à l’île d’Hokkaido. Lui aussi possède ses cracheurs de feu, aux pentes recouvertes de feuillus et de bambous. Beaucoup de touristes russes viennent ici en cure thermale.

Retour sur le continent. L’Extrême-Orient est aussi un territoire de plaines, entre la Lena et ses affluents, le Viluï et l’Aldan, fermé au sud par les monts Stanovoï, région pratiquement désertique. À l’extrême sud, le rapide fleuve Amour (4 440 km) sert de frontière naturelle entre la Russie et la Chine. Également de frontière climatique, puisqu’ici le changement d’ambiance est drastique : le permafrost laisse place aux vallées verdoyantes de l’Amour et du Primoré, au climat continental modéré. Que l’arrivée en la légendaire Vladivostok (km 9 288, 607 000 hab.), nichée en bord de mer du Japon, est douce… Il souffle ici un agréable vent tropical venu de l’empire du soleil levant…