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Héritages du passé

Pour découvrir Lausanne avant Lausanne, rendez-vous dans le quartier de Vidy où se trouvent les vestiges de la cité portuaire de Lousonna, qui porte à l’époque la dénomination de vicus. Notez la place originale du forum qui n’est pas au centre du complexe, mais légèrement surélevé. On voit déjà combien la topographie accidentée de la ville va influer sur son urbanisme. La basilique est l’édifice le mieux préservé et donc celui à ne pas manquer. Au Moyen Âge, la ville connaît un nouvel âge d’or comme en témoigne sa puissante cathédrale gothique dont on admire le massif occidental avec porche et tours, et la rose en vitrail. L’église réformée Saint-Martin de Vevey, avec son chœur rayonnant, son imposant clocher-porche et sa nef à trois vaisseaux, est un autre bel exemple de gothique. Le Moyen Âge est aussi l’époque des fortifications comme en témoigne la tour de l’Ale à Lausanne avec ses murs épais et son sommet couronné de créneaux. Mais ce sont sans aucun doute les palais et châteaux qui portent le plus fièrement la marque de ce glorieux Moyen Âge. À Lausanne, le château Saint-Maire impressionne par son étage défensif en briques garni de créneaux et de merlons, tout comme l’ancien évêché et la silhouette élancée de sa tour. Mais le plus beaux des châteaux reste bien sûr le légendaire château de Chillon au double visage, d’un côté forteresse médiévale percée de meurtrières et mâchicoulis et de l’autre résidence princière aux belles fenêtres gothiques. À cette architecture imposante et puissante vont succéder les lignes épurées de la Renaissance que l’on peut observer dans l’ancienne Académie de Lausanne avec son imposant corps principal de 50 m de long s’élevant sur trois niveaux, ou bien encore sur la fontaine de la Justice avec son jeu ornemental fait  d’arcades et de colonnes cannelées. À la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, le classicisme fait son apparition dans les grands édifices publics comme le montrent les hôtels de ville de Lausanne et Vevey, et surtout le monumental ancien hôpital de Lausanne avec ses pilastres colossaux. En parallèle se développent les « campagnes » ou maisons de maître avec domaine rural qui, elles aussi, se parent de frontons, pilastres et porches à colonnes. La Campagne de Beaulieu à Lausanne en est un bel exemple.

Éclectisme et modernité

Du XIXe siècle au milieu du XXe, Lausanne et la Riviera vaudoise vont connaître une incroyable effervescence urbanistique et architecturale. La désormais capitale du canton de Vaud dépasse les limites de sa ceinture médiévale et s’étend grâce à deux prouesses d’ingénierie : le Grand Pont qui, soutenu par ses dix-neuf arches, s’étend sur près de 180 m de long, et le tunnel de la Barre, long de 56 m, dont les voûtes en plein cintre culminent à 11 m. Entre superposition et dissimulation, Lausanne joue à nouveau avec sa complexe topographie. L’arrivée du chemin de fer va également transformer le paysage urbain et faire de Lausanne et sa Riviera une destination touristique de premier plan, les gares devenant les nouveaux palais de l’ère industrielle, comme le montrent les très imposantes gares de Lausanne et de Montreux parées aux formes élégantes du style beaux-arts. En parallèle, palaces et casinos sortent de terre devenant les nouveaux châteaux du XXe siècle, alternant entre éclectisme historicisant et style beaux-arts plus classique. Lausanne avait ouvert la voix avec son Hôtel Beau-Rivage et son décor néo-Renaissance, agrandi ensuite en Beau-Rivage-Palace néobaroque, puis ce fut au tour de Montreux avec ses deux célèbres palaces : le Fairmont Palace et le Caux Palace, tous deux œuvres d’Eugène Jost, qui impressionnent par leurs puissantes façades empruntant de nombreux motifs « néo ». On retrouve également cet historicisme dans les châteaux de la Riviera transformés en résidence privée comme au château des Crêtes de Montreux avec sa tourelle octogonale couronnée de mâchicoulis, ou au manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey, dont on admire la façade richement décorée de pilastres, corniches et moulures. Leurs jardins portent également fièrement la marque de cet élan romantique et historiciste. Mais les plus célèbres représentants de ce courant sont sans conteste le château d’Ouchy qui domine fièrement le lac de sa silhouette néogothique et le palais Rumine avec ses colonnes monumentales, loggias, campaniles et galeries à la mode Renaissance florentine, tous deux à Lausanne. Les édifices commerciaux et administratifs n’échappent pas à cette mode éclectique comme vous pourrez le voir place Saint-François à Lausanne avec ses immeubles à la structure de béton armé permettant de prendre plus de liberté, notamment en matière d’ouverture et de hauteur. Ces immeubles portent également quelques motifs Art nouveau. On retrouve ces caractéristiques dans les galeries commerçantes Saint-François à Lausanne, et sur le pont Chauderon avec ses arches métalliques noyées dans du béton, ses pylônes monumentaux en pierre et ses luminaires aux arabesques Art nouveau. À la même époque se développe dans les villas bourgeoises le Heimastil, qui vise à préserver les coutumes et traditions locales, dans une idéalisation de la vie rurale. Bois sculpté, pierre taillée, fer forgé, toits en saillie, fenêtres à croisillons et encorbellements caractérisent ce style qui opère malgré tout une transition vers la modernité, notamment en matière de confort. Car paradoxalement, c’est cette même bourgeoisie friande de valeurs traditionnelles qui va offrir un terreau fertile à l’architecture moderne via des villas incontournables. À Montreux, ne manquez pas la villa Karma, entièrement repensée en 1904 par Adolf Loos, avec son aspect « nu », ses lignes nettes et son intérieur riche de matériaux nobles (bois et marbre). À Corseaux, la villa du Lac, créée en 1923 par Le Corbusier, est un chef-d’œuvre de fonctionnalité. Destinée à accueillir les parents de l’architecte, la maison a été pensée de façon à offrir tous les services et le confort nécessaire à portée de main. Structure en béton armée, toit-terrasse, longue fenêtre de 11 m orientée plein sud offrant un panorama unique sur le paysage… les caractéristiques de la villa du Lac seront ensuite reprises par Le Corbusier dans sa série de « villas blanches ». À Corseaux, ne manquez pas non plus la maison-atelier du peintre Italo De Grandi dont la rationalité et la fonctionnalité des volumes rappellent le style Le Corbusier. La villa Kenwin à La Tour-de-Peilz avec ses grandes baies vitrées, ses balcons-coursives et sa toiture-terrasse arbore, elle, fièrement les codes du Bauhaus. En matière de modernisme et de fonctionnalisme, Lausanne n’est pas en reste comme le prouvent deux des grands emblèmes de la ville : le complexe Bel-Air Métropole avec sa tour faisant office de premier gratte-ciel de la ville et Bellerive-Plage avec ses lignes épurées et la légèreté de ses structures en verre et en béton. En matière urbanistique aussi, Lausanne innove, comme le prouve la toute première cité-jardin de la ville, la cité du Prélaz, qui suit un plan étagé en pente douce, ménageant une place ombragée au centre du lotissement composé de deux immeubles et de trente-quatre maisons mitoyennes, s’intégrant lui-même harmonieusement dans cette topographie complexe typiquement lausannoise.

De l’après-guerre à nos jours

Les années 1950-1960 sont les années des corporate constructions, édifices pensés tout à la gloire de la société commanditaire. Le grand représentant de cette mode est l’architecte Jean Tschumi à qui l’on doit l’immeuble de La Vaudoise Assurances avec son ossature en béton et son jeu de perspective permis par ses piliers profilés. Une sobriété et des lignes épurées inspirées de Le Corbusier que l’on retrouve dans le bâtiment administratif qu’il a imaginé à Vevey pour le compte de Nestlé. En parallèle, Lausanne continue à modifier sa skyline à grand renfort de tours qui empruntent aux codes du style international comme en témoignent la tour Édipresse avec sa façade-rideau entièrement vitrée et le quartier des Tours Valmont, dont les rez-de-chaussée sur piliers rappellent les Cités radieuses de Le Corbusier. À Montreux, la tour d’Ivoire opère un glissement vers le postmodernisme avec son vocabulaire architectural emprunté au nautisme. Avis aux amateurs, son appartement-témoin se visite ! Les années 1950-1960 sont également une période propice au renouveau de l’art sacré qui conserve les codes de l’architecture religieuse tout en exploitant les possibilités architectoniques du verre et du béton, à l’image de l’étonnant temple de Gilamont à Vevey avec sa toiture en voile de béton pliée comme un origami couvrant les six modules identiques organisés autour du clocher et dont les façades sont faites de dalles de verre insérées dans le béton, créant un effet kaléidoscopique saisissant. Les années 1980, elles, marquent une nouvelle phase de transformation pour Lausanne. Entre réhabilitation du patrimoine d’après-guerre et gestes architecturaux audacieux comme l’immeuble Ulysse d’Aurelio Galfetti qui multiplie les effets plastiques grâce à ses volumes cylindriques et cubiques, Lausanne se dote également de nouvelles infrastructures de transport, à l’image de la gare/station de métro Interface Flon imaginée par Bernard Tschumi (fils de Jean) dans un style résolument déconstructiviste. Autour de cette interface, le quartier du Flon continue aujourd’hui encore sa transformation, tout comme le quartier du Rôtillon qui se déploie tout en conservant son urbanisme hérité du Moyen Âge. Enfin, les amateurs d’architecture contemporaine ne manqueront pas de visiter l’École polytechnique de Lausanne qui est devenue, depuis 2010, le repère des starchitects. Dominique Perrault y a transformé l’ancienne bibliothèque en bâtiment administratif aux façades ponctuées de bandes de verre émaillé noir et coloré, l’ancienne halle mécanique en bâtiment enveloppé de volets articulés en mailles métalliques, et y a imaginé le Teachnig-Bridge, un bâtiment-pont. Le célèbre cabinet lausannois Richter-Dahl-Rocha y a créé le très aérien Swiss Tech Convention Center avec son toit en aluminium dominant un ensemble fermé entièrement de baies vitrées. L’agence japonaise SANAA a conçu le Rolex Learning Center comme un édifice poreux dans lequel on entre et sort sans même s’en apercevoir via des arches, patios et portes vitrées, tandis que son toit ondulant s’intègre parfaitement au relief environnant. Une épure que l’on retrouve dans l’Artlab conçu par un autre Japonais, Kengo Kuma. Ce pavillon de bois, d’acier et de verre, à la toiture en ardoise, ondule sur près de 250 m et s’intègre harmonieusement à l’environnement. Enfin, autre espace à ne pas manquer à Lausanne, la Plateforme 10, le nouveau quartier des arts, qui accueille de superbes créations architecturales telles le nouveau musée cantonal des Beaux-Arts pensé pour mettre en valeur les œuvres qu’il abrite. Tout un programme !