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Premières influences

Le peintre italien Giuseppe Arcimboldo (1527-1593) est appelé à Prague en 1562 au service de Ferdinand Ier, empereur du Saint Empire, en tant que portraitiste de la famille impériale. Il enrichit par la suite les fameux cabinets d'art et de curiosités des empereurs Maximilien II et Rodolphe II. Les tableaux fantastiques qu'il réalise pour le cabinet des curiosités ont trouvé des admirateurs parmi les surréalistes. Son autoportrait (aquarelle et dessin sur papier) se trouve à Prague, à la Galerie nationale (Národní Galerie), qui abrite tous les grands maîtres européens. On y découvre le portraitiste Petr Johannes Brandl (1668-1735). Célèbre en son temps, il excelle dans la technique du clair-obscur et les compositions dramatiques.

Après l’apport italien de la Renaissance, essentiellement en architecture, les XVIe et XVIIe siècles sont ceux du baroque. Dès la première moitié du XVIIe siècle, Prague s’impose comme un centre du maniérisme, courant à la charnière de la Renaissance tardive et du baroque. L’essor du baroque, en provenance d’Italie, est favorisé par l’aristocratie et l’Église catholique, la seule qui soit autorisée à compter de 1627. Sculptures et peintures s’allient à l’architecture pour orner les édifices religieux. Le peintre Karel Škreta (1610-1674) réalise à Prague de nombreux retables baroques, en particulier dans les églises Saint-Thomas, Saint-Étienne et l’église Notre-Dame-du-Týn.

Souffle patriotique

Fondateur de la peinture nationale tchèque, le peintre Josef Mánes (1820-1871) apprend l’art du paysage aux côtés de son père. Après avoir peint des paysages romantiques en extérieur, il participe au mouvement à la mode de l'époque, « Renaissance nationale ». Ce mouvement culturel d'inspiration nationaliste vise à repousser la pression allemande des Habsbourg et à affirmer l'identité tchèque. Josef Mánes est l'auteur du premier calendrier peint sur l'horloge de l'hôtel de ville de la vieille ville de Prague (un cycle de douze idylles sur la vie du paysan tchèque). La plupart de ses tableaux, scènes de village et de paysans de Bohême, historiques et mythologiques, conservent une couleur patriotique. À partir de 1846, l’art populaire exerce une influence sur son art, plus national que jamais.

Les deux cents ans de l’artiste ont été l’occasion de nombreux hommages, notamment au château de Čechy pod Kosířem, en Moravie centrale, où il a longtemps puisé son inspiration.

Le dessinateur Mikoláš Aleš

Ses œuvres sont un témoignage de l’esprit tchèque du XIXe siècle. Mikoláš Aleš naît dans une famille modeste, en 1852 à Mirolie, en Bohême du Sud. Dessinateur précoce, il part étudier à Prague, de 1869 à 1875. Ses plus grands enseignements lui viennent du peintre tchèque Josef Mánes. Il se lie d’amitié avec les écrivains et les peintres les plus importants de son époque dont le Bohémien Jakub Schikaneder ou l’impressionniste Antonin Chittussi (1847-1891). Il réalise en 1878 une série de fresques sur le thème de la patrie pour le Théâtre national de Prague. Après une série de commandes et un voyage en Italie, il traverse une décennie de pauvreté, et se consacre aux caricatures et aux illustrations. Résidant à Prague, il fonde en 1887 le Cercle artistique Mánes, qui diffusera à Prague et en Bohême les courants avant-gardistes (impressionnisme, Jugendstil et Sécession, expressionnisme, cubisme). Il faut attendre 1900 pour que la reconnaissance lui tende enfin les bras. Sa mort, survenue en 1913, occasionne un hommage du peuple tchèque. On peut admirer ses fresques de l’église gothique Saint-Venceslas de Strakonice, ainsi que sur la maison Štorch à Prague.

Art nouveau : Alfons Mucha (1860-1939)

Peintre, graphiste, dessinateur, lithographe et affichiste, Mucha est l'un des plus célèbres représentants de l'Art nouveau. Né en 1860 dans l’actuelle Ivančice (Moravie), ses talents de chanteur le conduisent à intégrer la chorale de l’église de Brno. Ses premiers dessins illustrent des thèmes religieux (La Crucifixion) ; sa rencontre avec le peintre d’art sacré baroque Umlauf, qui a réalisé les peintures de l’église d’Usti, l’a profondément marqué. Recalé à l’Académie des beaux-arts de Prague, il se lance dans les décors de théâtre, à Vienne. Il devint en parallèle portraitiste. Il étudie à Munich, puis à Paris, où il rencontre des personnalités déterminantes pour sa carrière, comme Paul Sérusier. À Paris, la maison d’édition Armand Colin fait appel à ses talents d’illustrateur. Dès cette époque, il photographie ses modèles et se constitue un catalogue de personnages de son époque, notamment féminins.

Sa rencontre avec Sarah Bernhardt sera décisive. En effet, grâce aux affiches, bijoux et robes qu'il dessine pour l’actrice française, ses travaux sont exposés à Paris, Munich, Bruxelles, Londres, Vienne et Prague à partir de 1897. À Prague, paradoxalement, son triomphe est loin d'être assuré. Cet artiste, qui vit en France puis aux États-Unis, ne reviendra dans son pays qu'en 1910. Il peine à faire apprécier sa peinture, estimée trop semblable aux modèles. Mucha est considéré comme l’artiste qui fait connaître la République tchèque outre-Atlantique, prenant plaisir à revenir innover sur sa terre natale.

Il est sollicité pour la construction de la Maison municipale (Obecní Dům) de Prague qui monopolise les plus grands artistes. Il y réalise les fresques de la salle du Maire, avant l'immense cycle de L'Épopée slave, qui lui prendra dix-huit ans entre 1910 et 1928. À la fois nationaliste et symboliste, cette série de vingt-trois toiles retrace les événements majeurs de l’histoire slave. Mucha concrétise ici son rêve : mettre son talent au service de sa patrie. Loin de l’Art nouveau, ces scènes appellent à l’unité dans un style à la fois réaliste et fantastique. Le futur complexe Savarin, qui ouvrira en 2026, rassemblera ces toiles documentées par des études, croquis et photographies, sous la houlette du petit-fils de l’artiste. En effet, Mucha avait exigé que ses œuvres de 8 x 6 m bénéficient d’un lieu dédié, de préférence circulaire dans l’esprit des panoramas d’autrefois. D’ici là, on peut les admirer au château de Moravský Krumlov.

František Kupka et les avant-gardes

František Kupka (1871-1957). Le plus renommé des artistes tchèques traverse toutes les étapes de l'évolution de l'art entre le XIXe et le XXe siècle, et jettera les bases de l'abstraction en peinture. Né en 1871 à Opočno (royaume de Bohême), il mène une carrière indépendante, détachée des grands courants de son époque. Pour lui, la peinture est avant tout matières, couleurs, mais aussi innovations. Toute sa vie, il refuse de qualifier son travail d’« abstrait », même s’il se place parmi les pionniers de l’abstraction, au même titre que Kandinsky ou Mondrian. Il entre à l’Académie des beaux-arts de Prague, en section « peinture sacrée et historique ». Il s’envole ensuite pour Vienne, ville en plein bouillonnement intellectuel et artistique. En 1896, il pose ses valises à Montmartre, le quartier bohème de Paris. Il travaille comme illustrateur, puis se met en ménage avec Eugénie Straub, à Puteaux, tout en restant en contact étroit avec Prague. Les illustrations bibliques qu’il réalise pour le mécène tchèque Waldès sont marquées par la Sécession viennoise. L’année 1910 est celle du passage à l’art non figuratif. Au Salon d’automne de Paris de 1912, il est le premier à présenter des toiles abstraites, aujourd’hui conservées au musée Kampa à Prague. Fondateur avec Delaunay du cubisme orphique et de ses formes futuristes, ses innovations l’imposent comme un précurseur pour plusieurs générations d’artistes.

Parmi ses contemporains, citons également les membres du groupe des Huit (Osma) qui, entre 1907 et 1911, puisent leurs influences dans le fauvisme, les compositions de Bonnard, Van Gogh ou Cézanne et surtout dans l'expressionnisme d'Edvard Munch et des Allemands du groupe Die Brücke. Plusieurs des membres de ce groupe, comme Emil Filla, Otakar Kubín (Othon Coubine), Antonín Procházka ou Bohumil Kubišta, embrasseront par la suite la voie du cubisme.

Peintre de la poésie et de la féminité, Toyen fonde quant à elle en 1934 le surréalisme tchèque. Ses toiles explorent les profondeurs de la représentation. Exilée à Paris en 1947, elle rejoint le groupe surréaliste aux côtés d’André Breton.

Illustrateurs tchèques

De nombreux artistes tchèques se caractérisent par un remarquable sens du graphisme.

Josef Lada (1887-1957) est le créateur du visage du Brave soldat Švejk (ou Chvéïk en français) de Jaroslav Hašek, figure de la littérature tchèque mondialement connue. Sa bonne tête le rend vivant et identifiable par tous. Josef Lada naît en 1887 dans le petit village de Hrusice, à l'est de Průhonice. Lada quitte sa famille de cordonniers à l'âge de 14 ans et se rend à Prague où il devient archiviste. Très tôt, il se passionne pour la peinture et l'écriture, il aime le papier. Autodidacte, il crée un style unique qui séduit les directeurs de journaux. Devenu caricaturiste et illustrateur, il connaît son premier succès avec les aventures du chat Mike.

Il diversifie son activité, dessine des décors et des costumes pour le cinéma. Il imagine alors le visage du soldat Švejk. Le personnage de Hašek et le dessin de Lada deviennent indissociables. Le second illustre les couvertures des œuvres de Hašek dans les collections du monde entier. Il orne les restaurants portant le nom du soldat, les étiquettes des boissons ; il est aussi utilisé dans la pub, bien longtemps après la mort de Lada en 1957. Son œuvre est très populaire en République tchèque, ses sujets étant populaires : vie rurale, bars à bière, la zabíjačka (l'abattage du cochon), récoltes…

Miroslav Šašek (1916-1980), ancien étudiant en architecture, quitte son pays en 1948 pour fuir le régime communiste. Il s'installe à Munich et commence à la fin des années 1950 une série de livres illustrés, drôles et colorés sur les grandes villes du monde, de Paris à San Francisco, de Venise à New York. Prague ne figure pas dans la liste, dommage… Plusieurs titres ont été réédités en 2009.

Street Art à Prague

À Prague, l’art urbain se décline en peinture et en sculpture. Toute déambulation est ponctuée par les réalisations controversées de David Černý : la tête de Kafka, les bébés géants, l’homme suspendu, deux hommes qui urinent face à face… Ses œuvres monumentales peuplent les points stratégiques de la capitale depuis 1991. La première consistait en un char russe repeint en rose. Désormais, sous la coupole Art nouveau du magnifique passage Lucerna, saint Venceslas, saint patron des Tchèques, trône sur son cheval, la tête en bas ! Des bébés gambadent sur la tour de télévision de Žižkov et près du musée Kampa, et l’on peut mettre la tête dans une statue penchée, dans le jardin de la galerie Futura (arrêt Švandovo divadlo). La tête de Kafka, dont les quarante-deux parties superposées sont en mouvement, trône sur la place de Národní třída.

Côté peinture, le mur Lennon, au cœur de Malà Strana, a la particularité de se renouveler depuis des années. John Lennon est considéré par la jeunesse tchèque comme le grand héros pacifiste depuis son assassinat en 1980. De plus, la pop music était interdite par le communisme. Peu après sa disparition, une image de Lennon a été peinte en face de l’ambassade de France. Malgré les tentatives pour repeindre le mur, la police n’a jamais réussi à empêcher Lennon de ressurgir, parmi des messages de paix et de liberté.

Scène actuelle

Adresse historique de l’art contemporain, la galerie Rudolfinum a pour tradition de présenter des artistes novateurs, et même des installations un brin provocatrices dans ses superbes salles, au bord de la rivière.

Les amateurs de photo se rendront à la Maison de la photographie (Dům fotografie), rue Revoluční. Moins officiel, l’atelier de Josef Sudek est niché dans un petit jardin secret de Màla Strana. L’œuvre de Sudek (1896-1976) est exposée à la galerie Josef Sudek, établie dans son ancien domicile. Tous les ans, en décembre-janvier, Czech Press Photo associe expo et concours dans les locaux de l’hôtel de ville.

Toute balade sous le signe de l’art contemporain passe par le DOX. Aménagé dans une ancienne usine du nord de la capitale, ce centre d’art contemporain rappelle l’importance des artistes tchèques dans toutes les avant-gardes européennes.