15 Danseurs traditionnels dans la rue.  ©TK_Taiwan - shutterstock.com.jpg
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Un pays où il fait bon vivre…

Année après année, la Tchéquie reste dans le top 25 des pays où il fait bon vivre, sur les 163 pays passés à la loupe pour ce classement par l’ONG Social Progress Imperative. Les aménagements urbains, l’accès à l’éducation, aux structures de loisirs et aux centres culturels sont des éléments mis en valeur par la Tchéquie qui, alliés à un PIB par habitant plutôt confortable malgré, de ce côté, un tableau en demi-teinte, motivent ce classement flatteur. Des belles villes, un coût de la vie modeste (à l’exception du logement à Prague) et de beaux espaces naturels doivent être mis en avant mais ne sauraient malheureusement masquer les défis que se doit de relever le pays en termes de pollution, d’amélioration des structures sanitaires et d’accès à la santé, ou encore d’accueil des populations immigrées pour faire figure de parfait élève. Mais en attendant, d’un point de vue touristique, le bilan est plus qu’encourageant !

… mais où la population s’appauvrit !

Ce n’est malheureusement pas le cas pour de nombreux Tchèques qui doivent effectivement faire face, depuis la fin des années 2000, à un accroissement de la pauvreté et à un durcissement des conditions de vie. Celles-ci, comparées aux scandales financiers et à la corruption des élites, poussent à un désintérêt de la population envers les élections, qui ne fait qu’accentuer la scission entre population et élite et les écarts de richesse. Pour évoquer maintenant les fléaux qui rongent les villes et le pays, l’apparition de SDF est un phénomène relativement récent et devient de plus en plus alarmant. Les structures sociales correspondantes, comme l’Armée du salut, n’arrivent que très mal à combler le besoin d’une partie très appauvrie de la population. Les deux années de pandémie n’ont évidemment rien arrangé au problème, l’État n’ayant pas été en mesure d’accompagner les Tchèques financièrement très longtemps ou de manière assez importante. Les pertes d’emploi sont nombreuses et l’économie traîne à repartir.

Des traditions encore bien vivaces comme les Taneční…

Parmi les traditions les plus vivantes et fédératrices, surtout chez les jeunes, il y a celle des Taneční. Il s’agit des cours de danse fréquentés par quasiment tous les jeunes de 15-16 ans. Celui qui n’y va pas est considéré comme… bizarre ! On y apprend tout ce qu’il faut pour ne pas paraître ridicule en société, des pas de danse (polka, valse, cha-cha-cha, rumba, etc.) jusqu’à la bonne conduite. Les jeunes sauront ainsi qu’on ne mâche pas un chewing-gum en dansant, qu’on demande à la mère si on peut inviter sa fille à danser, qu’on la raccompagne à sa table, etc. Même le vestimentaire y passe, ceux qui portent des chaussettes blanches de sport avec des costumes sombres ont droit au bout de deux cours à une douche froide. Alors si, vers la fin de l’après-midi et au début de la soirée, vous voyez des jeunes gens habillés de façon panachée (costume et une grosse doudoune ou pire), ne vous étonnez pas. Et puis, il est vrai que les garçons doivent pouvoir se sauver discrètement. Bizarrement, plus les cours avancent et plus les filles ont du mal à retrouver leurs partenaires. Il faudrait peut-être faire un tour du côté des hospoda voisines ?

Se mettre sur son trente et un

Si vous pensez sortir à Prague ou ailleurs dans le pays, qu’il s’agisse d’un théâtre, d’un concert dans une église ou même pour aller au restaurant, pensez à emporter avec vous une tenue « correcte ». Inutile bien sûr de sortir la queue-de-pie de la naphtaline, mais une veste et un pantalon ou une jupe seront souvent de rigueur et vous attireront de meilleurs regards que si vous êtes vêtu d’un bermuda et chaussé de tongs. Les Tchèques s’habillent pour sortir, et vous serez vraiment pris pour un touriste si vous arrivez en jeans au concert. Citoyens d’un pays de tradition culturelle, les Tchèques ont toujours aimé sortir, même pendant les heures les plus sombres du pays. Depuis la révolution de velours, Prague connaît une véritable frénésie de concerts, d’opéras et de ballets. On sort tôt, et même très tôt ! Un spectacle d’opéra débute à 19h, les boîtes de jazz ouvrent à 21h et, souvent, on dîne avant. Soyez donc prudents et réservez en précisant l’heure si vous désirez souper après le spectacle car certains restaurants se font parfois un peu tirer l’oreille pour servir après 21h. Les jeunes cependant restent fidèles à l’appel des bars de nuit et discothèques, dont les prix restent très abordables par rapport à la France, et où les codes vestimentaires sont beaucoup plus légers.

Des Tchèques cultivés

Vous vous en rendrez vite compte en visitant Prague. La densité de musées, galeries d’art, cafés littéraires, etc., dénote un attrait tout particulier des Tchèques pour la culture. La raison en est simple : dès leur plus jeune âge, les élèves tchèques sont ouverts à l’art, avec des sessions d’éveil et d’enseignement selon les niveaux une à deux fois par semaine au minimum. Dès l’entrée à l’école à six ans, les Tchèques forment ainsi leur conscience artistique. À la fin de ce qui correspond à notre collège, âgés de quinze ans, les élèves doivent opter pour la filière classique (les lycées, que l’on appelle en Tchéquie les gymnasium) ou professionnelle, qui dure quatre ans. L’entrée à l’université se fait ensuite sur concours d’admission, et le tout est entièrement gratuit, même si on commence à voir apparaître de nombreux établissements privés, particulièrement dans la capitale et les villes secondaires du pays. D’une manière générale, le niveau de l’éducation en Tchéquie se situe parmi les meilleurs des pays de l’ancien bloc de l’Est : l’université de Prague est bien l’une des plus anciennes et l’une des plus prestigieuses au monde.

Une société tolérante

De manière très précoce, la Tchéquie a exprimé sa tolérance envers la communauté LGBT. Faut-il y voir une absence totale d’opposition religieuse sur le sujet dans un pays très majoritairement athée ou une ouverture d’esprit plus grande qu’ailleurs ? Toujours est-il que très rapidement après la chute du mur, Prague a vu fleurir les établissements gay friendly. Dans les années 2000, les hôtels, boîtes et lieux de rencontre arborant le rainbow flag se concentraient dans le quartier de Vinohrady. Il ne faut pas y voir uniquement une manne pour attirer la population touristique gay, la Tchéquie a dès 2006 voté une loi permettant l’union, ou à tout le moins un type de pacs, entre personnes du même sexe. Un cas unique dans les pays de l’ancien bloc de l’Est. Dès la période communiste, au début des années 1960, les relations homosexuelles n’étaient plus passibles d’amende ou de peine de prison. Cette tolérance s’est étendue aussi aux métiers du sexe, puisque la prostitution a été décriminalisée particulièrement tôt pour un pays européen, ce qui a largement contribué à façonner l’image du pays. Bien sûr, et comme dans tous les pays, cette tolérance est plus importante dans la capitale, où une désormais rituelle Gay Pride se tient tous les ans dans la première quinzaine d’août, que dans les campagnes, restées plus attachée aux traditions. Néanmoins, si vous pouvez vous attirer un regard un peu étonné ou réprobateur en affichant votre orientation sexuelle, vous ne ressentirez que très rarement de l’hostilité. D’une manière générale, derrière cette façade de tolérance très louable se cache toujours une part de jugement individuel plus lent à évoluer. Ainsi, les membres de la communauté LGBT, selon un sondage réalisé au milieu des années 2000, déclaraient à 36 % avoir été victimes de discriminations d’une manière ou d’une autre. C’était il y a dix ans, et la situation a heureusement continué d’évoluer dans le bon sens, maintenant la Tchéquie dans le classement de tête des pays les plus ouverts aux minorités sexuelles.

Et les femmes ?

Le vent de liberté qui a déferlé sur le pays après la chute du mur a soufflé un peu moins fort dans le sens des femmes. Jusqu’au début des années 2000, la société tchèque est restée très patriarcale avec des femmes bien plus majoritairement que les hommes cantonnées à la garde des enfants et aux tâches ménagères. Néanmoins, les choses ont évolué ces vingt dernières années. À l’époque, l’âge moyen du mariage était de 22 ans, il est quasiment de 30 aujourd’hui. Des statistiques en trompe l’œil puisque le mariage est totalement passé de mode, au profit de l’union libre, en Tchéquie, mais qui traduit bien une certaine tendance. Les femmes consacrent plus leurs années de jeunesse aux études et au lancement de leur carrière qu’au soin du ménage, et on voit de plus en plus de femmes cheffes d’entreprise : l’une d’entre elles a d’ailleurs été maire de Prague durant quatre ans entre 2014 et 2018. Tout récemment, avec le développement de la crise, de plus en plus de femmes travaillent tout court pour contribuer aux besoins financiers du couple ou de la famille. Bref, le tableau de la situation des femmes en Tchéquie n’est pas idyllique, mais il tend à évoluer d’année en année, dans le bon sens.

De nouveaux rapports familiaux

La famille a dans l’histoire récente eu une très grande importance dans la vie des Tchèques. La famille était effectivement un des rares endroits où il était encore possible de s’exprimer librement avant 1989, à condition de ne pas avoir un frère travaillant dans la police politique ou une belle-sœur au contre-espionnage. Les réunions de famille étaient donc très fréquentes et ont été les premières à pâtir de la révolution. L’ouverture du pays sur l’étranger puis son adhésion à la Communauté européenne ont entraîné de nombreux départs à l’étranger, pour le travail ou pour les études. Certes, la famille reste (selon les sondages) la valeur refuge numéro un, mais actuellement le nombre de décès l’emporte sur celui des naissances. L’avortement, légal et souvent encouragé compte tenu des conditions de vie difficiles sous la période communiste, est devenu payant depuis 1992. Bien que le gouvernement cherche à modérer les IVG par une large campagne en faveur de la contraception, leur nombre dépasse largement celui des naissances : 180 IVG pour 100 naissances. Quant à la proportion des femmes qui se marient enceintes, elle dépasse les 40 %.