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Les musique et danse traditionnelles

Très schématiquement, c’est dans les régions de Bohême et de Moravie (par ailleurs les plus peuplées) que l’on trouve les traditions emblématiques du folklore tchèque. Dans la seconde, en Moravie, les musiques et danses racontent l’histoire locale, témoignant d’un héritage roman, tout en incorporant des influences de la Slovaquie voisine. La chose est perceptible dans le Slovácko Verbuňk, la « danse des recrues », trésor national inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Désignant une danse improvisée, exécutée par les garçons et les hommes de Moravie du Sud et de Zlín, le verbuňk dérive du mot allemand Werbung qui signifie « recrutement » et témoigne, comme l’explique l’Unesco, « de ses origines liées au recrutement de danseurs et soldats pour l’armée au XVIIIe siècle ». Désormais, le Slovácko Verbuňk se danse lors des fêtes sur une musique appelée les Nouveaux Chants hongrois. Fait curieux, le verbuňk ne suit pas une chorégraphie précise, laissant le champ libre à la capacité d’improvisation et la créativité du danseur. Fierté nationale, cette danse est toujours très pratiquée, notamment lors du fameux festival international folklorique de Strážnice, où est même organisé un concours annuel du meilleur danseur.

Ce caractère improvisé, on le trouve également dans une autre danse traditionnelle de la région (et de Slovaquie) : l’odzemek. Exécutée en solo, elle commence lentement pour s’accélérer progressivement. Antonín Dvořák en a composé une célèbre figurant parmi les fameuses Danses slaves. La Moravie est également le fief du cimbalom, instrument à cordes frappées (de la famille des cithares sur table) joué dans de petits ensembles comprenant également une contrebasse, une clarinette et des violons. Certains d’entre eux ont acquis une petite notoriété comme le Cimbálová muzika Slanina, dont le répertoire va de la tradition morave aux musiques slovaques, polonaises, hongroises ou tsiganes, ou le Cimbálová muzika Pramínky. Ce dernier est connu pour compter dans ses rangs Gabriela Jilková, prodige de l’instrument qui joue souvent pour les chaînes de radio et de télé tchèques.

C’est en Bohême que l’on croise l’esthétique traditionnelle la plus connue puisque c’est d’ici que vient la polka. Danse de couple à deux temps, au tempo assez rapide et aux rythmes francs et claires, la polka se distingue par son mouvement circulaire. Dérivée de plusieurs danses populaires de l’époque (notamment la scottish) elle emporte Prague durant la première moitié du XIXe siècle avant de conquérir Vienne puis Paris et l'Europe entière dès le début de la seconde moitié du siècle.

Quelques rendez-vous où goûter au folklore tchèque : le festival Folklore à Rožnov Pod Radhoštěm où se mêlent musique, artisanats populaires, cuisine (etc.), ainsi que Pâques, dans la même ville, lieu d’une très belle fête, autour de coutumes et musiques folkloriques. Notons aussi qu’à Prague, le folklore Garden permet de découvrir les danses et traditions folkloriques tchèques au travers d’un programme interactif de deux heures accompagné d’un menu typique.

La musique classique

Si la période baroque porte en son sein quelques compositeurs d’importance pour le pays comme Adam Václav Michna et Jan Dismas Zelenka – majeurs en leur temps – ou Josef Mysliveček – souvent considéré comme le père de l’opéra tchèque –, la culture musicale locale prend un essor considérable à partir du XIXe siècle, en pleine ère romantique.

Cette période féconde connaît son apogée avec Bedřich Smetana (1824-1884), emblème national qui conduit la musique tchèque à une consécration sur les plus grandes scènes européennes. Considéré comme le père de la musique nationale et parfois surnommé le « Verdi de Bohême » grâce à ses créations traditionnelles, allègres et patriotiques, Smetana a marqué la création musicale de son pays en étant le premier à tremper ses œuvres dans le folklore tchèque. Parmi elles, Má Vlast (« Ma patrie »), symphonie de 1879 composée de six tableaux musicaux de toute beauté, ou son opéra Prodaná nevěsta (« La Fiancée vendue ») demeurent des piliers du répertoire tchèque. Fait amusant, ce symbole de la fièvre nationaliste n’apprit le tchèque qu’à 35 ans et, fait beaucoup moins amusant, tel Beethoven, devint totalement sourd avant d’achever sa dernière grande symphonie. Les amateurs et mélomanes se rendront volontiers aux Journées Smetana qui, tout le mois de mars, organisent des concerts, expositions ou conférences liés de près ou de loin au compositeur, dans la ville de Plzeň où il vécut trois ans.

Immédiatement à la suite de Smetana, un autre géant de la musique tchèque s’apprête à bousculer son monde : Antonín Dvořák (1841-1904). Compositeur révélé par Brahms et Liszt, son œuvre s’inspire profondément du folklore de Bohême et de Moravie comme en témoignent ses fameuses Danses slaves, enlevées et magnifiques. Parmi les neuf symphonies qu’il compose, la symphonie dite « du Nouveau Monde », qu’il écrit à son retour des États-Unis (où il dirigeait le Conservatoire national de New York), reste la plus célèbre. Ses opéras sont peu joués à l’étranger, mais pour les amateurs, signalons que Čert a Káča (« Le Diable et Catherine ») et Rusalka (tiré du conte La Petite Sirène d’Andersen) tiennent régulièrement l’affiche à Prague. Il est bon de signaler également que chaque septembre, le Dvořák Prague Festival met le compositeur à l’honneur au sein de concerts se tenant au Rudolfinum, dans la cathédrale Saint-Guy ou d’autres lieux de la capitale. Si Dvořák conserve une place particulière dans le panthéon musical tchèque, c’est, entre autres, parce qu’il a su donner ses lettres de noblesse aux esthétiques traditionnelles slaves en les introduisant dans les grandes formes savantes sans lesn abîmer ou en perdre l’essence. Il a posé les bases d’un art national et ouvrira à ses héritiers Leoš Janáček ou Bohuslav Martinů la voie d’une consécration internationale.

Le premier, Leoš Janáček (1854-1928), reprend avec panache la trame de Dvořák. Compositeur et humaniste passionné, il passe la plus grande partie de sa vie à Brno et dans sa région. Ce n’est qu’à l’âge de 60 ans que sa popularité dépasse la frontière de la Moravie et atteint Prague. Chose d’autant plus étonnante lorsqu’on connaît son importance dans l’histoire nationale du théâtre lyrique. Les amateurs se presseront pour voir et écouter sur place Jenufa ou Káta Kabanová, ses deux opéras les plus joués, ou ses chefs-d’œuvre Sinfonietta, la Messe glagolitique et Lettres intimes – qu’il composa à 74 ans. Sa musique, pas forcément accessible, est reconnaissable entre mille, à la fois complexe rythmiquement et particulièrement novatrice dans les harmonies ou l’instrumentation. Sombre et épaisse, la musique de Leoš Janáček a parfois été comparée à celle de Richard Wagner.

Durant l’entre-deux-guerres émerge l’immense talent de Bohuslav Martinů (1890-1959). Second violon au Philharmonique tchécoslovaque où il s’apprêtait à faire carrière, il eut le déclic en interprétant Le Poème de la forêt d’Albert Roussel. Martinů n’hésita pas et partit pour Paris afin de suivre ce nouveau maître. D’un voyage qui devait durer quelques semaines, Martinů ne reviendra jamais. À la fois marquée par la musique de Maurice Ravel, Paul Dukas et Claude Debussy, tout en restant enracinée dans la culture et le folklore tchèques, la carrière hautement féconde – 384 œuvres en trente-cinq années de création incessante – de Martinů l’élèvera à une célébrité qui le fit considérer comme un des symphonistes les plus importants depuis Sibelius.

Le coup de Prague de 1948 mettra un terme à la prolifération des influences culturelles venant de Vienne, de Paris et de Londres. La nouvelle politique de l’État socialiste limite le nombre d’instrumentistes qui, paradoxalement, n’auront jamais été aussi nombreux, les musiciens pouvant obtenir des visas de sortie,… denrée ô combien rare ! Quand les années 1960 ouvriront de nouveau la porte aux accents occidentaux, un pianiste-compositeur se distingue particulièrement, Ilja Hurník, dont l’œuvre marquée par le folklore et l’humour lui accorde une place à part dans le paysage musical tchèque.

Hier comme aujourd’hui, l’Orchestre philharmonique tchèque (Česká filharmonie) s’impose comme le principal et le plus prestigieux ensemble symphonique de République tchèque. Établi à la fin du XIXe siècle, il prend une véritable ampleur sous la baguette du grand Václav Talich. Tout en exigence et autorité, ses deux décennies de direction ont fait de l’ensemble un des plus impressionnants d’Europe centrale et lui ont permis de se produire sur l’ensemble du continent. Outre Talich, la Philharmonie a vu passer tous, ou presque, les plus grands chefs tchèques à sa direction. Après lui se sont succédé Rafael Kubelík, qui fut aussi directeur de l’Orchestre symphonique de Chicago, Karel Ančerl, à la direction limpide, raffinée, l’un des plus grands de son temps (il faut écouter ses multiples interprétations des Danses slaves), Václav Neumann, aussi le prédécesseur de Masur au Gewandhaus, ou encore Jiří Bělohlávek, qui fut de son côté également directeur de l’Orchestre symphonique de la BBC. Outre le fait d’avoir accédé à la direction de formations prestigieuses internationales, tous ont pour point commun d’exceller dans le répertoire tchèque et d’avoir offert au monde quelques-unes des plus grandes interprétations de Smetana, Dvořák, Janáček ou Martinů.

La prestigieuse résidence du Philharmonique de Prague est bien entendu le Rudolfinum, magnifique édifice néo-Renaissance de la fin du XIXe siècle installé le long de la Vltava. Il est, avec la Maison municipale (Obecní Dům), la salle principale de la capitale. Cette dernière, magnifique, a été édifiée entre 1906 et 1911, pur produit de la Sécession, décorée par les plus grands artistes tchèques de ce mouvement : Mucha, Aleš, Preisler, Švabinský, Šaloun… C’est ici, dans l’impressionnante salle de concert (1 500 places) Smetana, que chaque année est donné le coup d’envoi du festival international de musique Pražké Jaro, le Printemps de Prague, au son de Má Vlast. Car, oui, s’il évoque pour les Occidentaux le vent de liberté qui souffla avant l’intervention soviétique, le terme « Printemps de Prague » est associé en tout premier lieu, pour les Tchèques, à ce festival créé au lendemain de la guerre en 1946. C’est, depuis, un des festivals les plus prestigieux de la ville, voire du pays et même de l’Europe. Les grandes salles affichent complet lorsque se produit la crème des artistes nationaux et internationaux du répertoire classique.

Bien entendu, dans un pays aussi amoureux de musique, on trouve de nombreux autres rendez-vous de qualité. À Prague, est notamment organisé Struny Podzimu, les « Cordes de l’automne », festival de musique classique s’installant dans de nombreux endroits emblématiques de la capitale – dont l’enceinte du château – ou le festival d’hiver de la Musique, qui propose quelques belles affiches ainsi que des bals. En région, dans le sud de la Bohême, la fête de la Rose aux cinq pétales dans les rues de Český Krumlov et son ambiance Renaissance ainsi que le festival Třeboňská Nocturna dans le château de Třebon sont plus que recommandables. À l’ouest de la Bohême, dans la station thermale de Mariánske Lázně, le festival Chopin (Chopinův Festival) s’axe autour de la musique et de la vie du compositeur.

Le jazz

Les bases du jazz en Tchécoslovaquie ont été posées par des pionniers comme Jaroslav Ježek dans les années 1920. Compositeur d’avant-garde, Ježek se tourne d’abord vers la musique de chambre influencée par Stravinsky, le groupe des Six ou Schönberg avant de trouver sa voix quelque part entre jazz et classique. L’influence de Ježek dans le jazz est longtemps remarquable. Lorsqu'il part pour les États-Unis en 1939, son esthétique trait d’union entre jazz et musique classique figure parmi les plus populaires du pays.

Après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les nazis, le jazz est prohibé puis, sous le régime stalinien, à peine plus toléré. Le jazz est dès lors joué et écouté clandestinement, mais fédère la plupart des intellectuels de l’époque et une scène se développe dans l’ombre. Les années 1960 vont constituer un tournant voire même le début d’un âge d’or pour le jazz tchèque. Une des raisons possibles de l’épanouissement du genre dans toute l’Union soviétique est l’accession au pouvoir de Leonid Brejnev, en 1964, que l’on dit passionné de jazz. Coïncidence ou non, mais l’année 1964, est aussi celle du premier festival international de jazz à Prague, où de nombreux jazzmen se croisent et se rencontrent. Le jazz connait un engouement sans précédent, il devient le genre branché joué dans les clubs et de nombreux groupes se forment. C’est ainsi qu’à la fin des années 1960 commencent à apparaître les cadors de la discipline : Jirí Stivín, Emil Viklicky, Milan Svoboda ou Jana Koubková. Jirí Stivín est un flûtiste dans la veine d’Herbie Mann, aussi clarinettiste et du saxophoniste qui a su faire succomber les fans de free jazz du monde entier. Emil Viklicky, lui, est pianiste/organiste, sans doute le plus révéré de la scène tchèque, connu pour la patte funky de son jazz. Milan Svoboda est lui aussi pianiste mais avec une nette influence de Keith Jarrett. Enfin, Jana Koubková s’est fait un nom avec ses expérimentations vocales.

Cela étant dit, à l’époque, la figure la plus connue du jazz tchèque était sans doute Gustav Brom et son groupe de swing dont même la presse américaine de l’époque parlait régulièrement. Aujourd’hui la tradition du jazz tchèque est entre les mains expertes du saxophoniste Štěpán Markovič, du guitariste David Dorůžka ou encore du pianiste Ondřej Pivec. De grands noms à retrouver parfois sur la scène du célèbre club de jazz Agharta, surtout durant l’Agharta Prague Jazz Festival, généralement en avril et novembre, ou celle du Jazz Dock, une des références les plus récentes à Prague en matière de jazz, installé au ras de l’eau, sur les quais de la Vltava.

Le théâtre et les marionnettes

Une tradition singulière et ancienne du théâtre tchèque est le théâtre de marionnettes. Vieille de cent cinquante ans, cette pratique a commencé comme un art itinérant et est aujourd’hui un symbole national important des cultures tchèque et slovaque. Les marionnettistes utilisaient les figurines en bois comme moyen d’exprimer leurs pensées et leurs idées sans craindre de représailles, en particulier lorsqu’ils parlaient de politique. Ces théâtres sont également utilisés de façon ludique pour raconter aux enfants le monde qui les entoure. Le théâtre national de marionnettes à Prague, consacré à cet art, est la preuve que la tradition perdure aujourd’hui. Toute la population aime assister aux représentations locales les jours de fête et les jours fériés. Depuis 2016, le théâtre des marionnettes est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco.

Impossible d’aborder le théâtre tchèque sans au moins effleurer deux de ses figures. D’abord Karel Čapek (1890-1938), qui inventa en 1920 le mot « robot » – robota étant le mot tchèque pour « travail » – dans sa pièce R.U.R., Rossum’s Universal Robots, une figure de l’écriture politique locale. Puis Václav Havel (1936-2011) bien entendu. S’il demeure ici le symbole de la révolution de velours et son engagement politique (il est élu président en 1989), il a d’abord gagné ses lettres de noblesse en écrivant des pièces de théâtre critiques du pouvoir. Mal connue hors de République tchèque, l’ensemble de son œuvre fait la part belle à un comique absurde dépeignant l’expérience de l’individu face aux mécanismes sociaux et s’intéresse à la dissidence et à la censure sous le joug communiste.

Les amateurs (slavophones) de théâtre se rendront sans hésiter au Národní Divadlo (le Théâtre national), l’un des plus impressionnants théâtres de Prague qui programme aussi opéras, ballets et concerts classiques, ou au Laterna Magika, la scène expérimentale du Théâtre national qui existe depuis 1959. Côté festival, le 4 dnyvpohybu programme chaque année en octobre huit jours très intéressants, tandis que le festival Shakespeare, le plus ancien rendez-vous de théâtre de rue de Prague qui accueille de nombreuses pièces abordant tous les genres.