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Sculpture traditionnelle

Dans la tradition congolaise, les pratiques culturelles sont déterminées par l’appartenance à une ethnie. Le Musée National de Kinshasa met en valeur la diversité des groupes ethniques qui composent la richesse du Congo.

Les Kwele, répartis entre le Gabon et le Congo, sont réputés pour leurs masques sculptés. Cet art largement dominant dans leur culture se divise en différents types : les « pibibudzè » à visage humain, parfois à deux faces, mais aussi des masques zoomorphes à trompe, à cornes ou à tête de gorille. Plus rare, le ngontangang est un masque-heaume à plusieurs visages. Ces masques sont portés lors de cérémonies. A l’inverse, les ekuk sont accrochés à l’intérieur des maisons pour attirer les forces bénéfiques. Ils se reconnaissent au visage blanc de forme plate, au nez triangulaire.

Les Mbede-Obamba, attachés au culte des ancêtres, sculptent peu de masques, préférant modeler des figurines en terre cuite.

Les masques Babangi se reconnaissent à leur surface concave, percée de deux fentes étirées pour représenter les yeux, et d’une bouche conique. Des scarifications strient les joues et le front. Ce modèle semble avoir inspiré Picasso, notamment pour peindre Les Demoiselles d’Avignon.

Emergence de la peinture congolaise

Au Congo, l’art de la peinture dans le sens occidental n’existe pas avant 1940.

Toutefois, dans les années 1920, l’administrateur belge Georges Thiry a un coup de cœur pour les décorations des cases. Celles-ci peuvent alors revêtir un style abstrait, comme chez le peintre Djilatendo, ou figuratif, comme avec les scènes du couple Albert et Antoinette Lubaki. Pour les préserver, Thiry s’improvise mécène. Il procure du matériel aux artistes qui en échange lui confient la vente de leurs aquarelles en Europe. Djilatendo et Lubaki sont considérés comme les précurseurs de la mouvance moderne.

L’un des premiers peintres à s’affirmer au Congo, Eugène Malonga, voit le jour en 1930 à Nko, non loin de Brazzaville. Orphelin dès l’âge de 4 ans, il suscite très jeune l’admiration en dessinant sur des vêtements. A 10 ans, il peint son premier tableau à l’aquarelle : la case de mon oncle Boundzoumou. Jeune adulte, il intègre la célèbre École de Poto-Poto, fondée par Pierre Lods. Il perfectionne sa technique au contact de l’architecte Roger Erell et du peintre camerounais Gaspard de Mouko. Il peint principalement des paysages et des scènes de genre. Sa première exposition a lieu en 1954. D’autres suivront dans toute l’Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. Ce faisant, son style s’oriente vers l’abstraction.

Jusqu’à sa disparition survenue en 2005, Malonga s’attache à sensibiliser le monde à la beauté des paysages congolais.

L’Atelier du Hangar

En 1941, Pierre Romain-Desfossés (1887-1954) reçoit pour mission de protéger l’art indigène. Mandaté à Brazzaville, ce militaire passionné d’anthropologie peint des fonds marins aux accents abstraits. Bien vite, il nourrit le projet de monter un lieu de création artistique local. Première école du genre sur le territoire congolais, « le Hangar » ouvre ses portes en 1946 à Brazzaville. Les élèves les plus prometteurs sont formés à la peinture de chevalet ; les autres sont dirigés vers l’art décoratif et publicitaire. La volonté de Desfossés n’est pas d’imposer les codes occidentaux mais bien de faire émerger un art africain différent. Dans ce but, il incite ses disciples à puiser leur inspiration en pleine nature, dans la savane. Desfossés croit profondément que le talent de ces artistes parviendra à transmettre l’âme unique du Congo. Un art pictural se développe en parallèle des masques et des sculptures traditionnels.

Le plus célèbre élève du Hangar, Mwenze Kibwanga (1925-1999) reste fidèle à la peinture de chevalet tout au long de sa carrière. Avec d’autres talents formés à l’atelier, tels que Pilipili Mulongoy (1914-2007) et Sylvestre Kaballa (né en 1920), il expose en France, en Belgique, en Italie, et même à New York.

L’élan se poursuit en 1951, avec la création de l’École de Poto-Poto. Quatre générations d’artistes de talent sortiront de cet atelier d’art devenu une institution.

Modernisme

Après avoir longtemps été le garant de la cohésion sociale, l’art congolais prend un tournant individualiste. A partir des années 1980, les artistes africains revendiquent le droit d’exprimer leur personnalité. Un grand nombre de ces sculpteurs et peintres seront révélés à l’occasion de l'exposition Magiciens de la Terre qui s’est tenue à Paris, au Centre Georges-Pompidou et à la Grande Halle de La Villette en 1989. Bodys Isek Kingelez s’impose dès lors comme l'une des figures majeures de la sculpture africaine contemporaine.

Né en 1948, Kingelez s'installe à Kinshasa, métropole alors délabrée. Dans ce contexte chaotique qui l’inspire, il réalise en 1979 sa première œuvre. Composée de carton de récupération, cette « supra-maquette » est désormais exposée au Musée National de Kinshasa. Dès 1985, il se consacre à temps plein à sa démarche artistique qu'il nomme « architecture maquettique ». Sa quête consiste à imaginer un renouveau au service du collectif. Ses constructions, qui s’étoffent de divers matériaux de récup’, portent des titres évocateurs : La Ville fantôme, Barcelone Post ou encore Un monde réel que l’on a pu admirer en 2015 à la Fondation Cartier, lors de l’exposition « Beauté Congo 1926-2015 ». Ce parcours constitué de peintures, sculptures, photographies et bandes dessinées invitait le visiteur à s’immerger dans tout ce que le Congo a d’unique, sur fond de rumba, de jazz et de rap.  L’exposition a littéralement séduit le public parisien.

Figures de l’art populaire

En 1978, l’exposition « Art partout » consacre une poignée d’artistes figuratifs. Ces jeunes kinois proposent une peinture narrative qui diffuse la voix du peuple, et s’adresse directement à lui. Trois de ces artistes se démarquent au cours de l’années 1980 : Chéri Samba, Chéri Chérin et Moke.

Joseph Kinkonda (alias Chéri Chérin), naît en 1955 à Kinshasa. Ses peintures traitent de la vie quotidienne à Kinshasa, sans se priver de quelques incursions dans la satire politique. Il peint des fresques dans les commerces de sa ville. Son talent est rapidement repéré par les collectionneurs européens.

Chéri Samba, né en 1956, vit et travaille à Kinshasa. Il s’inscrit dans la continuité de l’art populaire incarné par Chéri Chérin et Moke. Cependant, Chéri Samba ajoute le texte à ses scènes du quotidien. Ses sous-titres font référence à l’actualité politique, sanitaire et sociale du pays. C’est ainsi qu’il illustre les préoccupations de chacun dans une Afrique en proie à l’agitation. Pour conférer une portée universelle à ses œuvres, Samba se représente en observateur militant au centre de ses œuvres. Il sensibilise ainsi le public aux sujets les plus vastes : approvisionnement en eau, attentats, corruption, etc.

Moke (né Monsengwo Kejwamfi) né en 1950, s’éteint en 2001 à Kinshasa. Entre art naïf et « peinture-reportage », il est acclamé comme le chroniqueur le plus talentueux du Congo contemporain. Il mène à l’âge de dix ans une vie de vagabondage quand il a l’idée de peindre sur des cartons. En 1965, Mobutu lui offre une bourse après avoir vu un portrait de lui peint par le jeune artiste. Par la suite, il exposera à Berlin, ainsi qu’au Centre Culturel français de Kinshasa (CCF) et au Goethe Institut de Kinshasa. Au cours des années 1990, il devient l’artiste incontournable dans les expositions d’art moderne africain.  Son style se caractérise par une palette chatoyante, obtenue grâce à de la peinture industrielle. Ses instantanés du quotidien (fêtes, marchés, événements) mettent en scène de joyeux personnages. Ses portraits se reconnaissent à leur fond bleu. Il illustre à l’infini la sirène Mami Wata, personnage du folklore africain qui symbolise la femme libre.

Essor de la photo

Victor Miakabana, dit Macabus compte parmi les premiers Congolais à adopter l’appareil photo pour exprimer son talent. Né en 1950, il débute en 1971 à une époque où les tirages sont envoyés en France pour être développés. Après avoir acquis les bases techniques auprès du photographe DeKoum à Brazzaville, il reçoit rapidement des commandes, dont celles du Président Marien Ngouabi. Chargé de couvrir les matchs de l’équipe congolaise de football, il parcourt le continent. En 1991, il réalise des portraits des dirigeants politiques lors des grandes conférences nationales.

Par la suite, les jeunes photographes désireux de percer rejoignent le collectif Génération Elili. Ensemble, ils montrent leurs créations dans des lieux alternatifs : commerces, écoles, églises, marchés… Autant de manières de toucher la population.

En 2019, la place de ce moyen d’expression se renforce avec la naissance de la FAAP - Fédération Africaine sur l’Art photographique. En plus de proposer des formations, elle œuvre à la reconnaissance d’un art qui conquiert doucement le cœur du public. Le centre culturel ZOLA, au Congo-Brazzaville, retrace en 2021 un siècle d’histoire avec le concours des Congolais. Plus de 700 photos de famille sont exposées en extérieur, dans des lieux symboliques de l’histoire de la nation. "Portraits du Congo : 100 ans d'histoire de mémoire photographique" a brillamment souligné à tous l’importance de la photographie.

Art contemporain

Comme dans de nombreux pays africains, l’art contemporain est en plein boom au Congo. Dans la capitale, l’explosion de talents attire les galeristes et les collectionneurs des quatre coins du monde.

Depuis 2011, la galerie Angalia à Kinshasa s’est spécialisée dans l’art contemporain produit localement. En ligne ainsi que dans ses locaux, elle défend exclusivement la création congolaise. Artistes reconnus et émergents bénéficient de l’accompagnement de Pierre Daubert et Karin Barlet, les créateurs du lieu.

Lauréate du Prix Dior de la photographie en 2020, Pamela Tulizo naît en 1994 à Bukavu. Elle s’est donnée pour mission de révéler une autre facette du Congo à travers ses photos. Fière de s’approprier un moyen d’expression autrefois réservé aux hommes, elle défend aujourd’hui l’égalité des sexes.  Son travail, notamment sa série « Double identité », développe sa notoriété internationale. Un talent qui dévoile les multiples visages du Congo.

En mai-juin 2022 s’est tenue à Kinshasa la quatrième édition de l’unique festival international de graffiti et street-art du Congo. Des ateliers, des concerts et des projections sont proposés en parallèle des séances de live painting. Une fête placée sous l’égide de Martha Cooper, icône du street-art new-yorkais.

La plus belle fresque du Congo se trouve à Pointe-Noire. Sur le long mur qui longe l’école primaire de Tchimbamba, toute l’histoire du Congo se déroule sous nos yeux émerveillés. Dans un entrelacs de portraits de personnages et d’événements marquants, apparaît un message à retenir : Laissez l’art communiquer !