shutterstock_1984834466.jpg

Le bwiti, un culte répandu au Gabon

Bien qu’on en sache peu sur les origines du culte bwiti, ce rite ésotérique aurait vu le jour chez les Pygmées qui l’auraient transmis ensuite aux peuples Tsogho, Fang, Mitsogo, Nzebi, Myéné et bien d’autres encore. La date de son apparition est indéterminée, mais remonte au-delà du XIXe siècle puisque Paul Belloni Du Chaillu, premier explorateur européen de l’intérieur du Gabon, a déjà pu observer sa pratique dans le centre du pays. Pratiqué alors par diverses ethnies, ce rite a évolué au fil du temps, étant interprété de différentes manières selon les cultures. Il reste cependant indissociable de l’iboga (Tabernanthe iboga), un petit arbuste de la famille des Apocynaceae qui peut atteindre jusqu’à 6 mètres de hauteur. Le rite de passage du bwiti est donc centré sur l’absorption par le néophyte d’écorces de racines de cet arbuste. Divers alcaloïdes présents dans cette plante (notamment l’ibogaïne) possèdent des propriétés psychodysleptiques de type hallucinogène. Elle est d’ailleurs interdite dans plusieurs pays, comme en France et aux Etats-Unis qui l’ont classée comme stupéfiant. On distingue deux types de pratique du culte bwiti, le dissumba et le misoko. Le dissumba est le rite le plus proche des origines, réalisé à l’âge de la puberté uniquement chez les jeunes hommes. Pendant ce rite de passage à l’âge adulte, qui peut durer plusieurs jours, l’absorption d’une dose massive d’iboga procure au néophyte des visions spectaculaires qui le font voyager au pays des ancêtres. Il revient de son voyage astral avec un nouveau nom, le Kombo, preuve qu’il a eu contact avec ses ancêtres, puis relate son immersion dans l’au-delà à son maître-initiateur qui validera ou non son initiation. Cette expérience permet au nouvel initié d’hériter des connaissances traditionnelles de son lignage et d’être accepté dans sa communauté. Quant au culte bwiti misoko, sa pratique est postérieure au dissumba et se tourne plutôt vers une fonction thérapeutique. Ainsi, le non-initié effectue ce rite en cas de maladies, de troubles psychologiques, de malheurs inexpliqués ou de dépendances aux drogues. Les cérémonies sont célébrées par des Nganga qui se considèrent comme des guérisseurs et disposent d’une grande pharmacopée naturelle. Ils agissent généralement la nuit pour lutter contre les sorciers pour déjouer leurs sorts. L’iboga est consommé en moins grande quantité que dans le rite dissumba, et est souvent mélangé à d’autres plantes. Ces deux branches du bwiti, aux aspirations bien distinctes, peuvent toutefois être pratiquées de manière complémentaire.

Le ndjembé, le culte des femmes

Le ndjembé représente pour les femmes ce que le bwiti ou le mwiri est pour l’homme. Ce rituel d’initiation est pratiqué depuis la nuit des temps par la majorité des populations féminines des ethnies Mokambé, Simba, Bavové, Mitsogho, Kotakota et Ghapindzi, entre autres communautés locales. Comme les rites consacrés aux hommes, il marque les principaux passages de l’enfance à la vie adulte. Célébrées durant la saison sèche, les cérémonies sont dirigées par une grande prêtresse, la ngwèvilo, une femme d’âge mûr pourvue de pouvoirs. Elles sont accompagnées d’un cortège de chants et de danses, réalisées par les femmes de la communauté, parées de peintures corporelles et de divers accessoires. A cette occasion, les néophytes apprennent les secrets de la vie, sexuelle et sociale ainsi que les règles de solidarité de la communauté féminine. Ce rituel exige une préparation qui, à présent, peut durer quelques jours, mais qui s’étendait initialement sur quelques mois, voire sur une année complète. Les jeunes filles sont soumises à des épreuves qui permettent l’accès à la connaissance des valeurs de la société ainsi que du rôle de la femme pour les transmettre : apprendre à cultiver, à nourrir sa famille, à savoir se comporter, à donner du plaisir à son époux. La vision de l’esprit du ndjembé, le Mukuku, et le mystère qui plane et qui se vit au cours des cérémonies, lieu sacré de l’initiation, restent secrets. C’est autour de ce secret que se tisse le lien qui unit la communauté féminine. Les cérémonies représentent les formes visibles de ce culte, mais le fondement et la croyance, qui lui donnent son essence et lui insufflent sa pérennité à travers le temps et l’espace, dépassent le monde du visible. A la fin de cette initiation, les nouvelles initiées, vêtues d’un pagne blanc ceint d’une étoffe rouge, exécutent des danses traditionnelles, devant leurs proches.

Le byeri, le culte des reliques

Le byeri désigne à la fois le rituel pratiqué par les populations masculines Fang, Beti et Boulou (Sud du Cameroun), les reliques des ancêtres, une statuette en bois et une plante, l’Alan (Hylodendron gabunense). Tout comme le bwiti, les débuts du byeri ne sont pas définis et plusieurs légendes alimentent son origine. L’une d’entre elles serait liée à la migration de ces peuples. Ainsi, on raconte que Nane Ngoghe, une femme de l’ethnie fang, aurait succombé à une marche dans le désert. Avant sa mort, elle aurait demandé à ses enfants de conserver son crâne près d’eux afin de pouvoir les protéger et d’assurer la descendance. Ce serait de l’un de ces mythes que les adeptes garderaient depuis chez eux un byeri, une boîte en écorce abritant les reliques de leurs ancêtres fondateurs du lignage. Elles sont surmontées par d’exquises statuettes masculines, rayonnantes d’énergie sublimée, qui ont pour rôle de les protéger. Les cérémonies d’initiation sont organisées dans les forêts sacrées, dont le lieu est tenu secret. Pour se protéger des esprits malveillants, les adhérents s’enduisent d’un liquide, appelé étokh, dont on ignore la composition puis font des offrandes pour rendre hommage à leurs ancêtres. Ensuite, pour rentrer en contact avec eux, en plus des musiques et chants traditionnels, on utilise, comme chez les bwitis, une plante hallucinogène. Une fois l’écorce de l’arbuste Alan longuement mastiquée, les novices sont priés de fixer le soleil le plus longtemps possible. Plus tard dans l’initiation, les adeptes sortent les crânes des boîtes pour les faire danser devant les néophytes. C’est alors la première fois que les non-initiés voient les reliques de leurs ancêtres. Ils rentrent dans le monde adulte.