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« Je tiens l'affaire ! Eurêka ! »

Fils de libraire aux tendances révolutionnaires, Champollion montre très tôt des signes de précocité. Depuis tout jeune, le futur maître de l'égyptologie se passionne pour les lettres et l'écriture, mais aussi pour l'Histoire. Il apprend à lire seul à 5 ans, et part à Grenoble à 11 ans pour étudier l'hébreu, le latin et le grec. Rien que ça ! Il devient rapidement un petit génie des langues anciennes. Par la suite, à 17 ans, il étudie d'ailleurs le sanskrit, l'arabe et le perse à l'École des Langues Orientales de Paris. C'est à cette période qu'il va se pencher pour la première fois sur l'inscription de la pierre de Rosette. Il étudie l'égyptien démotique, une simplification du hiératique, lui-même simplification des hiéroglyphes. Champollion tente de percer le mystère des hiéroglyphes, « un mélange de signes figuratifs, symboliques et phonétiques » comme il le décrit lui-même. La pierre de Rosette est un morceau de stèle qui dévoile l'inscription d'un même texte en deux langues, l'égyptien ancien et le grec ancien, et en trois écritures distinctes : l'égyptien en hiéroglyphes, l'égyptien démotique et alphabet grec. Champollion comprend que les hiéroglyphes ne sont pas seulement des idéogrammes, mais aussi des signes phonétiques. Le 14 septembre 1822, après un travail acharné d'au moins 10 ans, soudain, c'est l'évidence : « Je tiens l'affaire ! Eurêka ! » se serait exclamé Jean-François Champollion. Grâce à lui, la civilisation de l'Égypte Antique s'éclaire, dans toute sa grandeur, sa flamboyance. La notoriété de cet historien de génie devient mondiale, et son nom est alors synonyme de la découverte après un dur labeur, de ténacité, de passion. A partir de ce jour précis, l'égyptologie est née, et fait des émules aux quatre coins du globe, encore aujourd'hui, de façon passionnée et fulgurante.

En effet, le déchiffrement de la pierre de Rosette rayonne de par le monde, non seulement pour cette porte ouverte qu'elle représente sur une civilisation qui s'apprête à livrer ses secrets, mais aussi pour l'effervescence qu'elle engendre envers les sciences et le phénomène enthousiasmant de la découverte.

La pierre de Rosette

Que dévoile cette fameuse pierre de Rosette ? Qu'est-elle, finalement ? Ce fragment de stèle de 760 kg a été trouvé en 1799 dans un catalogue d'artéfacts de la ville de Rosette, qui lui a donc donné son nom, par une expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte. Mais les Français la laissent aux Britanniques en 1801 qui commencent le travail de décryptage. Pour se faire, de la craie blanche est frottée sur la pierre pour rendre le texte plus lisible. Puis elle est enduite d'une couche de cire de carnauba : c'est ce qui lui donne sa couleur noire. La pierre n'est nettoyée de cette cire qu'en 1999 : la véritable couleur de la pierre réapparaît enfin, dans ses nuances de gris et de veinage rosé. Il est désormais certain que le matériau n'est ni du basalte, ni du granite, bien que proche de ce dernier, mais du granodiorite, une roche magmatique typique d'une carrière située au bord du Nil. Le texte gravé dans cette roche, que des fragments manquants de la stèle rendent incomplet, est un décret daté de 196 avant Jésus-Christ du pharaon Ptolémée V, qui fut empoisonné par ses courtisans. Une traduction en grec a pu être effectuée dès 1803 grâce au travail du britannique Thomas Young sur la démotique, mais les hiéroglyphes, eux, restaient un mystère. C'est donc 20 ans plus tard que le voile se lève, grâce à Champollion. De là à croire que les hiéroglyphes sont devenus aussi clairs que de l'eau de roche et peuvent être lus couramment, ce n'est pas vraiment exact... Mais le plus dur est fait, et permet une avancée majeure dans le domaine. Depuis, la pierre de Rosette a été l'objet de nombreuses tensions, notamment durant les guerres napoléoniennes, entre la France et l'Angleterre, qui s'octroie une part du gâteau : Thomas Young a participé activement à son déchiffrement, et, sans lui, point de Champollion l'égyptologue. L'Égypte, quant à elle, réclame son retour sur sa terre natale depuis 2003. Aujourd'hui, c'est au British Museum de Londres que l'on peut admirer la pierre de Rosette originale. Mais Figeac n'est pas en reste, puisque la ville bénéficie d'une reproduction spectaculaire faite en granite noir du Zimbabwe par Joseph Kosuth, exposée sur la Place des Écritures, adresse du Musée Champollion, qui attire chaque année de nombreux touristes.

2022 : le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes

En 2022, pour le bicentenaire de ce moment historique, de nombreux événements sont organisés autant en Europe qu'en Égypte : des expositions, des conférences et des colloques ont lieu au British Museum évidemment, ainsi qu'au musée Louvre-Lens, à la Bibliothèque Nationale de France, à Marseille, Lyon,  Grenoble, Turin, Alexandrie, Le Caire... Figeac, le Musée des Écritures du Monde, et tous ses partenaires, célèbrent aussi, bien évidemment, cette découverte majeure. Hélène Lacipière, vice-présidente du Grand Figeac et élue municipale déléguée à la culture et au patrimoine, explique : « Compte tenu de l’importance de ce déchiffrement dans l’avancée des sciences et de la notoriété de Champollion, il est proposé de célébrer cet anniversaire sous un angle original. Pour se démarquer des autres projets de célébration, il est proposé un programme d’actions partenarial et territorial porté par une thématique Recherche, découverte et développement, croisant culture, tourisme, économie et éducation avec en trame de fond la figure de Champollion ».  Il est donc question d'une programmation dédiée non seulement à Champollion et à l'Égypte, mais aussi à tout ce qu'il représente : l'envie de comprendre le monde et les sciences, l'Histoire et le patrimoine dans toute sa signification, et l'avancée historique comme tremplin à l'innovation et au développement d'une société. Durant l'année 2022, et particulièrement en septembre, tous les acteurs culturels de la ville, du Musée des Écritures du Monde, du service patrimoine, du cinéma, de la médiathèque, de l'office de tourisme, des associations locales, se rassemblent pour rendre hommage à ce grand homme et à son travail en organisant l'opération « Euréka ! Champollion Figeac 2022 ». Expositions, rencontres, visites théâtralisées, escape games, parcours, concert, cinéma, spectacle, conférences, art contemporain : le programme est riche, varié, destiné autant aux scientifiques qu'aux touristes, aux familles, un peu partout sur le territoire du Grand Figeac.

Voyage dans le temps et l'espace

Au cœur de Figeac, lorsqu'on arrive sur la place Champollion, la vision du musée du même nom impressionne : sa façade est double et exprime parfaitement le propos de la collection permanente qui y est abritée. La première façade en pierre, rénovée dans le respect du style de l'époque médiévale de sa construction, raconte le passé, le témoignage, l'Histoire, tandis que la seconde, faite de verre et de cuivre travaillé comme de la dentelle avec des signes d'écritures du monde entier, invite au voyage, à la découverte, et à la modernité. Les spots qui éclairent le bâtiment à la nuit tombée donnent alors un jeu d'ombres et de lumières qui les unissent avec beaucoup de poésie. Lorsque le Musée Champollion est créé, en 1986, il est dédié au fameux égyptologue, pour lui rendre hommage, et partager les découvertes sur la civilisation d'Égypte Antique que son travail a permis. Mais en 2007, le musée s'agrandit et en profite pour élargir le spectre de la thématique : autour du déchiffrement des hiéroglyphes, c'est toute l'histoire des Écritures qu'il permet de parcourir. Désormais, le Musée Champollion nous fait voyager dans le temps à travers l'écriture, de façon chronologique, mais aussi dans le monde, à travers de nombreuses civilisations qui ont fait l'Histoire de l'humanité. Bien que les premiers éléments graphiques découverts remontent à 50 000 ans, l'écriture proprement dite la plus ancienne a environ 5 300 ans, découverte sur des sceaux proto-indiens, et n'a pas encore été déchiffrée. Malheureusement, Champollion n'est plus là pour s'en occuper ! Des tablettes d'argile aux tablettes numériques, le visiteur est invité à s'interroger sur la place de l'écriture dans une société, son impact et son avenir. Ce que l'on peut en déduire est qu'elle gardera une place centrale, mais sous quelle forme ? Reviendrons-nous à un genre de hiéroglyphes à travers les emojis ou l'écriture de demain est-elle le code informatique ? La dernière salle, le salon vidéo, invite à la réflexion, mais aussi à la rêverie avec une vue imprenable sur la ville.

Des expositions temporaires prennent également place dans l'annexe du Musée Champollion, toujours en lien avec l'écriture, de la poésie classique française aux arts calligraphiques. Elles sont parfois intégrées au sein d'un événement national, car le musée est en constante connexion avec la vie culturelle et les thèmes engagés sur l'ensemble de la France, et dans le monde. Bien que les sujets soient pointus, les plus jeunes sont toujours invités à découvrir et participer aux événements, à hauteur d'enfant qui apporte un regard neuf et rafraichissant. Le musée Champollion n'a pas fini de nous éblouir par la richesse de ce qui fait de l'humain un animal pas comme les autres : sa capacité à transmettre par l'écriture.