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Coteaux du Quercy © phb.me - stock.adobe.com.jpg

Cahors vs Bordeaux

En France, on l’appelle le vin noir, en Angleterre le Black Wine. Il devient le nectar des rois et des reines, et même des papes à partir du Cadurcien Jean XXII. Le poète Marot le qualifie de « liqueur de feu ». A l’époque, on l’érige même au-dessus du Bordeaux. François Ier confie le développement des vignes royales aux exploitants du Quercy. Vin de l’élite, il est importé par Pierre le Grand en Russie qui en fait un vin de cour et de messe pour l’Eglise orthodoxe. Exporté partout, il entre en concurrence avec ses grands rivaux bordelais. Les ports d’Aquitaine sont contraints de les transporter et une lutte s’engage entre les deux régions. Des gabarres de vins sont même coulées par les Bordelais. Louis XVI met provisoirement fin à la crise en partageant le marché entre les deux terroirs.

Le XXe siècle le couronne de label et de sigle, ce qui donne aux vignerons un cahier des charges, des grands axes de développement. En travaillant pour une certaine cohérence, les professionnels de la viticulture ont été visionnaires et les ouvriers d'une grande histoire viticole. Le 5 avril 1951, le vignoble peu à peu ressuscité obtient un classement en VDQS « Vin Délimité de Qualité Supérieure ». C'était le premier pas.

En 1964, c’est la naissance de la confrérie du vin de Cahors. Insigne privilège de cette confrérie, Sa Majesté la reine du Danemark a bien voulu accepter d’en être la protectrice. La rénovation du vignoble porte ses fruits  : le 15 avril 1971, le vin de Cahors obtient l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), grâce notamment au président Georges Pompidou, lotois d’adoption depuis qu’il a fait l’acquisition d’une résidence sur Cajarc.

Depuis son classement en AOC, le vignoble retrouve ses lettres de noblesse et entame une progression spectaculaire. On assiste dans les années soixante-dix à un développement important du vignoble avec la création de nombreux domaines. Le syndicat prône alors la généralisation de la mise en bouteilles à la propriété.

En 1977, l’Union Interprofessionnelle du Vin de Cahors est créée. Elle regroupe les représentants des syndicats des négociants-éleveurs et du syndicat de défense de l’appellation Cahors.

En 1982, création de la maison du vin à Cahors, qui comprend une salle de dégustation et un laboratoire œnologique. C'est aujourd'hui une vitrine particulièrement importante pour le Vin de Cahors. La maison a été rebaptisée Cahors Malbec Lounge, on la trouve côté à côté avec l'Office de Tourisme de Cahors Vallée du Lot place François Mitterrand à Cahors.

En 2007-2008, le vignoble de Cahors a mis en œuvre une stratégie de positionnement dénommée Cahors Malbec pour communiquer à la fois sur l'appellation et son cépage historique. Le choix de ma mise en avant du cépage sous un nom unique rend interdit l'utilisation de ses autres noms : le Côt et l'Auxerrois. Il faut aussi savoir que deux autres cépages complémentaires sont utilisés de façon extrêmement contrôlée par le cahier des charges de l’appellation : le merlot et le tannat.

La typicité d'une belle appellation

Le terroir du Cahors est typé et distant d’une centaine de kilomètres de ses plus proches voisins. Située au sud-ouest du département, l’aire d’appellation court de part et d’autre du cours du Lot et intéresse quelque 45 communes réparties sur six cantons : Cahors, Luzech, Puy-l’Evêque, dans la vallée, sur le plateau et Lalbenque et Montcuq sur le plateau sud et Catus au nord. Les terrasses et les coteaux de la vallée se situent entre 100 et 150 mètres d’altitude. Le Cahors bénéficie d’un microclimat favorable, d’un cépage spécifique, le côt, et dispose aussi d’acquis humains incontestables dans les domaines agronomiques, œnologique et commercial. La géologie du vignoble de Cahors résulte du mariage entre un socle calcaire et des masses alluviales, le plus souvent très anciennes.

Pour résumer, on peut dire que les premières terrasses argilo-limoneuses, limono-sableuses et graveleuses, sont aptes à produire des vins légers et friands, à boire plutôt jeunes. Les deuxièmes terrasses et les coteaux du piémont, argilo-silicieux, argilo-calcaires, mêlés d’éboulis du causse, donnent des vins pleins, corpulents et de bonne garde. Enfin, les coteaux du rebord du causse et le plateau lui-même, calcaires et argilo-calcaires, sont susceptibles de produire des vins moins gras mais plus structurés, un peu durs dans leur jeunesse mais de grande garde.

Qu’est-ce qui fait la typicité d’un vin  ? C’est l’adaptation réciproque du terroir au cépage et du cépage au terroir. Or, le malbec a trouvé dans le terroir de Cahors les conditions géologiques et climatiques qui lui permettent d’atteindre son expression optimale et donc de marquer fortement le vin qu’il génère de sa personnalité. Il n’existe pas de vin de Cahors à moins de 70 % de malbec. La feuille du malbec est ronde avec des cloques ; sa grappe est aérée avec des grains ronds bien séparés. La peau est très colorée et riche en tanins. Sa maturité arrive généralement début octobre. Après fermentation, il donne un jus très foncé, aux tanins abondants et aux arômes soutenus de baies sauvages comme la mûre, la prunelle, d’herbes aromatiques, d’épices et, après vieillissement, de truffe. Dans sa jeunesse, le vrai Cahors peut s’avérer austère, d’où parfois l’adjonction de deux cépages complémentaires  : le merlot et le tannat. Le merlot apporte sa rondeur, affine le bouquet et assouplit le vin dans sa jeunesse. Le tannat, issu de la famille des cots, confirme par ses tanins l’aptitude au vieillissement du cahors et apporte également un bon niveau alcoolique. Le merlot est présent, généralement dans des proportions de 10 % à 15 % et le tannat de 5 % à 10 %. La densité de plantation ne doit pas être inférieure à 4 000 pieds à l’hectare.

La vinification traditionnelle crée des vins charpentés, corsés, tanniques, aromatiques la première année, car près du fruit, du raisin. En bons vins de garde, ils restent robustes et puissants. Vieux, le Cahors possède des arômes de sous-bois et d’épices. Sa rondeur, son ampleur en bouche se mêlent alors aux arômes de truffes et de gibiers.

Répartie sur 4 500 ha, la production du Cahors se situe en moyenne autour de 20 millions de bouteilles chaque année, 80% étant issus de vignerons en caves particulières et 20% d'une seule cave coopérative. Si les vins de Cahors sont toujours principalement commercialisés en France (70%), leurs ventes à l'étranger ont fortement progressé ces dernières années. En 2017, les 3 premiers marchés de l'appellation à l'export ont été, en volume, la Grande-Bretagne, le Canada et les États-Unis. D'ici 15 ans, le vignoble vise les 40% minimum à l'export.

Dans les vins il n'y a pas que le cahors !

Le Cahors a fait la renommée du Lot, cependant, d'autres vignobles méritent également le devant de la scène viticole lotoise : les Coteaux de Glanes au nord du département ainsi que les Coteaux du Quercy à l'ouest mais également les Côtes du Lot.

Les Côtes du Lot sont issus des meilleurs terroirs : les terrasses, les coteaux et les plateaux. Les vignerons ont élaboré ces vins à partir de divers cépages : le malbec, le cabernet franc, le cabernet-sauvignon, le ségalin, le gamay et le merlot pour les rouges et les rosés, le chardonnay, le sauvignon, le viognier, le sémillon et le chenin pour les blancs. Créé en 1997, le Syndicat des Vins de Pays du Lot a obtenu en 2009 l'Indication géographique protégée (IGP), avant la création en 2013 d'une nouvelle identification et d'un nouveau logo, les vins IGP des Côtes du Lot. Ils réunissent aujourd'hui 150 producteurs qui exploitent une surface de 1 000 ha. La production est passée de 3 000 hectolitres en 1997 à 65 500 en 2016, soir le tiers de la production d'appellation Cahors.

A Glanes, les Vignerons du Haut-Quercy, regroupés en coopérative, ont obtenu une IGP bien méritée. Les écrits les plus anciens concernant Glanes remontent au IXe siècle, mais l’origine du vin de Glanes serait encore plus ancienne et daterait de l’époque gallo-romaine. Menacé par l’exode rural, le phylloxéra, la diversification des productions, le vin de Glanes est sauvé par quelques vignerons, aidés par la chambre d’agriculture. Ils ont replanté le vignoble, à la fin des années soixante, avec des cépages merlot, gamay, ségalin, mieux adaptés. Le vignoble des coteaux de Glanes s’étend aujourd’hui sur 45 hectares répartis sur sept communes, sur un territoire homogène avec des sols argilo-calcaires caillouteux, sur un bassin versant de la vallée de la Dordogne. Bien exposé sud-sud-ouest, le sol a toujours été reconnu comme favorable à la vigne. L'IGP Coteaux de Glanes est une affaire qui se mène à plusieurs familles. Chacun cultive ses vignes, la récolte et la vinification se font de manière collective au sein de la coopérative. On comprend que la devise des trois mousquetaires ne soit pas usurpée lorsque la qualité de son vin est l’affaire de la responsabilité de chacun.

La surface de production de l’appellation Coteaux du Quercy s’étend sur près de 400 hectares sur les départements du Lot et du Tarn-et-Garonne (production moyenne : 8 000 hl/an). Bénéficiant d’un double climat, atlantique et méditerranéen, le terroir argilo-calcaire du Quercy, également composé de boulbènes chaudes, possède une exposition avantageuse et un bon réchauffement. Deux paysages se côtoient  : les causses argilo-calcaires, aux terrasses et plateaux de pierres blanches, et les coteaux verdoyants et vallonnés. Le cabernet franc, cépage principal des coteaux-du-quercy, est présent à 60 % dans l’assemblage final, associé aux cépages complémentaires  : le côt, le merlot et le gamay. Un tiers des producteurs passe leur vin en fût de chêne, afin d’élargir la gamme de leurs produits et ainsi contribuer à l’image qualitative. Ce sont des vins structurés, souvent portés par des arômes de cassis lorsqu’ils sont jeunes, sur le rouge, de cerise et de framboise pour le rosé. Sa bonne structure tannique et son gras offrent plus de souplesse que pour d’autres vins du Sud-Ouest. Les viticulteurs de l’AOC Coteaux du Quercy sont mobilisés pour donner des gages sur les potentialités de leur vignoble.