Castelanux, sauvetés et bastides

L’occupation des terres gasconnes est ancienne, elle remonte au néolithique. Mais c'est surtout à l'époque antique que les populations se sont organisées en communauté : Roquelaure, Lectoure, Eauze, Vic-Fezensac ou Lombez figurent parmi les premiers oppidums du Gers. Ces villages fortifiés composaient avec les singularités topographiques pour assurer leur défense. Situées sur des éperons rocheux dominants, ou au contraire, dissimulées dans les méandres d’une rivière en fond de vallon, ces « villes » eurent un rôle social, politique et économique. Elles étaient protégées par des talus renforcés, des remparts ou des murs d’enceinte. L’oppidum de La Sioutat (Roquelaure) découvert en 1960 fait l’objet de fouilles régulières et révèle un potentiel archéologique remarquable. Y furent exhumés les restes du premier édifice de pierre du Gers : des trous de poteaux qui soutenaient maisons et greniers aériens, des domus romains ou encore un fossé défensif.

L’insécurité qui règnait sur la Gascogne au Moyen Âge conduisit les habitants à se regrouper, créant des schémas urbanistiques nouveaux. L’Église catholique, puissante, inaugura des zones d’asile appelées « sauvetés ». Des bornes placées autour des églises limitaient un espace à l’intérieur duquel les habitants se réfugiaient sans risque d’agression. C'est l'origine de la ville de Nogaro, fondée en 1055 et placée sous la protection de l’archevêché d’Auch. Au XIIe siècle, les seigneurs élevèrent des châteaux baptisés "castelnau", littéralement « château neuf », au pied desquels les habitants construisaient leurs maisons. Plusieurs villages gersois témoignent de cette tendance : Castelnau-sur-l’Auvignon, Castelnau-Barbarens fondé vers 1140, ou encore Castelnau-d’Arbieu.

Au XIIIe siècle, l’essor urbain inventa un nouveau type de cité : la bastide. Il s’agit de la planification d’une ville neuve, sur un terrain donné par un seigneur local ou par l’Église. Elle suit un tracé régulier aux rues perpendiculaires et basé sur le théorème de Pythagore. L’intersection des deux rues principales marque le centre du village, et constitue aussi un coin de la place principale, souvent agrémentée en son centre d’une grande halle commerçante. L’édification des bastides s’est déroulée sur une période comprise entre 1222 et 1373. Le Gers est l’un des départements les mieux dotés du Sud-Ouest, avec ses 43 bastides, dont les plus beaux exemples se visitent à Mirande, Montréal, Fourcès, Cologne ou encore Fleurance. À la même époque, de nombreux villages fortifiés virent le jour : enceinte percée d’une ou deux portes, un bourg et une église. Les châteaux de ces villages affichaient une fonction résidentielle plus que militaire. Mas-d’Auvignon, Montesquiou, Sarrant et Larressingle en sont de beaux exemples.

Châteaux et demeures bourgeoises

Le morcellement du pouvoir et de l'autorité en Gascogne médiévale fit naître de nombreux châteaux, à vocation défensive et militaire. On les retrouve dispersés sur tout le territoire (et pas seulement dans les castelnaux ou villages fortifiés). Leurs caractéristiques communes définissent le style gascon. En premier lieu, ils sont placés à des endroits stratégiques, sur des promontoires ou le long d'axes fréquentés. En second lieu, ils présentent une architecture massive et austère, avec une faible occupation au sol et peu d'ouvertures. Les formes sont simples, les angles droits et les volumes impressionnants. L'exemple le plus significatif est le château de Sainte-Mère, édifié au XIIIe siècle et qui n'a subi aucun remaniement. Le château gascon peut aussi se réduire à une simple tour, appelée « salle », servant de salle d'armes ou de salle d'audience. La Lomagne en compte un certain nombre, comme à Lectoure, Plieux ou Estrépouy.

La pacification du territoire achevée au XVIIe siècle permit le renouveau architectural : salles agrémentées de corps de bâtiment, pavillons d'angle se substituant aux tours massives, façades percées de jours. Les châteaux de Lavardens ou de Caumont à Cazaux-Savès en témoignent. Au XVIIIe siècle fleurirent les chartreuses. Les nobles et grands bourgeois bâtirent des maisons de campagne cossues, en position dominante, entourées de jardins et de terres agricoles, accompagnées d'un ou plusieurs corps de ferme. Ce sont toujours des propriétés privées préservées des regards indiscrets.

Le patrimoine religieux

Terre catholique, le Gers compte plus de 1 200 églises, chapelles et abbayes. Pas un village qui ne se démarque par son clocher pointant vers le ciel. Le patrimoine religieux se distingue par une extraordinaire hétérogénéité. De la chapelle d'inspiration romane à la cathédrale imposante, tous les styles sont représentés. Certains édifices peuvent surprendre par leur majesté, par l'originalité de leur clocher, par la singularité de leur architecture. D'autres portent encore les cicatrices de l'histoire mouvementée de la Gascogne.

Entre les différentes guerres et les affres du temps, nombre de ces églises ont été remaniées au XIXe siècle. Elles affichent des élans néo-gothiques inspirés par Viollet-Le-Duc jusqu'à être parfois défigurées. Parmi les plus emblématiques, il faut noter la Collégiale de La Romieu et son cloître précieux, l'église de Barran et son clocher hélicoïdal, l'abbaye de Flaran, joyau de l'art cistercien, l'indescriptible église en brique de Bascous, l'emblématique clocher-mur de l'église de Gaudonville, l'église massive de Saint-Christaud, le clocher à bulbe en ardoise de Termes-d'Armagnac ou encore l'église fortifiée Notre-Dame de Simorre. Le Gers est aussi un territoire de chapelles. Elles ont été construites sur des lieux de culte très anciens. Elles sont le plus souvent édifiées sur un axe est-ouest, dans le style roman, avec une courte nef qui se termine par un chœur en « cul-de-four ». Des tuiles canal protègent la voûte, et l'ensemble est surmonté d'un clocher-mur (à une ou deux cloches). Le portail est précédé d'un amban (ou auvent) permettant aux fidèles de se rassembler à couvert. On dénombre encore près de 800 chapelles dans les campagnes gersoises. Mais il s'agit d'un patrimoine fragile, mal entretenu. Certaines chapelles et tours médiévales s'effondrent, comme à Monferran-Savès et à Lasseube-Propre en 2024, faute d'attention.