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Passion rugby

En 2015, les politiques auraient pu choisir « Ovalie » pour baptiser la grande région du Sud-Ouest réunissant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Ici, le rugby est plus qu'un sport, c'est un art de vivre. En jouant, les enfants embarquent les parents dans la vie du club, la famille et les amis dans les gradins les jours de match. Bien plus que simple transmission d'un ballon ovale et glissant, le rugby est un sport traversé de valeurs essentielles. Jean-Pierre Rives le résume ainsi : « Le rugby, c'est l'histoire d'un ballon avec des copains autour, et quand il n'y a plus de ballon, il reste les copains ». Le jeu débarque au Havre en 1872. Des travailleurs anglais y importent une nouvelle pratique, la combination, un syncrétisme sportif inspiré du football et du rugby actuel. Cinq ans plus tard, des hommes d'affaires britanniques fondent le premier club de rugby à Paris, le Rugby Taylors RFC. La capitale se prend rapidement au jeu, et entre 1882 et 1888 ce sont trois clubs qui voient le jour. En 1889, le ballon ovale fait son apparition à Bordeaux. Il ne faudra que dix années au club pour devenir champion de France. L'écrasante domination du Stade bordelais permet au jeu de se répandre comme une traînée de poudre dans le Sud-Ouest. Auch fonde son club en 1897, l'un des plus anciens de la région. Aujourd'hui, le Gers fait partie des territoires qui comptent le plus de licenciés ramenés au nombre d'habitants. Avec ses 24 clubs et ses plus de 4 800 pratiquants, le rugby gersois anime les petits villages. Il faut se rendre dans les cafés du département pour jauger de la fierté et du soutien des habitants à leur équipe locale. Si les clubs gersois peinent à se hisser au sommet, ils constituent un excellent vivier pour les « grands clubs » des départements voisins. L'air du Gers semble aussi très bien convenir aux entraîneurs. L'immense et tout petit Jacques Fouroux - il ne mesurait que 1,63 m - mène les Bleus à la victoire du Tournoi des Cinq Nations par six fois entre 1981 et 1990, avec deux grands chelems. Il reste dans les mémoires comme le plus grand sélectionneur que le XV de France ait connu, et sa ville natale d'Auch lui a rendu hommage en rebaptisant son stade à son nom. Le sort de Jacques Brunel, malheureusement pour lui, a été bien différent. Appelé à la tête de la sélection du Coq fin 2017, il est remercié en 2019 après une piteuse défaite en quart de finale de la Coupe du Monde. Les déçus des prestations rugbystiques gersoises peuvent toujours se rabattre sur des jeux plus traditionnels, tels que le rampeau d'Astarac ou le palet gascon, à la compétition beaucoup moins rude.

Les jeux traditionnels

Le palet gascon compte lui aussi son Championnat du monde qui se tient tous les 15 août dans le hameau de Lialores. Avec sa centaine d’amateurs, ce jeu traditionnel ne se pratique guère que dans quelques villages reculés du Gers ou du Lot-et-Garonne. Chaque joueur dispose de deux palets d’acier qu’il lance à six mètres pour atteindre une quille surmontée de trois pièces de monnaie. Il dispose de deux tentatives pour abattre la quille et faire tomber les pièces. Pour marquer des points, les pièces doivent être plus près du fer que du bois. Ainsi, pour chaque pièce qui se trouve plus près du palet que de la quille le joueur marque un point. L’origine du jeu est inconnue, mais on en trouve référence sur des gravures et tableaux remontant au XVIe siècle. Il a failli disparaître complètement en 1956, lorsque le préfet du Gers l’interdit. Le palet gascon était devenu l’objet de paris d’argent inconsidérés. Il se murmure encore que certains joueurs allaient jusqu’à mettre en gage leurs bœufs de trait. Il faut attendre 1985 pour que le palet connaisse son arrebiscolada, sa renaissance. Alain Lasserre, l’instituteur de Lialores, découvre le jeu et fixe ses règles pour le démarquer d’autres jeux de palet ou de quilles, tels que le palet vendéen, la malha portugaise ou la tuta espagnole. La commune inscrit le palet gascon dans son « Plan de développement touristique du Lialorais » et fonde le championnat du monde de palet gascon en 1990, afin de relancer son intérêt. Le rampeau d’Astarac, lui, est en train de sombrer dans l’oubli. Ce jeu de quilles ne compte plus qu’une trentaine de pratiquants réguliers et il faut toute l’énergie de la Fédération départementale des foyers ruraux pour qu’il soit encore de la partie. Les joueurs prennent possession d’un terrain qui offre au moins 10 mètres de longueur, le plus souvent la place du village. À un bout, la ligne de tir et à l’autre six quilles positionnées en « T ». Les trois plus petites forment une ligne parallèle à la ligne de tir, les trois plus grandes sont disposées perpendiculairement. Le joueur lance son maillet en bois de 900 grammes en direction des quilles, le but du jeu étant d’en faire tomber le maximum. Si le joueur les abat toutes en un seul lancer, les spectateurs s’écrient « rompèu ! » et non « strike ! » Le joueur qui remporte la partie est celui qui a le plus de points et a donc fait tomber le plus de quilles en dix lancers. Le rampeau d’Astarac est proche d'un jeu encore très populaire en Gascogne : les quilles au maillet. Là aussi, le jeu comporte six quilles, un maillet et une zone de tir de 10 mètres. Les règles, elles, diffèrent quelque peu. Le joueur dispose de trois lancers pour faire tomber cinq quilles et marquer un point. S’il en fait tomber six, le lancer est nul et s’il en fait tomber moins de cinq, il ne marque pas de point. Les quilles sont alignées en deux rangées de trois sur un pité, un carré de ciment, les petites devant, les grandes derrières. Le pité est précédé d’une barre métallique que le maillet doit impérativement franchir, sous peine de nullité du tir. Objet de paris d’argent, le jeu a subi la même interdiction préfectorale que le palet gascon en 1956. Il a été remis au goût du jour par la Fédération départementale des foyers ruraux du Gers en 1982 avec un franc succès. Pratiqué dans toute la Gascogne, son comité national est rallié à la Fédération Française de Bowling et des Sports de Quilles. Auch compte son École de quilles au maillet et des championnats individuels ou par équipe sont organisés à travers tout le Sud-Ouest. L’excellent site du Comité national des quilles au maillet (www.quillesmaillets.com) permet de découvrir les aptitudes physiques aussi bien que psychologiques nécessaires à la pratique de ce sport.

Course landaise et corrida

Des aptitudes physiques et psychologiques, il en faut pour se retrouver face à une vachette ou un taureau remonté comme un coucou. Héritage gascon, la course landaise se pratique avec ferveur dans les Landes et le Gers. Les 23 arènes gersoises se situent toutes en Armagnac, sur le flanc ouest du territoire. Moins controversée que la corrida puisqu'il n'y a pas de mise à mort de la bête, elle rassemble un public large de passionnés, les coursayres. Ils viennent admirer les coursières (les vaches elles-mêmes), les écarteurs et les sauteurs, sportifs de haut niveau qui se livrent à un jeu d'adresse plus qu'à un combat. Les coursières, femelles des toros bravos de corridas, pèsent entre 300 kg et 400 kg. Les éleveurs sélectionnent les plus combatives pour les mener à l'arène vers l'âge de 3 ans. Une bonne coursière peut espérer faire carrière pendant 10 ans, avant de retourner au pré pour une retraite bien méritée. Chaque vache porte un nom, une cote et les plus célèbres deviennent des « marraines ». Fédérale, reine des arènes dans les années 2000, possède même une statue à son effigie dans les rues de Dax. La franchise de ses attaques, qualifiée de noblesse en langage coursayre, suscitait le plus grand respect des toreros. On distingue deux types de toreros en course landaise : l'écarteur et le sauteur. Le premier porte le boléro brodé à la main et le second arbore blouse et pantalon blancs. L'écarteur attend la vache dans l'arène et l'esquive à la dernière seconde. Le sauteur efface la vache qui lui fonce dessus en effectuant un saut acrobatique : saut de l'ange, saut périlleux ou saut les pieds dans le béret. La saison se déroule de mars à octobre, une centaine de courses sont organisées pour départager le meilleur écarteur et le meilleur sauteur. Les arènes de Nogaro célèbrent les vaches tous les 14 juillet en remettant une « Corne d'Or » à la meilleure coursière. Si vous souhaitez assister à une course landaise, le calendrier est affiché sur le site de la fédération www.courselandaise.fr et les places peuvent être réservées auprès des offices de tourisme.

Les plus grandes arènes, les plazas, permettent aussi d'accueillir des corridas. Dans le Gers, on en dénombre six : Vic-Fezensac, Aignan, Plaisance, Cazaubon, Eauze et Riscle. Malgré ses nombreux détracteurs, la tradition de la corrida espagnole perdure. Les aficionados voient dans la mise à mort du taureau l'issue d'un combat esthétique où le courage règne dans les deux camps. Celui du torero et celui du toro. La course se déroule en trois parties. Le tercio de pique, animé par deux picadores équipés de longues lances, permettent d'apprécier les réactions du taureau lorsqu'il est piqué. Lors du tercio de banderilles, des banderilleros plantent trois paires de banderilles dans l'échine de l'animal. Cela permet de l'affaiblir. Le tercio final est mené par la matador qui effectue une faena, ou série de passes avec sa muleta, et porte l'estocade. La mise à mort est cruciale dans une corrida. Le matador doit planter son épée très précisément entre l'omoplate et la colonne vertébrale du taureau. Si les spectateurs veulent voir le torero récompensé, ils agitent des mouchoirs blancs. Le torero peut emporter une oreille, deux oreilles et/ou la queue. S'il sort sur les épaules des aficionados à la fin de la corrida, c'est qu'il a particulièrement mérité. Mais il arrive que le taureau gagne la grâce du matador. Dans ce cas, le président de la course agite un mouchoir orange avant la mise à mort. C'est l'indulto, le taureau retourne aux champs couler des jours heureux.