Un point chaud de biodiversité
La Nouvelle-Calédonie, tout comme le Vanuatu, fait partie des quelques 25 points chauds de biodiversité : une poignée de pays dont la richesse biologique n’a d’égale que les menaces qu’elle subit. L’archipel français compte ainsi 80 % d’espèces végétales endémiques, telles que la délicate orchidée Eriaxis rigida. Sous l’eau se trouve un récif corallien extraordinaire. S’il n’est pas le plus vaste au monde, il détient en revanche le record mondial de longueur, battant ainsi son voisin australien.
Dans l’espace maritime calédonien, représentant 1,4 millions de km2, barbotent de nombreuses espèces fascinantes : baleines à bosse, cachalots, tortues marines, et dugongs, sortes de vaches de mer. Mais de nombreuses menaces pèsent sur les êtres vivants de la mer et de la terre, à commencer par le braconnage, dont les dugongs sont l’une des nombreuses victimes. Les zones de protection se multiplient pour tenter d’enrayer ce phénomène, venu notamment d’Asie. Car la surpêche n’affecte pas que les espèces aquatiques, puisqu’on constate une baisse de la population de 5 des 13 espèces d’oiseaux marins, de l’ordre de 2 à 4 % par an, faut de poissons à se mettre dans le bec. Le Cagou (Rhynochetos jubatus) oiseau emblème de l’archipel, n’est peut-être pas marin, faute de savoir voler, mais il est lui-même menacé par la destruction et le morcellement de son habitat. Il faut dire qu’en plus de la déforestation et des incendies, les plantes doivent aussi composer avec l’introduction d’espèces envahissantes, qui, à l’échelle mondiale, représentent la deuxième menace sur la biodiversité.
Heureusement, grâce aux efforts de conservation, les success-stories sont elles aussi de la partie. C’est notamment le cas de la perruche d’Ouvéa, dont la population diminuait sous l’effet de la destruction de son habitat, de l’introduction de prédateurs par l’Homme, et d’une collecte à des fins de commerce comme animal de compagnie. Les efforts constants de préservation ont permis de faire passer l’espèce de 600 individus en 1993 à plus de 2 000 en 2009.
Politique et ONG main dans la main
Pour protéger sa biodiversité, la Nouvelle-Calédonie s’est munie d’un cadre juridique, constamment consolidé. Ainsi, la Province Sud a adopté en 2009 un guide du lagon (à télécharger sur https://www.province-sud.nc), qui réglemente les périodes de pêche autorisées pour chaque espèce.
En 2016, l’élue Nina Julié, trois ans avant de faire voter l’interdiction du plastique à usage unique, propose d’enrichir cet arsenal politique d’une loi sur la qualité de l’air, jusqu’ici absente. Les pics de pollution sont pourtant réguliers à Nouméa, dont l’air est pollué par l’usine de la société métallurgique Le Nickel, le trafic routier, et les centrales thermiques qui entourent la ville. La loi, visant à limiter les émissions de certains polluants, a été votée à l’unanimité en 2017. Son rôle, en plus d’améliorer la santé publique, est d’autant plus essentiel que l’archipel est particulièrement vulnérable face au réchauffement climatique. Alors que l’eau monte, ses sols s’affaissent sous l’effet de l’érosion, et sous la chaleur, les incendies se multiplient. En face, le Vanuatu est, lui aussi, bien décidé à lever les armes face au dérèglement du climat, et tente depuis plusieurs mois de créer une coalition Pacifique, pour convaincre la cour internationale de justice, plus haute juridiction de l’ONU, de la nécessité d’obtenir plus de fonds pour lutter. Pour la petite île, la montée des eaux est déjà une réalité, alors qu’elle se fait lentement engloutir.
Le corps politique calédonien est rejoint dans son combat par plusieurs ONG, à commencer par la plus ancienne sur place, l’association pour la Sauvegarde de la Nature Néo-Calédonienne (ASNNC), qui, en plus de ses actions de sensibilisation de la population, collabore avec d’autres associations pour créer des programmes de protection de la biodiversité. Elle travaille par exemple avec Bwärä, qui œuvre à la protection des tortues à grosse tête (Caretta caretta), comme elles sont surnommées sur place. De la même façon, une antenne permanente de la WWF, installée à Nouméa depuis 2001, a permis d’instaurer plusieurs projets de grande ampleur, comme de vastes actions de reboisement, des études de terrain pour alerter les décideurs ainsi que pour documenter les tortues à grosse tête, dont la population a chuté de 80 % dans le Pacifique Sud.
Une forêt disparue
C’est un triste constat : 98 % de la forêt sèche qui couvrait autrefois l’archipel a disparu. Les 4 500 ha qui persistent sont si morcelés qu’ils ne constituent plus un environnement viable pour de nombreuses espèces. Les raisons de cette hécatombe sont nombreuses : les herbivores introduits par l’Homme, faute de prédateurs, sont aussi nombreux que voraces, l’agriculture provoque un abattage en masse pour dégager des parcelles cultivables, les plantes introduites se montrent de terribles compétitrices pour les espèces locales, et les incendies se multiplient suite à la raréfaction de l’eau… Neuf acteurs travaillent à la restauration et à la conservation de la forêt : l’Etat français, le gouvernement calédonien, la Province Nord, la Province Sud, la WWF, le Centre d’initiation à l’environnement, l’institut agronomique néo-calédonien, l’institut de recherche sur le développement et l’Université de la Nouvelle-Calédonie.
Le fléau du nickel
Sous le sol calédonien se trouve près d’un tiers des réserves de nickel au monde, un métal principalement utilisé dans la fabrication d’acier inoxydable. Un cadeau dont se serait bien passé l’environnement, ravagé par l’activité minière. Les exploitations rejettent près de deux fois plus de déchets que la quantité de métal obtenue. Ces boues, souvent imprégnées de métaux lourds, finissent leur course dans les réseaux d’eau douce, puis les océans.
En plus de cela, les mines ont tendance à laisser des trous béants dans les écosystèmes. Car si depuis 2009, les exploitants sont tenus de restaurer les parcelles, les végétaux ne tiennent en général pas longtemps dans cet environnement pollué. Le problème est d’autant plus important que les concessions représentent 18 % du territoire calédonien. On note toutefois de réels progrès, et les entreprises minières se dotent désormais d’un département lié à l’écologie. C’est ainsi que l’exploitant historique Le Nickel possède désormais une pépinière, dont les plantes servent à combler les parcelles abîmées. Ces mesures ne satisfont toutefois pas les écologistes, qui s’inquiètent du fait que les écosystèmes recréés soient bien différents de ceux perdus. En effet, sur les plus de 2 000 espères végétales endémiques de l’archipel, seules une trentaine sont utilisées.
Ces endroits dédiés à la nature
Les zones protégées calédoniennes sont réparties en cinq catégories : les réserves naturelles intégrales dont l’accès est strictement interdit pour empêcher tout impact humain, les réserves naturelles, les aires de gestion durable des ressources, les parcs provinciaux et les aires marines protégées.
Parmi ces dernières, l’une, créée en 2014, est particulièrement spectaculaire par sa taille, puisqu’elle représente 2,5 fois la taille de la France métropolitaine ; c’est donc la plus grande aire marine protégée de France, et la quatrième à l’échelle mondiale. Il faut dire que le Parc naturel de la mer de Corail représente tout bonnement l’entièreté de la zone économique exclusive calédonienne ! Le parc abrite ainsi de nombreuses espèces, dont 48 espèces de requins parmi lesquelles cinq menacées d’extinction, cinq espèces de tortues et une vingtaine d’oiseaux marins.
Sur terre, le parc de la rivière bleue offre à la fois aux Calédoniens de superbes balades, et aux scientifiques une biodiversité exceptionnelle à étudier. Car entre les maquis et la forêt humide du parc, on trouve un oiseau exceptionnel : le célèbre Cagou ! Des 70 individus qui survivaient dans ce parc dans les années 1980, on en dénombre aujourd’hui 700, soit la plus grande population existante !
Les Nouméens peuvent quant à eux profiter des 36 ha du parc zoologique et forestier. Il a ouvert ses portes en 1972 pour protéger l’une des dernières parcelles de forêt sèche de Nouméa. On y trouve également un zoo, exposant certaines espèces endémiques de l’île.