Guide de LEIPZIG : Histoire

Figures historiques de Leipzig

Carl Erdmann Heine (1819-1888)

Homme politique libéral et entrepreneur industriel, Carl Heine, souvent retenu aujourd'hui comme Karl Heine, est sans doute la figure historique qui aura le plus durablement marqué Leipzig au XIXe siècle. Comme homme politique, car en tant que député du DFP, il a contribué à la mainmise de ce puissant parti libéral sur Leipzig pendant tout le XIXe siècle. Comme entrepreneur, il aura fait entrer Leipzig dans l'ère de la grande industrie et scellé le sort urbain de l'ouest leipzigois, en créant l'un des premiers projets gigantesques d'aménagement industriel en zone urbaine de l'Histoire allemande. Propriétaire de terres à Plagwitz, alors un village à l'ouest de Leipzig, il mûrit progressivement le projet d'un gigantesque espace de logistique industrielle, où usines et canaux (pour le transport des marchandises) sont imbriquées. En 1854, il lance le projet de construction d'un canal qui reliera l'Elster à la Saale, aujourd'hui le Karl Heine Kanal qui traverse Plagwitz. Enrichi par sa propre société Heine&Co qui distille de l'huile végétale et de l'alcool, propriétaire d'un terrain qui deviendra la plus grande zone industrielle de la région, il fait construire un ensemble cohérent de lieux de production dans des domaines variés (mécanique, textile, agro-alimentaire, chimie), voies d'acheminement (par canaux, mais aussi par voie ferrée). Il fonde la Leipziger Westend-Baugesellschaft, société de construction de développement infrastructurel de l'industrie à Leipzig. Il meurt richissime et propriétaire d'un des complexes industriels les plus performants d'Europe. Il reste à la postérité comme une des figures majeures du capitalisme industriel, et Leipzig lui doit une part important de son faciès urbain. Car c'est également Heine, imbriquant politique et entreprise, qui fait réaliser les artères principales du quartier de Plagwitz, le pont sur l'Elster, et bien d'autres infrastructures.

Karl Liebknecht (1871-1919)

Figure majeure du socialisme / communisme allemand, Karl Liebknecht était le fils du marxiste Wilhelm Liebknecht, député, co-fondateur avec August Bebel du SDAP, Parti socialiste ouvrier, puis du SPD, Parti social-démocrate, marxiste à l'époque. Son père était installé à Leipzig, où Karl grandit et fit ses études de droit et d'économie politique. Il s'installa définitivement à Berlin en 1899, comme avocat. Il y devint rapidement une figure majeure du mouvement socialiste allemand. Député de l'aile gauche du SPD, il milita très activement contre la Première Guerre mondiale. Alors que le SPD se positionnait pour la guerre, il mena la fronde et fonda avec Rosa Luxemburg la Ligue spartakiste, mouvement d'extrême-gauche ouvriériste et pacifiste, ancêtre direct du KPD, Parti communiste allemand, et s'opposa violemment au régime et au SPD. Arrêté à plusieurs reprises pour son activisme pacifiste, il fut envoyé au front de l'Est où il refusa de combattre. Il put revenir en Allemagne en raison de sa mauvaise santé. Le 1er mai 1916, il fut emprisonné à la suite d'une manifestation et condamné à 4 ans de prison. Il fut relâché en octobre 1918 suite à la chute du Reich et à la mise en liberté des prisonniers politiques. Dès novembre 1918, il devint l'un des leaders de la Révolution allemande, à Berlin, au sein du mouvement spartakiste. Le 1er janvier 1919, il fut co-fondateur du KPD, Parti communiste allemand. Mais la tentative d'une révolution marxiste échoua militairement face au pouvoir conservateur et à l'action des Freikorps, groupe paramilitaire fait de vétérans de guerre. Au coeur de l'insurrection de Berlin, il fut arrêté le 15 janvier 1919, torturé et exécuté aux côtés de Rosa Luxemburg. Celui qui aurait pu être le " Lénine allemand " donna son nom à un village en URSS, Imeni Karla Libknekhta (" Au nom de Karl Liebknecht "), et à l'artère principale du Südvorstadt de sa ville natale, dès l'époque communiste.

Walter Ulbricht (1893-1973)

Celui qui régna en maître sur la RDA de 1949 à sa mort naquit fils de tailleur leipzigois. Il grandit dans la Gottschedstrasse. Devenu menuisier, il s'engagea très jeune dans la SPD, rejoignant son aile gauche dirigée par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, un autre enfant de Leipzig. Il combattit sur le front de l'est et en Belgique pendant la Première Guerre mondiale et connut les prisons militaires à plusieurs reprises, notamment pour la distribution de tracts pacifistes. Pendant la révolution spartakiste de novembre 1918, il soutint activement le mouvement à Leipzig en tant que membre du Conseil des soldats de la XIXe armée, en distribuant des tracts. Après l'issue tragique du mouvement spartakiste, il devint dès 1920 membre du KPD, le Parti communiste allemand, dont il gravit tous les échelons. Stalinien de la première heure, il fut formé à Moscou de 1938 à 1945 et devint l'artisan tout trouvé par l'URSS pour reconstruire le KPD en Allemagne en 1945. Fondateur du SED (Parti communiste uni, du KPD et de la SPD), il fut d'abord député de la Saxe-Anhalt, membre du Conseil des ministres de la nouvelle DDR, avant de doubler Otto Grotewhol et Wilhelm Pieck et de se faire élire secrétaire général du SED en 1950. Représentant d'une ligne stalinienne fidèle, il ne faillit pas dans les quinze premières années à son allégeance à Moscou. Mais en 1967, vantant un " modèle est-allemand du socialisme ", il perdit le soutien de Léonid Brejnev, et fut destitué en 1970 et remplacé par Erich Honecker, quelques mois seulement avant sa mort.

Chronologie
Chronologie

Néolithique : ère de datation des premiers peuplements humains sur le site de Leipzig. On a notamment trouvé des traces de la culture rubanée (5500 à 4700 ans av. J.-C), la plus ancienne culture néolithique d'Europe centrale.

IIe siècle : la ville de Aregelia en Germanie, citée dans la Géographie de Ptolémée, se serait située selon les dernières découvertes scientifiques dans l'aire urbaine de Leipzig.

VIe siècle : la région de Leipzig est habitée par le peuple germanique des Thuringiens, qui participent aux grandes migrations germaniques.

531 : les Thuringiens, défaits par les Francs, quittent l'espace entre Elbe, Saale et Mulde et s'établissent plus à l'ouest (en actuelle Thuringe). Des populations slaves viennent s'installer sur ce territoire dans le siècle qui suit.

631 : première mention écrite de la présence des Sorabes, peuple slave, dans la région de Leipzig alors appelée Chutici. Ce sont dans les décennies / siècles suivants que sera fondée la petite ville forte de Lipsk, " tilleul " en langue slave.

Xe siècle : les Francs, peuple germanique, établissent leur hégémonie sur les principautés slaves de la région, et prennent progressivement le contrôle militaire de la région. Ils bâtissent des forteresses, notamment à Lipsk, avec une main-d'oeuvre en grande partie sorabe.

929 : Achèvement de la construction de la forteresse de Lipsk.

1015 : Le nom de Leipzig apparaît pour la première fois dans un écrit (en latin : Lipzi). La ville se trouve alors sous la juridiction de l'évêque de Meissen (en Saxe, à côté de Dresde).

1165 : Date officielle de fondation de la ville, qui appartient à la Marche de Meissen (territoire membre du Saint-Empire-Romain-Germanique), dirigée par la maison de Wettin. Le margrave de Meissen Othon le Riche attribue droit de cité et privilège de marché à cette ville-forte au croisement des routes Via Regia et Via Imperii. Le destin marchand de Leipzig est scellé.

1301 : La ville, dirigée jusqu'alors par un bailly, est désormais conduite par un bourgmestre et un conseil municipal. Ville de foires, Leipzig commence à prendre son essor économique.

1423 : Les margraves de Meissen deviennent Princes-Electeurs de Saxe en héritant du duché de Saxe-Wittenberg. La maison de Wettin possède un vaste territoire qui formeront les futures Saxe et Thuringe, et participe de droit à l'élection de l'Empereur.

1485 : Le partage de Leipzig met fin à la guerre fratricide des héritiers de la maison de Wettin, Ernst et Albrecht. Ernst hérite du titre de Prince-Electeur, du duché de Saxe-Wittenberg et des Landgraviats de Thuringe. Albrecht, lui, hérite de la Marche de Meissen, qui devient le duché de Saxe et correspond à peu près à la Saxe actuelle. Leipzig en fait partie.

1497 : Leipzig obtient le privilège d'être "ville de foire d'Empire", ce qui lui octroie un monopole commercial énorme dans la région et lui assure une prospérité toujours grandissante.

27 juin 1519 : En plein séisme de la Réforme, c'est dans la Pleissenburg, le château de Leipzig (aujourd'hui Neues Rathaus) que se déroule la Dispute de Leipzig, affrontement réthorique entre Martin Luther et un ardent détracteur de la Réforme, Johannes Eck, dont Luther ressort grandi.

1539 : Le duc de Saxe Henri adopte la Réforme. Leipzig devient donc protestante. Johann Pfeffinger est son premier superintendant, selon le modèle de gestion des villes luthériennes.

1547 : Leipzig est assiégée par les troupes de la Saxe ernestinienne dans le contexte de la guerre entre les deux Saxe (ernestinienne et albrechtienne), dite des Schmalkaden ; elle résiste et ne tombe pas. Après le siège, la ville érige la Moritzbastei, encore debout aujourd'hui. La Saxe albrechtinienne gagne la guerre et dérobe aux ernestiniens le pouvoir électoral. C'est elle qui devient l'Electorat de Saxe, avec Dresde pour capitale.

1631 : La guerre de Trente ans déchire l'Allemagne. Leipzig est le théâtre de plusieurs batailles entre les troupes impériales et suédoises. En tant qu'Etat protestant, la Saxe combat du côté de la Suède. Lors de la bataille de Breitenfeld, les troupes impériales connaissent un énorme revers.

1632 : Le roi de Suède Gustav Adolf est tué lors de la bataille de Lützen (à côté de Leipzig). Leipzig est occupée militairement par la Suède jusqu'en 1650.

1646 : Le philosophe Gottfried Wilhelm Leibniz nait à Leipzig.

1701 : Premier éclairage de rue public à Leipzig. La ville de foires prospère, aménage son espace, nettoie et assainit ses rues. Elle gagne son surnom " Klein Paris ", pour sa prospérité, sa modernité et l'attrait qu'elle exerce sur les artistes et intellectuels.

XVIIIe siècle : Georg Filip Telemann fonde le Collegium Musicum de Leipzig. C'est Johann Sebastian Bach qui en reprend la direction en 1729. Ce dernier vit et compose à Leipzig en tant que maître du choeur de la Thomaskirche et maître d'orgue de 1723 à sa mort en 1750.

1756-1763 : Dans le cadre de la guerre de 7 ans qui oppose notamment la Saxe à la Prusse, Leipzig est occupée à maintes reprises par les Prussiens. La ville doit payer de lourdes rançons.

1764-1768 : Goethe est étudiant à Leipzig. Leipzig est un centre majeur de l'Allemagne des Lumières.

1806 : La Saxe devient alliée de Napoléon, contre la Prusse, sa rivale. Elle est promue Royaume de Saxe dans le cadre de la Confédération du Rhin.

22 mai 1813 : Richard Wagner nait dans une famille bourgeoise de Leipzig.

16-19 octobre 1813 : La terrible Bataille des Nations se déroule à Leipzig. La France et ses alliés, dont le Royaume de Saxe, connaissent une défaite retentissante face à la coalition unissant la Prusse, l'Autriche, la Russie, la Suède et les Patriotes allemands. Le roi saxon Frédéric-Auguste Ier est fait prisonnier.

1815 : Le Royaume de Saxe entre dans la Confédération germanique, dominée par la Prusse.

1825 : L'Union boursière des Libraires et Editeurs allemands est fondée à Leipzig, ville importante de l'édition et l'imprimerie en Allemagne.

1831 : De nouveaux statuts sont introduits dans les villes de Saxe, avec des éléments de démocratie locale. La population peut élire son conseil municipal et son maire.

1835 : Felix Mendelssohn-Bartholdy devient le directeur de la salle de concerts du Gewandhaus. C'est l'âge d'or du romantisme musical à Leipzig.

1839 : La ligne de train Leipzig-Dresde est la première inaugurée en Allemagne. Leipzig devient le principal noeud ferroviaire en Allemagne moyenne.

1845 : Dans le contexte du Printemps des Peuples, les Leipziger Gemetzel sont des émeutes dirigées contre le gouvernement saxon. Réprimées dans le sang, elles devinrent l'un des symboles du combat contre la tyrannie dans toute l'Allemagne insurgée.

1863 : Fondation par Ferdinand Lasalle à Leipzig de l'Association générale des Travailleurs allemands (ADAV), premier parti ouvrier de l'histoire d'Allemagne. Il est l'ancêtre le plus lointain du SPD, le Parti socialiste allemand, né de sa fusion avec le Parti ouvrier social-démocrate.

1867 : Première impression du Capital de Karl Marx à Leipzig.

1873 : L'industriel, homme d'affaire et politique Carl Heine fonde à Plagwitz l'un des plus gigantesques quartiers industriels de toute l'Allemagne. Leipzig devient à la fin du XIXe siècle l'une des plus grandes villes industrielles du pays.

1902 : début de la construction de la Gare de Leipzig, plus grande gare de tête d'Europe.

1905 : Inauguration du Neues Rathaus à la place du château Pleissenburg.

1914-18 : 17 000 Leipzigois meurent dans la Première Guerre mondiale. Pendant la guerre, la ville est un lieu important de construction aérienne.

Années 1920 : Le secteur de l'édition et de l'imprimerie se développe de façon telle que Leipzig devient la capitale absolue de ce secteur dans le monde germanique. La Deutsche Bücherei, située jusqu'en 1945 à Leipzig, est la seule institution rassemblant systématiquement toutes les publications de langue allemande.

1937 : Le maire de Leizpig Carl Friedrich Goerdeler démissionne en guise de protestation après le démantèlement du mémorial de Felix Mendelssohn, compositeur leipzigois juif. Leipzig est ensuite dirigée par des fonctionnaires nazis. A la veille de la guerre, la ville est à son apogée démographique : 700 000 habitants.

4 décembre 1943 : Leipzig connait son bombardement le plus destructeur. Environ 1/4 de la ville est détruite pendant la Seconde Guerre mondiale.

1945 : Le 18 avril, ce sont les troupes américaines qui conquièrent Leipzig. Elles cèdent la place, après les accords de guerre, aux Soviétiques le 2 juillet.

1949 : Fondation officielle de la République Démocratique d'Allemagne, dont Leipzig est la deuxième plus grande ville après Berlin. De 1950 à 1971, Walter Ulbricht, Leipzigois, est secrétaire général du Parti communiste.

1969 : L'église universitaire St-Pauli et les restes de l'université baroque sont dynamités par le pouvoir communiste, qui réalise une nouvelle université.

1989 : Les manifestations du lundi de Leipzig, parties du mouvement autour de la Nikolaikirche, sont un évènement massif et majeur, à la tête de la protestation à l'encontre du régime de RDA. Leipzig s'attribue la paternité de la Révolution pacifique, qui allait mener à la chute du mur de Berlin.

Années 1990 : la dépopulation de la ville suivant la chute de la RDA est contrée par l'annexion de quelques communes de banlieues. L'équilibre est trouvé à la fin de la décennie, la ville est depuis en croissance. Avec la crise économique et sociale, les tensions entre mouvances néo-nazies et groupes d'extrême-gauche sont grandes. Le quartier de Connewitz est au coeur de la nouvelle scène des squatts allemande. La ville se modernise et se colore rapidement.

Années 2000 : Leipzig connait une ascension économique fulgurante. De grands groupes s'y installent, comme Porsche, BMW ou DHL. De grandes réalisations architecturales et d'aménagement urbain sont menées : le nouveau Stade Central en 2006 pour la Coupe du monde, la nouvelle Université, la transformation de la Gare centrale et le " City-Tunnel ".

De la culture rubanée aux Germains de l'Antiquité

Les archéologues ont trouvé des traces de civilisation préhistorique dans la région de Leipzig, et notamment de la civilisation du néolithique dite de la cuture rubanée qui prospéra de la moitié du sixième millénaire avant notre ère à la moitié du cinquième. Cette civilisation, qui remonta le cours du Danube, prospéra en Europe centrale ; on l'appelle ainsi en raison du type de céramique produit, dite " à rubans " ou à bande linéaire.

A l'époque romaine, le territoire de Leipzig est dans ce vaste ensemble que Rome appelle Germanie, peuplée par les Germains, ensemble vague de peuples indo-européens qui sont à l'origine directe des peuples germaniques d'aujourd'hui (Allemands, Néerlandais, Anglais, Scandinaves...). Pltolémée, dans sa Géographie du IIe siècle, évoque une ville qu'il appelle Aregelia, qu'on a longtemps hésité à situer. Une thèse d'archéologues récents, après des découvertes archéologiques, la situe dans le bassin de Leipzig. Au VIe siècle, les auteurs romains incluent la région dans l'aire de peuplement des Thuringiens, l'un des peuples germains habitant alors entre Saale et Elbe. 531 est une date charnière dans le magma des grandes migrations germaniques vers l'ouest : les Thuringiens perdent une guerre contre les Francs et migrent vers l'ouest, se repliant sur la rive gauche de la Saale. Cette frontière marquera pour plusieurs siècles la limite orientale du monde allemand, auquel Leipzig et la Saxe actuelle n'appartiennent donc pas.

La Bataille de Leipzig ou Bataille des Nations, tournant décisif des guerres napoléoniennes

L'année 1813, même si elle voit naitre le futur génie de la musique Richard Wagner dans la cité saxone, est une année noire pour la Saxe et pour Leipzig. Les 16-19 octobre se déroule la cauchemardesque Bataille des Nations ou Bataille de Leipzig dans et autour de Leipzig. Sous les yeux impuissants de Napoléon, la France et ses alliés Saxons, Polonais, Italiens, Espagnols, mais aussi Hessois, Wurtembergois, Westphaliens, Bavarois et Badois sont sévèrement défaits par la " coalition des Nations " : Prusse, Autriche, Russie, Suède, ainsi que la Ligue internationale des Patriotes allemands qui regroupe des militants patriotiques de tous les Etats allemands. C'est un tournant décisif des guerres napoléoniennes : après le désastre de la campagne de Russie, Napoléon espérait y consolider sa maîtrise de l'Europe. Mais la bataille entame une retraite complète des troupes françaises d'Allemagne, jusqu'à la défaite finale de Napoléon face à ses ennemis ligués. Frédéric-Auguste Ier, roi de Saxe est fait prisonnier. Pour la Saxe, la défaite est cuisante - même si les soldats saxons se retournent contre Napoléon lorsqu'il tente de se replier à l'ouest de l'Elster dans la nuit du 18 au 19 octobre : la Prusse et les alliés seront intraitables avec " Le Saxon ". Pour les patriotes de Leipzig cependant, qui combattaient aux côtés des alliés, cette issue est un lendemain qui chante, un espoir de libérer les Etats allemands du joug français et, à terme, de les unifier.

La bataille dura quatre jours et se déroula dans le sud-est de l'aire urbaine de Leipzig, la ligne de front principale se trouvant à l'emplacement de l'actuel Völkerschlachtdenkmal, monument de la Bataille des Nations. Environ 140 000 hommes y auront perdu la vie, 90 000 du côté des alliés et 60 000 du côté français. Jozef Poniatowski, neveu du roi de Pologne, y perd la vie, ainsi que les généraux Aubry, Camus de Richemont, Couloumy, et Rochechambeau. Malgré la défaite, Napoléon parvient à organiser une retraite stratégique, en continuant de tenir un temps le centre de la ville, et ainsi à se replier pour poursuivre sa tentative de défense générale.

Place forte des Slaves à la confluence de la Pleisse et de l'Elster

Au Xe siècle, les Etats allemands entament leur (re) conquête de l'Est, sous la pression démographique et grâce à leur ascension militaire et économique : c'est l'Ostkolonisation, processus pluriséculaire et source d'un conflit millénaire avec les peuples slaves. Les Francs, fondateurs de l'Empire, prennent le contrôle de Lipsk et en 929 finissent d'ériger une forteresse en pierre. La population est alors mixte et une grande partie de la main-d'oeuvre est Sorabe. On peut imaginer, à l'image de ce qui a pu se passer en France avec les populations gallo-romaines, une aristocratie franque imposant son modèle politico-militaire à une population majoritairement slave.

Puis l'hégémonie franque s'affirme et la marche (terme pour les colonies de l'est) de Meissen s'inclut définitivement dans l'Empire et dans le monde allemand. En 1015, le nom latin de Leipzig, Lipzi, apparait pour la première fois. La marche de Meissen (embryon de l'Etat saxon actuel) est à la fois dirigée par un margrave de la maison de Wettin et par un évêché.

Conquête franque et fondation de la marche de Meissen

La fin du XIe siècle dans l'Europe médiévale voit les villes prendre leur essor. C'est dans cette dynamique, qui s'appuie sur la caste des marchands, la future bourgeoisie, que Leipzig obtient son droit de cité de la part du margrave de Meissen Othon le Riche de Wettin en 1165. C'est cette date que la ville, au XIXe siècle, a retenu comme naissance officielle. Leipzig, au carrefour de routes importantes, commence à connaître une envolée économique via le commerce. Des marchés s'y tiennent et un pouvoir politique local puissant émerge : c'est la naissance de la Messestadt, ville de foires. Le XIIIe siècle est celui des grandes foires annuelles et des bourgeois de plus en plus avides d'indépendance. Alors qu'un bailly dirige la ville, en 1301, la ville obtient du margrave d'élire un bourgmestre et un conseil municipal (au suffrage censitaire). Pouvant mener une politique économique à part entière, et ainsi lutter contre la concurrence, la ville s'enrichit et prend son essor. C'est le capitalisme médiéval allemand qui s'installe, au grand avantage d'une ville comme Leipzig.

Messestadt Leipzig, cité d'Empire et ville marchande

La fin du XIe siècle dans l'Europe médiévale voit les villes prendre leur essor. C'est dans cette dynamique, qui s'appuie sur la caste des marchands, la future bourgeoisie, que Leipzig obtient son droit de cité de la part du margrave de Meissen Othon le Riche de Wettin en 1165. C'est cette date que la ville, au XIXe siècle, a retenu comme naissance officielle. Leipzig, au carrefour de routes importantes, commence à connaître une envolée économique importante via le commerce. Des marchés importants s'y tiennent et un pouvoir politique local puissant émerge : c'est la naissance de la Messestadt, " ville de foires ". Le XIIIe siècle est celui des grandes foires annuelles et des bourgeois de plus en plus avides d'indépendance. Alors qu'un bailly dirige la ville, en 1301, la ville obtient du margrave d'élire un bourgmestre et un conseil municipal (au suffrage censitaire). Pouvant mener une politique économique à part entière, et ainsi lutter contre la concurrence, la ville s'enrichit et prend son essor. C'est le capitalisme médiéval allemand qui s'installe, au grand avantage d'une ville comme Leipzig.

La Marche de Meissen devient la Saxe

L'histoire de la Saxe n'est pas simple à résumer. Elle résulte de deux choses : le succès politique de la maison de Wettin, qui à force d'habileté finit par créer un Etat, accumulant territoires et titres dont ils parviennent à hériter, et le glissement du nom de Saxe avec ces mêmes titres de l'ouest vers l'est. D'où l'existence aujourd'hui de Basse-Saxe dans l'Allemagne du nord-ouest, et d'une Haute-Saxe, ou Saxe tout court, en Saxe et Saxe-Anhalt. Le peuple saxon des origines était un peuple du nord-ouest allemand, basé de Hambourg à Brême. Il a progressivement perdu son nom, tandis que le peuple de colons de la marche de Meissen qui n'a à l'origine aucun lien de parenté avec les Saxons s'est vu progressivement attribuer ce nom. Pour faire simple : la Saxe médiévale était un duché, celui formé par Henri le Lion au début du XIIe siècle, grand rival de Frédéric Barberousse, sur les terres ancestrales des Saxons. Au duché était associée une charge impériale, l'Electorat : le duc de Saxe faisait partie des grands nobles qui avaient le droit d'élire l'Empereur. Il était donc également Prince-Electeur. Au début du XVe siècle, c'est la dynastie des Askanier qui porte ce double titre et règne sur la Saxe. Mais en 1423, le duc / prince-électeur meurt sans descendance et le duché est démembré. Les margraves de Meissen héritent alors du duché de Saxe-Wittenberg, qui correspond grosso-modo à la partie saxone de la Saxe-Anhalt (Wittenberg, Halle, Naumburg) ainsi que des Landgraviats de Thuringe, vassaux de la Saxe. Ils héritent aussi de la charge électorale et deviennent donc Margraves de Meissen, ducs de Saxe et Princes-Electeurs de Saxe. Ils règnent alors sur un immense territoire correspond à 25 Länder actuels : Saxe, Thuringe et moitié de la Saxe-Anhalt. Leipzig est alors la plus grande ville de ce territoire.

Le Partage de Leipzig

Mais ce concentrationnisme des Wettin ne dure pas. Au début des années 1480, une guerre éclate entre les deux frères héritiers de la maison : Ernst et Albrecht. L'Etat de Saxe-Meissen est à feu et à sang. Le conflit trouve finalement sa solution dans un compromis, appelé Partage de Leipzig, signé à Leipzig en 1485. Il entérine le partage du domaine et des titres de la maison de Wettin entre les deux frères. On distinguera alors pour les décennies à venir la ligne ernestinienne et la ligne albrechtienne. Ernst hérite du duché de Saxe-Wittenberg, des Landgraviats de Thuringe et du titre de prince-électeur (en gros, l'héritage des Askaniens), tandis qu'Albrecht hérite de la marche de Meissen qui peut désormais s'intituler duché de Saxe (Albrecht, un malin, parvient à importer le prestigieux titre). La ligne ernestinienne est à l'origine de la Thuringe actuelle, tandis que la ligne albrechtienne jette les bases de l'Etat saxon. Leipzig fait partie du territoire albrechtien, donc du duché de Saxe. Albrecht déplace aussi la capitale de son nouveau duché de Meissen à Dresde, ville récente. Leipzig est encore et toujours une ville bourgeoise, mais n'intéresse pas les Wettin comme centre politique ; ils préfèrent Dresde, sans bourgeoisie marchande et donc sans opposition possible à leur pouvoir. 62 ans plus tard, en 1547, une nouvelle guerre, dite des Schmalkaden aura lieu entre les deux lignes saxonnes ; les Albrechtiens gagneront et prendront aux Ernestiens le territoire de Saxe-Wittenberg (ne leur laissant que la Thuringe), ainsi que la charge électorale. Le duché et Electorat de Saxe étaient nés.

Le séisme de Martin Luther

En cette fin de XVe siècle, Leipzig est plus que jamais une grosse ville bourgeoise. L'Empereur lui octroie un statut ultra-privilégié : celui de Ville de foire d'Empire. Il lui offre le monopole du droit de foire sur un immense territoire ! La prospérité de la cité marchande, qui ne vit qu'au rythme de ses foires annuelles et déjà thématiques (fourrures, bijoux, tissages, outils et armes), s'en voit décuplée. Demandeuse de toujours plus d'autonomie politique, et de toujours plus de richesses, la bourgeoisie qui tient le conseil municipal est le terreau social rêvé pour accueillir la Réforme protestante, l'émancipation morale ET financière de l'église. La Réforme nait en Saxe puisque Martin Luther est théologien à Wittenberg (alors en Saxe ernestinienne) lorsqu'il publie ses thèses et entame la rupture avec Rome. Ce sont les villes bourgeoises et les princes éclairés de cette région qui sont ses premiers soutiens. Dans la Pleissenburg, le château de Leipzig qui accueille le conseil municipal (à l'emplacement de l'actuel Neues Rathaus), ses soutiens leipzigois accueillent Luther le 27 juin 1519 pour qu'il puisse débattre avec un théologien catholique détracteur de la Réforme, Johannes Eck. C'est la Dispute de Leipzig. Luther prend un ascendant notoire sur son adversaire rhétorique et l'évènement marque une victoire politique et idéologique pour les protestants. Vingt ans plus tard, en 1539, le duc et Electeur de Saxe Henri adopte la Réforme et son Etat, dont Leipzig fait partie, et devient officiellement protestant. Leipzig change ses statuts et prend le modèle de gestion protestante préconisé par Luther. Son superintendant devient Johann Pfeffinger, figure politique leipzigoise majeure du XVIe siècle. En 1547, en pleine guerre des Schmalkaden, Leipzig est assiégée mais non vaincue par les Ernestiniens. C'est après ce siège qu'on élève la Moritzbastei, système de défense alors ultra-moderne.

Le cataclysme de la guerre de Trente ans

Pendant la Réforme, l'Allemagne est économiquement, culturellement et politiquement à son apogée. Avec la naissance du protestantisme, la Saxe même à la tête avancée de l'évolution du monde chrétien. Ce bouillonnement est assuré par les revenus immenses des marchands des villes. Mais cet âge d'or ne dure pas. La guerre de Trente ans, qui est une conséquence directe des guerres de religions, ravage l'Allemagne au milieu du XVIIe siècle. Celle-ci perd un tiers de sa population, ses villes sont ravagées et ses territoires dominés politiquement par des puissances étrangères (Suède, France) et par l'Autriche qui devient progressivement, avec les Habsbourg, le centre politique de l'Empire. La Saxe et Leipzig sont au centre des affrontements parmi les plus violents de la guerre et en sortent ravagées. Au départ, la guerre éclate entre le camp de l'Empereur et des Princes catholiques (le catholicisme est la légimité même de l'Empire qui unit une multitude d'Etats vassaux dirigés par différents princes) et les Princes protestants, soutenus par la Suède (protestante). Progressivement, la dimension religieuse va perdre de son importance et la guerre ne va devenir qu'un lieu d'affrontement entre grandes puissances : l'Autriche (Empire), la France et la Suède, qui est alors une puissance montante en Europe du Nord. La Saxe, protestante, est au départ alliée à la Suède. Les troupes impériales et suédoises s'affrontent plusieurs fois autour de Leipzig pendant les années 1630. D'abord à Breitenfeld en 1631, où la Suède gagne haut la main. Ensuite en 1632 à Lützen, où la Suède gagne mais perd son roi, Gustav Adolf, à la bataille. Depuis, le roi suédois est une effigie populaire à Leipzig, symbole par exemple de la marque de bière Ur-Krostitzer. Au cours des années 1630, d'alliée, la Suède devient progressivement une puissance occupante. Leipzig est carrément occupée militairement par les Suédois jusqu'en 1650. En 1648, la guerre de Trente ans prend officiellement fin au traité de Münster. La Saxe, jusqu'alors puissance montante, est ravagée ; les routes commerciales sont détruites. L'insécurité, la crise économique et la famine ont mis un énorme coup d'arrêt à l'envol leipzigois. La Messestadt ne s'en remettra jamais entièrement, et la Saxe non plus, qui voit ensuite naître un nouveau challenger régional : la Prusse. En passe de dominer toute l'Allemagne du nord-est avant la guerre, la Saxe n'est plus ensuite qu'une province parmi d'autres, spectatrice de l'affrontement des grands au sein du monde allemand, l'Autriche et la Prusse.

Métropole culturelle de l'Aufklärung

Cependant, en quelques décennies, la Messestadt retrouve son statut de ville de foire centrale dans les échanges est-ouest et nord-sud au sein du monde germanique. Au XVIIIe siècle, malgré l'affaiblissement politique de la Saxe, la bourgeoisie urbaine assoit une domination économique d'une nouvelle forme, liée au capitalisme naissant. Dans son sillage nait le mouvement des Lumières, Aufklärung en allemand, qui émerge en premier en Allemagne moyenne. Les Etats de Saxe, de Thuringe, de Hesse sont le berceau du progrès scientifique, industriel, artistique, ainsi que des nouvelles visions du développement humain et urbain. Leipzig est au coeur de ce mouvement. La ville inaugure son premier éclairage de rue en 1701, parmi les premières villes d'Europe. Elle modernise ses infrastructures publiques, aménage de nouveaux quartiers à la pointe des nouvelles conceptions urbaines, nettoie ses rues, les assainit. Dès les premières années du Siècle des Lumières, Leipzig gagne le nom de Klein Paris pour sa richesse, sa modernité, sa mondanité, sa vie culturelle et intellectuelle. C'est la ville que choisit un temps Georg Filip Telemann pour composer et oeuvrer ; il y fonde le Collegium Musicum. C'est ensuite Jean-Sébastien Bach, originaire de Thuringe, qui choisit Leipzig. Il devient maître d'orgue de la Thomaskirche et directeur du Collegium Musicum en 1729. Il compose à Leizpig jusqu'à sa mort, régnant en maître incontesté de la musique allemande, adulé de son vivant. Une décennie plus tard, ce sont les maîtres du clacissisme allemand, dont Weimar deviendra ensuite la capitale, qui fréquentent assidument Leipzig. Goethe y est étudiant de 1764 à 1768, Schiller y vivra en 1785 et y composera le texte du futur hymne européen, l'Ode à la joie. Politiquement cependant, la Saxe rencontre de plus en plus de difficultés avec son voisin du Nord, la Prusse, en pleine ascension et expansion. Durant la guerre de 7 ans (1756-63), dont la Prusse sort victorieuse, Leipzig est incessamment occupée par les Prussiens et doit payer des tributs qui la pénalisent économiquement. L'Etat saxon est ruiné.

De 1763 à 1800 : le rétablissement saxon

Dans les années qui suivent, l'Electorat de Saxe mène une politique volontariste et active de restructuration économique globale, appelée " auf deutsch ", Rétablissement (francophilie oblige !). Le " miracle saxon " est une première occurrence du " miracle allemand ". La Saxe parvient, à la surprise de tous et en quelques années, à renaître de ses cendres et à redevenir l'un des Etats allemands les plus performants économiquement. Cette entreprise inédite, intégralement organisée par l'Etat, est initiée par le Prince-Electeur de Saxe (et Roi de Pologne) Frédéric-Auguste II, l'année de sa mort, et par son ministre Heinrich von Brühl, qui laissera son nom à beaucoup de lieux en Saxe. Elle sera ensuite menée par son successeur, Frédéric-Auguste III qui deviendra le roi Frédéric-Auguste Ier.

Napoléon, le Royaume de Saxe et ses déboires

Leipzig commence le XIXe siècle dans la tourmente. La déferlante napoléonienne bouleverse le Saint-Empire finissant, qui vole en éclat. La guerre s'importe sur le territoire des pays allemands. L'élite bourgeoise se fédère autour d'une réaction patriotique, anti-française, et se fait porteuse d'une nouvelle idéologie, moderne : le nationalisme. En revanche, les différents Etats allemands suivent leurs logiques propres, géopolitiques. La Saxe reste étrangère à la question nationale : le Prince-Electeur Frédéric-Auguste III décide en 1806 de s'allier à Napoléon, principalement pour contrer sa rivale, la Prusse, qui est entrée en guerre contre la France. Mais par ce même fait, Frédéric-Auguste manque le train du mouvement d'unification nationale allemande, qui se range désormais derrière la Prusse. Résultat principal : les élites bourgeoises, et notamment celles de Leipzig, se solidarisent de la Prusse qui porte la bannière pan-germanique, et se sentent en rupture avec leurs souverains directs lorsqu'ils ont opté pour l'alliance avec Napoléon. D'autant plus que les élites saxonnes sont principalement luthériennes (comme la Prusse) tandis que l'Electeur puis roi de Saxe est catholique. Alors que l'Electeur de Saxe est promu roi de Saxe Frédéric-Auguste Ier par Napoléon, qui le gratifie aussi du titre de duc de Varsovie, les Leipzigois tentent plusieurs insurrections contre la France et contre leur nouveau roi, réprimées dans le sang. En 1813, c'est la Bataille de Leipzig, une défaite majeure pour Napoléon... et une catastrophe pour le roi de Saxe, son allié. En 1815, le Traité de Vienne n'a aucune pitié pour le souverain saxon. Ce dernier parvint à préserver son titre et son royaume aux termes de négociations ardues. La Saxe perd environ un tiers de son territoire (la Lusace brandebourgeoise et la moitié sud de la Saxe-Anhalt actuelle, annexée par la Prusse et qui devient la Provinz Sachsen), pour revenir à peu près aux frontières de l'héritage albrechtien. C'est le territoire de la Saxe actuelle. Elle reste en revanche un royaume, mais intégrée à la Confédération germanique, institution dominée par la Prusse.

Vers la ville moderne : démocratie locale et industrie

Avec l'unification économique progressive des Etats allemands dominés par la Prusse, Leipzig prospère de nouveau. L'industrie du livre est alors en plein essor. Editeurs et imprimeurs, sous l'impulsion des nouvelles techniques permises par le miracle industriel de ce début de XIXe siècle, se rassemblent autour d'un nouveau quartier, le Graphisches Viertel, en périphérie est du centre. Les acteurs de ce secteur s'unissent en branche et créent l'Union boursière des Libraires et Editeurs allemands, fondée à Leipzig en 1823. D'une manière générale, la Saxe se place de nouveau à la pointe du développement industriel. Frédéric-Auguste Ier, roi de Saxe, avait déjà hérité du rétablissement de son père et poursuivi cette politique économique couronnée de succès jusqu'à l'épisode napoléonien. Après le Congrès de Vienne, il parvient en quelques années à faire renaître son Etat, qui garde son statut de royaume, et à l'entrainer dans l'aventure industrielle qui constitue le deuxième " miracle saxon ". Ce n'est pas un hasard si, dès 1839, c'est la ligne Leipzig-Dresde qui est la première voie ferrée inaugurée en pays allemand. Les rois Anton le Bon et Frédéric-Auguste II, après la mort du premier roi de Saxe, continueront cette politique en se positionnant comme despotes éclairés. Dans la mouvance libérale des années 1830, Anton Ier accorde d'ailleurs de nouveaux statuts aux villes de Saxe, avec une autonomie politique accrue et l'introduction d'éléments de représentation locale. Ainsi, les citoyens de Leipzig peuvent-ils à partir de 1831 élire leur conseil municipal et leur maire, le Bürgermeister qui deviendra en 1877 l'Oberbürgermeister. Cette période est aussi celle de Félix Mendessohn-Bartholdy qui fait de Leipzig, aux côtés de Robert et Clara Schumann, l'un des grands centres de la musique romantique. Mais les bourgeois de Leipzig ne se satisfont pas de ces nouveaux droits municipaux.

Dans les années 1845, le désir de liberté et d'unification nationale agite toutes les villes bourgeoises du pays. Les Leipziger Gemetzel, émeutes de Leipzig sont un évènement majeur, annonciateur du Printemps des Peuples en Allemagne. Jusqu'en 1843, la Saxe était dirigée par un gouvernement progressiste et réformateur. Cette année-là, Julius Traugott von Könneritz devient Premier ministre, représentant d'une ligne conservatrice incarnée par le Prince Johann, frère du roi Frédéric-Auguste II. La bourgeoisie urbaine y est farouchement opposée. Le 12 août 1845, le Prince Johann en visite à Leipzig est accueilli par une foule de Leipzigois hostiles et revendiquant leurs libertés. L'armée du roi tire sur la foule, tuant huit personnes. Suite à l'évènement, des manifestants encore plus nombreux se rassemblent et manifestent leur colère. A leur tête, Robert Blum, leader du mouvement démocratique en Saxe. Dès le lendemain, toute la Saxe et de nombreuses villes en Allemagne connaissent des manifestations sans précédent, contre le despotisme et l'injustice. Leipzig est devenue un symbole de liberté et de combat contre la tyrannie, porté jusqu'au Printemps des peuples de 1848. La visibilité politique de Leipzig dans l'Allemagne du XIXe siècle ne s'arrête d'ailleurs pas là : en 1863 y est fondée par Ferdinand Lasalle l'Association générale des travailleurs allemands (ADAV), le premier parti ouvrier créé en Allemagne et l'ancêtre du SPD, le Parti socialiste allemand. En 1867, c'est à Leipzig qu'est imprimé le premier exemplaire du Capital de Karl Marx... Dans le même temps, alors que les foires de Leipzig sont toujours aussi prospères, les riches marchands se transforment en entrepreneurs capitalistes. La ville devient une métropole industrielle. Son exemple le plus emblématique est celui de Carl Heine, bourgeois et politicien, qui fonde à Plagwitz l'un des plus grands projets industriels de toute l'Allemagne, avec ses usines construites sur un réseau de canaux, dans le textile et la mécanique principalement.

Leipzig jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale : apogée et catastrophe

En 1871, comme toute la Saxe, Leipzig devient ville de l'Empire allemand unifié. En 1900, avec quelque 700 000 habitants (presque le double d'aujourd'hui !), Leipzig est une des grandes métropoles allemandes immergées entièrement dans l'aventure industrielle. Le Gründerzeit, " temps des fondations " correspond en Allemagne aux années 1870-1910. Il s'agit de la période des débuts de l'Allemagne unifiée sous le Deuxième Reich. Expansion économique et démographique, modernisation des infrastructures, industrialisation forcenée, unification nationale, elle correspond grosso modo au ministère de Bismarck. Cette période est celle qui a le plus déterminé le faciès de Leipzig aujourd'hui : c'est à cette époque que sont érigés la majorité des quartiers de la ville, hors la cité médiévale (du Markt jusqu'au Ring) et les aménagements baroques de son pourtour (bombardés pendant la dernière guerre : Rossplatz, Augustusplatz...). Le Südvorstadt, Reudnitz, Plagwitz-Lindenau ou Gohlis, de villages périphériques, deviennent des quartiers modernes avec des grandes avenues et une architecture Belle-Epoque / Art nouveau remarquablement unifiée. Le goût des riches Leipzigois est alors aux " néo " : néo-gothique, néo-classique, néo-roman, néo-renaissance. Ce patrimoine immense et territorialement très étendu est aujourd'hui la substance très majoritaire de l'urbanisme leipzigois.

De 1900 à la Première Guerre mondiale, Leipzig connait comme toute l'Allemagne l'effervescence nationaliste et anti-française, sous le moteur de la Prusse toute-puissante. C'est une ère de mégalomanie architecturale, où le style wilhelmien Kolossal trouve toute sa place. Leipzig se dote d'une série de bâtiments cyclopéens et incarnant l'idéologie nationaliste-impérialiste en plein essor. En 1898 est posée la première pierre du Völkerschlachtdenkmal, mémorial de la Bataille des Nations (ou de Leipzig). Dans ce projet, l'empereur allemand et roi de Prusse Guillaume II montre sa toute-puissance et humilie le roi saxon Frédéric-Auguste III en le forçant à inaugurer en 1913, à Leipzig, ce colossal mémorial de la Bataille des Nations que la Saxe, alliée des Français, avait perdu. C'est aussi un temple dédié à la Nation allemande, aux accents nationalistes, souvent qualifiés de " pré-fascistes ". Les autres réalisations publiques de Leipzig à cette époque sont de la même trempe : en 1902 est entamée la construction de la gare Hauptbahnhof, qui sera la plus grande gare de tête d'Europe ; en 1905 est inauguré le monumental Neues Rathaus à la place du vieux château de Pleissenburg ; en 1912, c'est la Deutsche Bücherei, tout aussi titanesque.

Puis vient la Première Guerre mondiale qui vient plonger l'utopie nationaliste dans la boue et le sang, puis l'humiliation avec la défaite allemande de 1918. 17 000 Leipzigois sont tués pendant la guerre, alors que la ville, éloignée des fronts, participe à l'effort de guerre par l'industrie, et notamment la construction aérienne. Les femmes de Leipzig sont massivement prolétarisées, prenant dans les usines le relais des hommes partis au front. Dans le chaos de la débacle et du démantèlement de l'Empire en 1918, l'Allemagne est au bord de la guerre civile, les Rouges prenant les armes pour tenter d'instaurer le communisme, mais rapidement défaits par le pouvoir conservateur qui succède à Guillaume II. Le leader des Spartakistes, ces insurgés communistes qui, à Berlin et dans d'autres villes, tentent une Révolution de novembre, est Karl Liebknecht, un Leipzigois. A Leipzig aussi, ville très ouvrière où les partis marxistes sont puissants, une faction rouge s'insurge. De novembre 1918 à avril 1919, la ville est sous contrôle du Conseil des ouvriers et des soldats de l'USPD, parti social-démocrate d'obédience marxiste et révolutionnaire. Mais en avril 1919, les troupes conservatrices des Freikorps, sous la direction de Georg Maercker, entrent dans Leipzig qui suit alors la direction du régime de Weimar.

Dans les années 1920-30, Leipzig est frappée comme tout le pays par la crise économique, sociale, politique et identitaire. De nombreux ouvriers connaissent le chômage ; les idéologies extrêmes, communisme et nazisme, connaissent de nombreux émules. Malgré tout, Leipzig devient dans cette période la tenante monopolistique des domaines de l'édition et de l'imprimerie en Allemagne et de l'ensemble du monde germanophone, domaine qu'elle représentait déjà depuis longtemps. Presque tous les ouvrages de l'entre-deux-guerre ont été imprimés à Leipzig. Dans le Graphisches Viertel, ce sont des dizaines d'éditeurs et d'imprimeurs qui travaillent intensément. C'est dans cette mouvance qu'avant guerre fut érigée la Deutsche Bücherei. Son but est unique : rassembler systématiquement tous les ouvrages publiés en langue allemande. Elle gardera sa fonction jusqu'à aujourd'hui, bien que la séparation des deux Allemagnes amènera une rivale, Francfort. Politiquement, Leipzig, comme au XIXe siècle, est dominée par les Libéraux. Dans les années 1930, le parti nazi monte en puissance mais ne parvient pas à battre ces derniers pour la municipalité. En 1937, le maire Carl Friedrich Goerdeler démissionne après que les Nazis eurent démantelé le mémorial de Felix Mendelssohn-Bartholdy, compositeur éminent de la ville, juif. Le gouvernement d'Hitler met alors Leipzig sous tutelle, qui perd son autonomie municipale et se voit dirigée par des fonctionnaires nazis. Les Juifs sont relativement peu nombreux à Leipzig : environ 13 000 en 1933 (pour 700 000 habitants soit 1,8% de la population). Mais ils disparaissent presque tous pendant la période nazie, assassinés ou déportés. Ils sont 24 survivants en 1945. Dès 1943, Leipzig subit les bombardements des Alliés, qui visent les sites de production mais aussi des lieux symboliques et stratégiques à travers la ville. Le 4 décembre, la ville connait son plus gros bombardement. Environ 25% de la ville est détruite par les bombardements, dont notamment le Ring et ses places, qui correspond au tissu baroque de la ville, quand le coeur de la ville médiévale est plus épargné. Les majestueuses places Augustusplatz et Rossplatz disparaissent ainsi à jamais. Finalement, Leipzig est conquise par les Américains le 18 avril 1945, sans combats. L'Armée rouge les remplace dès le 2 juillet comme armée d'occupation, après les accords américano-soviétiques sur les zones d'occupation.

Leipzig la rouge, deuxième ville de la RDA

Selon les accords entre Alliés occidentaux et soviétiques, Leipzig se trouve dans la zone d'occupation soviétique, la partie de l'Allemagne destinée à être sous l'influence directe de Moscou. En 1949 est fondée la République Démocratique d'Allemagne. Leipzig change alors de position de deux manières quelque peu contradictoires. D'une part, elle devient la deuxième plus grande ville d'un pays (ce qui n'avait jamais été son cas) et gagne ainsi en importance. Mais de l'autre, contrairement à toute la tradition allemande qui avait jusqu'alors prévalu, l'Etat est-allemand poursuit une politique de centralisation à tous les niveaux ; Berlin-est, capitale de la RDA, va alors quelque peu aspirer les " spécificités leipzigoises " permises par le modèle fédéral qui prévalait jusqu'alors. Ainsi, même si l'imprimerie reste un secteur dynamique dans l'économie de la ville, son aspect monopolistique est supprimée, et la vie culturelle se concentre à partir des années 1950 à Berlin. Malgré tout, Leipzig conserve par exemple son statut de ville de foire et les communistes créent dans le sud-est de la ville un grand espace de salons (Alte Messe), où viennent aussi régulièrement des entreprises occidentales. Par ce biais, Leipzig a la réputation d'une ville assez ouverte (contrairement à Dresde, complètement coupée). Dans les années 1950, Leipzig est aussi connue pour être la ville de Walter Ulbricht, dirigeant du pays de 1950 à 1971, qui par son accent saxon à couper au couteau ancre le cliché du dialecte leipzigois comme typiquement " est-allemand ". Le pouvoir communiste industrialise aussi à outrance le bassin de Leipzig, créant de gigantesques mines de lignite à ciel ouvert qui font des trous béants dans le paysage, et installe entre Leipzig et Halle de nombreuses usines très polluantes qui donnent au bout de quelques décennies à la région une triste réputation. Dernière dimension importante : l'université Karl-Marx de Leipzig est la deuxième plus importante du pays, et très puriste en matière de marxisme, très rouge. En 1969, la destruction de l'église universitaire St-Pauli et des bâtiments baroques qui avaient survécu à la guerre pour ériger un complexe d'apparence typiquement communiste, est une image véhiculée dans toute l'Allemagne de l'Ouest : Leipzig incarne la ville rouge par excellence, qui effraie tant les Occidentaux.

Mais quinze ans plus tard, c'est aussi l'intelligentsia chrétienne de Leipzig qui se réveille en premier pour demander des réformes démocratiques et, à terme, la chute du régime. L'église Nikolaikirche devient le centre des manifestations du lundi, auxquelles participent chaque jour de 1989 de plus en plus nombreux citoyens de Leipzig. C'est un raz-de-marée parti de Leipzig qui étendra son aura sur tout le pays, jusqu'à la chute du Mur de Brelin le 16 novembre, qui devient le symbole de toute une génération désireuse d'abolir la dictature communiste. La " révolution pacifique " est née à Leipzig. Personne ne songe alors à une réunification avec l'Allemagne de l'Ouest, mais plutôt à une réforme en profondeur du pays. Les choses vont se précipiter.

La plus grande des métamorphoses

Il est assez difficile de s'imaginer ce qui a pu se produire aux yeux d'un Leipzigois entre 1990 et 2000. Passer d'une ville communiste, grise, aux immeubles en piteux état, ultra-polluée, mais aussi industrielle, prolétaire et égalitaire, à une ville moderne, colorée, capitaliste, plutôt axée sur le tertiaire, aux immeubles parfaitement rénovés (du moins dans de nombreux quartiers centraux), emplie de commerces et de supermarchés, dynamisée par les trentenaires, ce en l'espace de quelques années, est une chose assez difficile à imaginer. Il suffit de prendre des photos de 1990 et de 2000 et de les comparer pour se rendre à l'évidence : on peine à y voir quelque chose de commun ! En attendant, la transition a été difficile. Les années 1990 ont été pour la RDA celles de la liberté, mais aussi des duretés du monde capitaliste, du délitement des structures de solidarité, du chômage, de la perte de repères identitaires, de la " colonisation " par les Allemands de l'Ouest de toutes les positions d'élite (économie, politique, université...), de l'émigration massive, de la désertification des campagnes et des petites villes, voire de la saignée démographique pour de nombreuses communes. Zeitz passe par exemple de 43 000 habitants en 1989 à 29 000 aujourd'hui... Confrontée à l'humiliation collective de la " défaite " de l'Est et à l'absence d'identité de rechange, un pan de la jeunesse défavorisée se tourne vers les " subcultures " à l'anglaise : punks, rockeurs, gothiques, hooligans, skinheads et surtout néo-nazis, qui deviennent un mouvement massif, violent et préoccupant dans toute l'ex-RDA. Même si les néo-nazis deviennent plus nombreux en proportion dans les petites villes que dans les grandes et que Leipzig devient une ville socialiste avec de solides bastions d'extrême-gauche, les batailles de rue entre néo-nazis et punks ne sont pas rares dans ces années. Parallèlement, dans tous les bâtiments frappés de plein fouet par la désindustrialisation et la dépopulation, nait un important mouvement des squatts, qui prend le relais du mouvement ouest-allemand des années 1970-80. Connewitz devient un quartier à prédominance punk et squatts, l'un de ces quartiers alternatifs qui gagnent la célébrité comme une trainée de poudre dans tout le pays. Quant à la ville, elle entre dans une politique profonde de remaniement et d'effacement des principales traces du communisme. Leipzig devient célèbre pour son musée de la Stasi, monté par d'anciens dissidents et victimes du système de police politique communiste, et pour son Zeitgeschichtliches Forum, " Forum contemporain ", espace d'exposition qui est une vraie vitrine sur le changement de régime et le décorticage du passé est-allemand. La Tour de l'université, symbole de l'université marxiste, devient la Tour de la MDR (Mitteldeutscher Rundfunk), le média indépendant d'Allemagne moyenne. Tout un symbole.

Quant aux années 2000, ce sont celles du boom, du développement fulgurant de l'économie leipzigoise. Le nouvel espace de salons retrouve toutes ses fonctions et la ville se rattache rapidement à son prestige de ville de foire ; quant à la réindustrialisation, elle a lieu avec l'implantation dans la ville d'entreprises prospères et porteuses d'une économie contemporaine : BMW, Porsche, DHL. La ville, sous l'égide des sociaux-démocrates Wolfgang Tiefensee et Burkhard Jung, se pare d'un nouveau Stade central, et surtout d'une université pétrie de symbole, puisqu'elle éradique l'architecture communiste, réhabilite l'identité protestante en rebâtissant une chapelle, et instaure une esthétique contemporaine en plein coeur de la ville. Pour avoir... moins de places en amphithéâtre qu'auparavant ! La polémique n'est pas finie. Enfin, les derniers " grands travaux " de Leipzig la bâtisseuse éternelle, sont ceux du " City-Tunnel ", un projet ferroviaire qui s'apparente à une ligne de métro, en permettant aux trains de desservir plusieurs stations dans la ville, devenant alors des S-Bahn, sur le modèle de Berlin, inauguré le 15 décembre 2013.

Dernier développement en date, avec la " normalisation progressive de Berlin ", l'augmentation de ses prix, et le succès du marché de l'art leipzigois, Leipzig devient depuis le début des années 2010, progressivement mais sûrement, hype-zig, la nouvelle ville à la mode en Allemagne, où toute la jeunesse branchée, underground, alternative, artiste, se doit de converger... Un effet de mode qui transforme rapidement la ville en boboïsant certains quartiers et en attirant une jeunesse toujours plus nombreuse vers la ville millénaire.

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