Découvrez la Martinique : Croyances et superstitions

Les croyances et superstitions font partie de nos habitudes. Pour bien entamer sa journée, il faut se réveiller du bon pied, se méfier ensuite de la première personne, étrangère à l’environnement immédiat, que l’on verra à son réveil. Elle peut, sans le savoir d’ailleurs, avoir une influence négative ou positive sur le déroulement de la journée. Une araignée pourra oser porter le chagrin dans la maison en se montrant, le matin, qu’elle se sauve et se cache à temps, pour pouvoir revenir le soir, et apporter alors l’espoir. Il en va ainsi, on se protège, et nos amies les bêtes ne sont pas épargnées. On croit que le « chien-fer » est de connivence avec la mort, que la "bête longue" de nos forêts ne doit pas être nommée, que le mabouya n’est pas un animal sain, qu’il vaut mieux éviter d’écraser les cochons sur la route, que certains arbres sont à éviter la nuit. On pense que tout est malheur parce qu’on en a l’habitude.

Croyances autour des animaux

Le botrops lancéolé ou comment l'éviter sur sa route. La pratique veut que déjà en évitant de le nommer on se protège. Cette bête vit camouflée dans nos forêts, se cache parfois dans ses abords, notamment après de fortes crues l’ayant déplacée. Elle atterrit carrément et se dissimule bien au chaud dans les salons ou chambres des maisons. En portant sur soi trois citrons ou en plantant des citronniers près de chez soi, ce fruit ou une partie de la plante, ses feuilles écrasées par exemple, pourront (on le croit fermement en tout cas) prémunir contre la mauvaise rencontre d’avec le botrops lancéolé, très venimeux, que l’on doit surtout ne pas nommer. Pour cette raison, la langue créole va lui donner tous les noms possibles et inimaginables allant du mot : betlong lan (la bête longue), kravat la (la cravate), lasé a (le lacet), bet-ti-fidji a (la bête au petit visage), car son nom que l'on ne doit pas dire – indéniable relent d’oralité – contient une incommensurable charge mystique qui laisse entendre que le nommer c’est le convoquer comme quand on parle du loup, il sort du bois. La bête a été longtemps pourchassée et sa tête rapportée, vendue à la gendarmerie, pour permettre de composer le sérum antivénéneux. Longtemps grâce à l’intervention rapide des guérisseurs de morsures de serpent, certaines personnes ont pu éviter la perte d’une jambe, ou au pire la mort, mais le secret de leur connaissance, souvent transmis de père en fils, est si bien préservé rien que pour garder l’exclusivité, éviter toute concurrence qu’en conséquence bientôt leur savoir sera tellement oublié qu'il ne sera même plus un lointain souvenir.

Le margouillat, un des noms français donné au gecko, est un petit reptile de la famille des geckonidés qui remonte à 50 ou 60 millions d'années. C’est une espèce de lézard nocturne appelé communément mabouya en créole. C’est un reptile plutôt craintif qui, un peu comme le caméléon, a la possibilité de se camoufler en s’adaptant à la couleur de son environnement. Il se nourrit d'insectes, aime vivre là où les hommes sont installés. L’animal vit caché le jour, sort chasser les petits papillons de nuit, les moustiques et autres petits cafards et fourmis. Il a des ventouses sous les pattes, et peut se déplacer sur le plafond sans problème d’apesanteur. Il faut s’armer dit-on d’un miroir qui, je ne sais ni comment ni pourquoi, va l’éloigner s’il se pose sur vous. Il émet des claquements assez surprenants. Le margouillat est ovipare et ses petits sont autonomes à la naissance.

Le révérend père Du Tertre a prétendu que « le mabouya se jetait hardiment sur ceux qui l'agaçaient, que sa morsure était venimeuse, et qu'il survenait des ulcères aux parties du corps qui avaient été en contact avec l'humeur visqueuse dont il est couvert ». Bien bizarre ce mabouya. Les Amérindiens lui prêtaient des vertus de protection dans le carbet, lieu de vie. Selon les dires, qui sont encore en pratique, le mabouya éloignerait les malfaisants et est aussi un porte-bonheur. Telle la scolopendre communément appelée bête à mille pattes, ou à mille pieds, si l’on en trouve une dans sa maison, il faut s’empresser de la tuer, mais il faut le faire en hurlant « saint Georges, saint Georges », si vous voulez vraiment avoir de l’argent plein les poches. Comme pour l’araignée qui a intérêt à ne pas se montrer le matin et sortir le soir de préférence, les croyances sont hélas ainsi fondées. Nul ne pense par exemple que ces insectes peuvent utilement débarrasser la maison de certains intrus.

 

Les croyances autour du chien-fer ou chien nu du Mexique. Le chien-fer, ou chien nu du Mexique, ou xoloitzcuintle, ou xolo, est un chien primitif pouvant être de taille variée (miniature, intermédiaire et standard). Le chien nu du Mexique est un animal robuste qui peut vivre jusqu’à 13 ans. Historiquement, cet animal était, au pays des Aztèques, le représentant du dieu Xolotl (d’où le nom xolo). Il était chargé d’aider les morts à rejoindre la vie éternelle. Il est arrivé à la Martinique avec les Amérindiens qui ont aussi perpétué cette croyance où l’on croit que le chien-fer sert de protecteur contre les esprits malfaisants. C’est un chien nu, qui de nos jours peut servir de chien de garde, mais il n’a pas toujours aboyé. Il n’a aboyé qu’au contact des chiens européens qu’il a imités. Longtemps, alors que le chien-fer servait et sert encore de protecteur contre les esprits malfaisants, devant les maisons, certains pensant peut-être aussi qu’il n’est pas du tout catholique, avaient, vis-à-vis de lui, des comportements des plus troublants, et souvent le chien-fer recevait des jets de pierres sans raison apparente. On les voyait alors débouler sans défense dans les rues. Il n’a aucun poil, sauf parfois quelques touffes égarées çà et là, juste au niveau de la tête et des oreilles. Sans poils, le chien nu du Mexique, notre chien-fer, est d’un gris anthracite foncé qui fait belle concurrence au zinc des métaux, ou à la tôle, de telle sorte que les mauvaises langues ont pu affirmer, qu’à l’air salin il peut totalement rouiller. C’est vrai cependant qu’en l’absence de fourrure pour le protéger, il peut se blesser facilement.

Certains peuvent avoir de rares taches blanches ou rose clair. Il a une tête fine, avec un museau de gazelle comme la levrette de Lamartine, une truffe en bonne harmonie avec de petits yeux en amande et de longues oreilles qui sont assez souvent dressées. Chez les rares variétés poilues, les oreilles peuvent être tombantes. Le chien-fer convient aisément à ceux qui ont des problèmes d’allergies ou qui apprécient simplement les chiens sans poils.

Aurait-on pensé que notre chien-fer, méprisé par certains, serait aujourd’hui reconnu comme « chien » de salon ? Il sert de chien de garde qui, vu sa mission terrestre, doit continuer à veiller sur les siens. Hélas il ne vagabonde plus et c’est quand même dommage que l’on n’en voie guère dans nos rues, car depuis peu en Martinique, en effet, un trafic de ramassage des chiens-fer errants les expédie dans l’Hexagone à des prix exorbitants. Le prix d'achat d'un chien nu mexicain va de 500 à 2 500 €. Le coût d'entretien annuel d'un chien-fer se situe entre 250 € et 500 €.

Pratiques et valeurs symboliques de certains arbres

Le fromager, l’arbre à valeur hautement symbolique. Le fromager qui traditionnellement fait partie du paysage martiniquais et surtout de sa culture, détient une grande valeur symbolique. De nombreux mythes prennent vie autour de lui et lui confèrent un rôle dans lequel religion et magie se mélangent. Cela n’empêche que l’on utilise ses feuilles contre les dermatoses.

C’est un arbre qui peut mesurer 40 mètres, voire jusqu’à 60 mètres de hauteur et ses grosses racines aériennes qui l’entourent presque comme des murailles sorties de terre, ne laissent personne indifférent. Il a l’écorce recouverte d’épines, pour repousser assurément ceux qui voudraient s’approcher d’un peu trop près, et sans oublier l’éclat de son kapok, qui à minuit pétante pétarade dans les ténèbres, c’est indubitablement pour beaucoup de personnes, surtout  ceux qui y croient, un arbre maudit, qu’il ne fait pas bon d’avoir devant sa maison, étant donné qu’à la tombée de la nuit, l’arbre attire tous les zombis de la terre et de l’enfer, petits moyens et grands, car c’est lui l’intermédiaire avec les esprits, et d’ailleurs celui qui le coupe en meurt. C’est ainsi que les multiples contes que l’on raconte sur son compte hantent encore bien des sommeils d’enfants et que les légendes ayant la dent dure n’apaisent en rien les consciences. Les indiens Caraïbes n’évitaient-ils pas déjà d’utiliser leur kapok ? Selon eux, ils n’en fermeraient pas l’œil de la nuit de les avoir touchés. L’arbre est respecté, on vous dit.

L’arbre Moudongue. Il doit son nom a une peuplade dite des Moudongues qui étaient parait-il des rustres, des grossiers personnages, des gens sans foi ni loi. Ils étaient sans doute ainsi perçus car les Moudongues étaient les plus farouches opposants aux esclavagistes chrétiens blancs de Saint-Domingue. Ils n’avaient peur de rien et encore moins de la mort qu’ils affrontaient chaque jour sans la craindre avec calme et sérénité. Ils ne voulaient pas que l’on fasse de leurs enfants, des esclaves.

Une légende haïtienne raconte que « dès la naissance de leur bébé, les mères moudongues, elles-aussi, préparaient une minuscule tige métallique qu’elles enfonçaient dans la grande fontanelle du crâne du nouveau née qui mourait au bout de trois jours.

Ces mères croyantes pensaient que cette âme irait revivre à Ilé Ifé, la cité des fils du ciel, des Orishas et d’Obatala et elles pouvaient espérer après chaque décès. Les esclavagistes qui voyaient mourir une marchandise sur laquelle ils comptaient, ne savaient plus que faire, et les supplices quels qu’ils soient ne faisaient nul effet sur ces Moudongues qui n’avaient aucunement peur de la mort. Alors, traîtresses, des oreilles obéissantes traînèrent, les yeux épièrent, et délièrent toutes les langues dénonciatrices et ainsi chaque traître put rapporter à son maître que le Moudongue n’a qu’une seule et unique crainte, c’est la peur d’être amputé. Ils croyaient qu’ils ne pourraient plus être réincarnés à Ilé Ifé, s’il leur arrivait d’avoir une seule partie de leur corps modifié. Pour se venger, les maîtres ont lâché les chiens. Et c’est depuis que les « loas » Moudongues jappent et se nourrissent d’oreilles de chiens ».

On parle en Martinique du bois moudongue (Picramnia pentandra), c’est un arbre porteur d’esprit et on vient le payer pour ses bienfaits, pour prendre une branche qui servira de bâton protecteur, ainsi que si par mégarde on a cassé une de ses branches. Il est respecté lui aussi, à ses pieds il y a étalé plein de pièces de monnaies et personne ne les touchera. Placé devant les maisons, il protège contre les mauvais esprits. Il faut savoir qu’une volée de bois moudongue, donnée à une personne gagée, chasse l’esprit qui l’habite. C’est un arbuste qui parle, il parait même qu’à midi, au plus fort de la chaleur, il craque comme un tourmenté, aussi est-il souvent consulté par les quimboiseurs qui doivent sans doute venir le vénérer. Le pêcheur qui pense être l’objet de maléfices peut en placer à chaque coin de sa senne. Il est sûr que sa pêche sera bonne et qu’il va prendre tout le poisson qu’il veut.

Les Moudong, ou Moundang sont un peuple d’Afrique centrale vivant principalement au Sud-Ouest du Tchad également au Nord et à l'extrême Nord du Cameroun ils sont moins nombreux au nord-est du Nigeria. On les nomme aussi Moundan, Mundang, Mundangs, Musembani, Musemban, Nda. Les Moundang parlent le moundang une langue nigéro-congolaise. Ils sont Animistes, ou chrétiens ou islamistes.

À l’origine ils seraient membres d’une ethnie africaine qui aurait peut-être vécue à la Martinique, durant l’esclavage, car ils sont passés à la postérité comme étant des irascibles et c’est vrai comme le dit le site guadeloupéen La fleur curieuse (www.lafleurcurieuse.fr/culture/les-secrets-du-bois-moudongue), dire à quelqu’un qu’il est un moudongue, en Martinique aussi, ce n’est surtout pas lui faire un cadeau. C’est lui faire comprendre sans ambages, qu’il est un atrabilaire, colérique, violent, enragé, sauvage, et surtout qu’il est tout cela en même temps. C’est lui donner le portrait de la personne sans éducation, qu’elle représente réellement et ce avec tous les qualitatifs qui ne sont en rien superflus.

De nos jours encore, c’est vrai aussi que pour certains parmi nous, qui n’aiment pas trop se rappeler que leurs ancêtres furent noirs, le mot moudongue, comme les mots kongo, neg kongo, neg djinen ou neg zoumba, rappellent l’Afrique, et ces expressions sont encore des termes de mépris dans des bouches.

Le figuier maudit de Martinique. Pourquoi parle-t-on du figuier maudit ? Pour cela il faut d’abord se référer aux Évangiles. Dans le désert, Jésus aurait maudit un figuier qui devint stérile. Le banian est un ficus de la famille des Moraceae, une espèce voisine du figuier, c’est un arbre maléfique et malfaisant puisqu’il dévore ce qui se trouve dans son environnement immédiat, en conséquence on l’associe au figuier maudit. A la Martinique, ce ficus qui ne  porte pas des figues et qui peut se développer en arbre géant, c’est le figuier maudit. Il donne généralement des petits fruits au bout de quatre ans et atteint sa pleine production après une dizaine d'années. C’est un figuier étrangleur qui a souvent besoin d’un hôte quel qu’il soit sur lequel il pousse. Des murs en ruine, des arbres, il est tributaire de l’autre qu’il va étrangler pour se développer. Il va le phagocyter. Il envoie ses racines de là où il est perché, rejoindre le sol, il détruit pour vivre. Il semble d’ailleurs être sur terre pour le débarrasser, de tout ce qui a été perpétré et par l'homme et par la nature elle-même. Les figuiers étrangleurs s'installent partout, il parait qu’ils se redressent et poussent même si le plant est tête en bas. Alors pourquoi le colon qui croit arriver en Inde, qui voit un arbre aussi destructeur, et qui semble bien tourmenté, qui sait par ses connaissances scientifiques que c’est un arbre de la famille des ficus, lui qui a lu les Écritures et notamment les versets de Marc repris par Mathieu, comment ne va-t-il pas croire que cet arbre est le figuier maudit de la Bible ? Alors comment ne pas comprendre, si on relate par ci par là que des messes basses et d’étranges pratiques se déroulent aux pieds de cet arbre, lui aussi ?

À la tombée de la nuit un Martiniquais qui se « respecte » va toujours éviter d’aller à proximité d’un fromager, ou d’un pied de bois-moudongue, ou encore d’une maison que l’on dit hantée. Il peut raconter, dire ne pas y croire, répéter avec et comme tout le monde que ce ne sont là que des fadaises puériles, des balivernes inutiles, mais lui,  il sait aussi et surtout que deux précautions valent mieux qu’une. Si l’autre qui n’est sans doute pas d’ici, ne comprend pas pourquoi tant de prudence, tant pis pour lui. Tout ceci nous fait dire avec Oliver Wendell Holmes que : « Nous recevons tous au berceau les croyances de notre tribu en tatouage, que la marque peut sembler superficielle mais qu’elle est indélébile ».

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