Origine et utilisation

Le bakoua, de son nom latin Pandanus Sanderi, de la famille des pandanacées, « C’est un arbre tropical à croissance rapide qui mesure 5 à 10 mètres de hauteur à l'âge adulte. Il a été introduit à la Martinique au tout début du XIXe siècle. Ses feuilles séchées fournissent des fibres textiles utilisées en vannerie. Il a été introduit à la Martinique au tout début de l’existence du Jardin botanique, établissement créé par l’arrêté du 30 pluviôse an XI 19 février 1804. Il a fait partie de la riche collection de plantes que deux administrateurs de l’Inde avaient envoyée à la Martinique ». (Reisser, Historique du Jardin-des-plantes de Saint-Pierre Martinique, 1846). Il pousse dans les régions chaudes d’Asie, d’Afrique et d’Océanie. Dans son Dictionnaire des sciences naturelles, Frédéric Cuvier (1773-1838), naturaliste, le classe dans la famille des pandanées et en donne une description sous son nom vernaculaire baquois. Le nom savant de pandanus lui a été donné par un naturaliste du XVIIe siècle, qui s’appelait Ramphius. Toujours d’après Cuvier, il tire son nom baquois et son origine de l’espèce que l’on trouve à l’Isle de France (île Maurice) et a été utilisé pour désigner toutes les espèces de pandanus ».

Le baquois est « un genre de plante composé de cinq espèces d’arbrisseau de l’Afrique et des Indes ». 

L’utilisation du bakoua s’est développée dès son introduction à la Martinique au début du XIXe siècle. En 1857, Charles Belanger, directeur du Jardin botanique de Saint-Pierre, fait figurer le pandanus ou vaquois parmi les trente-huit espèces de « plantes industrielles » qui composaient la collection du Jardin des plantes de Saint-Pierre, dans son rapport adressé au directeur de l’intérieur de la Martinique. (In Revue coloniale, mars 1857, « Martinique. Jardin botanique de Saint-Pierre »).

Le développement de la vannerie en bakoua à l’époque coloniale

Si la vannerie est un art hérité des Kalinagos, ils n’ont cependant pas transmis l’art et la technique du bakwa, car le pandanus ou bakoua ils ne l’ont pas connu.

L’arbre femelle fait des fleurs qui donnent un fruit ressemblant à une grosse pomme de pin verte, qui peut devenir jaune et les graines qui tombent sont jaunes et vertes. L’arbre mâle donne des hampes de fleurs longues très mellifères. Les feuilles ont les bords épineux, elles peuvent atteindre jusqu'à 1,50 m de longueur. En Martinique on utilise les feuilles séchées du bakoua mâle et du bakoua femelle, pour des travaux de vannerie. Le chapeau traditionnel fait en feuilles de bakoua s’appelle bakwa en créole. On peut faire des nattes tressées que l’on va coudre et avec lesquelles on va fabriquer des paniers, des sacs, des ceintures et mêmes des boucles d’oreilles. D'autres réalisations moins connues sont possibles avec le fruit de cet arbre. Il est servi comme légume, on peut en faire de la farine, aussi de très bonnes confitures, ou encore l’utiliser en pâtisserie, mais selon monsieur Marie-Rose, nous n’avons pas chez nous l’arbre dont les fruits et les feuilles peuvent servir à la fabrication de la teinture vert pâle et vert jaunâtre ni le parfum. Une fois le tronc coupé et séché ce végétal qui devient mou pouvait autrefois servir de matelas en paillasse ou des pans de cloison.

Le fruit est une espèce de porte graines puisqu’il est composé d’une multitude de graines qui enveloppent la chair. Elles sont posées sur le trognon que l’on mange. Les graines qui sont tout autour ne sont pas comestibles cependant leur fermentation dans de l’eau peut donner du cidre légèrement aigre ou aussi du vinaigre.

On extrait du trognon qui supporte les graines, une chair qui comme un légume peut se consommer crue ou cuite et dont on peut aussi en extraire une farine avec laquelle on confectionnera des beignets, des gâteaux, des gratins, du pain, etc.

La racine du bakoua combat la fièvre et le paludisme...

Les souvenirs d’un artisan-chapelier

« Monsieur Jean-Louis Marie-Rose, artisan-chapelier autodidacte qui habite la commune du Lamentin au quartier Morne Piault transmet son « savoir-faire » acquis auprès de ses oncles qui étaient eux-mêmes chapeliers. Il précise que son aptitude il la doit surtout au fruit de sa propre expérience, car ses oncles qui agissaient lui ont appris son métier sans le lui expliquer. Il nous explique combien, depuis plus d’une vingtaine d’années, l’arbre nommé bakoua, et les feuilles du même nom font pratiquement partie de manière intrinsèque de sa personne. Monsieur Marie-Rose, qui est aussi artiste-peintre à ses heures, et encadrant social, nous révèle que dans sa plus tendre enfance, dès l’âge de 12 ans, la technique du bakoua l’intéresse. Il aimait déjà reproduire à l’identique, le tressage que son père et ses oncles réalisaient. Après leur journée de travail, ces hommes faisaient des chapeaux qu’ils troquaient ou vendaient pour améliorer leur quotidien, allant du chapeau conique du pêcheur pour le protéger du soleil, à celui à bord plus ample de l’agriculteur dans son jardin, sans oublier ceux à bords larges et aux tresses très élaborées, portés par les femmes. De nos jours la mode des chapeaux importés, tels que les panamas, les casques coloniaux, les chapeaux en feutre, les melons ou autres galurins et bérets sont venus détrôner chez certains les chapeaux bakoua comme avec un relent de dénigrement. Mais l’indispensable bakoua semble vissé sur la tête des politiciens, ainsi que de certains bourgeois, tout cela semble-t-il dans l’objectif inavoué, évidemment de faire peuple, car ce chapeau est tout de même resté très populaire.

Le travail du bakoua

Selon notre chapelier, il faut chercher l’arbre, ramasser les feuilles bien mûres pour empêcher qu’elles ne soient piquées par les mites. Les reconnaître comme objet « transformable » pour éviter alors qu’elles ne s’effritent. Les faire sécher, enlever les épines qui se trouvent tout le long des feuilles, assouplir ensuite ces dernières avec un couteau, les traiter, les laisser se reposer puis les découper en lamelle pour faire les brins que l’on va tresser avant de les monter en chapeau. Il existe plusieurs types de tressage selon le nombre de brins que l’on aura pris. L’homme prend en considération l’équilibre du chapeau, sa forme, sa transformation, sa couture… L’originalité de monsieur Marie-Rose c’est qu’il a fait évoluer la tradition. Il produit sur mesure des pièces uniques. Il a une sensation tactile très fine et experte et sait ressentir la qualité, la souplesse de la feuille. Cette sensation est même reconnue les yeux fermés, dit-il. Il explique aussi que les feuilles de l’arbre femelle, se travaillent plus facilement en tressage. 

Chapeau monsieur Marie-Rose !

Une activité gigantesque de répétition d’un même geste est entreprise de l’aube à la nuit tardive, ce qui nécessite assurément une patience extrême et de tous les instants. Le chapeau bakoua d’aujourd’hui bénéficie d’un savoir-faire au service de la modernité et monsieur Marie-Rose a su faire de lui un chapeau qui attire un nouveau modèle de client : ceux qui apprécient les chapeaux de luxe, mais l’homme désabusé ne veut plus rien entendre. Il cède la place et va faire un musée pour montrer les merveilles que l’on peut obtenir avec une simple feuille de bakoua.

Aujourd’hui sans rejeter la tradition, le chapeau bakoua renaît autrement aussi sous des formes variées. La pratique d’un savoir-faire ancestral exerce encore son pouvoir sur ce matériau et continue de mettre en valeur un patrimoine qu’il nous faut maintenir vivant.