La musique traditionnelle

La musique thaïe a enregistré les influences des civilisations comme la Chine, l’Inde ou l’empire khmer. La culture de la deuxième est, par exemple, particulièrement perceptible dans certains instruments originaires d’Inde, que la Thaïlande s’est réappropriée, tels que les phin (luth diatonique originaire de l’Isan), krachap pi et sueng (deux autres formes de luth) ou le pi chanai (une sorte de hautbois). Dans le chakhe, luth à trois cordes, ce sont les influences chinoises d’un instrument, appelé huqin, que l’on décèle.

Bien que les traditions varient énormément d’une région à l’autre, on remarque que, dans l’ensemble, les chants se pratiquent à l’unisson et que les tonalités graves sont la plupart du temps absentes.

Autrement, comme dans la globalité du bassin du Sud-Est asiatique, la Thaïlande cultive, elle aussi, une tradition ancestrale (vieille d’environ 800 ans) d’ensembles orchestraux. Le plus « classique » (entendre : « traditionnel ») est le piphat, originellement destiné à la cour, il accompagne désormais souvent le théâtre et la danse. Dans sa forme commune, il est composé de pi ou de khlui (instruments à vent) et de nombreuses percussions dont le rôle est aussi bien rythmique que mélodique : xylophones, gongs, cymbales ching, tambour taphon

L'ensemble le plus populaire est sans doute le khrueang sai. Signifiant littéralement « ensemble de cordes », cet orchestre est principalement constitué de vièles et de cithares. Son format intimiste permet de produire une musique calme et joyeuse, propice à l’accompagnement de chants, de danses ou de fêtes.

Dernier ensemble d’importance, le mahori n’a rien à voir avec la Polynésie. Il est bel et bien un orchestre purement thaïlandais, traditionnellement féminin et combinant les instruments des ensembles khrueang sai et piphat. Il pratique un jeu doux, support des chants et danses.

Deux noms à écouter et à connaître pour approcher la musique traditionnelle thaïlandaise : Montri Tramote et Luang Pradit Pairoh. Ce dernier est une légende du pays, maître du khong wong yai (impressionnante structure circulaire faite de 16 gongs) dès l’âge de cinq ans et professeur de musique du roi Rama VII et son épouse. D’ailleurs, la famille royale nourrit traditionnellement une passion pour la pratique musicale. De nos jours, c’est la princesse Maha Chakri Sirindhorn qui s’illustre dans le domaine et joue (souvent en concert) de plusieurs instruments traditionnels à la perfection.

La musique populaire

On ne fera pas de styles musicaux plus authentiquement thaïlandais que le luk thung et le mor lam. Le premier, originaire du centre de la Thaïlande, est une sorte de country locale, apparue au XXe siècle, et dont les grands représentants sont Pongsri Woranuch, Pumpuang Duangjan et Suraphon Sombatjalern. Tandis que le second, le mor lam (ou mo lam) serait un héritier, une évolution, du luk thung. Typique de l’Isan (nord-est), le mor lam est, lui aussi, un genre rural, mais il se distingue dans sa forme par son rythme très « groovy » pour une oreille occidentale et l’importance accordée à la voix - et surtout aux performances vocales. Le genre s’est transformé avec le temps en un genre de rock psychédélique branché comme on peut l’entendre dans la fabuleuse compilation Sound of Siam (parue en 2015 chez Soundway Records) et des groupes comme le Paradise Bangkok Molam International Band emmène le genre sur les scènes du monde entier.

L’autre grande forme de musique populaire, c’est la musique dite string. Pas un genre codifié à proprement parler, le terme apparaît comme un synonyme local de « grand public » et désigne une façon de faire de la musique adaptée à la grande majorité des ondes radio et chaînes télévisées du pays. Grand fourre-tout de genres (la plupart occidentaux : rock, dance, hip-hop, pop…),  impossible d’échapper à cette musique ni à ses paroles à l'eau de rose ou ses stars (comme Tata Young) tant elle est omniprésente dans le pays.

La musique classique

Sous son acception occidentale, la musique classique a été introduite à partir du XIXe siècle, sous l’impulsion de la famille royale. Le genre est depuis marqué du sceau d’une certaine aristocratie dans le pays et ne s’adresse vraiment qu’à une élite. Un genre mineur qui comporte tout de même un musicien méritant d’être mentionné : Phra Chen Duriyang (1883-1968). Auteur de l'hymne national, il demeure aussi un des plus grands pianistes du pays et l’artiste ayant introduit les monstres sacrés européens (Bach, Mozart, Beethoven) en Thaïlande, en plus d’être le fondateur du premier orchestre symphonique thaï, au début du XXe siècle. S’il ne fallait retenir qu’un seul nom, ce serait le sien.

Le jazz

Fait amusant, bien qu’il y ait une véritable scène jazz en Thaïlande, l’artiste du genre le plus célèbre du pays est peut-être… feu le roi de Thaïlande Rama IX ou Bhumibol Adulyadej ! Oui, Sa Majesté est un musicien et compositeur de jazz accompli, dont le style était même qualifié de Phleng Phra Ratcha Nipon » (« composition royale »).

Si l’institution du jazz locale est de loin le Saxophone, club de Bangkok proposant une excellente programmation internationale, le sud du pays possède quant à lui un évènement de qualité, le Festival de Jazz de Hua Hin, rendez-vous annuel à l’affiche souvent intéressante.

Le théâtre et la danse

Quiconque a posé le pied un jour en Thaïlande sait à quel point le théâtre et la danse sont ici des trésors nationaux. À commencer par ce bijou emblématique du sud de la Thaïlande qu’est le nora. Drame dansé vigoureux et plein d’adresse, il s’accompagne de chants improvisés et s’exécute sur une musique rapide appelant des mouvements complexes des jambes, bras et doigts. Le nora peut aborder toutes sortes d’épopées héroïques ou se consacrer, comme souvent, aux vies antérieures de Bouddha. Si le nora occupe une place si importante dans le cœur des habitants du sud, c’est parce que cette pratique incorpore les dialectes, la musique et la littérature de la région. Vieux de cinq cents ans, le nora est toujours autant pratiqué et peut s’apercevoir, par exemple, durant les événements religieux dans les temples et s’avère particulièrement présent sur la côte sud-ouest.Une pratique inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité au même titre qu’une autre forme très prisée de drame dansé et masqué : le khon. Interprétée par les mouvements gracieux de danseurs muets (et chantée par un chœur sur le côté de la scène), l’histoire est inspirée par le Ramakien, une épopée d’origine hindoue (le Ramayana) retraçant l’affrontement mythique entre le Bien et le Mal. Hormis son aspect artistique, le spectacle possède une fonction didactique et enseigne de nombreuses valeurs comme le respect pour les aînés et la hiérarchie ou le triomphe du bien sur le mal.Côté danse, les plus emblématiques sont les fone thai regroupant la fone tian (danse des chandelles), fone ngiou (danse du foulard), fone leb (danse des ongles en éventail), fone mahn goum ber (danse du papillon) et fone mahn mong kol (danse de la joie). Autre danse très célèbre, le ram muay est un rituel exécuté avant chaque combat de boxe. Autre pratique très populaire dans le sud de la Thaïlande, le nang yai est une forme de théâtre d'ombres qui se pratique à l’aide de marionnettes grandeur nature, fabriquées en peau de buffle peinte (nang signifie par ailleurs « cuir »). Il existe une variante, appelée nang talung qui se distingue de la précédente par l’utilisation de marionnettes beaucoup plus petites. Le nang yai comme le nang talung mettent généralement en scène des épisodes du Ramakien, sont représentés dans des espaces ouverts, voire en extérieur, et accompagnés d’un ensemble piphat.

Les musiques actuelles

Comme absolument partout ailleurs, la Thaïlande est tombée sous le charme du hip-hop. Après une vague de pionniers dans les années 1990 portée par les artistes Joey Boy, J Jetrin, Thaitanium, BMT ou Dajim, le genre a explosé entre les mains d’artistes comme Youngohm, au flow inégalable, Illslick, plus mélodieux, Og-anic, au style brut ou encore Daboyway, Twopee Southside et MikeSickFlow.

En octobre 2018, s’est déroulé un épisode intéressant dans le paysage rap thaïlandais lorsqu’un groupe appelé Rap Against Dictatorship (RAD) a publié une chanson et un clip vidéo critiquant vivement le gouvernement thaïlandais en place. Un franc succès, la vidéo a récolté des centaines de millions de vues sur YouTube, s’attirant les foudres d’un gouvernement qui a tenté, en vain, d'interdire la chanson (elle est aujourd’hui toujours en ligne).